La subversion de la morale conjugale

Après les synodes extra­or­di­naire et ordi­naire sur la famille qui per­mirent au pape et à son entou­rage de se livrer pen­dant deux ans aux grandes manœuvres du condi­tion­ne­ment, de la mani­pu­la­tion et du mûris­se­ment des esprits ; après un scan­da­leux Motu Proprio sur la pro­cé­dure et les nou­velles causes de nul­li­té de mariage pro­mul­gué le huit sep­tembre der­nier, une Exhortation apos­to­lique de conclu­sion vient de paraître, Amoris Laetitia, le dix-​neuf mars. Elle intro­duit la morale de situa­tion dans son cha­pitre 8. Il me suf­fi­ra de reprendre en bref les appré­cia­tions auto­ri­sées qui ont paru sur ce sujet.

En ver­tu d’un pseu­do prin­cipe de gra­dua­li­té qui vou­drait qu’on n’est pas tenu sur le moment au plein accom­plis­se­ment de la loi divine, l’Exhortation fait du concu­bi­nage, occa­sion pro­chaine de péché s’il en est, une occa­sion de mariage… Elle remet les pécheurs publics en géné­ral et les divor­cés rema­riés en par­ti­cu­lier, au juge­ment de leur conscience. Dans ce docu­ment pon­ti­fi­cal, le prin­cipe pro­tes­tant du libre exa­men est intro­duit. La loi natu­relle, expli­ci­tée pas les 6e et 9e com­man­de­ments se voit ain­si rava­lée au rang de simple source d’ins­pi­ra­tion.

L’homme rem­place Dieu ! Nous sommes en plein sub­jec­ti­visme et donc en plein rela­ti­visme. Telle est la nou­velle morale du pape François. Elle repré­sente en tant que telle une occa­sion de ruine spi­ri­tuelle pour toute l’Église. Les consé­quences suivent déjà : aux Philippines, en Italie (Cf. – Editorial du 22 avril).

Dans les faits, le mariage ne sera plus néces­saire, et son indis­so­lu­bi­li­té sera contour­née. Comprenez que les déve­lop­pe­ments des cha­pitres pré­cé­dents, s’ils peuvent être justes et beaux, pour cer­tains d’entre eux, sont déva­lo­ri­sés, déclas­sés, démo­né­ti­sés sur le champ par ce funeste cha­pitre huit qui nolens volens bénit la licence morale et qui, bien loin d’ai­der les pauvres pécheurs à se récon­ci­lier avec leur Dieu Sauveur, les conforte dans leur péché. Obturer, cau­té­ri­ser les consciences et mettre en grave dan­ger le salut éter­nel des âmes, est-​ce cela la misé­ri­corde, est-​ce cela la pas­to­rale à laquelle nous sommes invi­tés ? La nou­velle tra­duc­tion de la parole du Seigneur à la femme adul­tère serait-​elle : « Va et conti­nue de pécher » ?

Qui pou­vait ima­gi­ner, il y a peu encore, qu’un pape se dres­se­rait contre les com­man­de­ments de la deuxième Table, contre­di­rait l’en­sei­gne­ment exprès de Notre-​Seigneur sur le mariage et ses pro­prié­tés pour admettre la morale de situa­tion au sujet de laquelle le pape Pie XII disait, le 18 avril 1952, lors d’un congrès réunis­sant les jeu­nesses fémi­nines catho­liques : « Jamais l’Église ne l’acceptera ! »

Jusqu’ici, on pou­vait dire sans y regar­der de trop près, que les papes Paul VI, Jean-​Paul II et Benoît XVI avaient tenu les conclu­sions de la morale mal­gré l’a­dop­tion de sou­bas­se­ments per­son­na­listes. Mais l’Église ne cesse de s’ou­vrir au monde pour lequel « la véri­té n’est pas plus immuable que l’homme lui-​même, puis­qu’elle se déve­loppe avec lui, en lui et par lui » (pro­po­si­tion condam­née du décret Lamentabili de saint Pie X) ; elle rend les armes devant les exi­gences d’un monde pour­ris­sant dans le vice ; elle en adopte ou du moins en accepte les mœurs corrompues.

Comment ne nous récrierions-​nous pas, nous prêtres, avec véhé­mence ? Si nous admet­tions cette sub­ver­sion radi­cale de la morale, com­ment conforterions-​nous à l’a­ve­nir les parents qui – au risque d’être incom­pris et reje­tés – mais pour l’a­mour vrai de leurs enfants éga­rés, pour aiguillon­ner leur conscience, se font une sainte et dou­lou­reuse vio­lence de refu­ser sous leur toit le com­pa­gnon ou la com­pagne de leurs dérè­gle­ments ? Devrons-​nous déni­grer cet héroïsme et le taxer d’exagération ?

Pour que le Seigneur Jésus règne dans nos familles, pla­çons ce bon, ce néces­saire, et peut-​être ultime com­bat – au dire de Sœur Lucie de Fatima – sous la pro­tec­tion du Cœur Immaculé de Marie.

Abbé Philippe Nansenet, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X

Sources : Le Petit Eudiste n° 199 de mai 2016