Mgr Schneider revient sur les rapports entre la FSSPX et Rome


Note de la rédac­tion de La Porte Latine :
il est bien enten­du que les com­men­taires repris dans la presse exté­rieure à la FSSPX
ne sont en aucun cas une quel­conque adhé­sion à ce qui y est écrit par ailleurs.

Le 16 février, le blog tra­di­tio­na­liste Rorate Coeli et sa ver­sion his­pa­no­phone Adelante la Fe ont publié cet entre­tien de Mgr Athanasius Schneider, évêque auxi­liaire de l’archidiocèse de Sainte Marie en Astana. Mené par Mauricio Ponce, jour­na­liste pour Adelante, l’entretien aborde plu­sieurs sujets impor­tants pour l’Église Catholique aujourd’hui, mais il com­mence par une dis­cus­sion appro­fon­die de la pos­si­bi­li­té d’un éven­tuel accord entre la Fraternité Saint-​Pie X et Rome.

Nous remer­cions Mgr Schneider d’avoir plai­dé en faveur de la FSSPX et d’avoir défen­du avec clar­té tant de points de la foi et de la morale de l’Église. Nous lui sommes par­ti­cu­liè­re­ment recon­nais­sants pour ses pro­pos sur Luther, sur la com­mu­nion pour les divorcés-​remariés, et sur le devoir de lut­ter contre l’erreur, même si elle vient du Souverain Pontife.

Tout comme la Fraternité elle-​même, l’évêque expose les rai­sons d’être opti­miste, ain­si que des rai­sons de s’inquiéter par rap­port à la struc­ture d’un accord. 

Voici l’a­na­lyse et la réponse du site de la FSSPX des USA à ses propos.

Une Régularisation

Quant à la régu­la­ri­sa­tion de la FSSPX, Mgr. Schneider com­mence par dire qu’il ne faut pas par­ler d’un « accord » qui sous-​entend des dif­fé­rences dans la Foi, mais plu­tôt d’une recon­nais­sance cano­nique de la part du Saint Siège, puisque « dans ce cas, il n’y a aucune dif­fé­rence dans la Foi Catholique. »

Mgr Schneider connaît bien la Fraternité, après avoir visi­té deux de ses sémi­naires. Nous sommes hono­rés de son témoi­gnage sur la Fraternité qui « porte des fruits très évi­dents, visibles et spi­ri­tuels en édi­fiant la Foi Catholique, en trans­met­tant l’intégrité de la Foi et la litur­gie Catholique et la vie chré­tienne, telle qu’elle a été pra­ti­quée pen­dant des siècles(.) »

La Reconnaissance du Saint-Siège

« ….qui est pour toute com­mu­nau­té catho­lique une néces­si­té, un cri­tère indis­pen­sable pour être catho­lique, d’avoir aus­si une connexion cano­nique, visible, avec la Chaire de Pierre, le Vicaire du Christ. C’est un cri­tère de base pour toute œuvre catho­lique dans l’Église. »

Mgr Schneider avance qu’une « connexion cano­nique » avec le Siège de Saint Pierre est un cri­tère de catho­li­ci­té et qu’une mis­sion cano­nique est néces­saire pour avoir un apos­to­lat. S’il veut dire une sou­mis­sion légi­time au Saint Père, nous sommes d’accord ! La Fraternité n’a jamais refu­sé une sou­mis­sion légi­time au Pape, ni rom­pu les liens de la litur­gie et de la pro­fes­sion de la Foi. Si la situa­tion cano­nique est deve­nue irré­gu­lière – aujourd’hui il manque la mis­sion cano­nique – ce ne fut pas la faute de la FSSPX ; c’est plu­tôt Rome, comme l’explique Mgr. Schneider lui-​même, qui l’en a pri­vée injus­te­ment. Mgr Lefebvre a tou­jours main­te­nu que les sanc­tions cano­niques étaient inva­lides parce qu’injustes ; on lui a refu­sé de faire appel. Mgr. Schneider consi­dère (cf. plus loin) le cas dans un ave­nir hypo­thé­tique où la FSSPX – alors régu­la­ri­sée cano­ni­que­ment – se retrou­ve­rait à nou­veau dans une irré­gu­la­ri­té cano­nique si Rome lui met­tait la pres­sion pour aban­don­ner un point essen­tiel de ce qu’elle repré­sente. Il est donc pos­sible d’être catho­lique mal­gré une rup­ture appa­rente des normes cano­nique ! La Fraternité s’est tou­jours appuyée sur la juri­dic­tion de sup­pléance four­nie par l’Église dans les cas d’urgences pour évi­ter que les fidèles soient pri­vés de la grâce des sacrements.

Une ques­tion de justice ?

« La FSSPX a d’abord eu la recon­nais­sance de l’Église telle que Mgr. Lefebvre l’a fon­dée en 1970, mais cette recon­nais­sance fut mal­heu­reu­se­ment reti­rée en 1975. Mgr Lefebvre a fait appel contre cette sup­pres­sion – injuste à mon avis – et son appel fut reje­té.
Si le Saint-​Siège leur accor­dait à nou­veau la recon­nais­sance cano­nique main­te­nant, ce serait en quelque sorte accep­ter l’appel fait par Mgr. Lefebvre en 1975. »

Mgr. Schneider dit qu’une recon­nais­sance cano­nique serait pour le Saint-​Siège une façon de tenir enfin compte de l’appel fait par Mgr Marcel Lefebvre contre la sup­pres­sion injuste de la FSSPX en 1975. C’est pré­sen­ter la solu­tion avec beau­coup d’élégance. Et c’est vrai. Cependant Mgr Schneider n’ignore pas que la rai­son de cette sup­pres­sion injuste de la Fraternité (et du catho­li­cisme tra­di­tion­nel en géné­ral) et la per­sé­cu­tion qui l’a sui­vie viennent pré­ci­sé­ment de désac­cords sur la Foi, « à cause de cette crise pro­fonde de la Foi dans l’Église, » comme il dit, et dans son expres­sion la plus sacrée : le Saint Sacrifice de la Messe.

C’est pour cela que Mgr Bernard Fellay, supé­rieur géné­ral de la FSSPX, à la suite de Mgr Lefebvre, demande que la FSSPX soit recon­nue « telle que nous sommes ». Il main­tient aus­si qu’il faut que nous puis­sions conti­nuer notre refus public et notre lutte contre les erreurs qui empoi­sonnent l’Église, y com­pris dans sa litur­gie, depuis plus de 50 ans.

Comme l’a dit Mg. Bernard Fellay dans son der­nier entre­tien sur Radio Courtoisie :

« Est-​ce qu’une Église qui depuis 40 ans a impo­sé une ligne, qui est cette ligne moderne, une ligne contre laquelle on se bat, à cause de laquelle nous avons été décla­rés schis­ma­tiques, hors de l’Église et tout ce qu’on veut… Est-​ce que cette Église est oui ou non dis­po­sée à nous lais­ser conti­nuer notre chemin ? »

La Prélature per­met­trait à ces cha­pelles de la FSSPX de conti­nuer à exis­ter, mais qu’en serait-​il des nou­velles fondations ?

L’Approbation des Évêques diocésains

« C’est une loi géné­rale dans l’Église…une pra­tique ordi­naire de l’Église. … Ce n’est pas – à mon avis – une ques­tion qui pose­ra problème… »

Mgr Schneider a abor­dé entre autres la ques­tion du sta­tut des cha­pelles de la Fraternité si la régu­la­ri­sa­tion est accor­dée. Comme il sou­ligne, l’usage tra­di­tion­nel dans l’Église est que l’évêque local doit d’abord approu­ver tous les lieux de culte dans sa juri­dic­tion cano­nique [NDLR de LPL : Droit Canon1983/​livre5/​Titre IV/§1304 ]. Ceci est inquié­tant dans la mesure où beau­coup d’évêques res­tent oppo­sés à la FSSPX et à la Tradition. Néanmoins, Mgr Schneider affirme que, d’après ce qu’il a com­pris, si on pro­pose à la Fraternité une pré­la­ture per­son­nelle, ses cha­pelles exis­tantes pour­raient conti­nuer à exis­ter sans l’approbation de l’ordinaire. La per­mis­sion serait requise uni­que­ment pour les nou­velles fon­da­tions. D’après Mgr Schneider, ce ne serait pas un pro­blème, puisque la FSSPX a déjà trop de tra­vail et qu’il y a déjà plein d’évêques dans le monde qui accep­te­raient volon­tiers que la Fraternité vienne dans leurs diocèses.

Mgr. Fellay a dit le 26 jan­vier en par­lant de la pos­si­bi­li­té d’une pré­la­ture per­son­nelle : « Le pro­blème ne réside pas dans la struc­ture cano­nique. » Au contraire, même si « il y a encore des points, disons de détail, à per­fec­tion­ner… (et) des points à dis­cu­ter, » la pré­la­ture per­son­nelle « est conve­nable : elle cor­res­pond à nos besoins. » De plus, même si nous sommes d’accord avec Mgr Schneider que l’Église ne peut pas être consi­dé­rée comme une ins­ti­tu­tion pure­ment humaine mais doit être vue plu­tôt comme une enti­té sur­na­tu­relle, Mgr Fellay mar­tèle que la Fraternité doit rece­voir des garan­ties sur le fait qu’on ne lui deman­de­ra pas de pro­fes­ser les erreurs du Concile du Vatican II et, bien sûr, elle aura tou­jours la liber­té de lut­ter contre elles. Voici ce qu’il dit :

« Donc j’ai fait savoir à Rome, sans aucune ambi­guï­té, que, de la même manière que Mgr Lefebvre l’avait déjà dit dans son temps, il y a une condi­tion sine qua non, c’est-à-dire, si cette condi­tion n’est pas rem­plie, nous on ne bouge pas. Et cette condi­tion, c’est que nous pou­vons res­ter tels que nous sommes, cela veut dire gar­der tous les prin­cipes qui nous ont main­te­nus en vie, qui nous ont main­te­nus comme catho­liques. »

Que veut le Saint Père ?

Une autre cause d’inquiétude, ce sont les inten­tions du Pape François. Etant don­né l’intervention du Pape dans les affaires des Franciscains de l’Immaculé (un ordre qui célé­brait sou­vent la Messe Tridentine), pour­quoi est-​il aus­si pres­sé de tendre une main ami­cale à la FSSPX ? Sur ce point, Mgr Schneider met en garde contre un juge­ment hâtif des inten­tions du Saint Père, tout en avouant que « les cir­cons­tances (actuelles) » dans l’Église « peuvent nous mener à sup­po­ser que l’intention (du Pape) ne serait pas bonne. » Et si le Saint Siège devait mettre une pres­sion sur la Fraternité pour chan­ger ou être abo­lie, voi­ci ce que dit Mgr Schneider :

« Ce serait à eux (les prêtres) de résis­ter et de pré­ser­ver leur iden­ti­té… (C’est) un cas hypo­thé­tique : nous ne pou­vons pré­voir l’avenir…, (mais) dans cette situa­tion extrême où dans l’avenir ou bien des années après l’établissement de la pré­la­ture, le Saint Siège deman­de­rait qu’ils changent quelque chose pour aller contre ce qu’ils sont, ils seraient obli­gés de résis­ter (et de dire 🙂 ‘C’est injuste, cela va contre l’intention avec laquelle nous avons accep­té la pré­la­ture ; cela détrui­rait notre cha­risme. » … Alors ils devraient dire…avec le plus grand res­pect pour le Saint Siège, ‘Vous pou­vez reti­rer la Prélature, nous n’en avons pas besoin ; le plus impor­tant, c’est de pré­ser­ver notre iden­ti­té pour le bien de l’Église, non pas le nôtre mais celui de l’Église.’ C’est un cas hypo­thé­tique dans lequel ils auraient à renon­cer à la pré­la­ture et conti­nuer tels qu’ils sont. Alors ils n’ont rien à perdre. C’est à eux de pré­ser­ver leur identité. »

Il sem­ble­rait que Mgr Schneider recon­naît que ce que la FSSPX fait depuis plus de 40, c’est-à-dire, pré­ser­ver la Tradition catho­lique contre les accu­sa­tions et les actions injustes de la part du Sa int-​Siège, est légi­time. Et, ce qui est tout aus­si impor­tant, il semble recon­naître que la lutte de Mgr Lefebvre contre la sup­pres­sion de la FSSPX était juste.

Vatican II – Un Concile Pastoral

« Les Papes Jean XXIII et Paul VI ont décla­ré à plu­sieurs reprises que le (deuxième) Concile (du Vatican) était essen­tiel­le­ment un concile pas­to­ral et non pas doc­tri­nal ou dog­ma­tique. L’intention de l’Église était de ne pas don­ner avec les docu­ments un ensei­gne­ment défi­ni­tif. Quand il n’y a pas d’enseignement défi­ni­tif, il peut encore y avoir des déve­lop­pe­ments sur ces points, ou des corrections. »

Quant au deuxième Concile du Vatican et les erreurs et ambi­guï­tés pré­sentes dans cer­tains de ses textes, Mgr Schneider insiste sur le fait que Vatican II n’est que pas­to­ral, et que ces points contro­ver­sés ne peuvent pas être impo­sés ; ils res­tent ouverts à la dis­cus­sion. Il pro­pose comme exemple la ques­tion du sacre­ment de l’ordre qui a été pré­sen­té pour la pre­mière fois par le Concile Œcuménique de Florence, mais défi­ni infailli­ble­ment seule­ment par Pie XII, et cela contre la thèse pré­sen­tée à Florence à l’origine.

Nous nous réjouis­sons de voir Mgr Schneider insis­ter sur ce point fon­da­men­tal de la « nature pas­to­rale » du Concile et dénon­cer la « papo­lâ­trie » exces­sive qui accen­tue déme­su­ré­ment la crise depuis plus d’un demi-​siècle. Néanmoins, il faut aus­si recon­naître que les pro­po­si­tions de ce Concile « pas­to­ral » ont été impo­sées aux fidèles comme des dogmes.

Les objec­tions de la Fraternité contre le Concile ne portent pas sur des doc­trines qui n’ont jamais été cla­ri­fiées par l’Église mais plu­tôt sur des erreurs qui ont déjà été condam­nées clai­re­ment et infailli­ble­ment par le Magistère de l’Église (cf : « Un Nouveau Magistère »).

Tant que ces erreurs sont pro­mues par la hié­rar­chie de l’Église et les prêtres, la Fraternité doit conti­nuer à lut­ter, quels que soient son sta­tut et sa struc­ture canoniques. 

Sources : Rorate Coeli /​Adelante la Fe /​/​Traduction de Mary Carlisle-​Molliné pour La Porte Latine du 5 mars 2017