1er février 1963

Réponse de Mgr Lefebvre à Mgr Fauret

Cher Monseigneur,

Heureusement qu’il arrive par­fois des lettres qui n’apportent pas que des louanges, cela com­pense uti­le­ment celles plus fré­quentes qui en expriment.

L’humilité y gagne, je l’espère et ce serait déjà un heu­reux pro­fit. S’il est vrai que des années ont pas­sé depuis le temps de notre jeu­nesse gabo­naise et qu’avec l’âge, on prend un peu de sagesse, néan­moins les conseils fra­ter­nels sont tou­jours bienvenus.

En ce qui concerne la lettre à la Cité catho­lique, elle a été rédi­gée, il y a bien­tôt un an, au mois de février l’an der­nier. J’étais évêque nom­mé de Tulle et en consé­quence je n’engageais nul­le­ment la Congrégation. Que des membres de la Congrégation n’aient pas été de mon avis, c’est cer­tain, mais j’étais par­fai­te­ment en droit d’agir comme je l’ai fait. Je ne pou­vais être plus étran­ger à la Congrégation que lorsque j’étais à Tulle.

Vous avez pu consta­ter vous-​même qu’au Concile, tout le monde n’est pas du même avis. Il y a encore un peu de liber­té dans la Sainte Église ! C’est pro­ba­ble­ment pour me punir de mon manque de sagesse que j’ai été fait Supérieur géné­ral, flan­qué de six conseillers, des Provinciaux, sans par­ler des quarante-​trois évêques !… Me voi­là sérieu­se­ment enca­dré. Je recon­nais volon­tiers que je suis moins à l’aise que quand j’étais évêque !…

Enfin je me recom­mande bien à vos prières pour que l’Esprit Saint me donne le don de conseil qui est spé­cia­le­ment celui des Supérieurs car je m’en vou­drais de ne pas être par­fai­te­ment en confor­mi­té avec la volon­té de Dieu et de mes Supérieurs.

Vous remer­ciant encore bien sin­cè­re­ment de votre lettre fra­ter­nelle, je vous prie de croire, cher Monseigneur, à mon res­pec­tueux et bien fidèle atta­che­ment en Notre Seigneur.

† Marcel Lefebvre

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.