9 octobre 1963

Troisième intervention de Mgr Lefebvre au concile sur la collégialité

Vénérables Pères,

L’introduction affirme bien que « main­te­nant, le Concile Vatican II com­mence à trai­ter des sujets pro­pre­ment et stric­te­ment pas­to­raux » ; tou­te­fois, ces sujets ne peuvent être étu­diés à fond et en toute véri­té, si l’on ne s’appuie pas sur des prin­cipes théo­lo­giques certains.

Deux affir­ma­tions s’imposent donc, à mon avis, à pro­pos du cha­pitre I qui traite des rela­tions entre les évêques et le Souverain pontife.

1° Tel qu’il est rédi­gé, ce cha­pitre est fon­dé cer­tai­ne­ment et excel­lem­ment sur des prin­cipes cer­tains et défi­nis, sur­tout à Vatican I, de foi divine catholique.

Ce cha­pitre concorde très bien aus­si avec les paroles du Souverain pon­tife dans ses récentes allo­cu­tions. En effet, par­lant des évêques adjoints à l’exercice de sa fonc­tion, le Souverain pon­tife dit expli­ci­te­ment : « confor­mé­ment à la doc­trine de l’Eglise et à la loi cano­nique ». L’avis du Souverain pon­tife ne pos­tule aucu­ne­ment un prin­cipe nou­veau. Le canon 230 affirme déjà : « Les Révérendissimes et Eminentissimes Cardinaux consti­tuent le Sénat du Pontife romain et assistent celui-​ci dans le gou­ver­ne­ment de l’Eglise, comme prin­ci­paux conseillers et auxiliaires. »

Toutefois, pour sau­ve­gar­der de toute manière les prin­cipes cer­tains, deux amen­de­ments me semblent s’imposer :

  • Page 6, ligne 16 : aux mots « soit pour gar­der l’unité de l’Eglise » sub­sti­tuer les termes du droit cano­nique, canon 220, « soit par la loi positive ».
  • Page 7, lignes 22 et 23 : sup­pri­mer les mots « doivent être dési­gnés par la Conférence épis­co­pale natio­nale », cela, afin de sau­ve­gar­der plei­ne­ment la liber­té du Souverain pon­tife dans l’exercice de son pouvoir.

2° Comme les rela­tions entre les évêques et le Souverain pon­tife doivent être fon­dées sur des prin­cipes abso­lu­ment cer­tains, en aucune façon il ne peut être fait men­tion du prin­cipe de col­lé­gia­li­té juri­dique ; en effet, comme l’a dit l’Eminentissime car­di­nal Browne, ce prin­cipe de col­lé­gia­li­té juri­dique ne peut être prouvé.

Si, en ce Concile, on le découvre comme par miracle et on l’affirme solen­nel­le­ment, il faut logi­que­ment affir­mer, comme l’a presque affir­mé l’un des Pères : « L’Eglise romaine s’est trom­pée en igno­rant le prin­cipe fon­da­men­tal de sa divine Constitution, à savoir le prin­cipe de col­lé­gia­li­té juri­dique. Et cela, durant de longs siècles. »

Il faut aus­si affir­mer logi­que­ment que les Pontifes romains ont abu­sé de leur pou­voir jusqu’aujourd’hui, en déniant aux évêques des droits qui leur reviennent de droit divin. Ne pourrions-​nous pas, alors, dire au Souverain pon­tife ce que d’aucuns lui ont dit en termes équi­va­lents : « Rends ce que tu dois » ?

Or, cela est gro­tesque et sans le moindre fondement.

En conclu­sion : si nous par­lons de col­lé­gia­li­té morale, qui la nie ? Tout le monde l’admet. Seulement, cette col­lé­gia­li­té n’engendre que des rela­tions morales. Si nous par­lons de col­lé­gia­li­té juri­dique, alors, comme l’a très bien dit S. Exc. Monseigneur Carli, « on ne peut la prou­ver ni par la Sainte Ecriture, ni par la théo­lo­gie, ni par l’histoire ».

Il est donc plus sage de ne pas recou­rir à ce prin­cipe, puisqu’il n’est nul­le­ment certain.

† Marcel Lefebvre

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.