Paul VI : « La fumée de Satan est entrée dans le peuple de Dieu » – 29 juin 1972

« Devant la situa­tion de l’Église d’au­jourd’­hui, nous avons le sen­ti­ment que par quelque fis­sure la fumée de Satan est entrée dans le peuple de Dieu. Nous voyons le doute, l’in­cer­ti­tude, la pro­blé­ma­tique, l’in­quié­tude, l’in­sa­tis­fac­tion, l’af­fron­te­ment. On n’a plus confiance dans l’Église. On met sa confiance dans le pre­mier pro­phète pro­fane venu qui vient à nous par­ler de la tri­bune d’un jour­nal ou d’un mou­ve­ment social, et on court après lui pour lui deman­der s’il pos­sède la for­mule de la vraie vie, sans pen­ser que nous en sommes déjà en pos­ses­sion, que nous en sommes les maîtres. Le doute est entré dans nos consciences, et il est entré par des fenêtres qui devraient êtres ouvertes à la lumière. La cri­tique et le doute sont venus de la science, laquelle pour­tant est faite pour nous don­ner des véri­tés qui non seule­ment ne nous éloignent pas de Dieu, mais nous le font cher­cher encore davan­tage et le célé­brer plus inten­sé­ment. Les savants sont ceux qui courbent la tête, qui s’in­ter­rogent le plus dou­lou­reu­se­ment. Ils finissent par dire : « Je ne sais pas, nous ne savons pas, nous ne pou­vons pas savoir ». L’enseignement devient source de confu­sion et de contra­dic­tions par­fois absurdes. On célèbre le pro­grès pour pou­voir ensuite le démo­lir par les révo­lu­tions les plus étranges et les plus radi­cales, pour renier toutes les conquêtes, pour rede­ve­nir pri­mi­tifs après avoir tant exal­té les pro­grès du monde moderne. Dans l’Église éga­le­ment règne cet état d’incertitude.

On croyait qu’a­près le Concile le soleil aurait brillé sur l’his­toire de l’Église. Mais au lieu de soleil, nous avons eu les nuages, la tem­pête, les ténèbres, la recherche, l’in­cer­ti­tude. Nous prê­chons l’œcuménisme, et nous nous sépa­rons tou­jours davan­tage les uns des autres. Nous cher­chons à creu­ser des abîmes au lieu de les col­ma­ter. Comment cela a‑t-​il pu se pro­duire ? Une puis­sance adverse est inter­ve­nue dont le nom est le diable, cet être mys­té­rieux auquel saint Pierre fait allu­sion dans sa lettre. Combien de fois, dans l’Évangile, le Christ ne nous parle-​t-​il pas de cet enne­mi des hommes ! Nous croyons à l’ac­tion de Satan qui s’exerce aujourd’­hui dans le monde pré­ci­sé­ment pour trou­bler, pour étouf­fer les fruits du Concile œcu­mé­nique, et pour empê­cher l’Église de chan­ter sa joie d’a­voir repris plei­ne­ment conscience d’elle-​même. Et c’est pour­quoi nous vou­drions, aujourd’­hui plus que jamais, être capables d’exer­cer la fonc­tion, confiée par Dieu à Pierre, de confir­mer nos frères dans la foi. Nous vou­drions vous com­mu­ni­quer ce cha­risme de la cer­ti­tude que le Seigneur donne à celui qui le repré­sente sur cette terre, quelle que soit son indi­gni­té. La foi nous donne la cer­ti­tude, l’as­su­rance, lors­qu’elle se fonde sur la Parole de Dieu, accep­tée et recon­nue comme conforme à notre rai­son et à notre âme humaine. Celui qui croit avec sim­pli­ci­té, avec humi­li­té, sent qu’il est sur la bonne voie, qu’il a un témoi­gnage inté­rieur qui le récon­forte dans la dif­fi­cile conquête de la Vérité.

Le Seigneur est lui-​même lumière et Vérité pour celui qui accepte sa Parole. Et alors sa Parole n’est plus un obs­tacle sur le che­min de la Vérité et de l’être, mais une échelle par laquelle nous pou­vons mon­ter à la conquête du Seigneur qui se montre à nous par la foi, laquelle est anti­ci­pa­tion et garan­tie de la vision défi­ni­tive. Nous savons que, dans l’hu­ma­ni­té d’au­jourd’­hui, il existe un très grand nombre d’âmes humbles, simples, pures, droites, fortes, qui suivent l’in­vi­ta­tion de Saint Pierre à être « forts dans la foi ». Nous vou­drions que cette force de la foi, cette assu­rance, cette paix, triomphent de tous les obs­tacles. Nous invi­tons tous les fidèles à un acte de foi simple et sin­cère, à un effort psy­cho­lo­gique pour arri­ver à pro­non­cer au plus intime d’eux-​mêmes cet acte conscient d’adhé­sion : « Seigneur, je crois dans ta parole, je crois dans ta révé­la­tion, je crois en celui que tu m’as don­né comme témoin et garant de la révé­la­tion, pour éprou­ver avec la force de la foi l’an­ti­ci­pa­tion de la béa­ti­tude de la vie qui nous est pro­mise avec la foi. »

Paul VI – Homélie du 29 juin 1972