Trahison. La conférence épiscopale américaine et les Juifs

Dans un docu­ment publié le 12 août sous le titre Reflections On Covenant And Mission (Réflexions sur l’Alliance et la Mission), la confé­rence épis­co­pale amé­ri­caine publie un docu­ment tra­vaillé conjoin­te­ment par le Conseil natio­nal des syna­gogues et les délé­gués du Comité des évêques pour les affaires œcu­mé­niques et inter-religieuses.

Les premiers paragraphes livrent la thèse de ce travail :

» Une appré­cia­tion plus appro­fon­die de l’Alliance éter­nelle entre Dieu et le peuple juif, ain­si qu’une recon­nais­sance d’une mis­sion divi­ne­ment don­née aux Juifs de témoi­gner de l’amour fidèle de Dieu, ont conduit à la conclu­sion que des cam­pagnes qui vise­raient à vou­loir conver­tir les Juifs au chris­tia­nisme ne sont plus accep­tables théo­lo­gi­que­ment dans l’Eglise catholique. »

» Les réflexions des Juifs décrivent la mis­sion des Juifs et la per­fec­tion du monde. On voit trois aspects dans cette mis­sion. Premièrement il y a les obli­ga­tions qui découlent comme un résul­tat de l’élection pleine d’amour du peuple juif pour une alliance avec Dieu. Deuxièmement, il y a une mis­sion de témoi­gner du pou­voir rédemp­teur de Dieu dans le monde. Troisièmement, le peuple juif a une mis­sion qui s’adresse à tous les êtres humains. Les réflexions juives se concluent par un appel pres­sant aux Juifs et aux chré­tiens pour qu’ils mettent sur pied un pro­gramme com­mun pour gué­rir le monde. »

Alors que les catho­liques font des conces­sions qui confinent à la tra­hi­son de leur foi en Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, il appa­raît d’emblée que les Juifs en res­tent à une simple des­crip­tion de qu’ils consi­dèrent comme leur mission.

Pour en arri­ver à la conclu­sion que le tra­vail de conver­sion auprès des Juifs est théo­lo­gi­que­ment infon­dé, le texte part d’un prin­cipe équi­voque qu’il déve­loppe à l’aide d’autres équivoques.

Avant d’entrer en la matière, les auteurs du docu­ment montrent cepen­dant que leur tra­vail se situe dans la conti­nui­té avec d’autres docu­ments du magis­tère post-​conciliaire. Il sera inté­res­sant d’étudier à l’occasion cette conti­nui­té qui les fait abou­tir aux conclu­sions actuelles.

Résumons ici les arguments employés :

Premier argu­ment : il s’inspire du docu­ment conci­liaire Nostra ætate : » Nostra Aetate a lan­cé cette pen­sée en citant Romains 11 : 28–29 et en décri­vant le peuple juif comme « très cher à Dieu, à cause des patriarches, puisque Dieu ne reprend pas les dons qu’il a accor­dés ou le choix qu’il a fait ».[1] Jean-​Paul II a expli­ci­te­ment ensei­gné que les Juifs sont « le peuple de Dieu de l’Ancienne Alliance, jamais révo­quée par Dieu » ».[2] Or, l’alliance n’ayant pas été révo­quée, le judaïsme est donc la voie de salut pour les Juifs. Il en découle qu’un tra­vail de conver­sion n’a pas de fondement.

Mettant en relief l’alliance conclue par Dieu avec Abraham, les pro­ta­go­nistes du dia­logue avec les Juifs se taisent sur la répu­dia­tion de cette alliance par les Juifs, le Vendredi Saint. Certes, » Dieu ne se repent pas de ses dons « , mais une alliance sup­pose la fidé­li­té des deux par­ties. Or, il est mani­feste que les Juifs ont bri­sé l’alliance en reniant le Christ, Fils de Dieu.

Deuxième argu­ment : Nous pou­vons le résu­mer par une cita­tion de Nostra ætate : » L’Eglise croit que le Christ, notre paix, a récon­ci­lié les Juifs et les Gentils par sa Croix et en lui-​même, des deux a fait un seul « . Ce prin­cipe se trouve de façon sous-​jacente à beau­coup d’affirmations du pré­sent document.

Nous répon­dons qu’il est vrai dans la mesure où cette nou­velle uni­té réa­li­sée par le Christ sup­pose la conver­sion des Juifs (les apôtres et les pre­mières com­mu­nau­tés chré­tiennes en sont des exemples) ; ce prin­cipe est faux si on entend par là qu’il y a récon­ci­lia­tion des deux, sans conver­sion des Juifs au Christ.

Troisième argu­ment : » La mis­sion de l’Eglise est d’évangéliser, c’est-à-dire de pré­pa­rer le monde pour le Royaume de Dieu« ; or » les Juifs sont aus­si appe­lés par Dieu à pré­pa­rer le monde pour le Royaume de Dieu » ; donc » leur témoi­gnage en faveur du royaume qui n’a pas pris son ori­gine avec l’expérience que l’Eglise a eu du Christ cru­ci­fié et res­sus­ci­té ne doit pas être res­treint par la recherche de la conver­sion du peuple juif au chris­tia­nisme. »

Cet argu­ment contient deux équivoques :

- La pre­mière concerne la notion de Royaume de Dieu et la pré­pa­ra­tion à celui-​ci. La notion de Royaume de Dieu reste floue [3], par contre ce qui y pré­pare, l’évangélisation, est assez clai­re­ment défi­ni et nous donne ain­si une idée plus pré­cise du Royaume de Dieu : » L’évangélisation est une réa­li­té com­plexe, par­fois mal com­pris et réduite à un effort de recherche de nou­veaux can­di­dats au bap­tême. » (…)  » L’évangélisation inclut les acti­vi­tés ecclé­siales de pré­sence et de témoi­gnage : enga­ge­ment pour le déve­lop­pe­ment social et la libé­ra­tion humaine, le culte chré­tien, prière et contem­pla­tion, le dia­logue inter-​religieux, la pro­cla­ma­tion et la caté­chèse. » » …pré­pa­rer le monde à la venue du Messie en tra­vaillant ensemble pour la jus­tice sociale, le res­pect des droits des per­sonnes et des nations et pour la récon­ci­lia­tion sociale et inter­na­tio­nale. » La mis­sion de pré­pa­rer la venue du Royaume de Dieu est décla­rée être chose com­mune aux deux reli­gions, un royaume duquel le Christ est donc exclus ! »

- La seconde équi­voque concerne la mineure de l’argument : oui, dans l’ancien Testament, les Juifs – en tant que peuple élu – ont été appe­lés par Dieu à pré­pa­rer le monde pour le Royaume de Dieu, c’est-à-dire pour pré­pa­rer la venue du Sauveur et ser­vir d’instrument de salut pour les âmes. Mais suite à leur renie­ment du Sauveur, ils ne sont plus appe­lés à être ins­tru­ment de salut.

Le Messie n’est pas encore venu. Le dérou­le­ment logique de l’argumentaire en vient à nier le Christ. Certaines affir­ma­tions sont tel­le­ment ambi­guës qu’on pour­rait en déduire que les catho­liques se rangent à la thèse des Juifs que le Messie ne serait pas encore venu : « Attentifs au même Dieu qui a par­lé, dépen­dants du même Verbe, nous avons à rendre témoi­gnage à un seul et même sou­ve­nir et à une espé­rance com­mune en lui qui est le Maître de l’histoire. Nous devons aus­si accep­ter notre res­pon­sa­bi­li­té à pré­pa­rer le monde pour l’avènement du Messie… »

Lisant cer­taines affir­ma­tions, on peut se deman­der pour­quoi Dieu a envoyé le pro­phète Jésus, alors que la pre­mière alliance était si par­faite. Le docu­ment cite, en l’occurrence, le pape Jean-​Paul II ; « pres­sant tous les chré­tiens à se sou­ve­nir « com­ment la per­ma­nence d’Israël est accom­pa­gnée d’une conti­nuelle fécon­di­té spi­ri­tuelle, dans la période rab­bi­nique, au Moyen Age et dans les temps modernes, pre­nant sa source dans un patri­moine que nous avons long­temps par­ta­gé, à tel point que la foi et la vie reli­gieuse du peuple juif telles qu’elles sont pro­fes­sées et pra­ti­quées encore aujourd’hui, peut gran­de­ment nous aider à mieux com­prendre cer­tains aspects de la vie de l’Eglise » (Jean-​Paul II, 6 mars 1982) ».

Aboutissement de l’argumentaire : l’exclusion posi­tive des Juifs du salut par le Christ. Le docu­ment cite le car­di­nal Kasper : « La grâce de Dieu – qui est la grâce de Jésus-​Christ, selon notre foi – est dis­po­nible pour tous. C’est pour­quoi, l’Eglise croit que le judaïsme, c’est-à-dire la réponse fidèle du peuple juif à l’alliance irré­vo­cable avec Dieu, est source de salut pour eux, car Dieu est fidèle dans ses pro­messes ».

Avec de tels faux prin­cipes, la conclu­sion est logique : « Le tra­vail d’évangélisation n’inclut plus le désir d’absorber la foi juive dans la chré­tien­té et ain­si de mettre un terme au témoi­gnage DISTINCT que les Juifs rendent à Dieu dans l’histoire humaine. »

Nous répon­dons : le judaïsme était sal­vi­fique pour eux dans l’ancien Testament, mais depuis la venue du Christ, il n’est plus la réponse adé­quate et fidèle à l’alliance divine.

Le texte conclut : » Avec le peuple juif, l’Eglise catho­lique, selon les mots de Nostra ætate, » attend le jour, connu de Dieu seul, où tous les peuples invo­que­ront Dieu d’une seule voix et le ser­vi­ront sous un même joug. »[4]

A la fin de ce texte, il est mani­feste que les auteurs parlent ici d’une uni­té des deux peuples dans l’attente du Messie, sans conver­sion des Juifs. Cela ne peut se conce­voir qu’en reniant Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, vrai Dieu et Sauveur, la Voie par lequel passe le salut de tout homme, juif ou gen­til, « car il n’y a pas d’autre nom qui nous ait été don­né sous le ciel par lequel nous puis­sions être sau­vés. » (Actes 4,12)

Des baptistes américains plus catholiques que le pape

Ce docu­ment a atti­sé une contro­verse se mani­fes­tant dans dif­fé­rents milieux et pre­nant place jusque dans les grands médias. Le Père John Echert, pro­fes­seur d’Ecriture Sainte à l’Université St-​Thomas et au sémi­naire St-​Paul de Minneapolis a affir­mé clai­re­ment que ce texte est  » contraire à la révé­la­tion divine ». Il « sert à révé­ler la pen­sée de cer­taines per­sonnes qui occupent des posi­tions impor­tantes au sein de la Conférence natio­nale des évêques des Etats-​Unis. (…) Si ce docu­ment venait à être approu­vé tel quel, comme il se pré­sente à l’heure actuelle, je vais consi­dé­rer sérieu­se­ment l’idée que nous nous diri­geons vers un des signes de la fin des temps, c’est-à-dire vers l’apostasie », a‑t-​il ajouté.

La Convention bap­tiste du Sud a éga­le­ment réagi en affir­mant par son porte-​parole, Jim Sibley, que ce texte « a effec­ti­ve­ment pour but l’exclusion des Juifs de la pro­cla­ma­tion de l’évangile. (…) Il n’existe pas une forme d’antisémitisme plus extrême ».

Raisons cachées ?

Pour finir, notons un élé­ment extrin­sèque au texte, élé­ment non négli­geable dans le contexte actuel et qui per­met de consi­dé­rer le pro­blème engen­dré par la prise de posi­tion des évêques amé­ri­cains dans son éten­due réelle. En effet, ce texte paraît alors que l’Eglise en Amérique subit les pires assauts de ses enne­mis. Loin de nous tout juge­ment témé­raire. En tous cas, le fait est que la crise va en se cal­mant aux Etats-​Unis et les attaques des enne­mis de l’Eglise se foca­lisent depuis un mois sur l’Australie où Mgr Pell, arche­vêque de Sydney – ardent défen­seur de l’Eglise contre les groupes homo­sexuels.[5] – vient de subir des attaques calom­nieuses qui l’ont pous­sé à se reti­rer en atten­dant la fin de l’enquête.[6]

« Il y a deux mys­tères de l’histoire, a dit un écri­vain juif : Jésus est un mys­tère comme Israël est un mys­tère. Et quand vous met­tez ensemble ces deux mys­tères, voulez-​vous que je vous dise ce qui se passe ? Il y a un troi­sième mys­tère plus mys­té­rieux à lui seul que les deux autres ! ».[7]

Source : MG/​FSSPX

Notes de bas de page
  1. Nostra ætate, § 4[]
  2. Allocution à la com­mu­nau­té juive de Mayence, 17 novembre 1980[]
  3. Une étude appro­fon­die du docu­ment pour­rait repla­cer celui-​ci dans le contexte idéo­lo­gique post Nostra ætate et défi­nir plus pré­ci­sé­ment cette notion de Royaume de Dieu. Un cer­tain nombre d’éléments du docu­ment pré­sent sont cepen­dant déjà des indi­ca­teurs ; ain­si, la deuxième par­tie » Réflexions juives » est sous-​titrée : La mis­sion des Juifs et la per­fec­tion du monde. Ce texte montre l’idéal juif qui est d’arriver à la per­fec­tion du monde pré­sent. La concep­tion du royaume de Dieu qu’ont les catho­liques modernes n’est pas loin.[]
  4. Soph. 3, 9 ; voir Is. 66, 23 ; Psaume 65, 4 ; Rom 11, 11–32.[]
  5. Mgr Pell est connu pour être la cible de groupes per­vers aus­tra­liens, ayant refu­sé la com­mu­nion à des homo­sexuels pra­ti­quants et décla­rés.[]
  6. L’archevêque de Sydney est accu­sé d’un fait qui aurait eu lieu il y a 40 ans, et qui, comme par hasard, éclate au grand jour aujourd’hui, dans le contexte que nous connais­sons…[]
  7. Jésus racon­té par le juif errant, Ed. Fleg, p. 177 – cité par l’abbé Julio Meinvielle in Le judaïsme dans le mys­tère de l’histoire.[]