Mgr Fellay – L’attitude de la Fraternité dans les récentes discussions avec Rome

Nous remer­cions Mgr Bernard Fellay qui nous a don­né une auto­ri­sa­tion spé­ciale pour publier des extraits du Cor Unum n° 68 du 28 février 2001.

L’attitude de Rome

(…) Il faut nous pla­cer sur un domaine plus objec­tif, celui des faits. Quelle ligne Rome suit-​elle depuis trente ans ? Voit-​on quelques chan­ge­ments dans cette ligne ? La solu­tion qu’on nous pro­pose s’inscrit-elle dans cette ligne ? Correspond-​elle à nos attentes, nous permet-​elle de vivre, tout sim­ple­ment ? Car il est clair que nous n’entendons rien chan­ger à la Tradition, à la sainte messe, à la sainte doc­trine. Quant à la ligne géné­rale, nous ne voyons aucun acte ou docu­ment qui puisse indi­quer un chan­ge­ment de direc­tion à Rome. Au contraire, l’année jubi­laire a bien accom­pli tout le pro­gramme pré­vu et annon­cé par le Pape Jean-​Paul II il y a déjà plus de six ans. Un oecu­mé­nisme effré­né que nous avons bien déplo­ré et contes­té. La demande de par­don, la jour­née des témoins de la foi, la béa­ti­fi­ca­tion de Jean XXIII en sont les illus­tra­tions les plus écla­tantes. (…) La réfé­rence à laquelle on ren­voie pour jus­ti­fier les actes et les décla­ra­tions est tou­jours le Concile Vatican II et son esprit. En cette fin de pon­ti­fi­cat, il y a de nom­breux mécon­tents dans la Curie, et un cer­tain nombre le sont pour de bonnes rai­sons, mais les vraies bonnes volon­tés semblent peser bien fai­ble­ment à côté du mal immense qui conti­nue de se faire.

S’il est vrai, par exemple, que le docu­ment du car­di­nal Ratzinger Dominus Jesus rap­pelle bon nombre de véri­tés tra­di­tion­nelles d’une manière inha­bi­tuel­le­ment forte, cepen­dant le même docu­ment contient toutes les nou­veau­tés de Vatican II en ce qui concerne les rela­tions avec les autres reli­gions, chré­tiennes ou non.

En outre, les diverses opé­ra­tions entre­prises contre la Fraternité St. Pierre et les autres mou­ve­ments Ecclesia Dei ces deux der­nières années, montrent très net­te­ment l’intention de Rome de finir par faire épou­ser à tous les sujets de la com­mis­sion Ecclesia Dei autant l’enseignement de Vatican II que la nou­velle litur­gie. (…) Dans une lettre à Michael Davies, le pré­sident d’Una Voce International, le car­di­nal Castrillon Hoyos écrit que, par­mi les condi­tions men­tion­nées dans le décret de la messe d’indult de 1984 (Quattuor abhinc annos), la seule qu’Ecclesia Dei consi­dère comme encore en vigueur est le « nul­lam par­tem » : on n’accordera la célé­bra­tion de l’ancienne messe qu’à ceux qui n’ont aucune part avec ceux qui mettent en ques­tion l’orthodoxie et la légi­ti­mi­té de la nou­velle messe.

Dans plu­sieurs inter­views, le car­di­nal Castrillon Hoyos a décla­ré son inten­tion de faire com­prendre aux fidèles tra­di­tion­nels la conti­nui­té de Vatican II avec la Tradition.

Comment, dans ces cir­cons­tances, faut-​il inter­pré­ter le geste qu’a fait Rome envers la Fraternité saint Pie X à la fin du XXè siècle ? Il est clair que l’approche de Rome appa­raît comme un tra­que­nard. Et c’est pour cela que nous avons par­lé dans notre com­mu­ni­qué d’« extrême défiance ».

Cependant la situa­tion se com­plique encore un peu dans le fait, qu’en cette fin de pon­ti­fi­cat, règne de plus en plus for­te­ment une sorte d’anarchie autour du pape : cha­cun essaie d’obtenir ce qui cor­res­pond à ses propres inté­rêts de la part d’un pape qui ne semble plus avoir le contrôle des affaires. Ainsi, même si cela paraît contra­dic­toire, nous ne pou­vons pas exclure que le pape et-​ou le car­di­nal Castrillon vou­draient vrai­ment une solu­tion viable pour nous. Nous ne sommes plus dans la rationalité.

L’attitude de la Fraternité

Devant la situa­tion créée par le Vatican, notre atti­tude est simple, elle ne change pas : il est si mani­feste que notre posi­tion est radi­ca­le­ment juste que ce serait une erreur de chan­ger ou faire une conces­sion sur un quel­conque point essentiel.

Ainsi le pre­mier prin­cipe qui dirige notre action vise d’abord à la conser­va­tion des biens de la Tradition, doc­tri­nale, litur­gique et dis­ci­pli­naire. Dieu a per­mis que nous soyons dépo­si­taires des plus grands tré­sors de la sainte Église : ce n’est pas le moment de les gal­vau­der, mais de les gar­der jusqu’au sang.

Un deuxième prin­cipe découle de la consi­dé­ra­tion de l’indéfectibilité de l’Église. Et par consé­quent un a prio­ri favo­rable non pas à toute dis­cus­sion, mais à la pos­si­bi­li­té d’une grâce inat­ten­due, dont il faut bien sûr véri­fier l’authenticité avant d’aller plus avant.

La situa­tion romaine ne s’étant pas encore modi­fiée fon­da­men­ta­le­ment, quoique les signes d’affaiblissement et d’effritement de l’autorité soient de plus en plus nets, c’est la méfiance qui domine.

Dans tous les cas, puisque Rome s’approche de nous, essayons d’en tirer le maxi­mum de bien pour l’Église.

(…) Ne nous lais­sons pas agi­ter par les choses qui passent. Pour nous, réso­lu­ment, nous ne vou­lons pous­ser ni dans un sens ni dans l’autre. Plus que jamais, nous tenons à suivre la ligne de Mgr Lefebvre qui disait ne pas vou­loir pré­cé­der la divine Providence. Cette der­nière se mani­feste tou­jours en son temps. Nous n’avons pas le droit d’exclure a prio­ri une inter­ven­tion de la Providence dans une affaire qui touche de si près l’Église. Mais notre devoir est de bien dis­cer­ner. Un jour vien­dra… Restons confiants, avec une très grande séré­ni­té au sujet de tous ces événements.

[…]

+ Bernard Fellay, Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X,
21 février 2001, Mercredi des Cendres.

FSSPX Premier conseiller général

De natio­na­li­té Suisse, il est né le 12 avril 1958 et a été sacré évêque par Mgr Lefebvre le 30 juin 1988. Mgr Bernard Fellay a exer­cé deux man­dats comme Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X pour un total de 24 ans de supé­rio­rat de 1994 à 2018. Il est actuel­le­ment Premier Conseiller Général de la FSSPX.