Mgr Lefebvre. La Foi vécue en aimant profondément l’Église, par Cristina Siccardi

Note de la rédac­tion de La Porte Latine :
il est bien enten­du que les com­men­taires repris dans la presse exté­rieure à la FSSPX
ne sont en aucun cas une quel­conque adhé­sion à ce qui y est écrit par ailleurs.

« … si nous croyons qu’il n’existe qu’une seule et unique véri­té, que la seule vraie reli­gion est celle de l’Église Catholique, parce qu’elle est fon­dée par Dieu lui-​même. Nous croyons que Jésus-​Christ est Dieu, et nous croyons que Jésus-​Christ a fon­dé l’Église Catholique. Credo in unum Deum – Credo in unum Dominum Jesum Christum – Credo in unum bap­tis­ma – et non pas à deux, mais unum, unum, unum. Alors, avons-​nous la Foi, ou pas ? »

En ce 29 novembre 2013, voi­là 108 ans qu’est né Monseigneur Marcel Lefebvre (1905–1991), dont l’a­na­lyse lucide, ‑en plus de ce qu’il a pré­vu et de ce qu’il a fait‑, est par­fai­te­ment d’ac­tua­li­té. Ceux qui à l’é­poque l’ont com­pris n’é­taient pas nom­breux, parce que la Révolution au sein de l’Église, lan­cée depuis plu­sieurs décen­nies par les moder­nistes, s’é­tait ins­tal­lée dans le Concile Vatican II. Même si une mul­ti­tude de fidèles vivaient encore des « sou­ve­nirs » de la Tradition et de ce à quoi l’on avait cru depuis tou­jours, dans le même temps, ceux dont le Concile avait déchaî­né l’en­thou­siasme se met­taient à l’œuvre pour se débar­ras­ser du passé.

À Rome, de 1962 à 1965, la phi­lo­so­phie cos­mique de Pierre Teilhard de Chardin S.J. (1881–1955) était dans l’air. Voici ce qu’il écri­vait en 1934 dans son livre Comment je crois ((Cfr. P. Teilhard de Chardin, La mia fede, Queriniana, Brescia 1993.)):

« Je crois que l’Univers est une Évolution. Je crois que l’Évolution va vers l’Esprit. Je crois que l’Esprit s’a­chève en du Personnel. Je crois que le Personnel suprême est le Christ-Universel ».

Son point de vue était émi­nem­ment évo­lu­tion­niste et his­to­ri­ciste. Monseigneur Lefebvre avait com­pris qu’un jour, en fai­sant entrer cette pen­sée au Concile Vatican II, celle-​ci domi­ne­rait l’Église.

Seul l’é­vêque bré­si­lien Antônio de Castro Mayer (1904–1991), qui mou­rut du reste un mois jour pour jour après Monseigneur Lefebvre (le 25 avril), res­ta aux côtés de « l’Évêque rebelle » et tous deux seront excom­mu­niés suite à la déci­sion de l’Évêque fran­çais de sacrer quatre évêques, qui à leur tour seront excom­mu­niés (Bernard Fellay, Bernard Tissier de Mallerais, Alfonso de Galarreta et Richard Williamson), mais pour les­quels Benoît XVI signe­ra en 2009 la révo­ca­tion du décret d’ex­com­mu­ni­ca­tion.

De nos jours, ceux qui ne racontent pas d’his­toires et qui ne s’en racontent pas non plus peuvent affir­mer que « Monseigneur Lefebvre avait vu loin…», en ceci qu’il avait vu que la Foi ne serait plus la même, à cause de l’in­tro­duc­tion du sub­jec­ti­visme (res­pect humain et non plus res­pect envers Dieu), de la liber­té reli­gieuse (les reli­gions sont toutes pla­cées sur le même plan et la Vérité n’est plus déte­nue par et dans l’Église catho­lique), de la col­lé­gia­li­té (perte de la ver­ti­ca­li­té hié­rar­chique et monar­chique au pro­fit d’un idéal démo­cra­tique et répu­bli­cain dif­fu­sé au sein de l’Église), du nou­veau rite litur­gique de la Sainte Messe (rédi­gé de façon à répondre aux exi­gences des pro­tes­tants), du dia­logue tous azi­muts avec le monde contem­po­rain (sans plus condam­ner l’er­reur, mais en l’ab­sol­vant jus­qu’à l’in­té­grer à la nou­velle concep­tion des choses).

Teilhard de Chardin, géo­logue et paléoan­thro­po­logue avait écrit le 9 octobre 1936 un texte inti­tu­lé Quelques Réflexions sur la conver­sion du Monde. Dans ce texte, l’au­teur condam­nait la condam­na­tion de l’er­reur, et donc du men­songe aus­si, et c’est ce qui sera appli­qué lors du Concile Vatican II, dans une ambiance d’op­ti­misme sur­réel à l’é­gard de l’homme cor­rom­pu et de la Terre cor­rom­pue. Ces réflexions sont très signi­fi­ca­tives, à savoir que si l’au­teur admet­tait l’op­po­si­tion qui réside entre les deux reli­gions, celle du Ciel et celle de la Terre, il y appor­tait en revanche une solu­tion, à savoir le com­pro­mis entre les deux.

Voici ce que Teilhard de Chardin écrit :

« Autour de nous la vraie lutte n’est pas entre des croyants et incroyants, ‑mais entre deux sortes de croyants. Deux idéals, deux concep­tions du Divin sont en pré­sence. Les meilleurs (et donc les plus dan­ge­reux) des anti-​chrétiens ne s’é­cartent pas du Christianisme parce celui-​ci est trop dif­fi­cile, ‑mais parce que il ne leur paraît pas assez beau (NdR : la mise en ita­lique est de Cristina Siccardi). S’ils n’ad­mettent pas le Christ, c’est parce qu’ils ne recon­naissent pas en Lui les traits de ce qu’ils adorent et attendent. Une Religion de la Terre est en train de se for­mer contre la Religion du Ciel. Voilà la situa­tion de fond, – dans sa gra­vi­té mais aus­si dans ses espérances.

3. MÉTHODE GÉNÉRALE POUR RÉSOUDRE LE CONFLIT : NON PAS LA CONDAMNATION MAIS LE BAPTÊME

En pré­sence de ce conflit entre la foi chré­tienne et la foi moderne, que devons-​nous faire pour sau­ver le Monde ? […] une autre solu­tion vient à l’es­prit comme plus satis­fai­sante et plus effi­cace que la « condam­na­tion ». Elle ce serait la sui­vante : décou­vrir et mon­trer que, dans son essence, la moderne « Religion de la Terre » n’est autre chose qu’un élan vers le Ciel qui s’i­gnore, – en sorte que les éner­gies qui paraissent si mena­çantes à l’Église sont au contraire un afflux nou­veau qui peut ravi­ver le vieux fond chré­tien. Non pas condam­ner, – mais bap­ti­ser et assi­mi­ler. Il est clair que le Monde nais­sant (le seul qui compte) serait vir­tuel­le­ment conver­ti d’un seul coup si l’on recon­nais­sait que la nou­velle divi­ni­té qu’il adore est pré­ci­sé­ment le Dieu chré­tien plus pro­fon­dé­ment com­pris. Cette conjonc­tion des deux astres divins est-​elle pos­sible ? Oui, je le crois que oui, – et voi­ci par quels degrés je conçois qu’elle puisse s’effectuer.

4. UNE SYNTHÈSE DU NOUVEAU ET DE L’ANCIEN : LE CHRIST UNIVERSEL »((P. Teilhard de Chardin, Alcune rifles­sio­ni sul­la conver­sione del Mondo, Pechino 9 ottobre 1936. Le texte en fran­çais des cita­tions est celui de l’o­ri­gi­nal : Pierre Teilhard de Chardin, Science et Christ, Quelques Réflexions sur la Conversion du Monde, pp. 157–158, Collection Points Sagesse, 1999, qui est une réédi­tion de l’é­di­tions du Seuil de 1965, Tome IX (NdT).)).

On trouve dans ce docu­ment la clé qui ouvre la porte, par­fois énig­ma­tique, obs­cure et tor­due vers les aspects qu’a pris le Concile Vatican II, en dépit de ceux qui vou­laient l’in­sé­rer dans la Tradition de l’Église. Mais les « nova­teurs » ont fui comme des anguilles pour suivre l’i­déo­lo­gie de Teilhard de Chardin, qui quant à lui ten­tait non seule­ment de renou­ve­ler le visage du Christianisme, mais aus­si de créer une reli­gion adap­tée au monde moderne : « Or il est clair :

1. Qu’une telle reli­gion est exac­te­ment dans la ligne de ce que le Monde moderne attend comme étant son Dieu, et consi­dère comme sa forme spé­ci­fique d’a­do­ra­tion : un Dieu jus­ti­fiant, cou­ron­nant, et rece­vant comme un hom­mage suprême le tra­vail, tou­jours en cours (« adhuc par­tu­rit ») de la consom­ma­tion humaine, même ter­restre »((Ibid., p. 160 pour l’o­ri­gi­nal en fran­çais (NdT).)).

Pour Chardin, une ère nou­velle est pos­sible pour le Christianisme : une ère de libé­ra­tion interne et d’expansion :

« 5. UNE ÈRE NOUVELLE POSSIBLE POUR LE CHRISTIANISME : LIBÉRATION INTERNE ET EXPANSION

[…] nombre de chré­tiens se sentent étouf­fés et humi­liés dans une Foi qui paraît sou­vent prendre à tâche de jeter un doute et un froid sur leurs enthou­siasmes de réno­va­tion ter­restre. Quel épa­nouis­se­ment dans l’Église, si au nom de cette même Foi (deve­nue un aiguillon, au lieu d’un seul frein) ils se sen­taient jetés, pour la domi­na­tion uni­ver­selle du Christ, sur la conquête totale du Monde ! »((Ibid., p. 160 pour l’o­ri­gi­nal en fran­çais (NdT).)).

Par un tel pro­cé­dé, qui adapte le Christianisme aux exi­gences du monde moderne, les anti­corps et les défenses tombent et il devient pra­ti­que­ment impos­sible de défendre le trou­peau contre les enne­mis et contre les loups.

Deux reli­gions s’op­posent : l’une est déjà conte­nue dans les Prophéties des Prophètes et elle englobe deux mille ans d’his­toire pour conduire au Salut ; l’autre se fait jour avec les prêtres jurés de la Révolution Française et elle s’ap­puie sur les phi­lo­so­phies modernes et sur la théo­lo­gie des requêtes et des reven­di­ca­tions de l’homme « pro­gres­sé », du pré­lat « pro­gres­sé », tout comme est « pro­gres­sé » le pré­sident de la Conférence Épiscopale Italienne et vice-​président du Conseil des Conférences Épiscopales Européennes, ain­si qu’Archevêque métro­po­lite de Gênes, qui a don­né la Sainte Commuion au « pro­gres­sé » Vladimir Luxuria.

L’Église a tou­jours été pleine de pitié et accueillante envers les pécheurs, mais elle a tou­jours été cohé­rente et sérieuse en ce qui concerne le péché, véri­table enne­mi de l’âme. Monseigneur Lefebvre aurait pré­fé­ré mou­rir plu­tôt que de don­ner la Communion à cet impé­ni­tent (jus­qu’à maintenant).

«… Je consi­dère être de ceux qui ont le plus grand res­pect pour le Saint Siège, pour le suc­ces­seur de Pierre, pour Rome, pour ce que Rome peut repré­sen­ter pour nous, pour les Catholiques. Nous n’a­vons pas, et nous ne pou­vons pas avoir la moindre inten­tion d’a­dop­ter un com­por­te­ment violent à l’é­gard de ce qui est tel­le­ment cher, trop cher à nos cœurs »((M. Lefebvre, La Chiesa dopo il Concilio – Roma, 6 giu­gno 1977, Fraternità San Pio X, Albano laziale (RM) 1977, p. 3. (L’Église après le Concile – Rome, 6 juin 1977, Fraternité Saint Pie X))).

C’était le 6 juin 1977. Ce jour-​là Monseigneur Lefebvre a don­né une confé­rence, un chef-​d’œuvre. Avec humi­li­té et à cœur ouvert, il a expo­sé à Rome, au Palazzo Pallavicini, ses vues concer­nant le nou­veau visage que l’Église avait pris après le Concile Vatican II.

« Nous aimons Rome, la vraie Rome catho­lique, c’est pour cela que nous fai­sons entendre notre voix. Nous la fai­sons entendre jus­te­ment pour la gloire de l’Église Romaine, la gran­deur de l’Église Romaine. Pour tout ce qui a fait sa vraie gran­deur, sa vraie noblesse, même l’on a l’im­pres­sion main­te­nant qu’elle se retrouve à ses débuts ; et nous avons aus­si l’im­pres­sion que l’Église, ‑ou disons plu­tôt les hommes d’Église- sont en train d’a­ban­don­ner cette noblesse de l’Église Romaine et que l’Église Romaine n’est plus la Mater et Magistra de toutes les Églises du monde, comme cela est ins­crit sur le por­tail du Vatican »((Ibid.)).

Il ne s’a­gis­sait pas de sa part d’un défi lan­cé, ni d’une pro­vo­ca­tion ; il était comme un bon fils de l’Église qui dési­rait conti­nuer à conser­ver sa Mère intègre, sans dévia­tion, sans cor­rup­tion face aux aggior­na­men­ti qui repré­sen­taient un grand péril :

« Aggiornamento. Voila un mot bien dan­ge­reux, que l’on peut employer dans un bon sens, mais qui peut aus­si por­ter à des consé­quences impré­vi­sibles. Mettre à jour l’Église : jus­qu’où ? Dans quels domaines ? Et puis, j’ai eu l’oc­ca­sion d’a­voir entre les mains une confé­rence du car­di­nal Frings : une confé­rence don­né en 1961 à Gênes. Je me deman­dais pour­quoi donc à Gênes. Dans cette confé­rence du car­di­nal Frings on trouve le même désir d’un chan­ge­ment pro­fond dans l’Église : il dit que doré­na­vant il fau­dra faire de l’Église Catholique une Église plus uni­ver­selle. Dans sa confé­rence, il dit clai­re­ment que le devoir pré­cis de l’Église d’au­jourd’­hui, c’est de regar­der l’hu­ma­ni­té tout entière comme un tout : « Elle devra deve­nir Église uni­ver­selle dans un sens encore plus large que celui qu’elle a eu jus­qu’à main­te­nant ». Donc l’Église doit deve­nir uni­ver­selle. Vous direz que le mot « uni­ver­sel » est pré­ci­sé­ment la tra­duc­tion du terme « catho­lique » (en effet, « catho­lique » est le mot grec, « uni­ver­sel » est le cor­res­pon­dant en latin). Mais la Tradition a don­né au terme « Catholique » un sens bien pré­cis, pour signi­fier que l’Église doit « ras­sem­bler », réunir, ame­ner à l’u­ni­té. « Assembler, ras­sem­bler » sont des termes litur­giques qui se trouvent dans notre messe de Saint Pie V – c’est à dire rame­ner à l’u­ni­té les per­sonnes qui ne sont pas dans l’u­ni­té. Voila ce qu’est l’Église Catholique : l’Église est Catholique parce qu’elle ramène tous à l’u­ni­té, à l’u­ni­té de la véri­té. Et à l’u­ni­té de la Foi.

Or de nos jour le terme d”« Église uni­ver­selle » s’emploie pour défi­nir une église ouverte. Beaucoup actuel­le­ment parlent d’une « ouver­ture », une ouver­ture à tous les mou­ve­ments, à toutes les théo­lo­gies. Il faut que l’Église s’ouvre, voi­là l’i­dée qui pointe déjà dans la confé­rence du car­di­nal Frings, lequel ajoute : « On peut tou­te­fois se deman­der si le devoir de consi­dé­rer de nou­velles formes du mes­sage chré­tien ne reste pas tout aus­si urgent ». Qu’est-​ce que cela veut dire ? Ce sont là des expres­sions très, très dan­ge­reuses. Changer les termes et les mots du mes­sage évan­gé­lique n’est-​ce pas chan­ger aus­si l’Évangile lui-​même ? Comment peut-​on chan­ger les termes sans chan­ger aus­si l’es­sence ? Il n’est pas pos­sible de chan­ger de manière indé­fi­nie, et conti­nuel­le­ment, la façon d’ex­pri­mer la Foi, sans chan­ger la Foi elle-​même »((Ibid, pp. 5–6.)).

Raisonnements et éva­lua­tions qui résument bien notre époque funeste où les Catholiques ne retrouvent plus leur Foi face à de nom­breux prêtres et de nom­breux pas­teurs ; il y a aus­si ceux qui disent qu’ils sont chré­tiens et qui le sont sous une forme diluée, par­fois syn­cré­tiste, où tout peut se loger ; mis à part ceux qui se défendent et conti­nuent à annon­cer l’au­then­tique Vérité, celle qui porte au Salut de toutes les âmes, c’est à dire au Paradis.

36 ans se sont écou­lés depuis cette Conférence de Monseigneur Lefebvre en 1977 , une confé­rence qui a fait grand bruit parce que la presse, qui était hos­tile à Monseigneur et toute acquise au cou­rant moder­niste et alter­na­tif, a affir­mé que l’Évêque défiait le Pape à Rome ; en réa­li­té, il ne s’a­gis­sait aucu­ne­ment d’une pro­vo­ca­tion faite de polé­miques sté­riles, mais d’une dénon­cia­tion douce et filiale, un aver­tis­se­ment affli­gé : il indi­quait que si la digue de la Tradition lâchait, un déluge de maux allait fondre sur l’Église.

C’est à cette occa­sion que Monseigneur Lefebvre a expli­qué que le chan­ge­ment de la Sainte Messe allait de pair avec la nou­velle concep­tion de l’Église : «

Je me dois d’in­sis­ter car tout dérive de la nou­velle défi­ni­tion de l’Église, du fait d’a­voir chan­gé le concept de l’Église, et on l’a chan­gé pour arri­ver à la com­mu­nion avec toutes les reli­gions. Il était néces­saire de chan­ger le culte, on ne pou­vait pas lais­ser la Liturgie intacte. Notre Liturgie était trop catho­lique, elle mani­fes­tait trop clai­re­ment la vic­toire de Notre Seigneur Jésus-​Christ par la Croix, sur le péché, sur le monde, sur la mort. Notre Liturgie est la Victoire, donc un chan­ge­ment : elle est le signe de la lutte pour par­ve­nir à la vic­toire finale, une lutte contre le péché, contre tous les enne­mis de l’Église, contre tout ce qui s’op­pose à notre salut éter­nel, à la vie éter­nelle. Or tout dans la Liturgie a été modi­fié »((Ibid, pp. 13–14.)).

Il suf­fit de se pen­cher sur l’his­toire de la phi­lo­so­phie et de la théo­lo­gie des deux siècles écou­lés pour se rendre compte de com­bien et de com­ment le concept de l’Église a évo­lué et a subi une muta­tion, qui n’est certes pas indolore.

La réa­li­té sur­na­tu­relle a per­du sa place cen­trale dans la vie de l’Église pour don­ner une « digni­té » (voi­là un mot magique dans le voca­bu­laire moderne, tout comme « aggior­na­men­to », « ren­contre », « peuple de Dieu », « expé­rience », « Église-​communion ») à l’Homme, au monde, et par consé­quent à leurs cou­rants et à leurs modes. Dans l’Église d’a­près Vatican II, on ne fait plus la dis­tinc­tion entre le corps et l’âme ; voi­là pour­quoi on ne parle plus d’Enfer, de Purgatoire, de Paradis ; et voi­là pour­quoi aus­si l’exis­tence de cha­cun ne se base plus sur les fins ultimes, pour ne pas heur­ter la sen­si­bi­li­té des non-​catholiques, ni celle des athées, avec les­quels on désire col­la­bo­rer phi­lo­so­phi­que­ment et théo­lo­gi­que­ment : l’Église n’est plus le soleil, mais un satel­lite qui tourne autour de l’Homme, en même temps que les autres satellites.

« Tout ceci pour faire plai­sir au non-​catholiques, pour pou­voir être avec tous ceux qui ne croient pas à ce à quoi nous croyons, qui ne croient pas à la dis­tinc­tion entre l’âme et le corps. Mais nous, nous devons res­ter catho­liques ! »((Ibid, p. 14.)).

C’est la mani­fes­ta­tion de notre amour fidèle pour l’Église, un amour qui a por­té Monseigneur Lefebvre à payer de sa per­sonne, sup­por­tant les puni­tions, les raille­ries, les outrages, les humi­lia­tions de toutes sortes, jus­qu’à arri­ver à l’ex­com­mu­ni­ca­tion. D’Archevêque de Dakar et Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone, char­gé par Pie XII, à excommunié.

C’est avec une dou­leur lacé­rante qu’il s’é­tait ren­du compte qu’on était en train de chan­ger les spé­ci­fi­ci­tés de la reli­gion catho­lique, et les jour­na­listes l’accusaient :

« Vous n’êtes pas plu­ra­liste » me dit-​on. Je ne crois pas au plu­ra­lisme, au plu­ra­lisme idéo­lo­gique, au plu­ra­lisme de la véri­té. Il n’y a qu’une Vérité. […] Pourquoi par­tir en mis­sion si toutes les per­sonnes sont sau­vées, si toutes elles sont prêtes pour aller au Ciel ? Avec le plu­ra­lisme de la véri­té, ils ont détruit l’es­prit mis­sion­naire, les congré­ga­tions mis­sion­naires sont vides, il n’y a plus de novices mis­sion­naires. Les mis­sion­naires sont essen­tiels pour l’Église Catholique, mais si nous croyons qu’il n’y a qu’une seule véri­té. Et si nous croyons qu’il n’existe qu’une seule et unique véri­té, la seule vraie reli­gion est celle de l’Église Catholique, parce qu’elle est fon­dée par Dieu lui-​même. Nous croyons que Jésus-​Christ est Dieu, et nous croyons que Jésus-​Christ a fon­dé l’Église Catholique. Credo in unum Deum – Credo in unum Dominum Jesum Christum – Credo in unum bap­tis­ma – et non pas à deux, mais unum, unum, unum. Alors, avons-​nous la Foi, ou pas?»((Ibid, p. 15.)).

Monseigneur Lefebvre, le bap­ti­sé, qui avec une force sur­na­tu­relle et la grâce de l’as­sis­tance divine a réus­si avec cou­rage à expri­mer devant le monde ses réflexions catho­liques, nous exhorte aujourd’­hui encore et plus que jamais :

« Nous deman­dons à l’Église la Foi pour avoir la vie éter­nelle »((Ibid, p. 24.)).

Cristina Siccardi in

Sources : Siccardi/​Traduction O.C. pour LPL