Mgr Williamson : propos de l’ex-​cardinal Ratzinger sur l’échec des négociations avec Mgr Lefebvre – 13 août 2005

Dans le numé­ro de Mai-​Juin de cette année-​ci du bi-​mensuel fran­çais Sous la Bannière, à la page 7, on lit une cita­tion bien inté­res­sante que l’on prête au car­di­nal Ratzinger, main­te­nant le pape Benoît XVI. On y lit :

« Une source en Autriche, qui ne veut pas être révé­lée, assure que le Cardinal Ratzinger aurait récem­ment confes­sé à un évêque autri­chien ami, ‘J’ai deux pro­blèmes sur la conscience : Mgr Lefebvre et Fatima. Pour ce der­nier on m’a for­cé la main ; pour le pre­mier j’ai échoué’ ».

Bien sûr, la « source en Autriche » res­tant ano­nyme, nous n’avons aucun moyen de véri­fier si le Cardinal a vrai­ment dit ces choses sur Mgr Lefebvre et Fatima, mais la cita­tion est pour tout le moins vrai­sem­blable, et donc elle vaut la peine qu’on s’y arrête quelques instants. 

Quant à ce qui est dit sur Fatima, on se dou­tait bien en juin 2000, au moment où le Vatican – et le Cardinal Ratzinger en par­ti­cu­lier – révé­lait le sup­po­sé Troisième Secret de Fatima, qu’il y avait un faux quelque part. Ou bien Rome cachait encore le vrai secret, celui que gar­dait Pie XII dans sa chambre sans l’ouvrir ; ou bien Rome révé­lait le vrai secret mais en faus­sait l’interprétation. Dans les deux cas, se disait-​on à ce moment-​là, Rome vou­lait en finir avec Fatima, et on voyait le Cardinal Ratzinger en pre­mière ligne se prê­ter à ce jeu. Et voi­ci cette cita­tion venant de l’Autriche qui nous confir­me­rait que c’était bien un jeu auquel le Cardinal s’est prê­té. Qui lui a « for­cé la main » ? Le pape Jean-​Paul II ? Un pou­voir occulte der­rière et le Pape et le Cardinal ? Dieu le sait.

Quant à ce qui est dit sur Mgr Lefebvre, là encore la cita­tion, sinon vraie, est cer­tai­ne­ment vrai­sem­blable. En mai, 1988, au moment où Mgr Lefebvre mena­çait de sacrer des évêques pour la Fraternité sacer­do­tale Saint-​Pie‑X, avec ou sans la per­mis­sion de Rome, c’est le car­di­nal Ratzinger qui repré­sen­tait le Saint Siège dans les négo­cia­tions enta­mées pour empê­cher une telle « rup­ture ». On se sou­vient que le car­di­nal Ratzinger a failli « réus­sir » lorsque le 6 mai Mgr Lefebvre a signé un pro­to­cole d’accord, mais il a « échoué » le 7 lorsque Mgr Lefebvre après une nuit blanche a repris sa signa­ture. Et voi­ci que la cita­tion venant d’Autriche nous confirme que le car­di­nal voit tou­jours la fin de ces négociations-​là comme un « échec ».

Cette confir­ma­tion est impor­tante pour autant qu’elle nous sug­gère que le car­di­nal reste, en tant que Pape, dans les mêmes dis­po­si­tions pour trai­ter avec la Fraternité St. Pie X dans l’entretien qu’il accorde en prin­cipe le 29 août au suc­ces­seur de Mgr. Lefebvre à la tête de la Fraternité, Mgr Bernard Fellay. Autrement dit, il est fort pro­bable non seule­ment que le Pape régnant est sin­cè­re­ment convain­cu qu’il faut mettre fin à cette « rup­ture » entre Rome et la Fraternité, mais aus­si qu’il paraî­tra être de toute bonne volon­té lorsqu’il met­tra tout en œuvre, y com­pris sa longue expé­rience de la diplo­ma­tie romaine et tout le pres­tige de son rang main­te­nant exal­té, pour y arriver.

De fait, un accord semble impos­sible. Et bien sûr, si la Fraternité se ral­liait, la résis­tance de la Tradition conti­nue­rait, et si le Pape « se conver­tis­sait », alors à la place de la guerre gen­tille menée main­te­nant à sa droite par la Tradition, il aurait à dos une guerre féroce menée à sa gauche par la cabale des néo-​modernistes. Donc de toute façon la guerre conti­nue entre les amis et les enne­mis de la Foi de Notre Seigneur Jésus Christ.

Mais ici et main­te­nant, ce qui est impor­tant pour les Catholiques qui sui­vront avec inté­rêt cet entre­tien entre Rome et la Fraternité, c’est qu’ils ne donnent dans aucun des pièges que le Démon leur tendra :

D’abord, ce n’est pas parce que la Fraternité demande à être reçue en audience par le Saint Père qu’elle est sur le point de tra­hir – si la Tradition n’a aucun contact avec Rome, com­ment la véri­té de la Tradition s’y fera-​t-​elle entendre ?

Ensuite, ce n’est pas parce qu’il y a un contact qu’une entente est pos­sible. Que tous les Catholiques qui rêvent de com­bi­ner la Tradition et les auto­ri­tés néo-​modernistes de l’Église se désa­busent. L’Autorité Catholique et la Vérité Catholique fini­ront par se réunir, mais rien pour le moment n’indique que cette réunion est pour aujourd’hui – ou demain !

Et fina­le­ment – et c’est le piège le plus sub­til – qu’on ne pense ni que le Pape est de bonne volon­té, donc il ne peut être néo-​moderniste ; ni qu’il est néo-​moderniste, donc il ne peut être de bonne volon­té. Cette crise de l’Église serait bien moins grave et trom­pe­rait beau­coup moins de gens si les néo-​modernistes étaient évi­dem­ment de mau­vaise volon­té. Ce qui carac­té­rise ces der­niers temps, c’est que les mau­vais prin­cipes sont si répan­dus que peu de gens s’en rendent compte, et beau­coup de gens font mal tout en étant per­sua­dés qu’ils font bien. C’est pour cela que la cita­tion du car­di­nal est vrai­sem­blable où il dit que son échec en 1988 lui pèse « sur la conscience ».

Prions la Très Sainte Vierge pour que le Pape Benoît XVI voie clair, sur­tout la néces­si­té urgente de consa­crer la Russie au Cœur Immaculé de Marie, et si nous-​mêmes nous voyons clair, prions-​la que nous ne nous lais­sions pas aveu­gler – « Celui qui estime qu’il se tient debout, qu’il fasse atten­tion de ne pas tom­ber », dit saint Paul (I Cor X, 12). Les temps sont mauvais !

Mgr Richard Williamson