Application du Motu Proprio Summorum pontificum – 13 septembre 2007


Le cardinal Dario Castrillón Hoyos

Le Motu Proprio libé­ra­li­sant l’usage du mis­sel tri­den­tin est entré en vigueur le 14 sep­tembre. La veille, sur les ondes de Radio Vatican, le car­di­nal Dario Castrillón Hoyos, pré­sident de la Commission pon­ti­fi­cale Ecclesia Dei, a expli­qué que cette libé­ra­li­sa­tion du mis­sel de saint Pie V ne visait pas à « retour­ner en arrière » mais à « don­ner une plus grande liber­té aux fidèles ». Il a aus­si sou­hai­té que ces nou­velles dis­po­si­tions soient « un motif de joie ».

« Le pape ne veut pas retour­ner en arrière », a‑t-​il sou­li­gné, pré­ci­sant que le Concile Vatican II « n’a pas inter­dit la litur­gie de saint Pie V ». « Ce n’est pas un retour en arrière, comme cer­tains le sou­tiennent parce qu’ils ne connaissent pas la réa­li­té ». « Au contraire : le Concile a vou­lu don­ner une grande liber­té aux fidèles », a‑t-​il ajou­té en pré­ci­sant que l’une de ces liber­tés était « jus­te­ment celle d’utiliser ce tré­sor qu’est la litur­gie pour le main­te­nir vivant ».

Pour le pré­sident de la Commission pon­ti­fi­cale Ecclesia Dei, « le pape a un amour par­ti­cu­lier pour la litur­gie, un amour qui se tra­duit aus­si en capa­ci­té d’étude, d’approfondissement de la litur­gie ». C’est pour cela, a‑t-​il expli­qué, que « Benoît XVI consi­dère la litur­gie anté­rieure à la réforme du Concile comme un tré­sor inestimable ».

Le car­di­nal colom­bien a aus­si affir­mé qu’avec ce Motu Proprio « le chan­ge­ment n’est pas si grand. La chose prin­ci­pale, c’est que les prêtres peuvent déci­der de célé­brer la messe dans le rite ancien, sans per­mis­sion ni de la part du Saint-​Siège, ni de la part des évêques », a‑t-​il ajouté.

Le car­di­nal Castrillón Hoyos a aus­si évo­qué les éven­tuels cas de « conflit », jugeant que « l’autorité de l’évêque devrait inter­ve­nir pour l’éviter, mais sans effa­cer le droit que le pape a don­né à toute l’Eglise ». Si quelqu’un empêche la mise en appli­ca­tion du Motu Proprio, a‑t-​il expli­qué, « il revient à la Commission pon­ti­fi­cale Ecclesia Dei de prendre des mesures, au nom du pape, afin que ce droit – qui est désor­mais un droit clair pour les fidèles – soit respecté ».

Le pré­lat a enfin sou­hai­té que cette libé­ra­li­sa­tion de la messe selon le rite de saint Pie V puisse être un « motif de joie pour tous ceux qui aiment la tra­di­tion, un motif de joie pour toutes ces paroisses qui n’auront plus de divi­sions. Remercions donc le pape qui a ren­du à l’Eglise ce tré­sor », a‑t-​il conclu.

Le len­de­main, 14 sep­tembre, jour de l’entrée en vigueur du Motu Proprio, le car­di­nal Castrillón Hoyos célé­brait une messe selon le rite de saint Pie V, dans la basi­lique du sanc­tuaire de Lorette en fin d’après-midi, à la demande de l’association Una Voce. Le car­di­nal colom­bien avait déjà célé­bré, en mai 2003, une messe selon le rite tra­di­tion­nel pour des fidèles de cette asso­cia­tion dans la basi­lique romaine de Sainte-​Marie-​Majeure. Le 22 sep­tembre, le car­di­nal Castrillón Hoyos célé­bre­ra la messe d’ordination de 5 prêtres de l’Institut du Bon Pasteur, à Bordeaux, en pré­sence du car­di­nal Jean-​Pierre Ricard, arche­vêque de Bordeaux et pré­sident de la Conférence des évêques de France.

Selon l’agence I.MEDIA, « Benoît XVI ne célé­bre­ra pas tout de suite » la messe selon le mis­sel de saint Pie V.

En Suisse

La décla­ra­tion des évêques suisses réunis pour leur 277ème assem­blée ordi­naire, les 10–12 sep­tembre, est peu cha­leu­reuse. Au cours d’une confé­rence de presse à Berne le 13 sep­tembre, Mgr Kurt Koch,pré­sident de la Conférence des évêques suisses,a tenu à rap­pe­ler que la messe tri­den­tine doit être consi­dé­rée comme « l’expression extra­or­di­naire » de l’unique rite romain de la messe, la messe en langue locale res­tant l’expression « ordinaire ».

L’évêque de Bâle a éga­le­ment rap­pe­lé que l’utilisation de la tra­di­tion litur­gique anté­rieure doit répondre à des exi­gences sévères, en par­ti­cu­lier la preuve qu’il y a dans une paroisse un groupe stable dési­rant assis­ter à la messe tri­den­tine. Au curé revient la res­pon­sa­bi­li­té de voir que cela ne va pas cau­ser des ten­sions dans la com­mu­nau­té et de veiller à ce qui convient pour le bien des fidèles. Le Motu Proprio pré­cise que la réin­tro­duc­tion de la messe tri­den­tine doit se faire « en har­mo­nie avec la sol­li­ci­tude pas­to­rale de la paroisse », « sous le gou­ver­ne­ment de l’évêque », « en évi­tant la dis­corde et en favo­ri­sant l’unité de toute l’Eglise ».

Mgr Koch ne pense pas qu’il y aura dans les dio­cèses de Suisse une explo­sion de célé­bra­tions selon le rite de Saint Pie V. Et il insiste pour dire que l’autorisation n’est don­née qu’à des fidèles qui acceptent le Concile Vatican II ain­si que le rite ordi­naire de la litur­gie actuelle. Cette démarche vise la récon­ci­lia­tion au sein de l’Eglise et s’adresse en pre­mier lieu aux tra­di­tio­na­listes res­tés fidèles à Rome, regrou­pés notam­ment au sein de la Fraternité Saint-​Pierre. Pour les par­ti­sans de Mgr Lefebvre, c’est une autre his­toire, souligne-​t-​il, car « ils ont beau­coup de pro­blèmes avec le Concile (sic), sur­tout avec l’œcuménisme et le dia­logue inter­re­li­gieux… et ces pro­blèmes ne seront pas réglés avec ce Motu Proprio ! » La pre­mière réponse de la Fraternité Saint-​Pie X n’est pas très favo­rable, estime-​t-​il. En effet, elle ne se contente pas de la res­tau­ra­tion de la messe en latin et réclame de Rome des « chan­ge­ments doctrinaux ».

En France

Le 14 sep­tembre, La Croix consa­crait un dos­sier à la mise en place du Motu Proprio dans les dio­cèses fran­çais sous le titre « L’ancienne messe ne fait pas recette » (sic), repris en page 2 sous la forme « Le motu pro­prio ne pro­voque pas de raz de marée ». Voici les extraits les plus significatifs : 

« Au total à ce jour, on ne connaît que 10 lieux de culte nou­veaux qui accueille­ront des litur­gies selon l’ancien mis­sel en France, prin­ci­pa­le­ment dans les dio­cèses où aucune n’était célé­brée aupa­ra­vant. Ce chiffre repose sur une enquête que La Croix a réa­li­sée cette semaine auprès de tous les dio­cèses. Il fau­dra bien sûr tirer un nou­veau bilan dans quelques mois pour mesu­rer l’amplitude exacte de cette réforme.

« Ces pre­miers chiffres semblent sur­tout mon­trer que les 124 lieux de culte où était déjà appli­qué le motu pro­prio Ecclesia Dei adflic­ta, signé en 1988 par Jean-​Paul II, étaient suf­fi­sants. Même si cer­tains évêques, comme à Annecy (Haute-​Savoie), pré­voient de trans­fé­rer les fidèles vers des églises plus grandes. A Paris, ce sera de Notre-​Dame-​du-​Lys à Saint-Germain‑l’Auxerrois. ‘A prio­ri, les besoins sont cou­verts’, confie le P. Christian Duquidt, délé­gué épis­co­pal à l’information pour le dio­cèse de Limoges (Haute-​Vienne), où une messe selon le mis­sel de 1962 était déjà célé­brée deux fois par mois. Mais comme le relève le P. Michel Martin, vicaire géné­ral du dio­cèse de Viviers (Ardèche), ‘si des demandes doivent être for­mu­lées, c’est main­te­nant qu’elles le seront’. (…)

« Du côté des évêques de France, où le sujet a été abor­dé mar­di (11 sep­tembre) lors d’une réunion du Conseil per­ma­nent de la Conférence épis­co­pale à laquelle par­ti­ci­paient les arche­vêques métro­po­li­tains, on note une réelle volon­té d’apaisement. Le motu pro­prio sera plei­ne­ment appli­qué. Tout le motu pro­prio, mais rien que le motu pro­prio ! Pas ques­tion, par exemple, de faire le lit de groupes qui met­traient en cause la vali­di­té de la réforme litur­gique issue de Vatican II.

« Concrètement, les évêques ont, pour la plu­part, déjà com­men­cé à accueillir la demande de fidèles atta­chés à la forme extra­or­di­naire du rite romain. Mais il s’agit sou­vent de demandes indi­vi­duelles, comme dans le dio­cèse de Sées (Orne) où 12 cour­riers sont arri­vés. Ces per­sonnes ne consti­tuant pas un « groupe stable » comme le sti­pule le motu pro­prio, elles ne devraient pas être accep­tées. D’autant qu’une messe dans l’ancien mis­sel est célé­brée le dimanche à Sées. ‘Dans mon dio­cèse, j’ai eu une demande d’une seule famille : j’ai donc écrit à Rome pour savoir s’il s’agit d’un groupe stable’, confie un évêque à La Croix.

C’est tout le pro­blème de l’application de Summorum pon­ti­fi­cum : com­ment défi­nir un « groupe stable » ? Sur les sites Internet tra­di­tio­na­listes, des forums pro­posent aux fidèles de se regrou­per. Mais ils sont peu actifs. ‘Si vous dési­rez consti­tuer un groupe stable autour de Luxeuil-​les-​Bains, je suis par­tant. Alors faites-​le moi savoir’, écrit « Séb59 » sur le site Forum catho­lique. Ce qui en dit beau­coup sur la « sta­bi­li­té » d’un futur groupe…

« Autre ques­tion : quels prêtres affec­ter à ces groupes ? ‘Je n’ai que très peu de prêtres sachant célé­brer dans l’ancienne forme, et j’en ai besoin ailleurs’, explique un évêque du sud de la France. Certes, les évêques ont la pos­si­bi­li­té de faire appel aux ins­ti­tuts reli­gieux voués à l’ancien rite, comme la Fraternité Saint-​Pierre ou l’Institut du Bon Pasteur. Mais ils craignent de ne plus avoir de regard sur ce qui se pas­se­ra dans les com­mu­nau­tés traditionalistes. (…)

« La Fraternité Saint-​Pie X conti­nue à deman­der bien plus que la libé­ra­li­sa­tion de l’ancien mis­sel. ‘La ruine de l’Eglise ne tient pas uni­que­ment à la ques­tion litur­gique’, explique l’abbé Régis de Cacqueray sur le site du dis­trict de France de la FSSPX, dont il est le supé­rieur : ‘Aussi impor­tante qu’elle soit, elle demeure seconde par rap­port à la véri­té théo­lo­gique dont elle n’est qu’une tra­duc­tion.’ Pour ces inté­gristes, le motu pro­prio ne peut être qu’une pre­mière étape avant un retour doc­tri­nal à la situa­tion d’avant Vatican II. (…) »

A pro­pos des prêtres qui célé­bre­ront la messe de saint Pie V dans les dio­cèses, Mgr Robert Le Gall, arche­vêque de Toulouse et pré­sident de la Commission épis­co­pale pour la litur­gie et la pas­to­rale sacra­men­telle, déclare à La Croix dans le même dos­sier : « Ce que nous com­men­çons à nous dire entre évêques, c’est qu’il fau­dra trou­ver des prêtres pour s’acquitter de cette tâche et il n’est pas évident qu’il y en ait assez ». A quoi le jour­na­liste Nicolas Senèze rétorque : « Pourquoi ne pas faire appel aux ins­ti­tuts reli­gieux tra­di­tio­na­listes ? ». Réponse de Mgr Le Gall : « Il faut que l’évêque puisse res­ter modé­ra­teur dans son dio­cèse. Et ce n’est pas facile, quand on laissele champ libre à des prêtres qui font cava­lier seul. Nous nous effor­ce­rons de don­ner leur place à ces ins­ti­tuts : il ne s’agit pas de les reje­ter. Mais il est impor­tant pour un évêque d’avoir un regard sur la manière dont ces com­mu­nau­tés célèbrent la litur­gie dans son dio­cèse. Il ne faut pas qu’il y ait deux Eglises paral­lèles. Les évêques de France veulent avant tout écou­ter les gens et faire ce qui doit être fait, mais dans les condi­tions du motu proprio.

- C’est-à-dire ?, demande Nicolas Sénèze.

- Ceux qui deman­de­ront des célé­bra­tions dans la forme extra­or­di­naire du rite moderne devront recon­naître et la vali­di­té et la sain­te­té de sa forme ordi­naire. Mais ce n’est rien d’autre que ce qui est exigible.

Sous le titre « La messe en latin s’installe sans vagues », Le Figaro du 14 sep­tembre parle d’une mise en œuvre du Motu Proprio « dans un cli­mat de faible mobilisation » :

« A la Conférence des évêques de France, on a bien noté ‘des demandes’ depuis début juillet, mais ‘pas en grand nombre’. Dans l’impossibilité de les quan­ti­fier ‘au niveau natio­nal’, la porte-​parole des évêques tient à sou­li­gner le ‘cli­mat posi­tif’ qui règne sur le ter­rain depuis le début de l’été. Dans les dio­cèses, la volon­té est claire de mettre en pra­tique ce motu pro­prio. Les évêques se sont adres­sés en ce sens à leurs prêtres par des cour­riers, et par­fois à l’ensemble des fidèles. La ques­tion, assure-​t-​elle, est à l’ordre du jour’.

« C’est le cas à Lyon, où le car­di­nal Barbarin a ren­con­tré ses prêtres à ce sujet la semaine der­nière. ‘Et nous pou­vons affir­mer qu’à ce jour il n’y a pas eu de demandes de groupes consti­tués’, assure Pierre Durieux, char­gé de la com­mu­ni­ca­tion du dio­cèse. ‘Nous en res­tons donc pour le moment à ce qui se fait déjà : une messe à Lyon et une autre à Francheville.’ Idem à Rennes, à Poitiers ou encore à Pontoise… (…)

« Du côté des contemp­teurs, ce n’est pas non plus la grande mobi­li­sa­tion… Regrettant l’ampleur du débat ‘fer­mé sur lui-​même’ et ‘réglant ses comptes avec un pas­sé mal digé­ré’, le jésuite Pierre de Charentenay pré­voit ain­si dans la der­nière livrai­son d’Etudes : ‘C’est plu­tôt le sta­tu quo qui l’emportera sans bouleversement’ ».

Recueillant le témoi­gnage du père Nicolas Brouwet (45 ans), curé de Saint-​Pierre de Neuilly-​sur-​Seine, qui célèbre les deux messes, la jour­na­liste du Figaro Sophie de Ravinel note : « Paradoxalement, ce prêtre for­mé en par­tie à Rome a pu décou­vrir ‘une plus grande proxi­mi­té’ avec l’assemblée lorsque tous sont tour­nés dans la même direc­tion. ‘Célébrant cette messe, dit-​il encore, le prêtre sai­sit d’une manière évi­dente qu’il n’est qu’un signe du Christ et pas le maître de la liturgie’ ».

En Italie

La Croix du 14 sep­tembre conclut son dos­sier par un article de sa cor­res­pon­dante per­ma­nente à Rome, Isabelle de Gaulmyn, inti­tu­lé « Au Vatican, une entrée en vigueur dans la plus grande dis­cré­tion » : « A Rome, l’entrée en vigueur du motu pro­prio libé­ra­li­sant le recours au Missel tri­den­tin a eu lieu dans la plus grande dis­cré­tion. ‘Rien n’a été pré­vu ce jour-​là’, confirme-​t-​on à la Commission Ecclesia Dei, char­gée de l’application de ce texte. Pas de célé­bra­tion par­ti­cu­lière en rite tri­den­tin, donc. Le car­di­nal Castrillón Hoyos, pré­sident de la Commission et l’un des arti­sans de Summorum pon­ti­fi­cum, devait célé­brer ce soir (14 sep­tembre) une messe pon­ti­fi­cale dans cette ‘forme extra­or­di­naire’, sui­vie d’un Te Deum. Mais il le fera à Lorette, à 283 km du Vatican, loin de Rome et à l’invitation de l’association litur­gique ita­lienne Una Voce, est-​il pré­ci­sé. Comme le note un membre de la Curie, ‘c’est comme s’il était allé se réfu­gier là-bas’.» (…)

Cependant, « il est cer­tain que la Commission Ecclesia Dei devrait pro­gres­si­ve­ment mon­ter en puis­sance, et, dans un ave­nir proche, se voir attri­buer un nou­veau sta­tut au sein de la Curie romaine. Avec ce motu pro­prio libé­ra­li­sant l’usage du Misse tri­den­tin, c’est en effet à elle que revient, comme à une sorte d’institution d’appel, de trai­ter les demandes de litur­gie en rite pré­con­ci­liaire qui auront été refu­sées par les évêques, après avis deman­dés par des curés. De plus, on espère – c’est même l’un des objec­tifs pour­sui­vis – que des membres de com­mu­nau­tés inté­gristes sou­hai­te­ront ren­trer dans le giron de l’Eglise catho­lique, et c’est la com­mis­sion qui exa­mi­ne­ra ces cas. De com­mis­sion pon­ti­fi­cale, Ecclesia Dei pour­rait alors deve­nir un conseil pon­ti­fi­cal, ce qui lui per­met­trait d’avoir à la fois une auto­ri­té plus impor­tante et davan­tage de moyens. L’équipe s’est déjà étof­fée il y a deux mois avec la nomi­na­tion d’un secré­taire géné­ral adjoint. » (…)

Toutefois dans les dio­cèses ita­liens, comme « Pise, Alba ou Côme, les évêques ne cachent pas leur réti­cence, deman­dant à leurs prêtres de leur faire remon­ter direc­te­ment les demandes de litur­gies selon le Missel tri­den­tin. L’opposition la plus spec­ta­cu­laire est venue de Milan, dio­cèse par­mi les plus impor­tants du monde et qui pèse lourd dans l’Eglise ita­lienne, et dans l’Eglise tout court. Déjà, son ancien arche­vêque, le car­di­nal Carlo Maria Martini, avait en juillet décla­ré qu’il ne célé­bre­rait pas dans l’ancien rite, fai­sant l’éloge d’une litur­gie en langue ver­na­cu­laire. Opinion que semble par­ta­ger son suc­ces­seur, le car­di­nal Dionigi Tettamanzi : un com­mu­ni­qué du dio­cèse a fait savoir que le motu pro­prio ne s’appliquait pas aux paroisses de rite ambro­sien, car il ne concerne pas ce rite spé­ci­fique à Milan, uti­li­sé dans la grande majo­ri­té des paroisses du dio­cèse ». Une inter­pré­ta­tion ‘à la lettre’ du motu pro­prio, constate Isabelle de Gaulmyn qui sou­ligne que « mis à part quelques élé­ments par­ti­cu­liers (signe de paix, envoi en fin de messe), le rite ambro­sien a lui aus­si été pro­fon­dé­ment réfor­mé après 1962, et selon les mêmes prin­cipes que le rite romain ».

Dans une volon­té d’apaisement, Mgr Angelo Bagnasco, pré­sident de la Conférence épis­co­pale d’Italie (C.E.I.), a décla­ré le 17 sep­tembre à l’ouverture des tra­vaux du Conseil per­ma­nent de la C.E.I. à Rome : « Il n’y aura pas deux rites, mais la double appli­ca­tion d’un seul et même rite, qui devra consti­tuer le cœur de la dyna­mique ecclé­siale, au nom d’une pleine récon­ci­lia­tion et d’une bonne uni­té visible dans l’Eglise ». Selon l’archevêque de Gênes, « le pape incite à adop­ter une clef de lec­ture inclu­sive et non exclu­sive », car « l’histoire de la litur­gie, tout comme la vie de l’Eglise, est faite de crois­sance et de pro­grès et non de rup­tures », et « c’est la sol­li­ci­tude pour l’unité de l’Eglise ‘dans l’espace et dans le temps’ qui sert de levier à la déter­mi­na­tion du pape, dans une démarche qui revient fon­da­men­ta­le­ment au suc­ces­seur de Pierre ». Aux yeux de Mgr Bagnasco, l’objectif du Motu Proprio est « clai­re­ment spi­ri­tuel et pas­to­ral », autre­ment dit la récon­ci­lia­tion et l’unité. La ques­tion doc­tri­nale n’est pas évoquée.

Une semaine après l’entrée en vigueur de Summorum pon­ti­fi­cum, il est clair – en Suisse, en France et en Italie – que les évêques n’entendent pas se des­sai­sir de leur auto­ri­té au pré­texte que le Motu Proprio donne direc­te­ment aux curés la pos­si­bi­li­té de satis­faire les demandes des fidèles dési­reux d’assister à la messe tri­den­tine. Ce qui fait dire à l’abbé Paul Aulagnier, dans le même dos­sier de La Croix : « Je ne suis pas sûr que la pro­cé­dure choi­sie par le Saint Père soit la bonne. Les curés oseront-​ils accep­ter la demande de fidèles atta­chés au Missel de Jean XXIII ? Et quelle sera l’attitude des évêques vis-​à-​vis de ces curés ? »

Aussi, pour savoir com­ment est réel­le­ment appli­qué le Motu Proprio, il convient de ne pas se conten­ter des infor­ma­tions d’une presse qui ne relaie que les consignes de l’épiscopat. Ainsi en Italie où la messe du car­di­nal Castrillón Hoyos à Lorette a réuni 700 fidèles dont beau­coup de jeunes, on a vu une messe tri­den­tine célé­brée près de Novara dans la région de Milan, une autre près d’Imperia en Ligurie, avec à chaque fois une cen­taine d’assistants par­ti­cu­liè­re­ment jeunes. Ces céré­mo­nies ont fait l’objet de repor­tages de la part des chaînes de télé­vi­sion locales. A la messe près d’Imperia se sont retrou­vés pas moins de dix prêtres dio­cé­sains, à celle près de Novara le célé­brant est sou­te­nu par un de ses confrères qui a repris défi­ni­ti­ve­ment la messe de saint Pie V. D’ailleurs la Fraternité Saint-​Pie X a dif­fu­sé en Italie plus de 600 DVD sur la célé­bra­tion de la messe tri­den­tine auprès des prêtres qui en ont fait la demande.

En revanche, dans le dio­cèse de Caserte, au nord de Naples, le rec­teur du sanc­tuaire de sainte Anne qui vou­lait célé­brer la messe tra­di­tion­nelle, le dimanche soir, pour répondre au sou­hait de parois­siens, s’est vu inter­dire de le faire par son évêque, Mgr Nogaro, qui lui a décla­ré ne pas vou­loir « créer de pré­cé­dent », ajou­tant – contre les dis­po­si­tions du Motu Proprio – que le prêtre devait aver­tir son évêque, qu’un groupe de 30 ou 40 fidèles n’était pas suf­fi­sant et qu’enfin, à ses yeux, la messe en latin n’était pas l’instrument adé­quat pour entrer vrai­ment en contact avec Dieu. Pourtant, par le pas­sé, le dio­cèse de Caserte avait trou­vé des lieux de culte à mettre à la dis­po­si­tion des ortho­doxes et des musul­mans… – Le même refus a été oppo­sé à un prêtre de l’archidiocèse de Milan.

Sources : apic/ansa/I.Media/Il Giornale/​Le Figaro/​La Croix/​Zenit/​Corriere del­la Serra/​sources privées