De la part de Rome, il y a une volonté claire et persistante d’en arriver à un agrément, abbé Wegner – 17 mai 2012

Fête de l’Ascension, le 17 mai 2012

Chers amis et bienfaiteurs,

Au cours des der­nières semaines, il y a eu un véri­table déluge d’ar­ticles expri­mant toutes sortes d’o­pi­nions au sujet des rela­tions entre la Fraternité Saint-​Pie X et Rome. Les infor­ma­tions véhi­cu­lées par ces textes ont pu paraître alar­mantes et même contra­dic­toires, au point de mena­cer notre tran­quilli­té d’es­prit et d’obs­cur­cir notre juge­ment. En réponse à la confu­sion pré­sente, je vou­drais donc, par le moyen de ces quelques lignes, expli­quer quel est le but de la Fraternité, sa rai­son d’être pour la défense de la foi catho­lique, et enfin l’im­por­tance de l’unité.

Le but de la Fraternité – le sacerdoce

Le but de la Fraternité Saint-​Pie X est « le sacer­doce et tout ce qui s’y rap­porte, et rien que ce qui le concerne » (Statuts II, 1). Pour pour­suivre ce but, la Fraternité a éta­bli six sémi­naires inter­na­tio­naux, entiè­re­ment dédiés à la for­ma­tion de vrais prêtres catho­liques. Une fois ordon­nés, ces prêtres sont envoyés dans le monde entier pour tra­vailler dans les prieu­rés et les écoles, pour l’hon­neur de Dieu et le bien des âmes. Partout où ils sont envoyés, ils admi­nistrent les sacre­ments et répandent la foi, car l’es­prit de la Fraternité est « essen­tiel­le­ment apos­to­lique, parce que le sacri­fice de la Messe l’est aus­si et parce que ses membres auront géné­ra­le­ment à exer­cer un minis­tère exté­rieur. » (Statuts I, 2)

La FSSPX et la Foi – transmettre ce que nous avons reçu

En 1988, quelques ins­tants avant de consa­crer les quatre évêques à Écône, Mgr Lefebvre a bros­sé un tableau de la mis­sion de la FSSPX au sein de l’Église :

« C’est pour cela que nous fai­sons cette céré­mo­nie. Loin de moi de m’é­ri­ger en pape. Je ne suis qu’un évêque de l’Église catho­lique qui conti­nue à trans­mettre, à trans­mettre la doc­trine. Tradidi quod et acce­pi. C’est ce que je pense que je sou­hai­te­rais qu’on mette sur ma tombe, et cela ne tar­de­ra sans doute pas. Je pense, et ce sera cer­tai­ne­ment dans peu de temps, que vous pour­rez gra­ver sur ma tombe Tradidi quod et acce­pi – ce que dit saint Paul – « Je vous ai trans­mis ce que j’ai reçu », tout sim­ple­ment. Je suis le fac­teur qui porte une lettre. Ce n’est pas moi qui l’ai faite cette lettre, ce mes­sage, cette parole de Dieu, c’est Dieu Lui-​même, c’est Notre Seigneur Jésus- Christ Lui-​même, et nous vous avons trans­mis, par l’in­ter­mé­diaire de ces chers prêtres qui sont ici pré­sents, et par tous ceux qui, eux-​mêmes, ont cru devoir résis­ter à cette vague d’a­po­sta­sie dans l’Église, en gar­dant la Foi de tou­jours et en la trans­met­tant aux fidèles. Nous ne sommes que des por­teurs de cette nou­velle, de cet Évangile que Notre Seigneur Jésus Christ nous a don­né et des moyens pour nous sanc­ti­fier : la Sainte Messe, la vraie Sainte Messe, les vrais sacre­ments, qui donnent vrai­ment la vie spirituelle. »

La rai­son pro­fonde pour laquelle Mgr Lefebvre a pro­cé­dé à cet acte héroïque (qui a pu appa­raître comme un acte de déso­béis­sance), était de trans­mettre la Tradition catho­lique, une et sans com­pro­mis­sion. C’est ain­si qu’il conclut : « C’est pour­quoi aujourd’­hui, en consa­crant ces évêques, je suis per­sua­dé de conti­nuer, de faire vivre la Tradition, c’est-​à-​dire l’Église catho­lique. »

Cependant, mal­gré l’op­po­si­tion farouche des médias et même de Rome, Monseigneur ne fut pas trou­blé car il savait que, par son acte (la consé­cra­tion des évêques), il allait rendre de fait un grand ser­vice à l’Église. Au cours du même ser­mon, il dit encore :

« Ils vont titrer sans doute en tête de leurs jour­naux : « Le schisme », « L’excommunication », tant qu’ils pour­ront. Pour nous, nous en sommes per­sua­dés, toutes ces accu­sa­tions dont nous sommes l’ob­jet, toutes ces peines dont nous sommes l’ob­jet sont nulles, abso­lu­ment nulles ! C’est pour­quoi nous n’en tenons abso­lu­ment aucun compte. De même que nous n’a­vons pas tenu compte de la sus­pens et que nous avons fini par être féli­ci­tés par l’Église et même par l’Église pro­gres­siste, de même, dans quelques années – je ne sais pas : le Bon Dieu seul connaît le nombre des années qu’il fau­dra pour voir le jour où la Tradition retrou­ve­ra ses droits à Rome –, nous serons embras­sés par les auto­ri­tés romaines qui nous remer­cie­ront d’a­voir main­te­nu la foi dans les sémi­naires, dans les familles, dans les cités, dans nos pays, dans nos cou­vents, dans nos mai­sons reli­gieuses, pour la plus grande gloire du Bon Dieu et pour le salut des âmes ».

En cette occa­sion, Mgr Lefebvre fut très clair : tout ce qu’il fai­sait, ce n’é­tait pas pour lui-​même, ni pour la FSSPX, mais uni­que­ment pour l’hon­neur de Dieu et le ser­vice de Son Église.

Unis dans un même but

La ligne de conduite tra­cée par notre véné­ré fon­da­teur est très claire et nous devons y adhé­rer. Aucun d’entre nous n’o­se­rait la contre­dire, mais cha­cun doit s’ef­for­cer d’en appli­quer les prin­cipes à sa vie per­son­nelle. Nous vou­lons tous pré­ser­ver la foi catho­lique dans sa beau­té, sa pure­té et son inté­gri­té. Voilà notre but com­mun – c’est cela qui nous unit et nous donne notre force. 

Animés de ce sou­ci louable et sin­cère du main­tien de notre uni­té dans la foi, beau­coup de fidèles m’ont envoyé des lettres et des cour­riels d’un peu par­tout au Canada. Certains sont en faveur d’une solu­tion cano­nique, et d’autres y sont oppo­sés. Le ton de ces lettres était par­fois ami­cal et encou­ra­geant, par­fois confus et trou­blé. Cependant, mal­gré les dif­fé­rences d’o­pi­nion, de conte­nu et de ton, il s’a­vère que toutes expriment un grand amour de la foi. Elles rendent donc témoi­gnage de notre uni­té dans l’a­mour de Dieu, de ses prêtres et de son Église. Je me réjouis d’un tel état d’es­prit ! Au milieu des incer­ti­tudes du moment, je vous conjure de pré­ser­ver intact le lien de la cha­ri­té, tout en pra­ti­quant la patience.

Une offre inattendue de Rome

Depuis sep­tembre der­nier, il est évident que Rome, et en par­ti­cu­lier le Pape Benoît XVI, veut régu­la­ri­ser la situa­tion de la FSSPX au sein de l’Église. L’initiative ne vient pas de la Fraternité mais de Rome. De la part de Rome, il y a une volon­té claire et per­sis­tante d’en arri­ver à un agré­ment. De son côté, notre supé­rieur géné­ral n’a pas don­né à la requête de Rome une fin de non-recevoir.

Il y a donc main­te­nant deux solu­tions pos­sibles : soit l’ac­cep­ta­tion d’une solu­tion cano­nique – fai­sant suite bien sûr à un exa­men appro­fon­di de ses condi­tions – soit le refus.

Deux chemins possibles, un seul but.

La pre­mière option est l’ac­cep­ta­tion de la régu­la­ri­sa­tion cano­nique. Certains auteurs des cour­riers qui m’ont été envoyés y voient là une tra­hi­son de la mis­sion de la Fraternité. Ils affirment que l’ac­cep­ta­tion d’une solu­tion cano­nique nous ferait perdre notre liber­té d’ac­tion, au point de nous for­cer à adhé­rer aux erreurs moder­nistes du Concile. Placés sous l’in­fluence coer­ci­tive des auto­ri­tés de l’Église locale et de Rome, nous serions for­cés de diluer la doc­trine catho­lique. La FSSPX serait alors effec­ti­ve­ment muse­lée, ren­due inapte à condam­ner les erreurs conci­liaires ain­si que leurs mani­fes­ta­tions perverses.

Par ailleurs, ceux qui sont en faveur de l’ac­cep­ta­tion d’une solu­tion cano­nique pré­voient qu’un grand bien pour­rait être accom­pli par la FSSPX avec la béné­dic­tion et la pro­tec­tion des auto­ri­tés romaines. N’étant plus stig­ma­ti­sés comme schis­ma­tiques, nous pour­rions agir plus libre­ment et avec plus d’ef­fi­ca­ci­té pour le ser­vice de l’Église et pour la res­tau­ra­tion de la Foi, pour le bien des âmes. Cette sépa­ra­tion injuste de Rome, qui fai­sait par­ti­cu­liè­re­ment souf­frir Mgr Lefebvre dans son grand amour de l’Église, vien­drait à sa fin. 

L’autre option serait de refu­ser l’offre de Rome. Ceux qui sont en faveur du refus affirment que la FSSPX res­te­rait inchan­gée et donc pour­rait conti­nuer à assu­rer son apos­to­lat vital, comme elle l’a fait au cours des der­nières décen­nies. Cependant, cer­tains craignent qu’un tel refus puisse conduire à un véri­table schisme. Après tout, le pape pour­rait en toute sin­cé­ri­té cher­cher à étendre la bonne influence et les ensei­gne­ments de la FSSPX au reste de l’Église, qui ser­vi­raient de cata­ly­seur à sa res­tau­ra­tion. Le refus de notre coopé­ra­tion et de notre sou­tien au Saint Père serait alors per­çu comme de l’égoïsme.

A l’heure actuelle, nous ne savons pas quelle sera l’is­sue. Est-​ce que la Fraternité Saint-​Pie X sera « recon­nue », ou alors devra-​t-​elle conti­nuer comme main­te­nant pour un peu plus long­temps ? De toute façon, il nous faut faire confiance aux qua­li­tés de chef de notre supé­rieur géné­ral, Mgr Fellay, qui a reçu de Dieu le pou­voir et les grâces d’é­tat de prendre cette déci­sion, et qui a la vue d’en­semble la plus géné­rale dans cette situa­tion extrê­me­ment délicate.

La foi, la sérénité et le sérieux des saints

De notre côté, il faut prendre garde à la curio­si­té, l’im­pa­tience, l’an­xié­té, l’or­gueil et les juge­ments hâtifs – toutes choses qui menacent de divi­ser la FSSPX, au grand détri­ment de la Tradition. De plus, quand les enne­mis de la Fraternité et de l’Église nous voient nous dis­pu­ter entre nous, ils y aper­çoivent un signe de fai­blesse et vont en pro­fi­ter pour nous atta­quer, en uti­li­sant l’im­pru­dence des nos que­relles internes comme arme de notre destruction.

Plus que jamais, il nous faut la séré­ni­té et le sérieux des saints. Comme la prière est toute-​puissante, nous avons confiance que, en res­tant fidèles à la Croisade du Rosaire – qui va se ter­mi­ner le dimanche de la Pentecôte – nous obtien­drons les grâces néces­saires pour per­sé­vé­rer dans notre com­bat pour l’hon­neur de Dieu. Imitons Notre-​Dame et les apôtres au moment où ils atten­daient patiem­ment, dans la tran­quilli­té et la prière, la venue de l’Esprit-​Saint. L’époque où ils vivaient était encore plus incer­taine que la nôtre. Durant ces jours saints qui pré­cèdent la Pentecôte, prions donc avec ins­tance pour la renais­sance de l’Église et le renou­veau de l’a­mour de la Vérité de Dieu.

Ayons une inten­tion spé­ciale dans nos prières pour le Saint-​Père et pour Mgr Fellay, afin que l’Esprit-​Saint les guide, eux et tous nos prêtres dans ces cir­cons­tances dif­fi­ciles. Peu importe qu’elle sera la déci­sion, notre but ne chan­ge­ra jamais.

La bataille sans mer­ci pour la Tradition, pour la foi et pour l’Église continuera.

Que le Cœur Immaculé de Marie pro­tège et guide la Fraternité Saint-​Pie X.

Sincèrement vôtre dans le Christ,

Abbé Jürgen Wegner, Supérieur du District du Canada – Lettre aux Amis et Bienfaiteurs – Mai 2012