9-12 décembre 1531

Apparition de Notre Dame de Guadalupe au Mexique

La docu­men­ta­tion four­nie par « L’Univers des Aztèques » per­met de com­prendre com­ment le peuple que trou­vaient les Espagnols, en 1494, en Amérique, était sou­mis à d’ef­frayants mas­sacres reli­gieux. Cet ouvrage évoque le pas­sage sur la terre, de Quetzalcoatl, sou­ve­rain des Toltèques, qui régna dans sa cité de Tulan aux édi­fices de rêve, faits de métaux pré­cieux, de coquillages écla­tants et de plumes mul­ti­co­lores ; l’a­bon­dance et le luxe s’é­pa­nouis­saient autour du monarque. Son époque fut celle de l’âge d’or de la civi­li­sa­tion et toutes les tra­di­tions concordent sur le fait que Quelzalcoatl, grand-​prêtre et roi de Talan, n’ac­cep­ta jamais les sacri­fices humains, offrant aux dieux son propre sang et celui des oiseaux. Des sor­ciers étran­gers arri­vèrent à Tulan avec leur magie noire qui fut vic­to­rieuse du roi-​prêtre refu­sant de tuer des hommes en offrande aux divi­ni­tés. Comprenant son impuis­sance à lut­ter contre leur influence, Quetzalcoatl se sépa­ra de son peuple en pleu­rant. L’âge d’or et de paix fit place aux sacri­fices humains mas­sifs et sau­vages que trou­vèrent les Espagnols et, s’il n’est ques­tion cou­ram­ment que du géno­cide de ces nou­veaux conqué­rants, c’est par le cou­teau ou les noyades que leurs prêtres auraient fait dis­pa­raître ce peuple, sacri­fiant jus­qu’à 2000 guer­riers en un seul jour.

Le mythe Toltèque pro­met­tait le retour de « L’Etoile du Matin » en la per­sonne d’une Femme revê­tue de toute la sagesse royale et religieuse.

De leur côté, les conquis­ta­dors débar­quant au Nouveau Monde y décou­vraient une popu­la­tion qu’ils ne savaient à quoi rat­ta­cher par rap­port aux des­cen­dants d’un patriarche de la Bible, donc à la lignée d’Adam ni à tout ce que l’on connais­sait. La nature des indiens fut donc un sujet d’af­fron­te­ment entre reli­gieux et colons durant la pre­mière géné­ra­tion, à savoir s’il fal­lait les rat­ta­cher à l’es­pèce humaine.

Intervenant dans ce grave dif­fé­rent, le pape Paul III les affir­ma doués de rai­son et des­ti­nés à deve­nir fils de Dieu par le bap­tême, mais le bref ne date que de 1537. Cependant que, dès la fin du XVe siècle, soit dès les pre­mières années, la reine Isabelle la Catholique avait pro­tes­té contre les mas­sacres et atro­ci­tés dont les conquis­ta­dors se ren­dirent cou­pables, décla­rant inique de les tenir en escla­vage ; puis en 1542, Charles-​Quint pro­mul­gua des lois leur recon­nais­sant le titre de libres sujets de la cou­ronne. Depuis, le sang des indi­gènes et celui des espa­gnols se mêla au point qu’il n’est plus pos­sible de défi­nir un cri­tère de l’indianité.

C’est au début du XVIe siècle, dix ans après la conquête du Mexique par Cortés, que Notre-​Dame appa­raît à un pauvre indien de 57 ans, pour lui affir­mer en langue aztèque, sa mater­ni­té uni­ver­selle et sa pro­tec­tion par­ti­cu­lière, Juan Diego, bap­ti­sé en 1524, encore alerte, mais qui, depuis la mort de sa femme, sa Lucia bien-​aimée, n’a de pen­sée que pour le ciel où il aspire à la rejoindre.

La rela­tion de l’é­poque en aztèque, fidè­le­ment tra­duite en espa­gnol, rap­porte les faits dans toute leur fraî­cheur et leur simplicité.

Ce matin-​là, 9 décembre 1531, pre­mier jour de l’oc­tave de l’Immaculée Conception, Juan Diego se ren­dait à la messe à Tlatelolco lors­qu’un ramage mélo­dieux, sur­pas­sant celui d’oi­seaux rares l’im­mo­bi­li­sa par son inso­lite et sur­pre­nante beau­té puis, la mélo­die se tut et dans le silence subit, l’ap­pel d’une voix enchan­te­resse se fit entendre :

-« Mon petit Jean, mon petit Jean-Jacques !»

dont les nuances dans la langue aztèque, de dou­ceur, d’af­fec­tion et de cour­toi­sie ne peuvent se traduire.

Dans l’é­mer­veille­ment des chants d’oi­seaux puis de cette voix ravis­sante, le « cam­pe­si­no » se crut trans­por­té en para­dis ain­si qu’il le décrit dans le récit de l’époque :

-« Est-​ce que je le mérite ? Suis-​je digne d’en­tendre une telle mer­veille ? Peut-​être suis-​je tout sim­ple­ment en train de rêver ? Où suis-​je ? Peut-​être dans la Terre Fleurie dont nous par­laient les anciens, nos grands-​parents, la Terre nour­ri­cière ? Peut-​être suis-​je au ciel ?»

Et Juan Diego, avec ces sen­ti­ments d’al­lé­gresse au cœur, grimpe où la voix se fait entendre pour décou­vrir une ravis­sante jeune fille, debout, éblouis­sante de lumière, dont les vête­ment irra­dient des rayons de lumière qui trans­forment ce pay­sage aride de cac­tus et de rochers en pierres pré­cieuses, éme­raudes et tur­quoises, dans des vagues lumi­neuses d’arc-​en-​ciel. Toute cette vision n’est pas de la terre.

Juan Diego qui s’é­tait pros­ter­né, est invi­té à s’ap­pro­cher et c’est là que s’en­gage le dia­logue fidè­le­ment rap­por­té en aztèque dans « Voici le récit » (Nican mopo­hua) avec ses expres­sions typiques

-« Ecoute, mon petit enfant, le plus petit, où vas-tu ?»

-« Ma Dame, mon enfant, ma Reine, je m’en vais aux affaires de Dieu, celles que nous enseignent les ministres de Notre-​Seigneur, nos prêtres ».

-« Sache et tiens pour cer­tain, mon fils, le plus petit, que je suis la par­faite et tou­jours Vierge Marie, Mère du vrai Dieu, de Celui par qui tout vit, le Créateur des hommes, le Maître du voi­si­nage immé­diat et le Seigneur du ciel et de la terre ».

La Dame reprend là des termes uti­li­sés par les aztèques, tels qu’ils les com­pre­naient à cette époque. Elle poursuit :

-« Je désire très ardem­ment et c’est ma volon­té, qu’en cet endroit, on me construise mon petit « teo­cal­li » (mai­son de dieu). Là, je Le mon­tre­rai, je L’exalterai, je Le don­ne­rai aux hommes par la média­tion de mon amour, de mon regard com­pa­tis­sant, de mon aide secou­rable, de mon salut ».

Par ces mots, Notre-​Dame révèle son rôle de média­trice universelle.

-« Pour que cela puisse se faire et que s’exerce ma misé­ri­corde, va trou­ver l’é­vêque de Mexico en son palais et dis-​lui com­ment je t’ai man­dé, toi, mon mes­sa­ger, afin de lui repré­sen­ter com­bien je désire avec beau­coup d’in­sis­tance que l’on me construise mon « teo­cal­li » ici même. Tu lui racon­te­ras bien ce que tu as vu et admi­ré et tu lui répè­te­ras fidè­le­ment ce que tu as enten­du. Et sois sûr que je me mon­tre­rai très recon­nais­sante et que je te ren­drai heu­reux, que cette mis­sion dont je te charge aujourd’­hui sera récom­pen­sée ain­si que la fatigue et la peine que tu auras prise pour la mener à bien ». « Voilà, mon fils, le plus petit ; tu as enten­du ce que je t’ai dit ; va main­te­nant et fais tout ce qui est de toi ».

Le vieil homme répon­dit humblement :

-« Ma Dame, ma Reine, je pars accom­plir ce que tu m’as ordon­né. A pré­sent, je te quitte, moi, ton pauvre serviteur ».

Il s’en fut donc au palais de l’é­vêque par la Voie Royale qui relie le Tepeyac, « le Nez de la Montagne », à Mexico, mais les domes­tiques refu­sèrent d’in­tro­duire ce misé­rable auprès de l’é­vêque. Il lui fal­lut la patience obs­ti­née des humbles pour péné­trer chez le pré­lat, Juan de Zumarraga, qui répon­dit dis­trai­te­ment à sa relation :

-« Mon fils, il fau­dra reve­nir une autre fois. Je réflé­chi­rai à tout cela ».

Le soir même, le voyant, de retour sur la col­line, y retrou­vait la Reine du Ciel et, se pros­ter­nant devant elle :

-« Ma Maîtresse, ma Dame, ma Reine, ma toute petite fille, je suis allé là où tu m’as envoyé ; j’ai dit tes paroles et ton désir. Avec beau­coup de dif­fi­cul­tés, j’ai fini par être intro­duit chez ce Monseigneur qui dirige tous nos prêtres. Il m’a reçu de bon cour et m’a écou­té aima­ble­ment, mais j’ai com­pris dans sa façon de me répondre qu’il pense que cette idée de construire une église vient de moi et non de toi ». « Alors, je t’en sup­plie, ma Dame, ma Reine, ma petite enfant, charge plu­tôt quelque noble ou per­sonne en vue et esti­mée, de trans­mettre ton désir et tes paroles si tu veux être crue, parce qu’en­fin, je ne suis qu’un pauvre homme, un por­te­faix, le plus rustre, le der­nier du vil­lage. Je ne suis pas à ma place là où tu m’en­voies. Oh ! ma petite demoi­selle, toute petite fille, ma Reine. Pardonne-​moi, je vais t’at­tris­ter, te faire, du cha­grin, tom­ber en ta dis­grâce et tu vas être irri­tée à cause de moi, ma Dame, ma Maîtresse ».

La visi­teuse céleste répon­dit à ce discours :

-« Ecoute bien, s’il te plaît, mon tout petit enfant. Ils sont nom­breux mes ser­vi­teurs, tous ceux que je pour­rais char­ger de mon mes­sage et qui pour­raient exé­cu­ter ma volon­té. Mais il est abso­lu­ment néces­saire que ce soit toi pré­ci­sé­ment qui l’exé­cutes, qui parles, et que mon désir et ma volon­té se réa­lisent par ton entre­mise. Ainsi, je te prie, mon fils, toi le plus petit, et je t’or­donne de retour­ner demain matin chez l’é­vêque. Et redis-​lui que c’est la vierge Marie, Mère de Dieu, qui t’envoie ».

Bien que peu convain­cu du suc­cès de sa démarche, Juan Diego pro­mit de l’accomplir :

-« Ma Dame, ma Reine, ma petite fille, je ne veux pas assom­brir ton visage, ni faire de la peine à ton cœur ; j’i­rai donc et de bonne grâce. Peut-​être qu’il ne vou­dra pas m’é­cou­ter ou s’il m’é­coute, me croira-t-il ?»

Le len­de­main, dimanche, après la messe, il s’en fut, tout en larmes, se jeter aux pieds de l’é­vêque, lui répé­ter les paroles de la Reine du ciel qu’il devait croire. Cette fois-​ci, Monseigneur lui fit mille ques­tions et selon ce qui est rap­por­té, le voyant racon­ta à l’é­vêque tout ce qu’il avait vu et admi­ré et il en fit la des­crip­tion, mon­trant qu’elle était bien la Vierge, la Mère admi­rable du Sauveur, Notre Seigneur Jésus-​Christ, sa beau­té, son sou­rire, ses mains jointes, la tête cou­verte d’un voile four­millant d’é­toiles d’or, tom­bant jus­qu’aux pieds, la taille d’une enfant de 15 ans, qu’elle se tenait sur un crois­sant de lune noir sur lequel était posé son pied droit, chaus­sé de gris cen­dré ; des rayons plus brillants que le soleil sem­blant jaillir de ce corps ; elle était sou­te­nue par un ange. Puis l’in­dien ajou­ta qu’elle devait être enceinte pour un détail du vête­ment qui signa­lait cette situa­tion chez les femmes du pays.

L’évêque, ébran­lé par un tel récit, deman­da néan­moins à Juan Diego, de lui por­ter un signe, puis le congé­diant, il don­na l’ordre à quelques uns des gens de sa mai­son, de le suivre dis­crè­te­ment. Parvenu aux abords du pont de Tepeyac, il dis­pa­rut à leurs yeux. Après l’a­voir vai­ne­ment cher­ché, ils revinrent furieux et décon­fits, racon­ter à l’é­vêque com­ment ils avaient été semés par cet imposteur.

Pendant ce temps, Juan Diego por­tait la réponse à Notre Dame.

-« C’est bien, mon fils, répondit-​elle ; tu iras demain por­ter à l’é­vêque le signe qu’il te demande afin qu’il te croie. Sache que je récom­pen­se­rai ton sou­ci, te peine et ta fatigue ; Maintenant, va-​t-​en ; je t’at­tends demain ».

Mais de retour à la mai­son, Juan Diego avait trou­vé son oncle, Juan Bernardino, très malade, le priant d’al­ler cher­cher un prêtre. Le mar­di 12 décembre, alors qu’il fai­sait encore nuit, Juan Diego prit le che­min de Tlatelolco mais, par­ve­nu au pied du Tepeyac, il se dit :

-« Si je prends le sen­tier, la Reine risque de me voir et de me don­ner le signe que demande l’é­vêque. Pourtant, il faut que je m’oc­cupe de notre mal­heur, que j’aille trou­ver ce prêtre. Mon pauvre oncle est en train de souf­frir et il attend cette visite ».

Croyant, dans sa naï­ve­té, qu’en emprun­tant un autre sen­tier il ne serait pas vu de Celle qui nous regarde tous, il la vit comme elle venait à sa ren­contre, lui cou­pant le pas­sage et s’ar­rê­tant en face de lui :

-« eh bien, mon petit enfant, où cours-​tu donc ? Où t’en vas-tu ? »

Lui, tout gêné, hon­teux et même effrayé, tom­ba à genoux :

-« Ma Petite, ma toute Petite, ma Reine, que Dieu te garde ! Comment t’es-​tu levée ce matin ? Ta bien-​aimée petite per­sonne se sent-​elle bien ? Ma Dame, mon enfant, je vais attris­ter ton visage et ton cœur, sais-​tu qu’un de tes enfants se meurt ? Mon oncle est très malade, on ne peut gué­rir le mal qui l’emporte, il est à la mort et je me hâte d’al­ler dans une de tes demeures, à Mexico pour cher­cher l’un des amants de Notre-​Seigneur, un de nos chers prêtres pour confes­ser mon pauvre parent et faire tout ce qu’il faut ; certes, c’est pour cela que nous sommes nés, pour attendre que notre mort fasse son office ». « Mais, si pour l’ins­tant, je dois m’ac­quit­ter de cette tâche, je te pro­mets de reve­nir à un autre moment pour trans­mettre ton mes­sage. Ma Dame, ma petite jeune fille, pardonne-​moi et pour l’heure, sois patiente avec moi, je ne veux pas te trom­per, ma toute petite fille, mon enfant. Demain, sans faute, je revien­drai au plus tôt ».

La réponse de la Vierge peut être enten­due par tout pèle­rin comme le tré­sor unique de sa pauvre vie :

-« Ecoute bien, mon petit, le plus petit, et mets bien ceci dans ton cœur : ce qui t’af­flige, ce qui t’ef­fraye n’est rien. Que ton visage ne se trouble aucu­ne­ment, non plus que ton cœur. Ne crains pas cette mala­die ni aucune autre épreuve, n’aie nulle angoisse, nulle peine. Ne suis-​je pas là, moi qui suis ta mère ? N’es-​tu pas sous mon ombre, sous ma pro­tec­tion ? N’est-​ce pas moi qui suis ta san­té ? N’es-​tu pas au creux de mon man­teau, dans mon giron ? Que te faut-​il de plus ? Non, n’aie nulle angoisse, aucune amer­tume et que la mala­die de ton oncle ne t’af­flige pas, car pour l’ins­tant il n’en mour­ra pas. Sois sûr qu’il est déjà guéri ».

Tout ras­su­ré, Juan Diego sup­plia la Vierge de lui don­ner le signe récla­mé par l’évêque :

-« Monte, mon fils, le plus petit, au som­met de la col­line et, là où tu m’as vue et enten­due, là tu trou­ve­ras des fleurs variées. Coupe-​les, rassemble-​les, fais-​en un bou­quet puis des­cends et apporte-​le ici, en ma présence ».

Juan Diego grim­pa donc au som­met de la col­line où l’on ne voit que des char­dons et des épines et s’ar­rê­ta, muet d’ad­mi­ra­tion devant un par­terre des plus belles fleurs de Castille aux­quelles la rosée fai­sait une parure de perles fines ; L’indien s’empressa d’en cou­per une gerbe qu’il des­cen­dit à la Reine du Ciel qui les dis­po­sa u creux de l” « ayate » de Juan Diego.

-« Mon tout petit enfant, lui dit-​elle, ces fleurs si variées sont le signe que tu appor­te­ras à l’é­vêque. Tu lui diras de ma part qu’il doit réa­li­ser mon désir et ma volon­té, que tu es bien mon mes­sa­ger, que j’ai mis ma confiance en toi. Une fois en sa pré­sence, tu ouvri­ras ton man­teau et tu lui mon­tre­ras ce que tu apportes. Et tu lui racon­te­ras tout, lui disant com­ment je t’ai ordon­né de mon­ter tout en haut de la col­line pour cou­per ces fleurs et tout ce que tu as vu et admi­ré. Avec cela, tu tou­che­ras le cœur de ton évêque et il consen­ti­ra à éle­ver l’é­glise que je lui ai demandée ».

Parvenu chez l’é­vêque, Juan Diego pen­sait être intro­duit tout de suite, mais il tom­ba sur les gardes et valets, excé­dés de ses visites, qui refu­sèrent de l’é­cou­ter. Il patien­ta long­temps et les gardes finirent par être intri­gués par ce qu’il por­tait dans son man­teau. A force de menaces, il ne put cacher com­plè­te­ment son tré­sor qu’il leur mon­tra un peu ; les gardes, fort sur­pris de voir ces mer­veilleuses fleurs toutes fraîches, exha­lant un par­fum déli­cieux, vou­lurent en prendre, mais au moment de les attra­per, ils ne les voyaient plus que peintes ou bro­dées et, en en déses­poir de cause, ils finirent par l’an­non­cer à l’é­vêque qui ordon­na qu’on le lui amenât.

Juan Diego entra, se pros­ter­na et dit :

-« Monseigneur et mon maître, j’ai fait tout ce que tu m’as deman­dé. J’ai par­lé à la Dame, Notre Dame, la Reine du Ciel, Sainte Marie, la Mère admi­rable de Dieu. Je lui ai dit que tu dési­rais un signe pour pou­voir me croire et accep­ter de lui construire une église là où elle le demande et je lui ai dit éga­le­ment que j’a­vais pro­mis de te rap­por­ter ce signe comme preuve de sa volon­té expri­mée par moi. Ainsi, elle a bien vou­lu t’ac­cor­der ce signe afin que tu réa­lises sa demande ».

Il ouvrit son man­teau blanc : les fleurs de Castille en tom­bèrent et l’i­mage de la véné­rable, de la par­faite et tou­jours Vierge, Sainte Marie Mère de Dieu, appa­rut, peinte sur le man­teau, telle qu’on peut la voir à présent.

Muet d’ad­mi­ra­tion, l’é­vêque en larmes s’a­ge­nouilla, la sup­pliant de lui par­don­ner son incré­du­li­té, puis, se rele­vant, il détache l’i­mage de la Reine du Ciel du cou de Juan Diego pour la pla­cer dans son ora­toire. Le voyant demeu­ra chez l’é­vêque jus­qu’au len­de­main avant d’être prié d’in­di­quer l’emplacement où la Reine du Ciel vou­lait voir éri­ger cette église, puis il expri­ma son désir d’al­ler retrou­ver son oncle, Juan Bernardino, que la Vierge avait gué­ri. Quelques per­sonnes l’ac­com­pa­gnèrent ; l’on trou­va l’oncle tout à fait bien dès l’heure où la Vierge avait annon­cé sa gué­ri­son ; en lui appa­rais­sant, elle dit qu’il fal­lait l’in­vo­quer sous le nom de « la tou­jours Vierge Marie de Guadalupe ».

La cha­pelle fut donc construite à l’emplacement dési­gné. En atten­dant d’y être trans­fé­rée en grande pro­ces­sion, l’i­mage avait été pla­cée dans l’é­glise des fran­cis­cains qui ser­vait de cathé­drale où elle demeu­ra jus­qu’en 1556.

Dès les débuts, des foules innom­brables venaient véné­rer l’i­mage céleste de la mère de misé­ri­corde qui n’a ces­sé de secou­rir les misères humaines ; Un jour que l’é­vêque avait deman­dé à connaître l’en­droit pré­cis de la 4ème appa­ri­tion et que Juan Diego hési­tait, une source jaillit mira­cu­leu­se­ment pour la dési­gner ; depuis, elle n’a ces­sé d’ob­te­nir des miracles de gué­ri­son qui se pour­suivent de nos jours.

Chose unique, Notre Dame qui don­nait son nom, lais­sait éga­le­ment son por­trait. Toutes les études scien­ti­fiques modernes de plus en plus pous­sées, confirment le mys­tère de la fac­ture céleste de ce por­trait, ain­si on ne retrouve aucune trace de pig­ment à l’é­tude de ses cou­leurs ; le sup­port tex­tile si rus­tique qu’il se désa­grège rapi­de­ment, ne donne aucun signe d’u­sure après plu­sieurs siècles et une très longue expo­si­tion sans la moindre pro­tec­tion pen­dant de longues décades ; l’exa­men oph­tal­mo­lo­gique, rien qu’à la loupe, a révé­lé, dans la cor­née des yeux, l’i­mage d’un buste humain ; on obtient l’i­mage du fond de l’oil et la pupille s’illu­mine comme sur un relief, chose impos­sible sur une sur­face plane et opaque ; les yeux donnent une impres­sion de vie.

Le Professeur Kuhn et le Docteur Lavoignet, entre autres, depuis des dizaines d’an­nées, confirment les obser­va­tions des pre­miers oph­tal­mo­logues sur la pré­sence d’un homme bar­bu qui cor­res­pon­drait à la pre­mière figu­ra­tion du voyant faite à l’é­poque de l’ap­pa­ri­tion. On remarque que les rajouts de pein­ture faits de main d’homme se sont écaillés et n’ont pas l’é­lé­gante beau­té de l’original.

Parmi les innom­brables miracles obte­nus par l’in­ter­ces­sion de la Vierge mexi­caine, l’un des tout pre­miers l’a­vait été en faveur de Christophe Colomb qui échap­pait à une tem­pête, au retour du pre­mier voyage, aus­si, en remer­cie­ment donna-​t-​il le nom de « Guadalupe » à la pre­mière grande île qu’il ren­con­trait en retour­nant au Nouveau Monde.

Lorsqu’en 1635, cette île tom­bait entre les mains de la France, elle gar­da ce vocable, à peine fran­ci­sé en « Guadeloupe », conser­vant le patro­nage offi­ciel en vigueur.

En 1571, 40 ans après l’ap­pa­ri­tion, devant le péril isla­mique, le roi Philippe II d’Espagne, remet­tait à Andréa Doria qui la prit avec lui, sur le vaisseau-​amiral, la copie de l’Image sainte qui avait tou­ché l’o­ri­gi­nale, menant la flotte chré­tienne à la vic­toire après sa plus grande menace sur l’Occident.

La lutte furieuse enga­gée au Mexique pour laï­ci­ser le pays n’a pu tou­cher le peuple si dévo­te­ment fidèle à « sa petite mère » que l’im­mense basi­lique qui lui est dédiée a dû être dou­blée en 1976 et qu’à peine ter­mi­née, elle s’est déjà trou­vée trop petite pour tous ceux qui ne l’im­plo­re­ront pas en vain.

G.T. – Toulouse