Léon X

217e Pape ; de 1513 à 1521

15 juin 1520

Bulle pontificale Exsurge Domine

Condamnation de Martin Luther et ses disciples

Donné à Rome, à Saint-​Pierre, l’an de l’Incarnation du Seigneur 1520, de notre pon­ti­fi­cat le huitième.

Léon, évêque, Serviteur des ser­vi­teurs de Dieu,
Pour en gar­der le sou­ve­nir éternel

Levez-​Vous, Seigneur, et jugez de votre propre cause. Rappelez-​Vous vos reproches à ceux qui sont rem­plis de folie tout au long du jour. Écoutez nos prières car les renards ont sur­gi cher­chant à détruire la vigne dont Vous seul avez fou­lé le pres­soir. Lorsque Vous étiez sur le point de mon­ter à Votre Père, Vous avez confié le soin, la règle et l’ad­mi­nis­tra­tion de la vigne, une image de l’Église Triomphante, à Pierre, en tant que la Tête et le Vicaire ain­si qu’à ses suc­ces­seurs. Le san­glier de la forêt vise à la détruire et toutes les bêtes sau­vages se nour­rissent d’elle.

Levez-​vous, Pierre, et rem­plis­sez cette charge pas­to­rale qui Vous a été divi­ne­ment confiée tel que men­tion­né ci-dessus.

Prêtez atten­tion à la cause de la Sainte Église Romaine, Mère de toutes les églises et Maîtresse de la Foi, que vous avez consa­crée par Votre Sang sur l’ordre de Dieu. Vous avez pré­ve­nu au sujet des ensei­gnants fourbes contre l’Église Romaine qui seraient à la hausse intro­dui­sant des sectes rui­neuses et atti­rant sur eux-​mêmes un des­tin tra­gique rapide. Leurs langues sont de feu, d’un mal sans repos, pleines de venin mor­tel. Ils ont un zèle amer, de la dis­corde dans leur cœur, et se vantent et mentent contre la vérité.

Nous vous prions aus­si, Paul, de vous lever. C’était vous qui avez éclai­ré et illu­mi­né l’Église par votre doc­trine et par un mar­tyre comme celui de Pierre. Maintenant un nou­veau Porphyre [1] se lève qui, comme l’an­cien qui avait déjà assailli les saints Apôtres, assaille main­te­nant les saints Pontifes, nos prédécesseurs.

Les mena­çant, en vio­la­tion de votre ensei­gne­ment au lieu de les implo­rer, il n’a pas honte de les atta­quer, de les déchi­rer et, quand il déses­père de sa cause, il s’abaisse dans les insultes. Il est comme les héré­tiques « dont la der­nière défense », comme le disait Jérôme, « est de com­men­cer à cra­cher du venin de ser­pent de leurs langues quand ils voient que leurs causes sont en passe d’être condam­nées, et sautent aux insultes quand ils voient qu’ils sont vain­cus ». Car, bien que vous ayez dit qu’il doit y avoir des héré­sies pour tes­ter les fidèles, elles doivent être par contre détruites à leur nais­sance par votre inter­ces­sion et votre aide de sorte qu’elles ne se déve­loppent pas ou ne croissent pas solides comme vos loups. Enfin, toute l’Église des saints et le reste de l’Église uni­ver­selle se lève. Certains, en met­tant de côté sa véri­table inter­pré­ta­tion de l’Écriture Sainte, sont aveu­glés en esprit par le père du men­songe. Sages à leurs propres yeux, selon l’an­cienne pra­tique des héré­tiques, ils inter­prètent ces mêmes Écritures autre­ment que le Saint Esprit le demande, ins­pi­rés seule­ment par leur propre sens de l’am­bi­tion et pour des rai­sons d’acclamation popu­laire, comme l’a­pôtre le déclare. En fait, ils tordent et déna­turent les Écritures. En consé­quence, selon Jérôme, « Il n’y a plus l’Évangile du Christ mais celui d’un homme ou, ce qui est pire, du diable ».

Que toute cette sainte Église de Dieu, je le dis, se lève, et avec les bien­heu­reux Apôtres inter­cède auprès de Dieu Tout-​Puissant pour pur­ger les erreurs de Ses bre­bis, pour ban­nir toutes les héré­sies des terres des fidèles et pour qu’Il daigne main­te­nir la paix et l’u­ni­té de Sa sainte Église.

Car nous ne pou­vons guère expri­mer, dans notre détresse et notre dou­leur de l’es­prit, ce qui atteint nos oreilles depuis un cer­tain temps selon le rap­port d’hommes fiables et la rumeur géné­rale ; hélas, nous avons nous-​mêmes vu de nos yeux et lu les nom­breuses et diverses erreurs. Certaines d’entre elles ont déjà été condam­nées par des Conciles et des Constitutions de nos pré­dé­ces­seurs, et contiennent même expres­sé­ment l’hé­ré­sie des Grecs et des Bohémiens. D’autres erreurs sont soit héré­tiques, fausses, scan­da­leuses soit offen­santes à des oreilles pieuses, comme sédui­santes aux simples d’esprit, éma­nant de faux repré­sen­tants de la foi qui, dans leur fière curio­si­té, aspirent à la gloire du monde et, contrai­re­ment à l’en­sei­gne­ment de l’Apôtre, veulent être plus sages qu’ils ne devraient l’être.

Leur bavar­dage, non appuyé par l’au­to­ri­té des Écritures, comme le dit Jérôme, ne gagne­rait pas de cré­di­bi­li­té à moins qu’ils ne semblent sou­te­nir leur doc­trine per­verse avec des témoi­gnages divins cepen­dant si mal inter­pré­tés. À leurs yeux, la crainte de Dieu est main­te­nant passée.

Ces erreurs ont, à la sug­ges­tion de la race humaine, été relan­cées et récem­ment pro­pa­gées par­mi la plus fri­vole et illustre nation alle­mande. Nous pleu­rons davan­tage que ce soit arri­vé là parce que nous et nos pré­dé­ces­seurs avons tou­jours tenu cette nation au sein de notre affec­tion. Car, après que l’empire eût été trans­fé­ré par l’Église Romaine des Grecs à ces mêmes Allemands, nos pré­dé­ces­seurs et nous avons tou­jours pris les porte-​parole de l’Église et ses défen­seurs par­mi eux. En effet, il est cer­tain que ces Allemands, ayant vrai­ment rap­port avec la foi Catholique, ont tou­jours été les adver­saires les plus achar­nés des héré­sies, comme en témoignent ces consti­tu­tions louables des empe­reurs alle­mands en faveur de l’in­dé­pen­dance et la liber­té de l’Église, et de l’ex­pul­sion et l’ex­ter­mi­na­tion de tous les héré­tiques d’Allemagne. Ces consti­tu­tions pré­cé­dem­ment édic­tées, puis confir­mées par nos pré­dé­ces­seurs, ont été émises avec les plus grandes péna­li­tés allant même à la perte de terres et de pos­ses­sions contre toute per­sonne les abri­tant ou ne les expul­sant pas. Si elles avaient été obser­vées aujourd’­hui, nous et eux serions évi­dem­ment libres de ces troubles.

Témoin à cela est la condam­na­tion et la puni­tion par le Concile de Constance de l’in­fi­dé­li­té des Hussites et des Wyclifites ain­si que de Jérôme de Prague. Témoin à cela est le sang des Allemands ver­sé si sou­vent dans les guerres contre les Bohémiens. Un exemple ultime est la réfu­ta­tion, le rejet et la condam­na­tion – pas moins apprises que vraies et saintes – des erreurs ci-​dessus, ou beau­coup d’entre elles, par les uni­ver­si­tés de Cologne et de Louvain, des culti­va­teurs des plus dévoués et reli­gieux du champ du Seigneur. Nous pour­rions invo­quer beau­coup d’autres faits aus­si mais nous avons déci­dés de les omettre de peur d’a­voir l’air de com­po­ser une histoire.

En ver­tu de notre fonc­tion pas­to­rale qui nous a été confiée par faveur divine, nous ne pou­vons en aucune cir­cons­tance tolé­rer ou igno­rer plus long­temps le poi­son per­ni­cieux des erreurs ci-​dessous sans dis­grâce à la reli­gion Chrétienne et sans bles­sure à la foi Orthodoxe. Nous avons déci­dé d’in­clure cer­taines de ces erreurs dans le pré­sent docu­ment ; leur sub­stance est la suivante :

  1. C’est une opi­nion héré­tique mais com­mune que les Sacrements de la Nouvelle Loi donnent une grâce de par­don à ceux qui ne créent pas d’obstacle.
  2. Nier que, chez un enfant après son bap­tême, le péché demeure, c’est de trai­ter avec mépris à la fois Paul et le Christ.
  3. Les sources inflam­mables du péché, même s’il n’y a pas eu de péché actuel, retardent le départ de l’âme du corps pour son entrée au ciel.
  4. Pour quelqu’un sur le point de mou­rir, une cha­ri­té impar­faite entraîne néces­sai­re­ment une grande crainte qui, à elle seule, est suf­fi­sante pour pro­duire la peine du pur­ga­toire et empê­cher l’en­trée dans le royaume.
  5. Qu’il y ait trois par­ties à la péni­tence, à savoir : la contri­tion, la confes­sion et la satis­fac­tion ; il n’y a pas de fon­de­ment à cela dans la Sainte Écriture ni chez les Anciens Docteurs Chrétiens sacrés.
  6. La contri­tion, qui est acquise par la dis­cus­sion, la col­lecte et la détes­ta­tion des péchés, par laquelle on réflé­chit sur ses années dans l’a­mer­tume de son âme, en médi­tant sur la gra­vi­té des péchés, leur nombre, leur bas­sesse, la perte de la béa­ti­tude éter­nelle et l’ac­qui­si­tion de la dam­na­tion éter­nelle, cette contri­tion fait de lui un hypo­crite et, en effet, un grand plus pécheur.
  7. C’est un pro­verbe des plus véri­diques et la doc­trine sur les contri­tions la plus remar­quable jus­qu’à pré­sent : « Ne plus le faire à l’a­ve­nir est la péni­tence la plus éle­vée ; c’est la meilleure péni­tence, c’est une nou­velle vie ».
  8. En aucun cas, vous ne pou­vez pré­su­mer confes­ser les péchés véniels, ni même tous les péchés mor­tels, parce qu’il est impos­sible que vous connais­siez tous les péchés mor­tels. Ainsi, dans l’Église pri­mi­tive, seuls les péchés mor­tels mani­festes étaient confessés.
  9. Tant que nous sou­hai­tons confes­ser tous les péchés sans excep­tion, nous ne fai­sons rien d’autre que sou­hai­ter ne lais­ser rien à la Miséricorde de Dieu à pardonner.
  10. Les péchés ne sont par­don­nés que si celui se confesse croit qu’ils sont par­don­nés lorsque le prêtre les par­donne ; au contraire, le péché demeure à moins que celui qui se confesse ne croit qu’il a été par­don­né ; car, en effet, la rémis­sion des péchés et l’oc­troi de la grâce ne suf­fisent pas mais il est néces­saire de croire aus­si qu’il y a eu pardon.
  11. En aucun cas, pouvez-​vous être ras­su­ré d’être absous à cause de votre contri­tion mais à cause de la Parole du Christ : « Tout ce que vous délie­rez, etc ». Par consé­quent, je dis, ayez confiance que vous avez obte­nu l’ab­so­lu­tion du prêtre et croyez fer­me­ment que vous avez été absous et vous serez vrai­ment absous quoiqu’il en soit de la contrition.
  12. Si, par une impos­si­bi­li­té, celui qui s’est confes­sé n’était pas contrit ou que le prêtre n’a pas don­né l’absolution sérieu­se­ment mais d’une manière joviale, si pour­tant il estime qu’il a été absous, il a été vrai­ment absous.
  13. Dans le sacre­ment de la péni­tence et la rémis­sion des péchés, le Pape ou l’Évêque n’en fait pas davan­tage que le prêtre le plus humble ; en effet, lors­qu’il n’y a pas de prêtre, tout Chrétien, même une femme ou un enfant, peut éga­le­ment en faire autant.
  14. Nul ne doit répondre à un prêtre s’il est contrit, ni le prêtre s’en renseigner.
  15. Grande est l’er­reur de ceux qui approchent le Sacrement de l’Eucharistie en comp­tant sur le fait qu’ils se sont confes­sés, qu’ils ne sont conscients d’au­cun péché mor­tel en eux, qu’ils ont prié à l’avance et qu’ils ont fait des pré­pa­ra­tions ; tous ceux-​là mangent et boivent le juge­ment pour eux-​mêmes. Mais s’ils croient et ont confiance qu’ils obtien­dront la grâce, alors cette foi seule les ren­dra purs et dignes.
  16. Il semble avoir été déci­dé que l’Église en Concile com­mun ait éta­bli que les laïcs devraient com­mu­nier sous les deux espèces ; les Bohémiens qui com­mu­nient sous les deux espèces ne sont pas héré­tiques mais schismatiques.
  17. Les tré­sors de l’Église à par­tir des­quels le Pape accorde des indul­gences ne sont pas les mérites du Christ ni des saints.
  18. Les indul­gences sont des pieuses fraudes des fidèles et des rémis­sions de bonnes œuvres ; et elles sont par­mi le nombre de ces choses qui sont auto­ri­sées et non du nombre de celles qui sont avantageuses.
  19. Les indul­gences ne sont d’au­cune uti­li­té pour ceux qui en gagnent vrai­ment pour la rémis­sion de la peine due au péché actuel com­mis à la vue de la jus­tice divine.
  20. Ils sont séduits ceux qui croient que les indul­gences sont salu­taires et utiles pour le fruit de l’esprit.
  21. Les indul­gences ne sont néces­saires que pour les crimes publics et ne sont à juste titre concé­dées qu’aux rudes et aux impatients.
  22. Pour six types d’hommes, les indul­gences ne sont ni utiles ni néces­saires ; à savoir, pour les morts et ceux qui vont mou­rir, les infirmes, ceux qui sont légi­ti­me­ment entra­vés, ceux qui n’ont pas com­mis de crimes, ceux qui ont com­mis des crimes mais pas publics, et ceux qui se consacrent à des choses meilleurs.
  23. Les excom­mu­ni­ca­tions ne sont que des sanc­tions externes et elles ne privent pas l’homme des prières spi­ri­tuelles com­munes de l’Église.
  24. Les Chrétiens doivent apprendre à ché­rir les excom­mu­ni­ca­tions plu­tôt que de les craindre.
  25. Le Pontife Romain, suc­ces­seur de Pierre, n’est pas le Vicaire du Christ sur toutes les églises de l’en­semble du monde, ins­ti­tué par le Christ Lui-​même dans le Bienheureux Pierre.
  26. La Parole du Christ à Pierre : « Tout ce que vous délie­rez sur la terre… etc » cou­vraient uni­que­ment les choses liées par Pierre lui-même.
  27. Il est cer­tain que ce n’est pas du pou­voir de l’Église ou du Pape de déci­der des articles de foi et encore moins sur les lois de la morale ou des bonnes œuvres.
  28. Si le Pape avec une grande par­tie de l’Église pen­saient ceci ou cela, il ne se trom­pe­rait pas ; et encore, ce n’est pas un péché ou une héré­sie de pen­ser le contraire, en par­ti­cu­lier sur toute ques­tion non néces­saire pour le salut, jus­qu’à ce qu’une alter­na­tive soit condam­née et qu’une autre soit approu­vée par un Concile général.
  29. Une façon a été conçue pour que nous puis­sions affai­blir l’au­to­ri­té des Conciles, pour contre­dire libre­ment leurs actions, pour en juger les décrets et décla­rer har­di­ment tout ce qui semble vrai, que ce fut approu­vé ou désap­prou­vé par tout Concile que ce soit.
  30. Certains articles de Jean Hus, condam­nés au Concile de Constance, sont des plus Chrétiens, entiè­re­ment vrais et évan­gé­liques ; ceux-​là, l’Église uni­ver­selle ne pou­vait pas les condamner.
  31. En toute bonne œuvre, l’homme pèche.
  32. Un bon tra­vail très bien fait est un péché véniel.
  33. Que les héré­tiques soient brû­lés, c’est contre la volon­té de l’Esprit.
  34. Aller à la guerre contre les Turcs, c’est résis­ter à Dieu qui punit nos ini­qui­tés à tra­vers eux.
  35. Personne n’est cer­tain qu’il ne pèche pas tou­jours mor­tel­le­ment, en rai­son du vice le plus caché de l’orgueil.
  36. Après le péché, le libre arbitre est une ques­tion de titre seule­ment ; et aus­si long­temps que quelqu’un fait ce qui est en lui, il pèche mortellement.
  37. Le pur­ga­toire ne peut pas être prou­vé par l’Écriture Sainte qui est dans le canon.
  38. Les âmes du pur­ga­toire ne sont pas sûres de leur salut, du moins pas toutes ; et il n’a été prou­vé ni par des argu­ments ni par les Écritures qu’elles ne sont plus capables de méri­ter davan­tage ou de croître en charité.
  39. Les âmes du pur­ga­toire pèchent sans arrêt aus­si long­temps qu’ils cherchent le repos et abhorrent la peine.
  40. Les âmes libé­rées du pur­ga­toire par les suf­frages des vivants sont moins heu­reuses que si elles avaient fait satis­fac­tion par elles-mêmes.
  41. Les pré­lats ecclé­sias­tiques et les princes sécu­liers n’agiraient pas mal s’ils détrui­saient tous les sacs d’argent de la mendicité.

Personne qui est sain d’es­prit n’ignore com­ment ces diverses erreurs sont des­truc­trices, per­ni­cieuses, scan­da­leuses et sédui­santes aux esprits pieux et simples, com­ment elles sont toutes oppo­sées à la cha­ri­té et au res­pect envers la sainte Église Romaine qui est la Mère de tous les fidèles et Enseignante de la foi ; com­ment ces diverses erreurs sont des­truc­trices de la vigueur de la dis­ci­pline ecclé­sias­tique, c’est à dire l’o­béis­sance. Cette ver­tu est la source et l’o­ri­gine de toutes les ver­tus et, sans elle, tout le monde est faci­le­ment recon­nu cou­pable d’être infidèle.

C’est pour­quoi, dans l’é­nu­mé­ra­tion ci-​dessus, impor­tante comme elle est, nous dési­rons pro­cé­der avec le plus grand soin comme il se doit, et cou­per l’a­vance de cette peste et de cette mala­die can­cé­reuse de sorte qu’elle ne se pro­page pas plus loin dans le champ du Seigneur comme des buis­sons d’épines nui­sibles. Nous avons donc mené une enquête minu­tieuse, un exa­men appro­fon­di et rigou­reux, une dis­cus­sion et une mûre déli­bé­ra­tion avec cha­cun des frères, des Cardinaux émi­nents de la sainte Église Romaine ain­si qu’avec les Prieurs et les Ministres géné­raux des Ordres reli­gieux, outre de nom­breux autres pro­fes­seurs et maîtres ver­sés en théo­lo­gie sacrée et en droit civil et cano­nique. Nous avons trou­vé que ces erreurs ou thèses, telles que men­tion­nées ci-​dessus, ne sont pas Catholiques et ne doivent pas être ensei­gnées comme telles ; mais elles sont contraires à la Doctrine et à la Tradition de l’Église Catholique, et contraires la véri­table inter­pré­ta­tion des Écritures sacrées reçues de l’Église. Maintenant Augustin a main­te­nu que son auto­ri­té [ de l’Église ] devait être accep­tée si com­plè­te­ment qu’il a dit qu’il n’au­rait pas cru à l’Évangile à moins que l’au­to­ri­té de l’Église Catholique ne se fût por­tée garante pour lui. Car, selon ces erreurs, ou l’une ou plu­sieurs d’entre elles, il res­sort clai­re­ment que l’Église qui est gui­dée par le Saint-​Esprit serait en erreur et aurait tou­jours été dans l’erreur. C’est contraire à ce que le Christ a pro­mis à ses dis­ciples lors de Son Ascension (comme on lit dans le saint Évangile de Matthieu) : « Je serai avec vous jus­qu’à la fin du monde » ; c’est contraire aux déci­sions des Saints Pères ou aux ordon­nances for­melles et canons des Conciles et des Souverains Pontifes. Le non-​respect de ces canons, d’après le témoi­gnage de Cyprien, sera le car­bu­rant et la cause de toute héré­sie et de tout schisme.

Avec l’a­vis et le consen­te­ment de nos véné­rables frères, avec une mûre déli­bé­ra­tion sur cha­cune des thèses ci-​dessus, et par l’au­to­ri­té du Dieu Tout-​Puissant, des bien­heu­reux Apôtres Pierre et Paul et de notre propre auto­ri­té, nous condam­nons, réprou­vons et reje­tons com­plè­te­ment cha­cune de ces thèses ou erreurs comme héré­tiques, scan­da­leuses, fausses, offen­santes aux oreilles pieuses ou sédui­santes aux simples d’esprit, et contraires à la véri­té Catholique. En les énu­mé­rant, nous décré­tons et décla­rons que tous les fidèles des deux sexes doivent les consi­dé­rer comme condam­nées, réprou­vées et reje­tées … Nous tenons tous les fidèles à la ver­tu de la sainte obéis­sance sous peine d’une excom­mu­ni­ca­tion majeure automatique .…

En outre, parce que les erreurs pré­cé­dentes et beau­coup d’autres sont conte­nues dans les livres ou les écrits de Martin Luther, nous condam­nons, réprou­vons et reje­tons de même com­plè­te­ment les livres ain­si que tous les écrits et ser­mons du dit Martin, que ce soit en latin ou en toute autre langue, conte­nant les dites erreurs ou l’une quel­conque d’entre elles ; et nous sou­hai­tons qu’ils soient consi­dé­rés comme tout à fait condam­nés, réprou­vés et reje­tés. Nous inter­di­sons tous et cha­cun des fidèles des deux sexes, en ver­tu de la sainte obéis­sance et sous les peines ci-​dessus qui seraient encou­rues auto­ma­ti­que­ment, de les lire, de les faire valoir, de les prê­cher, de les louan­ger, de les impri­mer, de les publier ou de les défendre. Ils subi­ront ces péna­li­tés s’ils pré­sument les res­pec­ter en quelque manière que ce soit, per­son­nel­le­ment ou par d’autres per­sonnes, direc­te­ment ou indi­rec­te­ment, expli­ci­te­ment ou taci­te­ment, en public ou en pri­vé, dans leurs propres mai­sons ou dans d’autres lieux publics ou privés.

En effet, immé­dia­te­ment après la publi­ca­tion de cette lettre, ces œuvres, où qu’elles soient, seront recher­chées avec soin par les ordi­naires et d’autres [ecclé­sias­tiques et régu­liers] et seront brû­lées publi­que­ment et solen­nel­le­ment en pré­sence des clercs et du peuple, sous peine de cha­cune des peines ci-dessus.

Pour autant que Martin lui-​même est concer­né, Ô Bon Dieu, qu’avons-​nous oublié ou pas fait ? Qu’avons-​nous omis comme cha­ri­té pater­nelle pour que nous puis­sions le rap­pe­ler de telles erreurs ? Car, après l’avoir cité, vou­lant trai­ter plus gen­ti­ment avec lui, nous l’avons prié ins­tam­ment à tra­vers diverses confé­rences avec notre légat et à tra­vers nos lettres per­son­nelles d’a­ban­don­ner ces erreurs. Nous lui avons même offert un sauf-​conduit et de l’argent pour le voyage néces­saire, lui deman­dant de venir sans crainte ni réti­cence, qu’une par­faite cha­ri­té chas­se­rait, pour par­ler non pas en secret mais ouver­te­ment et en face à face à l’exemple de notre Sauveur et de l’Apôtre Paul. S’il avait fait cela, nous sommes cer­tains que son cœur aurait été chan­gé et qu’il aurait recon­nu ses erreurs. Il n’aurait pas trou­vé toutes ces erreurs à la Curie Romaine qu’il attaque si sau­va­ge­ment, lui attri­buant plus qu’il ne devrait à cause des rumeurs vides d’hommes méchants. Nous lui aurions mon­tré plus clai­re­ment que la lumière du jour que les Pontifes Romains, nos pré­dé­ces­seurs, qu’il attaque de manière inju­rieuse au-​delà de toute décence, n’ont jamais erré dans leurs canons ou Constitutions qu’il essaie d’assaillir. Car, selon le pro­phète, ni l’huile de gué­ri­son ni le méde­cin ne manquent en Galaad.

Mais il a tou­jours refu­sé d’é­cou­ter et, mépri­sant la cita­tion pré­cé­dente et cha­cun des ouver­tures ci-​dessus, il a dédai­gné de venir. Jusqu’à ce jour il est rebelle. Avec un esprit endur­ci, il a conti­nué sous cen­sure pen­dant plus d’un an.

Ce qui est pire, en ajou­tant le mal au mal et appre­nant la cita­tion, il écla­ta dans un appel irré­flé­chi à un futur Concile. C’était bien sûr contraire à la Constitution de Pie II et Jules II, nos pré­dé­ces­seurs, à savoir que tout appel de cette manière doit être puni par des peines d’hé­ré­tiques. En vain, implore-​t-​il l’aide d’un Concile puisqu’il admet ouver­te­ment qu’il ne croit pas à un Concile.

Nous pou­vons donc, sans autre cita­tion ou retard, pro­cé­der contre lui à sa condam­na­tion et à sa dam­na­tion comme celui dont la foi est notoi­re­ment sus­pecte et qui est en fait un véri­table héré­tique avec la pleine gra­vi­té de chaque péna­li­té et cen­sure ci-dessus.

Pourtant, avec les conseils de nos frères, en imi­tant la Miséricorde de Dieu tout-​puissant qui ne sou­haite pas la mort du pécheur, mais plu­tôt qu’il se conver­tisse et qu’il vive, en oubliant toutes les bles­sures infli­gées à nous et au Siège Apostolique, nous avons déci­dé d’u­ti­li­ser toute la com­pas­sion dont nous sommes capables. Il est de notre espoir, autant que nous en sommes, qu’il expé­ri­men­te­ra un chan­ge­ment de cœur en pre­nant la route de la dou­ceur que nous avons pro­po­sée, qu’il revien­dra et qu’il se détour­ne­ra de ses erreurs. Nous allons le rece­voir gen­ti­ment comme le fils pro­digue de retour dans le giron de l’Église.

Que Martin lui-​même et tous ceux qui adhèrent à lui, à ceux qui l’abritent et le sou­tiennent, par le Cœur Miséricordieux de notre Dieu et par l’Aspersion du Sang de notre Seigneur Jésus Christ, de qui et par qui la rédemp­tion du genre humain et l’édification de l’Église, notre Sainte Mère, a été accom­plie, sachent que nous l’exhortons et le sup­plions de tout notre cœur de ces­ser de trou­bler la paix, l’u­ni­té et la véri­té de l’Église pour les­quelles le Sauveur a prié si ardem­ment le Père. Qu’il s’abstienne de ses erreurs per­ni­cieuses afin qu’il puisse nous reve­nir. S’ils obéissent vrai­ment et qu’ils nous cer­ti­fient par des docu­ments juri­diques qu’ils ont obéi, ils trou­ve­ront en nous l’af­fec­tion de l’a­mour d’un père, l’ou­ver­ture de la source des effets de la cha­ri­té pater­nelle, et l’ou­ver­ture de la source de la misé­ri­corde et de la clémence.

Nous enjoi­gnons Martin, cepen­dant, en atten­dant, de ces­ser toute pré­di­ca­tion ou fonc­tion de prédicateur.

Donné à Rome, à Saint-​Pierre, l’an de l’Incarnation du Seigneur 1520, de notre pon­ti­fi­cat le hui­tième.

Léon X, Pape

Notes de bas de page

  1. Porphyre. Naissance 234 (Tyr, Phénicie) Décès v. 305 (Rome, Italie) Porphyre pense que le chris­tia­nisme implique une concep­tion absurde et irra­tion­nelle de la divi­ni­té qui le condam­ne­rait, aus­si bien du point de vue des reli­gions par­ti­cu­lières que du point de vue trans­cen­dant de la phi­lo­so­phie.[]
3 décembre 1880
Sur trois œuvres pies: propagation de la Foi de Mlle Marie-Pauline Jaricot, à la Sainte-Enfance et l'œuvre des Écoles d'Orient
  • Léon XIII