MGR MARCEL LEFEBVRE

29/​11/​1905 – 25/​03/​1991

Fondateur de la FSSPX
Supérieur Général de 1970 à 1982

La nais­sance
Vocation & sacerdoce
Le mis­sion­naire
Élévation à l’épiscopat
Délégué apos­to­lique en Afrique
Archevêque de Tulle
Le Concile Vatican II
Fondation de la Fraternité Saint Pie X
Fondation des Sœurs de la Fraternité Saint Pie X
Visite apos­to­lique à Écône et déclaration
L’Été chaud
Renonciation & élec­tion l’ab­bé Schmidberger
Publication de Ils l’ont découronné
LES SACRES
Mort de Mgr Lefebvre
fraternité sainte pie X

Marcel Lefebvre est né le 29 novembre 1905 dans une famille d’industriels du Nord de la France, troisième d’une fratrie de huit enfants, dont cinq se consacreront à Dieu : René et Marcel, prêtres et missionnaires, Jeanne, religieuse de Marie Réparatrice, Bernadette, Sœur du Saint-​Esprit, et Christiane, carmélite. Le père du futur Mgr Lefebvre, René Lefebvre, arrêté en 1941 par la Gestapo pour ses activités dans la résistance mourra en février 1944 au bagne nazi de Sonneburg, le chapelet à la main, victime des mauvais traitements. La mère de famille, issue elle aussi du patronat du Nord, est Tertiaire franciscaine, infirmière de la Croix Rouge ; elle sait unir les œuvres à la vie intérieure, offrant à Dieu ses peines comme ses succès. Elle décédera saintement en 1938.

Vocation et sacerdoce

Marcel ado­les­cent éprouve, lui aus­si, le besoin de se don­ner. Il sillonne les rues de Tourcoing en bicy­clette pour visi­ter les pauvres. Il repeint à neuf l’appartement d’un hor­lo­ger para­ly­sé et misé­reux, lui trouve des clients et trans­forme ain­si sa vie. Dans son cœur, brûle une soif ardente de sau­ver les âmes. Après mûre réflexion, il décide de deve­nir prêtre. Après ses études secon­daires, il rejoint son frère aîné au sémi­naire fran­çais de Rome en octobre 1923. Mgr Lefebvre gar­de­ra tou­jours une grande estime pour le direc­teur du sémi­naire fran­çais le Père Henri Le Floch qui lui fit aimer et révé­rer l’enseignement des papes. Le Père expli­quait avec force les grandes ency­cliques diri­gées contre les erreurs modernes telles que le libé­ra­lisme, le moder­nisme ou le communisme. 

Le 21 septembre 1929, Marcel Lefebvre est ordonné prêtre par Mgr Liénart en la chapelle Notre-​Dame du Sacré-​Cœur à Lille. Il revient ensuite à Rome pour préparer son doctorat en théologie, tout en faisant office de grand cérémoniaire au séminaire.Déjà titulaire d’un doctorat en philosophie, il obtient le doctorat de théologie le 2 juillet 1930.

De 1930 à 1931, il est vicaire dans une ban­lieue ouvrière de Lille atten­dant la per­mis­sion de son évêque d’entrer chez les Pères du Saint-​Esprit (Congrégation mis­sion­naire). En effet, dési­reux de se faire mis­sion­naire auprès des Noirs, il entre en 1931 au novi­ciat de la Congrégation des Pères du Saint-​Esprit où il pro­nonce sa pro­fes­sion reli­gieuse le 8 sep­tembre 1932. Il s’embarque le 12 novembre 1932 pour le Gabon.

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le missionnaire

Le 1er sep­tembre 1931, il com­mence son novi­ciat Ayant émis sa pro­fes­sion reli­gieuse le 8 sep­tembre 1932, le 12 novembre de la même année il s’embarque pour Libreville (Gabon) où il est nom­mé pro­fes­seur au sémi­naire, poste qu’il occu­pe­ra jusqu’en 1934, date à laquelle il se ver­ra confier la res­pon­sa­bi­li­té de direc­teur jusqu’en 1938. A cette date, souf­frant de palu­disme et abso­lu­ment épui­sé, il est envoyé « se repo­ser en brousse ». Le 28 sep­tembre 1935 il a pro­non­cé ses vœux per­pé­tuels de religion.

De 1938 à 1945, le Père Marcel est supé­rieur de diverses mis­sions au Gabon. Il y montre un grand sens de l’organisation, et se révèle excellent admi­nis­tra­teur, atten­tif à moder­ni­ser les ins­tal­la­tions pour faci­li­ter la tâche de tous : il fait ain­si ins­tal­ler groupes élec­tro­gènes, machines, eau courante.

En octobre 1945 il est rap­pe­lé en France et se voit confier le sco­las­ti­cat de phi­lo­so­phie des spi­ri­tains à Mortain (Manche). Il s’applique à rele­ver la mai­son de ses ruines – elle avait souf­fert de la guerre – et à for­mer ses sémi­na­ristes selon l’enseignement des papes.

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élévation à l’épiscopat

Le 25 juin 1947, il apprend qu’il est nommé vicaire apostolique de Dakar, et le jeudi 18 septembre 1947, il est sacré évêque à Tourcoing par le cardinal Liénart assisté de Mgr Jean-​Baptiste Fauret, son ancien supérieur au Gabon, et de Mgr Alfred Ancel, son ancien condisciple du Séminaire français de Rome. Arrivé sur place, sa première préoccupation est la formation des prêtres. La prunelle de ses yeux sera donc le séminaire. Pour cela, il installe à proximité un couvent de Carmélites, pour attirer plus sûrement la grâce divine. Quant à la mission, quelque peu moribonde, elle est relancée et fera bientôt barrière à l’Islam.

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délégué apostolique pour toute l’afrique francophone

En 1948, Pie XII le nomme délé­gué apos­to­lique pour l’Afrique noire fran­co­phone, c’est-à-dire l’équivalent d’un nonce apos­to­lique. En outre, le délé­gué devant avoir le rang d’archevêque, Mgr Lefebvre était nom­mé arche­vêque titu­laire d’Arcadiopolis in Europa. Il était repré­sen­tant du pape dans un dio­cèse, 26 vica­riats et 17 pré­fec­tures apos­to­liques, sur un ter­ri­toire s’étendant du Maroc et du Sahara à Madagascar et à la Réunion en pas­sant par l’AOF, le Cameroun fran­çais, l’AEF et la Somalie, soit une popu­la­tion catho­lique de plus de deux mil­lions de fidèles.

Il fait aus­si­tôt la visite de son vica­riat, situé autour du Cap vert, à la pointe Ouest de l’Afrique. C’est un pays semi déser­tique qui contraste avec le Gabon. Cinquante mille catho­liques répar­tis entre la ville de Dakar et les vil­lages du lit­to­ral, avec des mis­sions à l’intérieur du Sénégal, sont confron­tés à un mil­lion et demi de musul­mans. Mgr Lefebvre doit faire face à une situa­tion toute nou­velle pour lui. Pendant la guerre, son pré­dé­ces­seur Mgr Grimault a main­te­nu tant bien que mal les postes exis­tants, mais une remise en ordre est néces­saire, et il faut relan­cer la mis­sion par­mi les païens.

Alors que Mgr Lefebvre se demande com­ment relan­cer la mis­sion mori­bonde en pays païen, voi­ci que se pro­duit la sou­daine per­cée tant atten­due en pays Sérère. L’évêque obtient aus­si­tôt un ren­fort de mis­sion­naires. Pour faire immé­dia­te­ment bar­rage à l’islam qui, venant du Nord, déferle sur les contrées ani­mistes, il approuve et appuie le « zèle inven­tif et ingé­nieux » d’un de ses pères : fon­der pour les païens, encore poly­games mais favo­rables à l’Eglise, une asso­cia­tion appe­lée ‘Fog Ola’ : Les Amis des chré­tiens, avec carte d’identité et pro­messe de se faire bap­ti­ser avant la mort. Ce sera un suc­cès. Ces gens, sans être encore chré­tiens, seront tous reliés à l’Eglise. Quant aux jeunes, ils seront caté­chi­sés, bap­ti­sés, mariés, et l’Eglise s’implantera dans le Sine et le Selloum.

En ville, il faut bâtir de nouvelles églises. A son arrivée, Marcel Lefebvre a trouvé à Dakar deux paroisses et trois églises ; à son successeur, il laissera neuf paroisses et treize églises.

Autre chan­tier, cou­ron­né de suc­cès : le col­lège de gar­çons, construit dans les dunes de Hann, aux portes de la capi­tale. D’emblée il est conçu pour rece­voir 700 élèves : son but est de pré­pa­rer une élite de jeunes catho­liques pour ce pays musul­man qui va pro­chai­ne­ment accé­der à l’indépendance. Certes, avec les chefs reli­gieux musul­mans, l’évêque se montre res­pec­tueux et cor­dial, mais l’Islam n’en demeure pas moins un car­can, et l’Eglise se doit d’apporter la vraie liber­té, celle des enfants de Dieu.

En 1949, sur le par­vis de la cathé­drale de Dakar, le ministre de la France d’Outre-Mer vien­dra lui remettre la croix de che­va­lier de la Légion d’honneur. Au moins une fois par an, le délé­gué apos­to­lique rend compte au pape de son action et reçoit ses direc­tives. Il fait ain­si la connais­sance des divers dicas­tères de la Curie romaine.

A la Secrétairerie d’Etat où il vient en tant que diplo­mate, Mgr Lefebvre fré­quente les deux sub­sti­tuts : Mgr Tardini et Mgr Montini ; ce der­nier reçoit le délé­gué aima­ble­ment mais ne mani­feste pas de sym­pa­thie pour ses idées. Quant à Pie XII, il dira un jour à un visi­teur, M. Winckler : « Vous avez vu cet homme qui vient de sor­tir de chez moi ? C’est Mgr Lefebvre, le meilleur de mes délé­gués apos­to­liques ».

Après l’élection de Jean XXIII, il est rele­vé de sa charge de délé­gué apos­to­lique, mais reste arche­vêque de Dakar. Président de la Conférence épis­co­pale de l’Ouest afri­cain, il est appe­lé le 5 juin 1960 à sié­ger à la Commission cen­trale pré­pa­ra­toire du Concile en pré­pa­ra­tion. Le 15 novembre 1960 le pape le nomme Assistant au Trône pon­ti­fi­cal. Mais sa fran­chise inflexible pour défendre l’enseignement des papes et dénon­cer le « socia­lisme croyant » du pré­sident Senghor lui vaut la colère de ce der­nier et contri­bua sans doute à hâter sa démis­sion, sou­hai­tée (silen­cieu­se­ment) par Rome. Mgr Lefebvre quitte l’Afrique après y avoir orga­ni­sé 21 nou­veaux diocèses.

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le retour en france

En 1962, il est trans­fé­ré du siège archi­épis­co­pal de Dakar au siège épis­co­pal de Tulle avec le titre per­son­nel d’archevêque. Les évêques fran­çais avaient fait pres­sion sur Rome afin qu’il ne fût pas nom­mé arche­vêque d’Albi, comme cela avait été envi­sa­gé, et n’avaient accep­té sa venue en métro­pole qu’à la condi­tion qu’il fût envoyé dans un petit dio­cèse. On ne vou­lait pas de lui du fait de ses « ten­dances inté­gristes ». A Tulle, la situa­tion était sombre, les voca­tions en baisse, la pra­tique aus­si, les prêtres vivaient dans la misère et se décou­ra­geaient. Monseigneur Lefebvre envi­sa­gea des mesures éner­giques, remon­ta le cou­rage de ses prêtres, les visi­tant et les sou­te­nant. Très impres­sion­né par la dif­fé­rence entre la mis­sion flo­ris­sante qu’il avait quit­tée en Afrique et la déso­la­tion ren­con­trée en France, Mgr Lefebvre a com­pris que l’abandon de la sou­tane va de pair avec bien d’autres aban­dons ins­pi­rés par la sécu­la­ri­sa­tion et la laï­ci­té ambiantes, et sur­tout par le mirage trom­peur de « l’ouverture au monde » , si contraire au véri­table zèle missionnaire.

Cependant, après seule­ment six mois, l’archevêque est appe­lé à Rome où la Congrégation des Pères du Saint-​Esprit vient de l’élire comme Supérieur géné­ral, le 26 juillet 1962. Le pape l’honore alors du titre d’archevêque de Synnada, en Phrygie (aujourd’hui Şuhut, en Turquie).

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le concile vatican ii

Le 25 janvier 1959, le pape Jean XXIII avait annoncé la réunion d’un concile. Mgr Lefebvre, nommé parmi les membres de la Commission centrale préparatoire au concile, assistera à toutes les séances, parfois présidées par le pape, et sera témoin de l’affrontement, parfois violent, entre la tendance libérale et les membres conservateurs de la Commission. Cela lui apparut comme un présage funeste.

Durant le concile, devant l’importance prise par les thèses moder­nistes, sou­te­nues par un véri­table lob­by, pré­pa­ré et orga­ni­sé [1], il sera à l’origine avec quelques autres évêques du Coetus inter­na­tio­na­lis Patrum dont il est le pré­sident. Il fait la connais­sance de Mgr de Antonio de Castro Mayer, évêque de Campos au Brésil, qui par­ti­ci­pe­ra au Coetus. Par son com­bat au sein du Coetus et par ses inter­ven­tions, il lutte contre l’influence moder­niste qui s’étend sur le concile, mais les résul­tats seront insuf­fi­sants. Comme supé­rieur géné­ral des Spiritains, il lutte contre le relâ­che­ment et les dévia­tions théo­lo­giques, mal­heu­reu­se­ment encore sans un suc­cès com­plet, car les hommes qu’il met en place ne sont pas tou­jours dignes de sa confiance. Il réforme l’organisation de la congré­ga­tion, trans­fère la mai­son mère à Rome, sillonne le monde pour visi­ter les mai­sons, encou­ra­ger et organiser.

Mgr Lefebvre devient rapi­de­ment la bête noire des pères libé­raux. Lorsque le pape Paul VI, qui a suc­cé­dé à Jean XXIII, parle en 1965 de nom­mer l’ex-évêque de Tulle membre d’une com­mis­sion ad hoc de quatre pères pour résoudre le pro­blème du sché­ma sur la liber­té reli­gieuse, un vent de panique souffle par­mi les car­di­naux libé­raux, qui sup­plient le pape de n’en rien faire. « Je fus le seul éli­mi­né, dira Mgr Lefebvre dans un sou­rire, mes inter­ven­tions sur ce sujet au Concile et mon appar­te­nance au Coetus les effrayaient ».

En 1965, com­mence l” « aggior­na­men­to » des congré­ga­tions reli­gieuses, deman­dé par le concile. Monseigneur Lefebvre veut qu’il aille dans le sens d’un redres­se­ment des dévia­tions et d’une plus grande sain­te­té de la vie reli­gieuse. Il est loin d’être fer­mé à toutes réformes, même auda­cieuses, pour­vu qu’elles s’inscrivent dans la fidé­li­té aux fondateurs.

Au chapitre général de la congrégation, en 1968, on cherche à le mettre à l’écart et l’esprit qui règne est aux réformes de mauvais aloi. Pour ne pas avoir à signer les décrets qui mettront la Congrégation au goût du jour, Mgr Lefebvre, quittant le chapitre, se retire après l’élection de son successeur, dans une petite pension tenue par des religieuses, à Rome. Il a soixante-​trois ans. Depuis plusieurs années, il avait été sollicité par des prêtres, et surtout des séminaristes en quête d’une formation sérieuse. Il les avait dirigés sur le séminaire français de Rome, tenu par les spiritains et qu’il pensait pouvoir garder dans une ligne saine ; hélas, ce ne fut pas le cas, le recteur du séminaire tenant peu compte des avis de son supérieur général.

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fondation de la fsspx

Monseigneur diri­gea alors cer­tains sémi­na­ristes vers une socié­té sacer­do­tale éta­blie à Rome, et d’autres vers l’université catho­lique de Fribourg en Suisse. Devant l’insistance de nou­veaux prêtres et de sémi­na­ristes qui le sup­pliaient de faire lui-​même une oeuvre pour le sacer­doce, il s’en remet à la déci­sion de l’évêque de Fribourg qui l’autorise bien volon­tiers à ouvrir un « convict » pour des sémi­na­ristes de tous pays. Le sémi­naire était né. Mgr Lefebvre loue douze chambres dans un foyer reli­gieux à Fribourg. Le 13 octobre 9 can­di­dats y entrent : ils suivent les cours de phi­lo­so­phie et de théo­lo­gie à l’Université et mènent la vie com­mune dans une mai­son louée rue de la Vignettaz.

Les débuts sont dif­fi­ciles, les départs nom­breux, de plus Mgr Lefebvre est éprou­vé par la mala­die En juin 1970, il achète une mai­son, tou­jours à Fribourg, pour y loger ses sémi­na­ristes qui conti­nue­ront leurs études à l’université, mais par ailleurs, avec l’autorisation de MGR ADAM, évêque de Sion, IL ACCEPTE LA MAISON D’ECÔNE qui lui est offerte par ses pro­prié­taires, pour y ins­tal­ler une année de spi­ri­tua­li­té pour les nou­veaux venus (en appli­ca­tion du concile dans son décret sur la for­ma­tion des prêtres).

le Ier novembre 1970

Le 1er novembre 1970, Mgr François Charrière, évêque de Fribourg, approuve les statuts rédigés par Mgr Lefebvre pour la Fraternité Saint-​Pie X et érige celle-​ci dans son diocèse.

Le but de la Fraternité, fixé par ses sta­tuts, est « le sacer­doce et tout ce qui s’y rap­porte et rien que ce qui le concerne ». Les cours de l’université de Fribourg ne don­nant pas satis­fac­tion, Mgr Lefebvre obtient de l’évêque de Sion la per­mis­sion d’installer un sémi­naire à Ecône qui connaî­tra un déve­lop­pe­ment rapide. Devant la détresse et le décou­ra­ge­ment de nom­breux catho­liques confron­tés la dis­pa­ri­tion de la foi, le sac­cage de la litur­gie et la perte de tout sens divin, Monseigneur Lefebvre prend son bâton de mis­sion­naire et com­mence à sillon­ner l’Europe et le monde, don­nant des confé­rences, encou­ra­geant les fidèles désem­pa­rés et les prêtres per­sé­cu­tés à se grou­per et à gar­der la foi sans compromis.

en 1973

En 1973, à la demande d’une jeune Australienne, Mgr Lefebvre fonde avec l’aide de sa sœur, Mère Marie Gabriel, reli­gieuse du Saint-​Esprit, une socié­té de reli­gieuses, dont il avait eu l’idée dès la rédac­tion des sta­tuts de la Société. Ce sont les débuts des Sœurs de la Fraternité, qui s’installent dans la mai­son acquise aux envi­rons de Rome, à Albano. Leur voca­tion les appelle à être les aides dis­crètes et effi­caces des prêtres tout en ayant une vie semi-​contemplative (1 heure d’adoration par jour).

Les frères de la Fraternité se déve­loppent vers la même époque, et l’institution des oblates est contem­po­raine de celle des Sœurs de la Fraternité. Dès 1971, quelques pieux laïcs avaient deman­dé à Mgr Lefebvre s’il ne consti­tue­rait pas un tiers-​ordre. Celui-​ci sera fina­le­ment éri­gé en 1981, selon les règles éta­blies par le fondateur.

le 11 novembre 1974

Le 11 novembre 1974, est effec­tuée une visite apos­to­lique à Ecône, suite aux plaintes des évêques fran­çais contre ce sémi­naire qui garde la messe et la tra­di­tion et qui reçoit des voca­tions alors que leurs propres sémi­naires se vident. Les deux visi­teurs apos­to­liques, Mgr Albert Descamps, secré­taire de la Commission biblique et Mgr Guillaume Onclin, secré­taire adjoint pour la révi­sion du droit cano­nique, se rendent à Écône. Les pré­lats scan­da­lisent les sémi­na­ristes et les pro­fes­seurs du sémi­naire par leur atti­tude et sur­tout leurs pro­pos théo­lo­giques. A la suite de cette visite, Mgr Lefebvre rédige, le 21 novembre 1974, une décla­ra­tion vibrante dans laquelle ‚il affirme son atta­che­ment à la Rome éter­nelle et son refus « de la Rome de ten­dance néo-​moderniste et néo-​protestante qui s’est mani­fes­tée clai­re­ment dans le concile Vatican II et après le concile dans toutes les réformes qui en sont issues. » :

« Nous adhérons de tout cœur, de toute notre âme à la Rome catholique, gardienne de la foi catholique et des traditions nécessaires au maintien de cette foi, à la Rome éternelle, maîtresse de sagesse et de vérité. Nous refusons par contre et avons toujours refusé de suivre la Rome de tendance néo-​moderniste et néo-​protestante qui s’est manifestée clairement dans le concile Vatican II et après le concile dans toutes les réformes qui en sont issues (…). »

Mgr Lefebvre est convo­qué à Rome pour un « entre­tien », en fait il s’agit d’une mise en accu­sa­tion. Le 6 mai 1975, la Fraternité est illé­gi­ti­me­ment « sup­pri­mée ». Mgr Lefebvre fait alors appel auprès de la Signature apos­to­lique, mais cet appel est blo­qué par le car­di­nal Jean Villot, Secrétaire d’Etat. Dans le calme et dans la paix, face à ce déni de jus­tice, le pré­lat décide de pour­suivre son oeuvre consi­dé­rant que la Fraternité conti­nue à exis­ter, sa sup­pres­sion étant irré­gu­lière et en tous cas injuste.

l’é­té chaud 

le 29 juin 1976

Le 29 juin 1976, pas­sant outre aux menaces de Rome, esti­mant que le com­bat qu’il mène est fon­da­men­tal pour la défense de la messe et de la foi, Mgr Lefebvre ordonne 13 prêtres et 14 sous-​diacres sans lettres dimis­soires. Le 22 juillet 1976 il est frap­pé de sus­pens a divi­nis qui devrait le pri­ver de l’exercice de tout acte sacra­men­tel. Cette sanc­tion ne le trouble ni ne le prend de court, mais, dans une vision supé­rieure de son devoir, il va conti­nuer à mener le bon com­bat contre toutes les dévia­tions qui, déjà, font vaciller l’Eglise.

le 29 août 1976

Le 29 août il célèbre une messe solennelle publique, à Lille, devant 7 000 fidèles, que la presse médiatise fortement, parlant de l’évêque « rebelle ». Il est cependant reçu en audience par Paul VI le 11 septembre. Il découvre qu’il a été gravement calomnié auprès du pape. Ce dernier ne veut toutefois rien céder quant à la messe de saint Pie V, désireux d’imposer « sa » réforme, alors que Mgr Lefebvre, au nom de la fidélité à l’Eglise pérenne, ne veut et ne peut accepter l’Eglise « conciliaire » ni la nouvelle messe .

En septembre 1976, il fait paraître son livre : J’accuse le Concile

le 18 novembre 1978

Le 18 novembre 1978, à peine un mois après son élec­tion, le pape Jean-​Paul II reçoit Mgr Lefebvre. L’entretien débute favo­ra­ble­ment, mais l’intervention du car­di­nal Seper, pré­sident de la Congrégation pour la doc­trine de la foi, gâte les choses. Le dos­sier est d’ailleurs remis entre ses mains. C’est le début d’un pro­ces­sus qui dure­ra des années, au cours duquel le fon­da­teur d’Ecône vien­dra sou­vent à Rome pour s’expliquer et pour tâcher d’obtenir un retour à la tra­di­tion, gar­dienne de la foi, ou tout au moins que celle-​là puisse être sui­vie libre­ment pas la Fraternité. Mais ni le car­di­nal Seper, ni son suc­ces­seur, le car­di­nal Ratzinger ne se mon­tre­ront dis­po­sés à faire un quel­conque geste.

nou­veau supé­rieur général 

le 18 novembre 1978

A l’âge de 77 ans, en 1982, il résigne ses fonc­tions de Supérieur géné­ral de la Fraternité et en laisse le gou­ver­ne­ment à son suc­ces­seur, l’abbé Franz Schmidberger.

En 1983

En 1983, Mgr Lefebvre, déjà pro­gres­si­ve­ment déçu par les textes à saveur moder­niste du pape Jean-​Paul II, est pro­fon­dé­ment cho­qué par le nou­veau code de droit canon qui réduit en lois les dévia­tions du concile. Il envi­sage alors sérieu­se­ment un sacre épis­co­pal et s’engage dans la voie des pro­tes­ta­tions publiques contre les scan­dales per­pé­trés au som­met de l’Eglise.

Le 21 novembre 1983, Mgr Lefebvre publie avec Mgr de Castro Mayer, évêque de Campos au Brésil, un manifeste épiscopal dans lequel il dénonce « les principales erreurs de l’ecclésiologie conciliaire » :

concep­tion ‘lati­tu­di­na­riste’ et œcu­mé­nique de l’Eglise ; gou­ver­ne­ment col­lé­gial et démo­cra­tique ; faux droits natu­rels de l’Homme ; concep­tion erro­née du pou­voir du pape ; concep­tion pro­tes­tante de la Messe ; libre-​diffusion des erreurs et des héré­sies. Les deux évêques concluent : « Il est temps que l’Eglise recouvre sa liber­té de réa­li­ser le Règne de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ et le Règne de Marie sans se pré­oc­cu­per de ses enne­mis. »

En 1985

Mgr Lefebvre sou­met à Rome ses dubia : trente-​neuf pro­po­si­tions ou « doutes » concer­nant la dis­cor­dance de la doc­trine de la liber­té reli­gieuse conci­liaire avec l’enseignement anté­rieur de l’Eglise.

En octobre 1986

c’est le ter­rible scan­dale d’Assise auquel Mgr Lefebvre répli­que­ra par une lettre co-​signée avec Mgr de Castro Mayer.

Mars 1987

voit arri­ver la réponse de Rome aux dubia. Réponse insa­tis­fai­sante. Longtemps pour­tant il avait espé­ré que tel ou tel évêque assu­re­rait après lui les confir­ma­tions et sur­tout les ordi­na­tions sacer­do­tales, ou plus dura­ble­ment, que Rome recon­naî­trait à nou­veau la Fraternité Saint-​Pie X en lui don­nant un sta­tut cano­nique adap­té : une suf­fi­sante liber­té d’action par rap­port aux dio­cèses, et la conces­sion d’au moins un évêque, membre de la Fraternité, pour confé­rer les saints ordres.

En juin 1987

Alors en juin 1987, il publie son livre trai­tant de la des­truc­tion du Règne social du Christ Ils l’ont décou­ron­né et annonce publi­que­ment, le 29 Juin 1987, son inten­tion de se don­ner des suc­ces­seurs dans l’épiscopat. La réponse cala­mi­teuse aux dubia est le signe qu’il atten­dait, car il est plus grave, explique-​t-​il, d’affirmer des prin­cipes faux que d’accomplir une action scan­da­leuse. Il fixe la date de la consé­cra­tion à la fête du Christ-​Roi. Rome réagit alors et pro­pose la visite d’un car­di­nal qui n’aurait qu’une tâche d’information. Mgr Lefebvre accepte ce visi­teur et com­mu­nique la nou­velle aux 4 000 fidèles venus assis­ter à la messe d’action de grâces pour ses 40 ans d’épiscopat, le 3 octobre.

Le 11 novembre 1987

le car­di­nal Gagnon com­mence sa visite qui s’achèvera le 8 décembre à Ecône. Le car­di­nal n’hésitera pas à assis­ter à la messe pon­ti­fi­cale de l’archevêque sus­pens et à l’engagement de jeunes gens dans une Fraternité sup­pri­mée ! Le rap­port du visi­teur est, pour ce que l’on a pu en savoir, favo­rable. Monseigneur Lefebvre a dit clai­re­ment ses exigences.

fraternité sainte pie X

l’opération survie
de la tradition

Le 2 février 1988 il confirme qu’il sacre­ra au moins trois évêques avec ou sans l’approbation du pape, pour le bien de l’Eglise et la per­pé­tui­té de la Tradition. Des négo­cia­tions sont alors enga­gées à Rome entre des repré­sen­tants de la Fraternité et des membres de la Congrégation pour la doc­trine de la foi.

Elles abou­tissent le 5 mai à la signa­ture d’un pro­to­cole d’accord avec Rome ; mais, se ren­dant vite compte que le car­di­nal Ratzinger n’est pas prêt à lui accor­der ce qu’il demande, il se rétracte. Il consulte, puis le 2 juin 1988, il écrit au pape sa déci­sion de sacrer 4 évêques le 30 juin.

les sacres 

le 30 juin 1988

il procède à la consécration de 4 évêques devant 10 000 fidèles et une foule de journalistes. Au cours de la cérémonie Mgr Lefebvre explique clairement la nécessité où il se trouve de transmettre l’épiscopat, pour le bien de l’Eglise, et malgré l’opposition de la hiérarchie. L’excommunication [2], logique dans l’esprit des autorités romaines, tombera la lendemain, mais elle porte à faux. Elle ne fait que signer l’impuissance d’un modernisme autrefois triomphant, mais qui déjà se désagrège en une corruption qui fait sentir désormais ses relents dans toute l’Eglise.

fraternité sainte pie X

les dernières années
de sa vie

Durant les trois années que Dieu va lui lais­ser, de 1988 à sa mort, Mgr Lefebvre va accom­pa­gner de sa pré­sence morale ses quatre jeunes auxi­liaires, intro­duire dans leur charge ses pro­chains héri­tiers, leur lais­sant confé­rer désor­mais les ordi­na­tions, aux­quelles il assis­te­ra modes­te­ment. Mais sa san­té décline, il fait un der­nier voyage inter­con­ti­nen­tal en 1990 pour se rendre au Gabon.

le 11 février 1991

il donne sa der­nière confé­rence aux sémi­na­ristes. Le 8 mars il célèbre sa der­nière messe et part pour Paris, mais dans la nuit du 9 mars, il réveille son chauf­feur et demande à ren­trer en Suisse. Il est hos­pi­ta­li­sé d’urgence à l’hôpital de Martigny. Le 18 mars il est opé­ré. Le dimanche des Rameaux, 24 mars, son état empire soudain.

le 25 mars 1991

fête de l’Annonciation, lun­di saint cette année-​là, à 3 H 25 du matin alors que le supé­rieur géné­ral et l’abbé Simoulin, direc­teur d’Ecône prient à ses côtés, Mgr Lefebvre rend son âme à Dieu.

Les funé­railles furent célé­brées le 2 avril 1991 au sémi­naire d’Ecône en pré­sence de plu­sieurs cen­taines de prêtres et de reli­gieux et de plu­sieurs mil­liers de fidèles. Le ser­mon fut pro­non­cé par M. l’abbé Frantz Schmidberger, Supérieur Général, qui lan­ça cet appel poi­gnant en direc­tion des auto­ri­tés romaines :

« En cette heure, nous supplions Rome et les évêques : abandonnez l’œcuménisme funeste, la laïcisation de la société et la protestantisation du culte divin, retournez à la sainte tradition de l’Eglise, même si vous scellez le tombeau que vous avez creusé à la vraie Sainte Messe, au catéchisme du concile de Trente et au titre de Roi universel de Jésus-​Christ, par mille décrets et excommunications : la vie ressuscitera du tombeau fermé. « Jérusalem, convertis-​toi au Seigneur ton Dieu ! » Un signe essentiel d’une telle conversion et d’un tel retour pourrait être une fois fermé le tombeau de Monseigneur Lefebvre, l’ouverture officielle d’un procès d’information pour constater le degré héroïque de ses vertus. Nous ses fils, nous sommes les témoins privilégies de ses mérites, de la force de sa foi, de son amour brûlant de Dieu et du prochain, de sa résignation dans la volonté de Dieu, de son humilité et de sa douceur, de sa vie de prières et d’adoration, de sa haine du péché et son horreur de l’erreur. »

Nous lais­se­rons le der­nier mot de cette courte notice bio­gra­phique à M. l’abbé Victor-​Alain Berto, théo­lo­gien pri­vé de Mgr Lefebvre au concile Vatican II, qui écri­vait le 3 jan­vier 1964 :

« J’avais l’honneur, très grand et très immérité, je le dis devant Dieu, d’être son théologien. Le secret que j’ai juré couvre le travail que j’ai fait sous lui, mais je ne trahis aucun secret en vous disant que Mgr Lefebvre est un théologien, et de beaucoup supérieur à son propre théologien et plût à Dieu que tous les Pères le fussent au degré où il est ! Il a un « habitus » théologique parfaitement sûr et affiné, auquel sa très grande piété envers le Saint-​Siège ajoute cette connaturalité qui permet, avant même que l’habitus discursif intervienne, de discerner d’intuition ce qui est et ce qui n’est pas compatible avec les prérogatives du Rocher de l’Eglise. Il ne ressemble en rien à ces Pères qui, comme l’un d’eux a eu le front de s’en vanter publiquement, prenaient des mains d’un « peritus », dans la voiture même qui les amenait à Saint-​Pierre, le texte « tout cuit » de leur invention « in aula ». Pas une fois je ne lui ai soumis un mémoire, une note, un canevas, sans qu’il les ait revus, rebrassés, repensés et parfois refaits de fond en comble, de son travail personnel et assidu. Je n’ai pas « collaboré » avec lui ; si le mot était français, je dirais que j’ai vraiment « sublaboré » avec lui, selon mon rang de théologien particulier et selon son honneur et sa dignité de Père d’un concile œcuménique, Juge et Docteur de la Foi avec le Pontife Romain ».