Le miracle à l’origine du pèlerinage à Notre-Dame de l’Osier, à Vinay (Isère), entre Tullins et Saint-Marcellin, est attesté, aux archives du département de l’Isère, par un jugement du tribunal de Saint-Marcellin :
En 1649, Pierre Port-Combet, huguenot de religion, et habitant le lieu-dit des Plantées, ayant, en mépris de la Sainte Vierge, entrepris de travailler et de tailler un sien armarinier (osier) le jour de l’Annonciation, nonobstant la contrariété de ce, par Jeanne Pélion, sa vertueuse femme, de religion catholique ; mais Dieu permit que cet osier jetât des larmes de sang par chaque taille qu’il en faisait, si abondamment, que Port-Combet fut, lui et ses habits, tout taché de sang, ainsi que la serpette dont il se servait. Ladite femme, le voyant venir à elle dans un état sanglant, et ignorant la cause : « Ah ! misérable, je savais bien que la Sainte Vierge vous punirait », s’écria-t-elle. « Je ne suis pas blessé », reprit Port-Combet, « c’est que l’armarinier m’a jeté du sang par chaque taille que j’en ai faite. ». Lors cette bonne femme s’en alla avec lui vers cet osier miraculeux, où, montée par l’échelle, elle coupe de la même serpette deux armariniers qui ne lui jetèrent point de sang : ledit huguenot en coupa derechef, et il sembla que cet arbre insensible s’irritât plus que devant, lui jetant du sang avec plus d’abondance qu’il n’avait encore fait.
L’autorisation de culte fut délivrée en 1657 par les autorités religieuses.
Pierre Port-Combet est un protestant calviniste de la meilleure espèce : il méprise habituellement les observances chrétiennes de cette France de l’Ancien Régime. Ce jour de l’Annonciation, jeudi 25 mars 1649, jour chômé sous le roi Louis XIV, malgré les injonctions de sa femme, une bonne catholique, Jeanne Pélion, il sort avec sa serpe pour tailler l’osier proche, au lieu-dit les Plantées. Presque aussitôt, il revient précipitamment à la maison, couvert de sang. Épouvante de sa femme. Mais : « Jeanne, viens voir ce miracle ; il sort du sang de cet armarinier que j’ai coupé ! » Incrédule, sa femme se rend sur les lieux du drame, prend l’instrument tranchant pour y couper des branches : rien d’anormal. Son mari l’imite et voilà le sang qui gicle « à grosses gouttes ».
Ainsi débute l’histoire du sanctuaire marial, car elle ne fait que commencer ; en effet, Pierre Port-Combet, quoiqu’effrayé, continue sa vie de huguenot… jusqu’à ce jour de mars 1656, alors qu’il laboure avec ses bœufs à 350 pas de la maison, toujours aux Plantées. Il est midi passé. Une « demoiselle, vêtu de blanc et un manteau bleu », l’y surprend et le force à arrêter l’attelage : « Elle lui dit que le temps de sa fin approche, que s’il ne change de son état, il sera un des plus grands tisons d’enfer qui fut jamais. » Il hausse les épaules, se détourne et reprend son travail.
Cependant un sentiment l’envahit et il se prend à souhaiter la revoir. Surprise ! en un instant, « la plus belle créature qui se puisse voir au monde » s’est transportée à l’autre bout du vallon. Cette fois-ci, il n’hésite plus. Pierre prend ses jambes à son cou et la poursuit dans une folle course à travers champs jusqu’à l’approcher à « une douzaine de pas ».
En vain : elle ne daignera plus le regarder et disparaît. Ce n’est que le 15 août 1657, sur son lit de mort, que Pierre Port-Combet abjure l’hérésie et reçoit in extremis les sacrements du viatique et de l’extrême-onction. Il meurt le 22 août réconcilié avec l’Église.
L’année suivante une basilique s’élève. Les miracles se multiplient. La ferveur est à son comble : dix messes sont célébrées par jour à Notre- Dame-de-l’Osier.
Un séminaire s’y ouvrira même, et bien des religionnaires suivront Port-Combet dans sa conversion…
C’est que la Dame a laissé un message au calviniste : « Qu’il dise au public que leurs prières ne sont pas assez ferventes. Et que s’ils les font plus ferventes, ils recevront beaucoup plus de grâces et de faveurs de Dieu. » »
L’apparition de 1657, la conversion de Pierre Port-Combet, les nombreux miracles attestés qui se produisent dans les semaines et les mois suivants, établissent la notoriété du sanctuaire. On y vient en pèlerinage de tout le diocèse mais aussi des provinces avoisinantes. En 1663, on ne dénombre pas moins de onze hôtels ou logis payant patente. Il y a jusqu’à dix prêtres résidant à l’Osier, mais leur conduite n’est pas toujours édifiante si bien qu’on en vient à les surnommer les « malandrins de l’Ozier » !!!
Devant les plaintes répétées des habitants et des pèlerins, Monseigneur Scarron vient y mettre bon ordre : dès 1664, les Augustins de Vinay sont appelés à remplacer les séculiers, ils prennent sérieusement en charge le pèlerinage et construisent, entre 1668 et 1673, un grand couvent (qui sera malheureusement totalement détruit dans un incendie à Noël 1948).
Les miracles se succèdent au rythme des pèlerinages : 27 reconnus entre 1656 et 1660, 9 entre 1661 et 1670. Ainsi le sanctuaire, terre de miracles, va-t-il connaître plus de 100 ans d’une intense activité religieuse.
Le 18 novembre 1790, les moines Augustins sont chassés de l’Osier. La révolution, ici comme ailleurs, va bouleverser la vie du village. L’église est pillée, et bon nombre des objets de culte détruits. Les morceaux de la statue de la Vierge et les restes de l’osier sanglant sont cachés dans les bois par les habitants.
La Restauration verra le retour de quelques prêtres, mais le sanctuaire ne retrouvera pas sa fréquentation passée.
En 1830, Notre-Dame-de‑l’Osier est érigée en paroisse. Puis, en 1834, la toute jeune Congrégation des Oblats de Marie Immaculée est appelée pour s’occuper du pèlerinage.
Les Oblats construisent l’Hospice de Bon-Rencontre en 1840 et créent une communauté d’Oblates chargée de l’hospitalité des pèlerins lors de leurs séjours à l’Osier. En 1841, ils ouvrent un noviciat qui recevra jusqu’à 70 pensionnaires par an. Cette maison de formation religieuse donnera à l’Afrique, aux Indes et à l’Amérique du Nord bon nombre de missionnaires.
La révolution de 1848 épargnera le sanctuaire.
En 1856, l’inauguration de la tour jointe à la chapelle de Bon-Rencontre (lieu d’apparition de la Vierge) attire 30 000 pèlerins. Le 17 mai 1858, les Pères Oblats posent la première pierre d’une nouvelle église, l’actuelle basilique, sur les plans d’Alfred Berruyer. Sa construction durera 10 ans, mais elle ne sera jamais terminée, faute d’argent ! Elle restera sans les flèches de ses clochetons et sans le campanile qui, sur sa droite, devait supporter les cloches. Inaugurée en 1868, consacrée le 8 septembre 1873, elle sera érigée en Basilique Mineure par Pie XI en 1924.
Les décrets de 1880 contre les congrégations religieuses, entraîneront, le 4 novembre, l’expulsion des Oblats de Marie Immaculé, mais, avec la complicité des habitants, ils resteront dans le village. La laïcisation de l’école communale, en 1895, les conduira à ouvrir une école libre, tenue par les soeurs de l’hospice. Après le vote de la loi contre les congrégations religieuses du 1er juillet 1901, le noviciat quittera définitivement l’Osier pour l’Italie : 62 générations, soit 1346 novices auront été formés à l’Osier, 542 resteront Oblats jusqu’à leur mort, 12 deviendront évêques, 3 supérieurs généraux, et un, Joseph Girard, sera canonisé. L’école libre sera fermée le 20 avril 1903, les soeurs expulsées. Les Oblats subiront le même sort le 16 juin 1903.
Le 27 juillet 1908, les Oblats reprennent possession du sanctuaire et redonnent au pèlerinage tout son éclat. En 1923, 10 000 pèlerins assistent au cinquantenaire du Couronnement de la Vierge.
De nouveaux miracles sont signalés : 8 sont recensés entre 1834 et 1939. Signalons particulièrement celui-ci, le dernier à avoir été officiellement enregistré : en 1915, Paul Brichet, de Saint-Jean-en-Royans, invalide de guerre, réformé pour rhumatismes articulaires contractés dans les tranchées, vient en pèlerinage à l’Osier, il repart guéri, laissant ses béquilles et un ex-voto en remerciement.
Aujourd’hui, le sanctuaire de Notre-Dame de l’Osier a malheureusement perdu beaucoup de sa notoriété : le modernisme, le rationalisme, le faux oecuménisme qui se sont introduits dans l’Eglise catholique au cours de la seconde moitié du XXe siècle ont contribué à laisser de côté cette apparition et le message de la Très Sainte Vierge demandant la conversion du huguenot… On ne peut donc que saluer les efforts actuels entrepris pour redonner vie au sanctuaire.
C’est dans la basilique qui contient le corps du protestant converti et les restes de son arbre miraculeux, que les fidèles de la Tradition ont pu, pour la première fois depuis dix ans de pèlerinage, célébrer la messe le 6 septembre 2015 après une marche méritante depuis Serre-Nerpol.
La messe de la Nativité de Notre-Dame – patronne du sanctuaire – fut chantée par l’abbé Louis-Marie Gélineau, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, et les fidèles allèrent se recueillir à la petite « chapelle de la bon-rencontre », où le huguenot avait enfin reconnu sa Mère .