Pie XI

259ᵉ pape ; de 1922 à 1939

14 mars 1937

Lettre encyclique Mit brennender Sorge

Situation de l'église catholique dans l'empire allemand en 1937

Table des matières

Aux véné­rables Frères, Archevêques et Évêques d’Allemagne et autres Ordinaires en paix et Communion avec le Siège Apostolique

Vénérables frères, salut et béné­dic­tion apostolique.

C’est avec une vive inquié­tude et un éton­ne­ment crois­sant que depuis long­temps Nous sui­vons des yeux les dou­lou­reuses épreuves de l’Église et les vexa­tions de plus en plus graves dont souffrent ceux et celles qui lui res­tent fidèles par le cœur et la conduite, au milieu du pays et du peuple aux­quels saint Boniface a por­té autre­fois le lumi­neux mes­sage, la bonne nou­velle du Christ et du Royaume de Dieu.

Cette inquié­tude n’a pas été dimi­nuée par ce que les repré­sen­tants du véné­rable Épiscopat, venus Nous visi­ter à Notre che­vet de malade, Nous ont fait connaître, confor­mé­ment à la véri­té et comme c’était leur devoir. À des nou­velles bien conso­lantes et édi­fiantes sur la lutte pour la foi que mènent leurs fidèles, ils n’ont pu s’empêcher, mal­gré tout l’amour qu’ils portent à leur peuple et à leur patrie, mal­gré toute leur appli­ca­tion à juger avec mesure, d’en mêler une infi­ni­té d’autres, bien dures et bien mau­vaises. Après avoir enten­du leur expo­sé, Nous pûmes, dans un élan de vive recon­nais­sance envers Dieu, Nous écrier avec l’Apôtre de l’Amour : « Je n’ai pas de plus grande joie que d’apprendre que mes enfants marchent dans la véri­té » (III Jean, IV). Mais la fran­chise qui convient à Notre charge apos­to­lique, si pleine de res­pon­sa­bi­li­tés, et la déci­sion de mettre sous vos yeux et sous les yeux de tout l’univers chré­tien la réa­li­té dans toute sa gra­vi­té Nous obligent d’ajouter : « Il n’est pas de plus grand cha­grin, ni de dou­leur plus amère à Notre cœur de Pasteur, que d’apprendre que beau­coup aban­donnent le che­min de la véri­té. » (Cf. II Pierre, II, 2).

Lorsqu’en été 1933, Vénérables Frères, Nous accep­tâmes la négo­cia­tion d’un Concordat, que le gou­ver­ne­ment du Reich, repre­nant un pro­jet vieux de plu­sieurs années, Nous pro­po­sait, et quand, à votre uni­ver­sel conten­te­ment, Nous la ter­mi­nâmes par un accord solen­nel, Nous étions gui­dé par le sou­ci, que Notre devoir Nous impose, d’assurer en Allemagne la liber­té de la mis­sion bien­fai­sante de l’Église et le salut des âmes qui lui sont confiées, mais encore par le désir sin­cère de rendre au peuple alle­mand un ser­vice essen­tiel pour son déve­lop­pe­ment paci­fique et sa prospérité.

C’est pour­quoi, en dépit de nom­breuses et graves consi­dé­ra­tions, Nous Nous sommes alors déci­dé à ne pas lui refu­ser Notre consen­te­ment. Nous vou­lions épar­gner à Nos fidèles fils et filles d’Allemagne, dans la mesure des pos­si­bi­li­tés humaines, les angoisses et les souf­frances que dans l’autre hypo­thèse les cir­cons­tances du temps fai­saient pré­voir avec pleine cer­ti­tude. Nous vou­lions prou­ver à tous par des actes que, cher­chant uni­que­ment le Christ et les inté­rêts du Christ, Nous ne refu­sions pas de tendre la main paci­fique et mater­nelle de l’Église à qui­conque ne la repousse pas.

Si l’arbre de paix, plan­té par Nous en toute pure­té d’intention dans la terre alle­mande, n’a pas pro­duit les fruits que, dans l’intérêt de votre peuple, Nous dési­rions si ardem­ment, per­sonne au monde, ayant des yeux pour voir et des oreilles pour entendre, ne pour­ra dire aujourd’hui que la faute en est à l’Église ou à son Chef. Les expé­riences des der­nières années mettent les res­pon­sa­bi­li­tés en pleine lumière : elles révèlent des intrigues qui dès le début ne visaient qu’à une guerre d’extermination. Dans les sillons où Nous Nous étions effor­cé de semer le germe d’une paix sin­cère, d’autres répan­dirent – tel l’ « inimi­cus homo » de la Sainte Ecriture (Matth., XIII, 25) – l’ivraie de la méfiance, du mécon­ten­te­ment, de la haine, de la dif­fa­ma­tion, d’une hos­ti­li­té de prin­cipe, soit voi­lée soit ouverte, ali­men­tée à mille sources et agis­sant par tous les moyens, contre le Christ et son Église. Eux, et eux seuls, avec leurs silen­cieux ou leurs bruyants com­plices, sont aujourd’hui res­pon­sables si, au lieu de l’arc-en-ciel de la paix, c’est l’orage des funestes luttes reli­gieuses qui se montre à l’horizon de l’Allemagne.

Nous ne Nous sommes pas las­sé, Vénérables Frères, de repré­sen­ter aux diri­geants res­pon­sables des des­ti­nées de votre pays les consé­quences qui devaient néces­sai­re­ment résul­ter de la tolé­rance, et même de la faveur dont pro­fitent de tels cou­rants d’idées. Nous avons tout fait pour défendre la sain­te­té de la parole solen­nel­le­ment don­née et l’inviolabilité des enga­ge­ments libre­ment consen­tis contre des théo­ries et des pra­tiques qui – au cas où elles seraient offi­ciel­le­ment approu­vées – tue­raient néces­sai­re­ment toute confiance, et ôte­raient d’avance toute valeur à tout enga­ge­ment d’honneur. Quand une fois le temps sera venu de mettre au grand jour sous les yeux du monde ces efforts qui furent les Nôtres, tous les hommes d’intention droite sau­ront où cher­cher les défen­seurs de la paix et où ses per­tur­ba­teurs. Tous ceux dont l’esprit n’a pas encore per­du tout sens de la véri­té, tous ceux qui conservent au fond du cœur un reste de jus­tice, convien­dront que durant ces années, dif­fi­ciles et lourdes d’événements, qui ont sui­vi la conclu­sion du Concordat, cha­cune de Nos paroles a été pro­non­cée, cha­cun de Nos actes a été accom­pli sous la loi de la fidé­li­té aux trai­tés. Mais ils devront consta­ter aus­si, non sans éton­ne­ment et répro­ba­tion pro­fonde, com­ment de la part de l’autre par­tie contrac­tante une inter­pré­ta­tion qui faus­sait le contrat ou le détour­nait de son but, ou le vidait de son conte­nu et abou­tis­sait fina­le­ment à sa vio­la­tion plus ou moins offi­cielle, devint la loi inavouée selon laquelle on agis­sait. La modé­ra­tion témoi­gnée par Nous, en dépit de tout, n’était pas ins­pi­rée par des consi­dé­ra­tions d’utilité ter­restre, moins encore par une fai­blesse inop­por­tune, mais sim­ple­ment par la volon­té de ne pas ris­quer d’arracher, avec l’ivraie, quelque plante pré­cieuse ; par l’intention de ne por­ter publi­que­ment aucun juge­ment avant que les esprits n’en fussent venus à com­prendre l’inéluctable néces­si­té de ce juge­ment ; par la réso­lu­tion de ne nier défi­ni­ti­ve­ment la loyau­té d’autrui que lorsque l’irréfutable lan­gage de l’évidence aurait arra­ché le camou­flage sous lequel sys­té­ma­ti­que­ment on dis­si­mu­lait l’assaut lan­cé contre l’Église. Aujourd’hui encore, où la lutte ouverte contre l’école confes­sion­nelle, pro­té­gée pour­tant par le Concordat, où la sup­pres­sion du libre suf­frage à ceux des catho­liques qui ont le droit de veiller à l’éducation de la jeu­nesse, mani­festent sur un ter­rain essen­tiel de la vie de l’Église la gra­vi­té impres­sion­nante de la situa­tion et l’angoisse sans exemple des consciences chré­tiennes, le sou­ci du salut des âmes Nous pousse à ne pas négli­ger les pos­si­bi­li­tés encore exis­tantes, si minimes soient-​elles, d’un retour à la loyau­té et à un arran­ge­ment accep­table sui­vant le désir du véné­rable épis­co­pat, Nous conti­nue­rons, sans Nous las­ser, à être auprès des diri­geants de votre peuple le défen­seur du droit vio­lé et, obéis­sant sim­ple­ment à Notre conscience et à Notre mis­sion pas­to­rale – sans Nous sou­cier du suc­cès ou de l’insuccès immé­diat,- à Nous oppo­ser à un par­ti pris qui cherche, par l’emploi, ouvert ou dis­si­mu­lé, de la force, à étran­gler le droit garan­ti par les traités.

Mais le but de la pré­sente lettre, Vénérables Frères, est autre. De même que vous êtes venus Nous faire, à Notre che­vet de malade, une visite affec­tueuse, de même, à Notre tour, Nous Nous tour­nons aujourd’hui vers vous et, par vous, vers les Catholiques d’Allemagne qui, comme tous les fils souf­frants et oppri­més, sont plus par­ti­cu­liè­re­ment pré­sents au cœur du Père Commun. En cette heure où votre foi est éprou­vée, comme l’or, au feu de la tri­bu­la­tion et de la per­sé­cu­tion, tant ouverte que cachée, à l’heure où votre liber­té reli­gieuse est vic­time d’un inves­tis­se­ment orga­ni­sé sous mille formes, à l’heure ou pèse lour­de­ment sur vous le manque d’un ensei­gne­ment fidèle à la véri­té et de nor­males pos­si­bi­li­tés de défense, vous avez dou­ble­ment droit à une parole de véri­té et de spi­ri­tuel récon­fort de la part de celui dont le pre­mier pré­dé­ces­seur s’entendit adres­ser par le Sauveur cette parole si pleine : « J’ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille point, et toi, à ton tour, confirme tes frères. » (Luc, XXII, 32.)

Vraie foi en Dieu

Prenez garde, Vénérables Frères, qu’avant toute autre chose la foi en Dieu, pre­mier et irrem­pla­çable fon­de­ment de toute reli­gion, soit conser­vée en Allemagne, pure et sans fal­si­fi­ca­tion. Ne croit pas en Dieu celui qui se contente de faire usage du mot Dieu dans ses dis­cours, mais celui-​là seule­ment qui à ce mot sacré unit le vrai et digne concept de la Divinité.

Quiconque iden­ti­fie, dans une confu­sion pan­théis­tique, Dieu et l’univers, abais­sant Dieu aux dimen­sions du monde ou éle­vant le monde à celles de Dieu, n’est pas de ceux qui croient en Dieu.

Quiconque, sui­vant une pré­ten­due concep­tion des anciens Germains d’avant le Christ, met le sombre et imper­son­nel Destin à la place du Dieu per­son­nel, nie par le fait la Sagesse et la Providence de Dieu, qui « for­te­ment et sua­ve­ment agit d’une extré­mi­té du monde à l’autre » (Sagesse, VIII, 1) et conduit toutes choses à une bonne fin : celui-​là ne peut pas pré­tendre à être mis au nombre de ceux qui croient en Dieu.

Quiconque prend la race, ou le peuple, ou l’État, ou la forme de l’État, ou les dépo­si­taires du pou­voir, ou toute autre valeur fon­da­men­tale de la com­mu­nau­té humaine – toutes choses qui tiennent dans l’ordre ter­restre une place néces­saire et hono­rable,- qui­conque prend ces notions pour les reti­rer de cette échelle de valeurs, même reli­gieuses, et les divi­nise par un culte ido­lâ­trique, celui-​là ren­verse et fausse l’ordre des choses créé et ordon­né par Dieu : celui-​là est loin de la vraie foi en Dieu et d’une concep­tion de la vie répon­dant à cette foi.

Prenez garde, Vénérables Frères, à l’abus crois­sant, dans la parole comme dans les écrits, qui consiste à employer le nom de Dieu trois fois saint comme une éti­quette vide de sens que l’on place sur n’importe quelle créa­tion, plus ou moins arbi­traire, de la spé­cu­la­tion et du désir humain. Agissez sur vos fidèles, afin qu’ils soient atten­tifs à oppo­ser à une telle aber­ra­tion le refus qu’elle mérite. Notre Dieu est le Dieu per­son­nel, sur­na­tu­rel, tout-​puissant, infi­ni­ment par­fait, unique dans la Trinité des Personnes, et tri­per­son­nel dans l’unité de l’Essence divine, le Créateur de tout ce qui existe, le Seigneur et Roi et l’ultime consom­ma­teur de l’histoire du monde, qui n’admet ni ne peut admettre à côté de lui aucun autre dieu.

Ce Dieu a, en Souverain Maître, don­né ses commandements.

Ils valent indé­pen­dam­ment du temps et de l’espace, du pays et de la race. De même que le soleil de Dieu luit sur tout visage humain, de même sa loi ne connaît ni pri­vi­lège ni excep­tion. Gouvernants et gou­ver­nés, cou­ronnes et non cou­ron­nés, grands et humbles, riches et pauvres sont éga­le­ment sou­mis à sa parole. De la tota­li­té de ses droits de Créateur découle natu­rel­le­ment la tota­li­té de Son droit à être obéi par les indi­vi­dus et par les com­mu­nau­tés de toute espèce. Cette obéis­sance exi­gée embrasse toutes les branches de l’activité dans les­quelles des ques­tions morales réclament la mise en accord avec la loi de Dieu, et par consé­quent l’intégration de la chan­geante loi humaine dans l’ensemble de l’immuable loi divine.

Seuls des esprits super­fi­ciels peuvent tom­ber dans l’erreur qui consiste à par­ler d’un Dieu natio­nal, d’une reli­gion natio­nale ; seuls ils peuvent entre­prendre la vaine ten­ta­tive d’emprisonner Dieu, le Créateur de l’univers, le Roi et le Législateur de tous les peuples, devant la gran­deur duquel les Nations sont « comme une goutte d’eau sus­pen­due à un seau » (Is., XL, 15) dans les fron­tières d’un seul peuple, dans l’étroitesse de la com­mu­nau­té de sang d’une seule race.

Les évêques de l’Église du Christ, éta­blis « pour ce qui se rap­porte à Dieu » (Hebr., V, I), doivent veiller à ce que de per­ni­cieuses erreurs de cette sorte, que des pra­tiques encore plus per­ni­cieuses ont cou­tume de suivre, ne prennent pas pied par­mi les fidèles. Il appar­tient à la sain­te­té de leur charge de tout faire, autant qu’il dépend d’eux, pour que les com­man­de­ments de Dieu soient consi­dé­rés et obser­vés, comme étant le fon­de­ment obli­ga­toire de toute vie pri­vée et publique mora­le­ment ordon­née ; pour que les droits de la Majesté divine, le Nom et la parole de Dieu ne soient pas pro­fa­nés (Tite, II, 5) ; pour mettre fin aux blas­phèmes qui par la parole, la plume et l’image sont mul­ti­pliés aujourd’hui comme le sable de la mer ; pour que, à côté de l’obstination et des pro­vo­ca­tions de ceux qui nient Dieu, qui méprisent Dieu, qui haïssent Dieu, ne se relâche jamais la prière répa­ra­trice des fidèles, qui tel un encens, d’heure en heure, monte vers le Très-​Haut et arrête sa main vengeresse.

Nous vous remer­cions, Vénérables Frères, Nous remer­cions vos prêtres et tous vos fidèles, qui, dans la défense des droits de la Divine Majesté contre un nou­veau paga­nisme agres­sif, et favo­ri­sé, hélas, de bien des manières par des hommes influents, ont rem­pli et conti­nuent à rem­plir leur devoir de chré­tiens. Ce remer­cie­ment va, plus cha­leu­reux encore et mêlé d’une admi­ra­tion recon­nais­sante, à ceux qui, dans l’accomplissement de ce devoir, ont été jugés dignes de s’attirer pour l’amour de Dieu le sacri­fice et la souffrance.

La vraie foi au Christ

Aucune foi en Dieu ne peut se main­te­nir long­temps pure et sans alliage si elle n’est sou­te­nue par la foi au Christ. « Personne ne connaît le Fils si ce n’est le Père, et per­sonne ne connaît le Père si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils vou­dra le révé­ler. » (Luc, X, 22.) « La vie éter­nelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-​Christ. » (Jean, XVII, 3.) Personne ne peut donc dire : je crois en Dieu, cela me suf­fit en fait de reli­gion. La parole du Sauveur ne laisse aucune place à des échap­pa­toires de cette sorte. « Qui renie le Fils n’a pas non plus le Père, et qui confesse le Fils a aus­si le Père. » (1 Jean, II, 23.)

En Jésus-​Christ, le Fils de Dieu fait homme, est appa­rue la plé­ni­tude de la Révélation divine. « En beau­coup de manières et à diverses reprises Dieu a par­lé à nos pères par les pro­phètes. Quand les temps furent accom­plis, Il nous a par­lé par son Fils » (Hebr., I, 1 sq.). Les livres sacrés de l’Ancien Testament sont entiè­re­ment Parole de Dieu et forment une par­tie sub­stan­tielle de Sa Révélation. En har­mo­nie avec le déve­lop­pe­ment gra­duel de la Révélation plane sur eux une lumière encore voi­lée, celle des temps qui ont pré­pa­ré le plein jour de la Rédemption. Comme il ne sau­rait en être autre­ment dans des livres his­to­riques et didac­tiques, ils reflètent, dans plus d’un détail, l’humaine imper­fec­tion, la fai­blesse et le péché. À côté d’innombrables traits de gran­deur et de noblesse, ils nous décrivent aus­si le peuple choi­si, por­teur de la Révélation et de la Promesse, s’égarant sans cesse loin de son Dieu pour se tour­ner vers le monde. Pour les yeux qui ne sont pas aveu­glés par le pré­ju­gé ou par la pas­sion res­plen­dit cepen­dant d’autant plus lumi­neu­se­ment, dans cette humaine pré­va­ri­ca­tion, telle que l’histoire biblique nous la rap­porte, la lumière divine du plan sau­veur qui triomphe fina­le­ment de toutes les fautes et de tous les péchés. C’est pré­ci­sé­ment sur ce fond sou­vent obs­cur que res­sort dans de plus frap­pantes pers­pec­tives la péda­go­gie de salut de l’Éternel, tour à tour aver­tis­sant, admo­nes­tant, frap­pant, rele­vant et béa­ti­fiant ses élus. Seuls l’aveuglement et l’orgueil peuvent fer­mer les yeux devant les tré­sors d’enseignement sau­veur que recèle l’Ancien Testament.

Qui veut voir ban­nies de l’Église et de l’école l’histoire biblique et la sagesse des doc­trines de l’Ancien Testament blas­phème le Nom de Dieu, blas­phème le plan de salut du Tout-​Puissant, érige une pen­sée humaine étroite et limi­tée en juge des des­seins divins sur l’histoire du monde. Il renie la foi au Christ véri­table, tel qu’il est appa­ru dans la chair, au Christ qui a reçu son humaine nature d’un peuple qui devait le cru­ci­fier. Il demeure sans rien y com­prendre devant le drame uni­ver­sel du Fils de Dieu, qui oppo­sait au sacri­lège de ses bour­reaux la divine action sacer­do­tale de sa mort rédemp­trice, don­nant ain­si, dans la nou­velle alliance, son accom­plis­se­ment, son terme et son cou­ron­ne­ment à l’ancienne.

Le point culmi­nant de la Révélation atteint dans l’Évangile de Jésus-​Christ est défi­ni­tif, il oblige pour tou­jours. Cette Révélation ne connaît pas de com­plé­ment appor­té de main d’homme, elle n’admet pas davan­tage d’être évin­cée et rem­pla­cée par d’arbitraires « révé­la­tions » que cer­tains porte-​parole du temps pré­sent pré­tendent faire déri­ver de ce qu’ils appellent le Mythe du Sang et de la Race. Depuis que le Christ, l’Oint du Seigneur, a accom­pli l’œuvre de la Rédemption, et que, bri­sant le règne du péché, Il nous a méri­té la grâce de deve­nir enfants de Dieu, depuis ce temps aucun autre nom sous le ciel n’a été don­né aux hommes par lequel ils puissent être sau­vés, que le Nom de Jésus (Act., IV, 12). Aucun homme, quand même toute la science, tout le pou­voir, toute la force exté­rieure du monde seraient incar­nés en lui, ne peut poser un fon­de­ment autre que celui qui a déjà été posé : le Christ (I Cor., III, 11). Celui qui, dans une sacri­lège mécon­nais­sance des dif­fé­rences essen­tielles entre Dieu et la créa­ture, entre l’Homme-Dieu et les enfants des hommes, ose dres­ser un mor­tel, fût-​il le plus grand de tous les temps ; aux côtés du Christ, bien plus, au-​dessus de Lui ou contre Lui, celui-​là mérite de s’entendre dire qu’il est un pro­phète de néant, auquel s’applique le mot effrayant de l’Ecriture : « Celui qui habite dans les cieux se moque d’eux » (Ps., 4).

Vraie foi dans l’Église

La foi au Christ ne sau­rait se main­te­nir pure et sans alliage si elle n’est pro­té­gée et sou­te­nue par la foi dans l’Église, « colonne et fon­de­ment de la Vérité » (I Tim., III, 15). C’est le Christ lui-​même, Dieu éter­nel­le­ment béni, qui a dres­sé cette colonne de la foi. L’ordre qu’Il a don­né d’écouter l’Église (Matth., XVIII, 17), d’accueillir dans les paroles et les com­man­de­ments de l’Église ses propres paroles et ses propres com­man­de­ments (Luc, X, 16), vaut pour les hommes de tous les temps et de tous les pays. L’Église fon­dée par le Rédempteur est une, la même pour tous les peuples et pour toutes les Nations. Sous sa cou­pole, qui, comme le fir­ma­ment, recouvre la terre entière, il y a une patrie pour tous les peuples et toutes, les langues, il y a place pour le déve­lop­pe­ment de toutes les qua­li­tés par­ti­cu­lières, de tous les avan­tages, de toutes les tâches et voca­tions concé­dées par le Dieu créa­teur et Sauveur tant aux indi­vi­dus qu’aux com­mu­nau­tés eth­niques. Le cœur mater­nel de l’Église est assez grand et assez large pour voir dans l’épanouissement vou­lu de Dieu de ces carac­tères et de ces dons propres à cha­cun, la richesse de la varié­té, plus que le péril des diver­gences. Elle se réjouit des supé­rio­ri­tés spi­ri­tuelles des indi­vi­dus et des peuples. Elle voit, avec une joie et une fier­té toutes mater­nelles, dans les suc­cès rem­por­tés par eux, des fruits d’éducation et de pro­grès qu’Elle bénit et encou­rage, par­tout où Elle peut le faire en conscience. Mais Elle sait aus­si qu’à cette liber­té des limites sont tra­cées par la majes­té du com­man­de­ment divin qui a vou­lu et fon­dé cette Église essen­tiel­le­ment une et indi­vi­sible. Qui touche à cette uni­té et à cette indi­vi­si­bi­li­té enlève à l’Épouse du Christ un des dia­dèmes dont Dieu Lui-​même l’a cou­ron­née. Il assu­jet­tit sa struc­ture divine, qui repose sur des fon­de­ments éter­nels, aux cri­tiques et aux retouches d’architectes que le Père des Cieux n’a pas auto­ri­sés à bâtir.

La divine mis­sion de l’Église qui, agis­sant par­mi les hommes, est obli­gée d’agir par les hommes, peut être dou­lou­reu­se­ment obs­cur­cie par ce qu’il s’y mêle d’humain, de trop humain, et qui sans cesse et sans cesse renais­sant, se déve­loppe comme l’ivraie au milieu du fro­ment du royaume de Dieu. Quiconque connaît la parole du Sauveur sur le scan­dale et les scan­da­leux sait quel juge­ment l’Église, et avec elle cha­cun de ses fils, doit por­ter sur ce qui fut et sur ce qui est un péché. Mais celui qui, en regard de ces condam­nables désac­cords entre la foi et la vie, entre les paroles et les actes, entre la conduite exté­rieure et les sen­ti­ments inté­rieurs chez des indi­vi­dus – si nom­breux fussent-​ils,- oublie ou passe volon­tai­re­ment sous silence la somme énorme de ver­tus authen­tiques, d’esprit de sacri­fice, d’amour fra­ter­nel, d’héroïques élans vers la sain­te­té, celui-​là fait preuve d’un aveu­gle­ment et d’une injus­tice déplo­rables. Si ensuite il devient plei­ne­ment évident que la mesure sévère dont il use vis-​à-​vis de l’Église abhor­rée, il oublie de l’appliquer aux com­mu­nau­tés d’un autre genre qui lui sont proches par le sen­ti­ment ou par l’intérêt, alors son appel à un sens de la pure­té pré­ten­du­ment bles­sé et offen­sé l’apparente à ceux qu’une paille dans l’œil de leur frère, selon le mot inci­sif du Sauveur, empêche de voir la poutre qui est dans le leur. Cependant, bien que ne soit pas très pure l’intention de ceux qui se font une voca­tion, maintes fois même un vil métier, de scru­ter ce qu’il y a d’humain dans l’Église, et bien que les pou­voirs sacer­do­taux com­mu­ni­qués par Dieu ne dépendent pas de la valeur humaine du prêtre ni de son élé­va­tion morale, il n’en demeure pas moins vrai qu’à aucune époque de l’histoire aucun indi­vi­du, dans aucune com­mu­nau­té, ne peut se libé­rer du devoir d’examiner loya­le­ment sa conscience, de se puri­fier impi­toya­ble­ment, de se renou­ve­ler éner­gi­que­ment en lui-​même, dans son esprit et dans ses actes. Dans Notre Encyclique sur le Sacerdoce, Nous avons atti­ré l’attention avec une insis­tance pres­sante sur le devoir sacré, pour tous ceux qui appar­tiennent à l’Église, et sur­tout pour tous ceux qui font par­tie de l’état sacer­do­tal et reli­gieux, et de l’apostolat laïque, de mettre leur foi et la conduite de leur vie dans cette har­mo­nie qu’exige la loi de Dieu et que réclame l’Église avec une éner­gie inlas­sable. Et aujourd’hui encore Nous répé­tons avec une gra­vi­té pro­fonde : il ne suf­fit pas de faire par­tie de l’Église du Christ. Il faut encore être un membre vivant de cette Église, en esprit et en vérité.

Et ne le sont que ceux qui se main­tiennent en état de grâce et vivent conti­nuel­le­ment en pré­sence de Dieu, dans l’innocence ou dans une sin­cère et effec­tive péni­tence. Alors que l’Apôtre des Nations, le « vase d’élection », rédui­sait son corps en escla­vage sous la verge de la mor­ti­fi­ca­tion afin de n’être pas lui-​même réprou­vé après avoir prê­ché aux autres (I Cor., IX, 27), peut-​il y avoir, pour ceux à qui sont confiés la mise en valeur et l’accroissement du Royaume de Dieu, une autre méthode de tra­vail que celle qui unit le plus inti­me­ment leur apos­to­lat et leur propre sanc­ti­fi­ca­tion ? Ainsi seule­ment l’on peut mon­trer à l’humanité d’aujourd’hui et en pre­mière ligne aux contra­dic­teurs de l’Église que le « sel de la terre », que le levain du Christianisme ne s’est pas affa­di, mais qu’il est apte et tout prêt à appor­ter aux hommes d’aujourd’hui, pri­son­niers du doute et de l’erreur, plon­gés dans l’indifférence et l’abandon, las de croire et éloi­gnés de Dieu, le renou­vel­le­ment et le rajeu­nis­se­ment spi­ri­tuel dont ils ont – qu’ils en conviennent ou non – un besoin plus pres­sant que jamais. Une chré­tien­té ayant repris conscience d’elle-même dans tous ses membres, reje­tant tout par­tage, tout com­pro­mis avec l’esprit du monde, pre­nant au sérieux les com­man­de­ments de Dieu et de l’Église, se conser­vant dans l’amour de Dieu et l’efficace amour du pro­chain, pour­ra et devra être pour le monde, malade à mort, mais qui cherche qu’on le sou­tienne et qu’on lui indique sa route, un modèle et un guide, si l’on ne veut pas qu’une indi­cible catas­trophe, un écrou­le­ment dépas­sant toute ima­gi­na­tion ne fonde sur lui.

Toute réforme vraie et durable, en der­nière ana­lyse, a eu son point de départ dans la sain­te­té, dans des hommes qui étaient enflam­més et pous­sés par l’amour de Dieu et du pro­chain. Généreux, prêts à écou­ter tout appel de Dieu et à le réa­li­ser aus­si­tôt en eux, et cepen­dant sûrs d’eux-mêmes parce que sûrs de leur voca­tion, ils ont gran­di jusqu’à deve­nir les lumières et les réno­va­teurs de leur temps. Là, au contraire, où le zèle réfor­ma­teur n’a pas jailli de la pure­té per­son­nelle, mais était l’expression et l’explosion de la pas­sion, il a trou­blé au lieu de cla­ri­fier ; détruit au lieu de construire, et il a été plus d’une fois le point de départ d’aberrations plus fatales que les maux aux­quels il comp­tait ou pré­ten­dait remé­dier. Certes « l’Esprit de Dieu souffle où il veut » (Jean, III, 8) : des pierres, il peut faire sur­gir ceux qui pré­parent les voies à la réa­li­sa­tion de ses des­seins (Matth., III, 9 ; Luc, III, 8). Il choi­sit les ins­tru­ments de sa volon­té d’après ses propres plans et non d’après ceux des hommes. Mais Celui qui a fon­dé l’Église, qui l’a appe­lée à l’existence sous le souffle de la Pentecôte, ne sau­rait bri­ser les assises fon­da­men­tales de l’institution de salut vou­lue de Lui-​même. Quiconque est mû par l’esprit de Dieu a spon­ta­né­ment l’attitude qui convient, inté­rieu­re­ment et exté­rieu­re­ment, vis-​à-​vis de l’Église, ce fruit sacré de l’arbre de la Croix, ce don fait par l’Esprit de Dieu, le jour de la Pentecôte, au monde désorienté.

Dans vos contrées, Vénérables Frères, reten­tissent des voix, dont le chœur va sans cesse se ren­for­çant, qui invitent à sor­tir de l’Église. Parmi les meneurs, il en est plus d’un qui, par leur posi­tion offi­cielle, cherchent à faire naître l’impression que cette sor­tie de l’Église et l’infidélité qu’elle com­porte envers le Christ-​Roi consti­tuent une preuve par­ti­cu­liè­re­ment convain­cante et méri­toire de la fidé­li­té envers l’État d’aujourd’hui.

Par des mesures de contrainte cachées ou appa­rentes, par l’intimidation, par la pers­pec­tive de désa­van­tages éco­no­miques, pro­fes­sion­nels, civiques et autres, l’attachement des catho­liques à leur foi, et en par­ti­cu­lier la fidé­li­té de cer­taines classes de fonc­tion­naires catho­liques, est sou­mise à une pres­sion aus­si contraire au droit qu’à la digni­té humaine. Toute Notre pater­nelle com­plai­sance et Notre plus pro­fonde com­pas­sion vont à ceux qui doivent payer si cher leur fidé­li­té au Christ et à l’Église : mais, dès l’instant où il y va des suprêmes et des plus hauts inté­rêts, où il s’agit de se sau­ver ou de se perdre, le croyant n’a devant lui qu’une voie du salut, celle du cou­rage héroïque. Si le ten­ta­teur ou l’oppresseur vient lui pro­po­ser comme un mar­ché de Judas la sor­tie de l’Église, alors il ne peut – même au prix des plus lourds sacri­fices ter­restres, – que lui oppo­ser le mot du Sauveur : « Retire-​toi, Satan ; car il est écrit : tu ado­re­ras le Seigneur ton Dieu, et tu ne ser­vi­ras que Lui seul. » (Matth., IV, 10 ; Luc, IV, 8). Et se tour­nant vers l’Église, il lui dira : Ô toi qui es ma mère depuis les jours de mon enfance, ma conso­la­tion dans la vie, mon avo­cate à l’heure de la mort, « que ma langue adhère à mon palais » si, cédant à des pro­messes ou à des menaces ter­restres, je venais à tra­hir les vœux de mon bap­tême. Quant à ceux qui s’imaginent qu’ils pour­raient unir à l’abandon exté­rieur de l’Église la fidé­li­té inté­rieure à cette même Église, puisse leur ser­vir de salu­taire aver­tis­se­ment cette parole du Sauveur : « Celui qui m’aura renié devant les hommes, je le renie­rai moi aus­si devant mon Père qui est dans les Cieux. » (Luc, XII, 9.)

Vraie foi à la Primauté

La foi à l’Église ne pour­ra se main­te­nir pure de toute fal­si­fi­ca­tion si elle n’est appuyée sur la foi à la pri­mau­té de l’évêque de Rome. Dans le même ins­tant où Pierre, devant tous les dis­ciples et apôtres, confes­sait la foi au Christ, Fils du Dieu vivant, il rece­vait en réponse, comme récom­pense de sa foi et de sa confes­sion, la parole qui fon­dait l’Église, l’unique Église du Christ, sur le roc de Pierre (Matth., XVI, 18).

Ainsi est consa­crée la connexion entre la foi au Christ, à l’Église, et la foi à la Primauté. Une auto­ri­té véri­table et conforme à la loi est par­tout un lien d’unité, une source de force, une garan­tie contre la divi­sion et la ruine, une cau­tion pour l’avenir : mais cela se véri­fie dans le sens le plus haut. et le plus sublime là où, comme dans l’Église et dans l’Église seule, cette auto­ri­té a reçu la pro­messe de la conduite du Saint, Esprit, et de son invin­cible assis­tance. Si des hommes qui ne sont pas même unis dans la foi au Christ viennent vous pré­sen­ter la sédui­sante image d’une Église natio­nale alle­mande, sachez que ce n’est autre chose qu’un renie­ment de l’unique Église du Christ, l’évidente tra­hi­son de cette mis­sion d’évangélisation uni­ver­selle à laquelle, seule, une Église mon­diale peut suf­fire et s’adapter. L’histoire vécue par d’autres Églises natio­nales, leur engour­dis­se­ment, la façon dont elles ont été enchaî­nées ou domes­ti­quées par les pou­voirs ter­restres prouvent la sté­ri­li­té sans espoir à laquelle est voué avec une imman­quable cer­ti­tude tout sar­ment qui se sépare du cep vivant de l’Église. Celui qui, dès le début, oppose à des déve­lop­pe­ments erro­nés de cette espèce un « Non » vigi­lant et inexo­rable, celui-​là sert non seule­ment la pure­té de sa foi au Christ, mais aus­si la san­té et la force vitale de son peuple.

Pas de fausses interprétations des mots et concepts sacrés

Il vous fau­dra veiller d’un œil par­ti­cu­liè­re­ment atten­tif, Vénérables Frères, à ce que les concepts reli­gieux fon­da­men­taux ne viennent pas à être vidés de leur conte­nu essen­tiel et détour­nés vers un sens profane.

« Révélation », au sens chré­tien du mot, désigne la parole dite par Dieu aux hommes. Employer ce même mot pour les « sug­ges­tions » du sang et de la race, pour les irra­dia­tions de l’histoire d’un peuple, c’est, à coup sûr, créer une équi­voque. Une fausse mon­naie de cette sorte ne mérite pas de pas­ser dans l’usage des fidèles du Christ.

La « foi » consiste à tenir pour vrai ce que Dieu a révé­lé et pro­pose par son Église à la croyance des hommes. C’est la « convic­tion solide des choses invi­sibles ». (Hebr., XI, 1.) La joyeuse et fière confiance dans l’avenir de son peuple, qui tient au cœur de cha­cun, signi­fie toute autre chose que la foi dans le sens reli­gieux du mot. Donner l’un pour l’autre, vou­loir rem­pla­cer l’un par l’autre, et exi­ger là-​dessus d’être recon­nu par les dis­ciples du Christ comme un « croyant », c’est un jeu de mots vide de sens, quand ce n’est pas la confu­sion vou­lue des concepts, ou quelque chose de pire.

« Immortalité », dans le sens chré­tien, veut dire : conti­nua­tion de la vie de l’homme après la mort ter­restre, dans sa per­son­na­li­té indi­vi­duelle, pour son éter­nelle récom­pense, ou pour son éter­nel châ­ti­ment. Quiconque ne veut dési­gner par le mot : « immor­ta­li­té » que la conti­nua­tion ici-​bas de la vie col­lec­tive dans la durée de son peuple pour un ave­nir d’une lon­gueur indé­ter­mi­née, celui-​là ren­verse et fal­si­fie l’une des véri­tés fon­da­men­tales de la foi chré­tienne, il touche aux bases mêmes de la concep­tion reli­gieuse de l’univers, qui exige un ordre moral dans le monde. S’il ne veut pas être chré­tien, qu’il renonce au moins à enri­chir le voca­bu­laire de son incroyance en pui­sant au tré­sor des concepts chrétiens.

Le « Péché Originel » est la faute héré­di­taire, bien que non per­son­nelle, des des­cen­dants d’Adam, qui « ont péché en lui » (Rom., V, 12). C’est la perte de la grâce, – et, par consé­quent, de la vie éter­nelle, – jointe à la pro­pen­sion au mal, que cha­cun doit, avec l’aide de la grâce, de la péni­tence, de la lutte, de l’effort moral, refou­ler et sur­mon­ter. La pas­sion et la mort du Fils de Dieu ont rache­té le monde de la malé­dic­tion héré­di­taire du péché et de la mort. La foi à ces véri­tés, qui sont aujourd’hui en butte, dans votre patrie, à la facile raille­rie des adver­saires du Christ, appar­tient au conte­nu inalié­nable de la Religion chrétienne.

La Croix du Christ, encore que son nom seul soit déjà deve­nu pour beau­coup une folie et un scan­dale (I Cor., 1, 23), demeure pour le croyant le signe sanc­ti­fié de la Rédemption, l’emblème de la force et de la gran­deur morales. Nous vivons sous son ombre. Nous mou­rons dans son bai­ser. Il faut qu’elle se dresse sur notre tombe, pour pro­cla­mer notre foi, pour témoi­gner de notre espé­rance dans la lumière éternelle.

L’humilité, dans l’esprit de l’Évangile, et la prière pour obte­nir le secours de la grâce de Dieu peuvent par­fai­te­ment s’unir à l’estime de soi-​même, à la confiance en soi, à l’héroïsme. L’Église du Christ, qui à tra­vers tous les temps et jusqu’au pré­sent le plus récent compte plus de confes­seurs et de mar­tyrs volon­taires que toute autre col­lec­ti­vi­té morale, n’a besoin de rece­voir de per­sonne des leçons sur l’héroïsme des sen­ti­ments et des actes. Dans sa misé­rable façon de railler l’humilité chré­tienne, comme une dégra­da­tion de soi-​même et une atti­tude sans cou­rage, l’odieux orgueil de ces nova­teurs se couvre lui-​même de ridicule.

On peut appe­ler « grâce », dans un sens impropre, tout don du Créateur à la créa­ture. Toutefois la « grâce », au sens propre et chré­tien du mot, com­prend les témoi­gnages sur­na­tu­rels de l’amour de Dieu, la faveur et l’action de Dieu par laquelle il élève l’homme à cette intime com­mu­nau­té de vie avec Lui, que le Nouveau Testament nomme « l’adoption des enfants de Dieu ». « Voyez de quel grand amour le Père a fait preuve envers nous, puisque nous pou­vons nous appe­ler et que nous sommes, en fait, enfants de Dieu. » (I Jean, III, 1.) Rejeter cette élé­va­tion gra­tuite et sur­na­tu­relle au nom d’un pré­ten­du carac­tère alle­mand, est une erreur : c’est com­battre ouver­te­ment une véri­té fon­da­men­tale du Christianisme. Mettre sur le même plan la grâce sur­na­tu­relle et les dons de la nature, c’est un abus du voca­bu­laire créé et consa­cré par la Religion. Les pas­teurs et. gar­diens du peuple de Dieu feront bien d’opposer une action vigi­lante à ce lar­cin fait aux choses saintes et à cette confu­sion des esprits.

Morale et ordre moral

Sur la foi en Dieu, gar­dée intacte et sans tache, repose la mora­li­té de l’humanité. Toutes les ten­ta­tives pour ôter à la morale et à l’ordre moral le fon­de­ment, solide comme le roc, de la foi et pour .les éta­blir sur le sable mou­vant des règles humaines, conduisent tôt ou tard indi­vi­dus et socié­tés. à la ruine morale. L’insensé qui dit dans son cœur : Il n’y a pas de Dieu, mar­che­ra dans les voies de la cor­rup­tion morale (Ps., XIII, 1 sq.). Le nombre de ces insen­sés, qui aujourd’hui entre­prennent de sépa­rer Moralité. et Religion, est deve­nu légion. Ils ne voient pas ou ne veulent pas voir que ban­nir le Christianisme confes­sion­nel, c’est-à-dire la concep­tion claire et pré­cise du Christianisme, de l’enseignement et de l’éducation, de l’organisation de la vie sociale et publique, c’est aller à l’appauvrissement spi­ri­tuel et à la déca­dence. Aucune puis­sance coer­ci­tive de l’État, aucun idéal pure­ment humain, si noble et si éle­vé soit-​il en lui-​même, ne sera jamais capable de rem­pla­cer en fin de compte les suprêmes et déci­sives impul­sions que donne la foi en Dieu et au Christ. Si, à celui qui est appe­lé à faire les plus grands sacri­fices, à immo­ler son « moi » au bien com­mun, on ôte l’appui de l’éternel et du divin, la foi récon­for­tante et conso­lante au Dieu qui récom­pense tout bien et punit tout mal, alors, pour un grand nombre, le résul­tat final sera, non pas l’acceptation du devoir, mais la fuite devant lui. La conscien­cieuse obser­va­tion des dix com­man­de­ments de Dieu et des pré­ceptes de l’Église (qui ne sont, eux, que des déter­mi­na­tions pra­tiques des règles de l’Évangile) est pour chaque indi­vi­du une incom­pa­rable école de dis­ci­pline indi­vi­duelle, d’éducation morale et de for­ma­tion du carac­tère, une école qui exige beau­coup, mais pas trop. Le Dieu plein de bon­té, qui, comme légis­la­teur, dit : « Tu dois », donne aus­si par Sa grâce « le pou­voir et le faire ». Laisser inuti­li­sées des forces de for­ma­tion morale d’une effi­ca­ci­té aus­si pro­fonde, les exclure même posi­ti­ve­ment de l’éducation du peuple, c’est contri­buer d’une façon injus­ti­fiable à la sous-​alimentation reli­gieuse de la nation. Livrer la morale à l’opinion sub­jec­tive des hommes, qui change sui­vant les fluc­tua­tions des temps, au lieu de l’ancrer dans la sainte volon­té du Dieu éter­nel et dans ses com­man­de­ments, c’est ouvrir la porte toute grande aux forces des­truc­trices. L’abandon, qui en résulte, des éter­nels prin­cipes d’une morale objec­tive, pour l’éducation des consciences, pour l’ennoblissement de tous les domaines et de toutes les orga­ni­sa­tions de la vie, c’est un péché contre l’avenir du peuple, un péché dont les géné­ra­tions futures devront goû­ter les fruits amers.

Reconnaissance du droit naturel

Tel est le fatal entraî­ne­ment de nos temps, qu’il détache du fon­de­ment divin de la Révélation, non seule­ment la morale, mais aus­si le droit théo­rique et pra­tique. Nous pen­sons ici en par­ti­cu­lier à ce qu’on appelle le droit natu­rel, ins­crit de la main même du Créateur sur les tables du cœur humain (Rom., II, 14 sq) et que la saine rai­son peut y lire quand elle n’est pas aveu­glée par le péché et la pas­sion. C’est d’après les com­man­de­ments de ce droit de nature, que tout droit posi­tif, de quelque légis­la­teur qu’il vienne, peut être appré­cié dans son conte­nu moral et, par là même, dans l’autorité qu’il a d’obliger en conscience. Des lois humaines qui sont en contra­dic­tion inso­luble avec le droit natu­rel sont mar­quées d’un vice ori­gi­nel qu’aucune contrainte, aucun déploie­ment exté­rieur de puis­sance ne peut gué­rir. C’est à la lumière de ce prin­cipe qu’il faut juger l’axiome : « Le droit, c’est l’utilité du peuple. » On peut, certes, don­ner à cette pro­po­si­tion un sens cor­rect, si on lui fait dire que ce qui est mora­le­ment défen­du ne peut jamais ser­vir au véri­table bien du peuple. Cependant, le paga­nisme ancien recon­nais­sait déjà que l’axiome, pour être plei­ne­ment exact, doit être, en réa­li­té, retour­né, et s’exprimer ain­si : « Il est impos­sible qu’une chose soit utile si elle n’est pas en même temps mora­le­ment bonne. Et ce n’est point parce qu’elle est utile qu’elle est mora­le­ment bonne, mais parce qu’elle est mora­le­ment bonne elle est utile. » [1] Affranchi de cette règle morale, ce prin­cipe signi­fie­rait, dans la vie inter­na­tio­nale, l’état de guerre per­pé­tuel entre les dif­fé­rentes nations. Dans la vie natio­nale, il mécon­naît, par l’amalgame qu’il fait des consi­dé­ra­tions de droit et d’utilité, le fait fon­da­men­tal, que l’homme, en tant que per­sonne, pos­sède des droits qu’il tient de Dieu et qui doivent demeu­rer vis-​à-​vis de la col­lec­ti­vi­té hors de toute atteinte qui ten­drait à les nier, à les abo­lir ou à les négliger.

Mépriser cette véri­té, c’est oublier que le véri­table bien com­mun est déter­mi­né et recon­nu, en der­nière ana­lyse, par la nature de l’homme, qui équi­libre har­mo­nieu­se­ment droits per­son­nels et obli­ga­tions sociales, et par le but de la socié­té, déter­mi­né aus­si par cette même nature humaine. La socié­té est vou­lue par le Créateur comme le moyen d’amener à leur plein déve­lop­pe­ment les dis­po­si­tions indi­vi­duelles et les avan­tages sociaux que cha­cun, don­nant et rece­vant tour à tour, doit faire valoir pour son bien et celui des autres. Quant aux valeurs plus géné­rales et plus hautes, que seule la col­lec­ti­vi­té, et non plus les indi­vi­duels iso­lés, peut réa­li­ser, elles aus­si en défi­ni­tive sont, par le Créateur, vou­lues pour l’homme, pour son plein épa­nouis­se­ment natu­rel et sur­na­tu­rel et l’achèvement de sa per­fec­tion. S’écarter de cet ordre, c’est ébran­ler les colonnes sur les­quelles repose la socié­té, et donc com­pro­mettre la tran­quilli­té, la sécu­ri­té et l’existence même de la société.

Le croyant a un droit inalié­nable à pro­fes­ser sa foi et à la vivre comme elle veut être vécue. Des lois qui étouffent ou rendent dif­fi­cile la pro­fes­sion et la pra­tique de cette foi sont en contra­dic­tion avec le droit naturel.

Des parents sérieux, conscients de leur devoir d’éducateurs, ont un droit pri­mor­dial à régler l’éducation des enfants que Dieu leur a don­nés, dans l’esprit de leur foi, en accord avec ses prin­cipes et ses pres­crip­tions. Des lois ou d’autres mesures qui éli­minent dans les ques­tions sco­laires cette libre volon­té des parents, fon­dée sur le Droit Naturel ou qui la rendent inef­fi­cace par la menace ou la contrainte, sont en contra­dic­tion avec le Droit Naturel et sont fon­ciè­re­ment immorales.

L’Église, à qui revient, de par sa mis­sion, le soin de gar­der et d’expliquer le droit natu­rel, divin dans son ori­gine, ne peut s’empêcher de décla­rer les toutes récentes ins­crip­tions aux écoles, faites dans l’absence notoire de toute liber­té, un résul­tat de la contrainte, auquel les carac­tères du droit font tota­le­ment défaut.

À la jeunesse

Comme Vicaire de Celui qui a dit au jeune homme de l’Évangile : « Si tu veux entrer dans la vie, garde les com­man­de­ments » (Matth., XIX, 17), Nous adres­sons une parole par­ti­cu­liè­re­ment pater­nelle à la jeunesse.

Des mil­liers de voix font reten­tir aujourd’hui à vos oreilles un Evangile qui n’a pas été révé­lé par le Père des cieux. Des mil­liers de plumes écrivent au ser­vice d’un pré­ten­du chris­tia­nisme qui n’est pas le chris­tia­nisme du Christ. La presse et la radio vous enva­hissent quo­ti­dien­ne­ment de pro­duc­tions hos­tiles à la foi et à l’Église, impu­dem­ment agres­sives envers tout ce qui doit vous être le plus véné­rable et le plus sacré.

Beaucoup, beau­coup d’entre vous, à cause de leur fidé­li­té à la foi et à l’Église, à cause de leur affi­lia­tion à des asso­cia­tions reli­gieuses, garan­ties par le Concordat ont dû et doivent encore, Nous le savons, subir cette tra­gique épreuve de voir incom­prise, sus­pec­tée, outra­gée, niée même, leur fidé­li­té à la patrie, souf­frir en outre toutes sortes de dom­mages dans leur vie pro­fes­sion­nelle et sociale. Nous ne sommes pas non plus sans savoir qu’il y a dans vos rangs plus d’un obs­cur sol­dat du Christ qui, le cœur en deuil, mais la tête haute, sup­porte son sort et trouve son unique conso­la­tion dans la pen­sée de souf­frir des affronts pour le Nom de Jésus. (Act. Ap., v, 41.) Aujourd’hui, la voyant sous la menace de nou­veaux dan­gers et de nou­velles tra­cas­se­ries, Nous disons à cette jeu­nesse : Si quelqu’un vou­lait vous annon­cer un Évangile autre que celui que vous avez reçu sur les genoux d’une pieuse mère, des lèvres d’un père croyant, ou par l’enseignement d’un édu­ca­teur fidèle à son Dieu et à son Église, « qu’il soit ana­thème » (Gal., I, 9). Si l’État fonde une Jeunesse natio­nale, cette orga­ni­sa­tion obli­ga­toire doit être ouverte à tous, et c’est alors – sans pré­ju­dice des droits des asso­cia­tions reli­gieuses – pour les jeunes gens eux-​mêmes et pour les parents qui en répondent devant Dieu, un droit incon­tes­table et inalié­nable d’exiger que cette orga­ni­sa­tion d’État soit pur­gée de toutes les mani­fes­ta­tions d’un esprit enne­mi du chris­tia­nisme et de l’Église, mani­fes­ta­tions qui, tout récem­ment encore et aujourd’hui même, mettent la conscience des parents chré­tiens dans une inso­luble alter­na­tive, puisqu’ils ne peuvent don­ner à l’État ce qu’il exige qu’en déro­bant à Dieu ce qui est à Dieu.

Nul ne songe, certes, à bar­rer la route qui doit conduire la jeu­nesse alle­mande à la consti­tu­tion d’une vraie com­mu­nau­té eth­nique, dans le noble amour de la liber­té, l’inviolable fidé­li­té à la patrie. Ce contre quoi Nous Nous éle­vons, et Nous devons Nous éle­ver, c’est l’antagonisme volon­tai­re­ment et sys­té­ma­ti­que­ment sus­ci­té entre ces pré­oc­cu­pa­tions d’éducation natio­nale et celles du devoir reli­gieux. Voilà pour­quoi, nous crions à cette jeu­nesse : Chantez vos hymnes à la liber­té, mais n’oubliez pas pour autant la liber­té des enfants de Dieu. Ne lais­sez pas la noblesse de cette irrem­pla­çable liber­té s’avilir dans l’esclavage du péché et de la sensualité.

Qui chante l’hymne de la fidé­li­té à la patrie ter­restre ne doit pas, par l’infidélité à son Dieu, à son Église, deve­nir un déser­teur et un traître à sa patrie céleste. On vous parle beau­coup .de la gran­deur héroïque, que l’on oppose consciem­ment et men­son­gè­re­ment à l’humilité et à la patience évan­gé­liques. Pourquoi donc vous taire qu’il y a aus­si un héroïsme des luttes morales ? que la conser­va­tion de l’innocence bap­tis­male consti­tue un haut fait d’héroïsme qui devrait rece­voir dans l’ordre reli­gieux, et natu­rel aus­si, l’hommage qu’il mérite ? On vous parle beau­coup des fai­blesses humaines qui ter­nissent l’histoire de l’Église. Pourquoi donc vous taire les exploits qui jalonnent sa route au cours des siècles, les saints qu’elle a enfan­tés, la béné­dic­tion qui a décou­lé pour la civi­li­sa­tion occi­den­tale de l’union vivante entre cette Église et votre peuple ? On vous parle beau­coup d’exercices spor­tifs. Pratiquée avec mesure et conte­nue dans de justes limites, l’éducation phy­sique est un bien­fait pour la jeunesse.

Pour ce qui est du temps à y consa­crer, on lui donne main­te­nant trop sou­vent une telle ampleur qu’on ne tient plus compte ni du déve­lop­pe­ment har­mo­nieux du corps et de l’esprit, ni des égards dus à la vie de famille, ni du pré­cepte de la sanc­ti­fi­ca­tion du dimanche. Avec une indif­fé­rence qui confine au mépris, on enlève au jour du Seigneur son carac­tère sacré et son recueille­ment, naguère si conforme aux meilleures tra­di­tions alle­mandes. Nous atten­dons avec confiance de la jeu­nesse croyante et catho­lique que, dans le milieu peu favo­rable des orga­ni­sa­tions de l’État, elle fasse éner­gi­que­ment valoir son droit à une chré­tienne sanc­ti­fi­ca­tion du dimanche, que pour l’exercice du corps elle n’oublie pas son âme immor­telle, qu’elle ne se laisse pas vaincre par le mal, mais qu’elle vise, au contraire, à triom­pher du mal par le bien (Rom., XII, 21), que sa plus haute et plus sainte ambi­tion demeure celle de rem­por­ter la cou­ronne dans le stade de la vie éter­nelle (I Cor., IX, 24 sq.).

Aux prêtres et aux religieux

Nous adres­sons une parole spé­ciale de féli­ci­ta­tion, d’encouragement, d’exhortation aux prêtres d’Allemagne, aux­quels, dans un temps dif­fi­cile et des conjonc­tures déli­cates, il incombe, sous la dépen­dance des Évêques, d’indiquer au trou­peau du Christ le droit che­min, par la parole et par l’exemple, par le dévoue­ment quo­ti­dien, par une apos­to­lique patience. Ne vous las­sez pas, bien-​aimés Fils, qui par­ti­ci­pez avec Nous aux saints mys­tères, d’exercer, à la suite du Souverain Prêtre éter­nel, Jésus-​Christ, la cha­ri­té et la sol­li­ci­tude du bon Samaritain. Que votre conduite de chaque jour se conserve sans tache devant Dieu dans la pour­suite inces­sante de votre propre per­fec­tion et sanc­ti­fi­ca­tion, dans une misé­ri­cor­dieuse cha­ri­té à l’égard de tous ceux qui vous sont confiés, de ceux-​là en par­ti­cu­lier qui sont expo­sés, qui sont faibles, qui chan­cellent. Soyez les guides des fidèles, le sou­tien de ceux qui tré­buchent, les doc­teurs de ceux qui doutent, les conso­la­teurs des affli­gés, les aides et les conseillers dés­in­té­res­sés de tous. Les épreuves et les souf­frances que votre peuple a tra­ver­sées dans le temps d’après-guerre n’ont point pas­sé sur son âme sans y lais­ser de trace.

Elles ont lais­sé der­rière elles des angoisses et des amer­tumes qui ne peuvent gué­rir que len­te­ment et dont on ne pour­ra triom­pher vrai­ment que dans un esprit de cha­ri­té effec­tive et dés­in­té­res­sée. Cette cha­ri­té, arme indis­pen­sable de l’apôtre, sur­tout dans le monde d’aujourd’hui bou­le­ver­sé et éga­ré par la haine, Nous vous la sou­hai­tons et Nous l’implorons du Seigneur dans une mesure débor­dante. Cette apos­to­lique cha­ri­té vous fera, sinon oublier, du moins par­don­ner beau­coup d’amertumes immé­ri­tées et aujourd’hui plus nom­breuses que jamais sur votre che­min de pas­teurs d’âmes et de prêtres.

Cette cha­ri­té intel­li­gente et com­pa­tis­sante envers les éga­rés, envers ceux-​là même qui vous outragent, ne signi­fie nul­le­ment et ne peut nul­le­ment signi­fier un renon­ce­ment quel qu’il soit à la pro­cla­ma­tion, à la reven­di­ca­tion, à la défense cou­ra­geuse de la véri­té et à sa franche appli­ca­tion à la réa­li­té qui vous envi­ronne. Le pre­mier don de l’amour du prêtre à son entou­rage, celui qui s’impose le plus évi­dem­ment, c’est celui qui consiste à ser­vir la Vérité, toute la véri­té, à dévoi­ler et à réfu­ter l’erreur sous quelque forme, sous quelque masque ou dégui­se­ment qu’elle se pré­sente. Une défaillance sur ce point ne serait pas seule­ment une tra­hi­son envers Dieu et envers votre sainte voca­tion, ce serait aus­si une faute contre le bien véri­table de votre peuple et de votre patrie. Vers tous ceux qui ont gar­dé vis-​à-​vis de leurs évêques la fidé­li­té pro­mise au jour de leur ordi­na­tion, vers tous ceux qui, en exer­çant confor­mé­ment à leur devoir leur tâche de pas­teurs, ont eu et ont encore à sup­por­ter la souf­france et la per­sé­cu­tion, vers tous vont – et pour cer­tains jusque dans leur cel­lule de pri­son, dans leur camp de concen­tra­tion – la recon­nais­sance et l’approbation du Père de la chrétienté.

Aux reli­gieux et reli­gieuses catho­liques s’adresse éga­le­ment Notre pater­nelle recon­nais­sance, à laquelle se joint la part très intime que Nous pre­nons au sort de beau­coup d’entre eux qui, en ver­tu de mesures admi­nis­tra­tives hos­tiles aux Ordres reli­gieux, ont été arra­chés au labeur béni et aimé de leur voca­tion. Si quelques-​uns ont suc­com­bé et se sont mon­trés indignes de leur sainte pro­fes­sion, leur faute, que l’Église aus­si châ­tie, ne dimi­nue pas le mérite de l’immense majo­ri­té qui, dans l’abnégation et la pau­vre­té volon­taires, s’est effor­cée par son dévoue­ment à ser­vir Dieu et la patrie. Par leur zèle, leur fidé­li­té, leur ver­tu, leur active cha­ri­té, la promp­ti­tude de leur dévoue­ment, les Ordres voués au soin des âmes, au ser­vice des malades et à l’enseignement, ne cessent d’apporter une glo­rieuse contri­bu­tion au bien pri­vé et public. Nul doute qu’un jour un ave­nir plus calme leur ren­dra meilleure jus­tice que le pré­sent trouble où nous vivons. Nous avons confiance que les chefs des com­mu­nau­tés reli­gieuses sau­ront prendre occa­sion des dif­fi­cul­tés et des épreuves pour obte­nir du Tout-​Puissant, par un redou­ble­ment de zèle, par une vie de prière plus intense, par la sainte aus­té­ri­té de leur voca­tion et la par­faite dis­ci­pline reli­gieuse, un renou­veau de béné­dic­tions et de fécon­di­té sur leur pénible labeur.

Aux fidèles du laïcat

Nous avons devant les yeux la foule immense de Nos fidèles enfants, de Nos fils et de Nos filles, aux­quels la souf­france de l’Église en Allemagne et leur propre souf­france n’ont rien ôté de leur dévoue­ment à la cause de Dieu, ni de leur tendre amour pour le Père de la chré­tien­té, ni de leur obéis­sance envers les évêques et les prêtres, ni de leur joyeuse réso­lu­tion de demeu­rer tou­jours, et quoi qu’il advienne, fidèles à leur croyance, à l’héritage sacré de leurs ancêtres. À eux tous, Nous envoyons d’un cœur ému Notre pater­nel souvenir.

Et d’abord aux membres des asso­cia­tions reli­gieuses qui, cou­ra­geu­se­ment et au prix, sou­vent, de dou­lou­reux sacri­fices, sont res­tés fidèles au Christ et ne se sont pas mon­trés dis­po­sés à aban­don­ner les droits qu’un accord Solennel leur avait, à l’Église et à eux, garan­tis selon les règles de la loyau­té et de la bonne foi.

Nous adres­sons un salut par­ti­cu­liè­re­ment cor­dial aux parents catho­liques. Les droits et les devoirs d’éducateurs à eux confé­rés par Dieu sont pré­ci­sé­ment dans le moment pré­sent l’enjeu d’une lutte telle qu’on en peut à peine ima­gi­ner une qui soit plus lourde de consé­quences. L’Église ne peut attendre pour com­men­cer à gémir et se plaindre que les autels soient dévas­tés, que des mains sacri­lèges aient incen­dié les temples.

Si l’on tente, par une édu­ca­tion enne­mie du Christ, de pro­fa­ner ce taber­nacle qu’est l’âme de l’enfant consa­crée par le bap­tême, si de ce temple vivant de Dieu on veut arra­cher la lampe éter­nelle de la foi du Christ pour lui sub­sti­tuer la lumière trom­peuse d’une contre­fa­çon de la foi qui n’a plus rien à voir avec la foi de la Croix, alors la vio­la­tion spi­ri­tuelle du temple est proche, alors c’est pour qui­conque confesse le Christ un devoir de déga­ger net­te­ment sa res­pon­sa­bi­li­té de celle du camp adverse, de libé­rer sa conscience de toute coopé­ra­tion cou­pable à une telle machi­na­tion et à une telle cor­rup­tion. Et plus les enne­mis s’efforcent de dégui­ser sous de beaux sem­blants leurs sombres des­seins, plus il y a lieu d’y oppo­ser une méfiance vigi­lante, une vigi­lance pro­vo­quée à la méfiance par une expé­rience trop amère.

Le main­tien pour la forme d’une leçon de reli­gion – leçon au sur­plus contrô­lée et entra­vée par des hommes sans man­dat –, et cela dans le cadre d’une école qui, dans les autres domaines de l’éducation, tra­vaille sys­té­ma­ti­que­ment et hai­neu­se­ment à l’encontre de cette même reli­gion, ne suf­fit pas à four­nir à un fidèle du Christ une excuse légi­time pour don­ner son suf­frage com­plai­sant à une telle école des­truc­trice de la reli­gion. Nous savons, chers parents catho­liques, que d’une pareille com­plai­sance, il ne peut être ques­tion pour vous. Nous savons qu’un vote libre et secret par­mi vous équi­vau­drait à un plé­bis­cite vic­to­rieux en faveur de l’école confes­sion­nelle. Et c’est pour­quoi Nous ne Nous las­se­rons jamais de repré­sen­ter fran­che­ment aux auto­ri­tés res­pon­sables et l’iniquité des mesures de contrainte employées jusqu’à pré­sent et le devoir de res­pec­ter la liber­té de l’éducation. Cependant, n’oubliez jamais ceci : de la res­pon­sa­bi­li­té qui, par la volon­té de Dieu, vous lie vis-​à-​vis de vos enfants, nulle puis­sance ter­restre n’a le pou­voir de vous délier. Aucun de ceux qui aujourd’hui vous oppriment dans l’exercice de vos droits d’éducateurs et pré­tendent vous rele­ver de vos devoirs d’éducateurs ne pour­ra répondre à votre place au Juge éter­nel lorsqu’il vous inter­ro­ge­ra : « Où sont-​ils, ceux que je t’avais don­nés ? » Puisse cha­cun de vous être en mesure de lui répondre : « De ceux que tu m’as don­nés, je n’en ai per­du aucun. » (Jean, XVIII, 9.)

Vénérables Frères, Nous en sommes cer­tain, les paroles que dans une heure déci­sive Nous vous adres­sons, à vous et, par vous, aux catho­liques de l’empire alle­mand, trou­ve­ront dans les cœurs et dans les actes de Nos fidèles enfants l’écho qui doit répondre à la tendre sol­li­ci­tude du Père com­mun. S’il est une chose que Nous implo­rons du Seigneur avec une ardeur sin­gu­lière, c’est bien celle-​ci : que Nos paroles par­viennent aus­si à l’oreille et au cœur, qu’elles éveillent les réflexions de ceux qui ont déjà com­men­cé à se lais­ser prendre aux appâts et aux menaces des adver­saires du Christ et de son saint Evangile.

Nous avons pesé cha­cun des mots de Cette lettre à la balance de la véri­té, et de l’amour aus­si. Nous ne vou­lions, ni par un silence inop­por­tun deve­nir com­plice de l’équivoque, ni par trop de sévé­ri­té expo­ser à l’endurcissement le cœur d’aucun de ceux qui vivent sous Notre res­pon­sa­bi­li­té de Pasteur et aux­quels Notre amour de Pasteur ne s’applique pas moins du fait que, pour l’heure, ils se four­voient dans les che­mins de l’erreur et de l’infidélité. Et quand bien même beau­coup d’entre eux, s’adaptant à la men­ta­li­té de leur nou­vel entou­rage, n’auraient plus pour la mai­son pater­nelle aban­don­née par eux et pour le Père lui-​même que des paroles de défiance, d’ingratitude, ou même d’insulte, quand ils oublie­raient tout ce qu’ils ont reje­té, le jour vien­dra où l’angoisse de l’éloignement de Dieu et du désar­roi de leur âme s’abattra sur ces fils aujourd’hui per­dus, où la nos­tal­gie les ramè­ne­ra « au Dieu qui réjouis­sait leur jeu­nesse », à l’Église dont la main pater­nelle leur avait ensei­gné le che­min qui conduit au Père des cieux. Hâter cette heure, c’est l’objet de Notre conti­nuelle prière.

Comme d’autres époques de l’histoire de l’Église, celle-​ci sera le pré­lude d’une nou­velle ascen­sion et d’une puri­fi­ca­tion inté­rieure, à la seule condi­tion que les fidèles se montrent assez fiers dans la confes­sion de leur foi au Christ, assez géné­reux en face de la souf­france pour oppo­ser à la force maté­rielle des oppres­seurs de l’Église l’intrépidité d’une foi pro­fonde, la fer­me­té inébran­lable d’une espé­rance sûre de l’éternité, l’irrésistible puis­sance d’une cha­ri­té agis­sante. Que le saint temps du Carême et de Pâques, qui prêche le renou­vel­le­ment inté­rieur et la péni­tence, qui plus que d’ordinaire dirige le regard du chré­tien vers la croix, mais aus­si vers la gloire du Ressuscité, soit pour tous et pour cha­cun de vous une occa­sion joyeu­se­ment saluée, ardem­ment exploi­tée, de vous emplir le cœur et l’âme de cet esprit d’héroïsme, de .patience, de vic­toire qui rayonne de la croix de Jésus-Christ.

Alors, Nous en sommes cer­tain, les enne­mis de l’Église, qui s’imaginent que leur heure est venue, recon­naî­tront bien­tôt qu’ils s’étaient réjouis trop vite et qu’ils avaient trop tôt pris en main la bêche du fos­soyeur. Alors le jour lui­ra où, suc­cé­dant aux hymnes de triomphe pré­ma­tu­rés des enne­mis du Christ, s’élèvera vers le ciel, du cœur et des lèvres des fidèles, le Te Deum de la déli­vrance : un Te Deum de recon­nais­sance envers le Très-​Haut, un Te Deum d’allégresse à la vue du peuple alle­mand tout entier, même avec ses membres aujourd’hui four­voyés, reve­nant à la reli­gion, et, dans une foi puri­fiée par la souf­france, ployant de nou­veau le genou devant le Roi des temps et de l’éternité, Jésus-​Christ, se dis­po­sant enfin, dans la lutte contre ceux qui nient Dieu et ruinent l’Occident chré­tien, à reprendre, en har­mo­nie avec tous les hommes de bonne volon­té de tous les peuples, la mis­sion que les plans de l’Éternel lui ont assignée.

Celui qui sonde les cœurs et les reins (Ps. VII, 10) Nous est témoin que Nous n’avons pas de plus intime désir que le réta­blis­se­ment en Allemagne d’une paix véri­table entre l’Église et l’État. Mais si – sans Notre faute – cette paix ne doit pas s’établir, alors l’Église de Dieu défen­dra ses droits et ses liber­tés au nom du Tout-​Puissant dont le bras, même aujourd’hui, n’est pas rac­cour­ci. Confiant en Lui, « Nous ne ces­sons de prier et d’implorer » (Col., I, 9) pour vous, enfants de l’Église, afin que soient abré­gés les jours de la tri­bu­la­tion et que vous soyez trou­vés fidèles au jour du juge­ment ; pour les per­sé­cu­teurs aus­si et les oppres­seurs : afin que le Père de toute lumière et de toute misé­ri­corde daigne les éclai­rer, comme Saul sur le che­min de Damas, eux et tous ceux, si nom­breux, qui à leur suite se sont éga­rés et demeurent dans l’erreur.

Avec cette sup­pli­ca­tion dans le cœur et sur les lèvres, Nous vous accor­dons, comme gage du secours divin, comme sou­tien de vos réso­lu­tions dif­fi­ciles et lourdes de res­pon­sa­bi­li­té, comme récon­fort dans le com­bat, comme conso­la­tion dans la souf­france, à Vous, évêques et pas­teurs du peuple fidèle, aux prêtres, aux reli­gieux, aux apôtres laïques de l’Action catho­lique, et à tous, oui, à tous vos dio­cé­sains – mais spé­cia­le­ment aux malades et aux pri­son­niers, – dans un pater­nel amour, la Bénédiction apostolique.

Du Vatican, le dimanche de la Passion, 14 mars 1937.

PIE XI

Notes de bas de page
  1. Cicéron, De offi­ciis, III, 30.[]
15 mai 1931
Sur la restauration de l'ordre social, en pleine conformité avec les préceptes de l'Évangile, à l'occasion du quarantième anniversaire de l'Encyclique Rerum Novarum
  • Pie XI