Clément V

195ᵉ Pape ; de 1305 à 1314

2 mai 1312

Bulle pontificale Ad providam Christi Vicarii

Attribution des biens de l'ordre du Temple aux Hospitaliers

Donné à Vienne, le 6 des nones de mai 1312, de notre pon­ti­fi­cat le septième. 

A la pru­dente sol­li­ci­tude du Vicaire du Christ, par­ve­nu au faîte de la digni­té apos­to­lique, il appar­tient de mesu­rer l’é­mer­gence et la suc­ces­sion des temps, d’exa­mi­ner les pro­blèmes et leurs causes, et d’être enfin atten­tif aux qua­li­tés des per­sonnes. Dirigeant sur toutes choses le regard pro­fond d’une médi­ta­tion indis­pen­sable, appli­quant sa main aux déci­sions oppor­tunes, il extir­pe­ra du champ de Dieu la mau­vaise herbe des vices, fruc­ti­fie­ra les ver­tus ; il arra­che­ra les épines de la pré­va­ri­ca­tion ; déra­ci­nant l’i­vraie, il plan­te­ra en fait plus qu’il n’au­ra détruit, et dans les champs vidés de leurs plantes nui­sibles, il repi­que­ra la pieuse flo­rai­son des œuvres divines : par ces utiles et pré­voyants échanges, il appor­te­ra la paix plus qu’il n’au­ra, par l’ac­tion d’une jus­tice véri­table et com­pa­tis­sante, por­té pré­ju­dice aux per­sonnes ni engen­dré la ruine de ces lieux. Tranchant ce qui résiste pour y sub­sti­tuer ce qui pro­fite, il déve­loppe ain­si le pro­grès de la ver­tu, jus­qu’à res­tau­rer enfin ce qu’il avait éli­mi­né, par l’ef­fet de cette subrogation.

Il est adve­nu naguère que nous ayons dû, fort à contre­cœur et non sans amer­tume, déci­der la sup­pres­sion de l’ordre de la Milice du Temple de Jérusalem, du fait de souillures, obs­cé­ni­tés et per­ver­sions diverses, moins dévoyées encore qu’i­na­vouables, dont le Maître, les frères et autres membres de l’ordre s’é­taient dans toutes les par­ties du monde ren­dus cou­pables (on nous per­met­tra de taire à pré­sent leur triste et impur rap­pel). Cette extinc­tion du sta­tut de l’ordre, de son habit, de son nom lui-​même, nous l’a­vons, avec l’ap­pro­ba­tion du Sacré Concile, décré­tée, non point sous la forme d’une sen­tence défi­ni­tive, car selon les enquêtes et les pro­cès inten­tés sur cette affaire, nous n’é­tions pas juri­di­que­ment en mesure de la pro­non­cer, mais bien par la voie de pro­vi­sion soit ordon­nance apos­to­lique, et d’une sanc­tion irré­vo­cable et valide à per­pé­tui­té. Nous inter­di­sons désor­mais à qui­conque d’en­trer dans cet ordre, d’en revê­tir l’ha­bit et de se com­por­ter en Templier, sous peine de l’ex­com­mu­ni­ca­tion ipso fac­to encourue.

Quant aux biens de l’ordre, nous les avions subor­don­nés à la déci­sion du Saint-​Siège Apostolique. Nous défen­dons à qui­conque, de quelque condi­tion qu’il soit, et si peu qu’il s’y risque, d’al­ler contre les ordon­nances qui seront prises à ce sujet par le Saint-​Siège, d’y chan­ger ou atten­ter en aucune manière ; d’a­vance, nous décla­rons nulles et inva­lides de telles ini­tia­tives, qu’elles soient ou non prises en connais­sance de cause. Et pour évi­ter que ces biens, naguère don­nés, légués, concé­dés par les adeptes du Christ aux besoins de la Terre Sainte et à la croi­sade contre les enne­mis de la foi chré­tienne ou pour ces des­seins, ne viennent à dépé­rir par l’ab­sence d’ad­mi­nis­tra­teurs qua­li­fiés, ou ne soient affec­tés à d’autres usages qu’à ceux que la pié­té des fidèles avait pour eux pré­vus ; pour empê­cher encore qu’un retard dans les dis­po­si­tions prises n’en­traîne leur dila­pi­da­tion, nous avons, avec nos frères Nosseigneurs les car­di­naux, patriarches, arche­vêques, évêques, pré­lats, per­son­na­li­tés de toute sorte et pro­cu­reurs des pré­lats, cha­pitres et cou­vents, églises et monas­tères, pré­sents au Concile, tenu de dif­fi­ciles et bien pénibles conci­lia­bules : afin qu’à leur terme, de sages dis­po­si­tions les emploient à l’hon­neur de Dieu, à l’aug­men­ta­tion de la foi et l’exal­ta­tion de l’Eglise, au secours de la Terre Sainte, non moins qu’au salut et au repos des fidèles. Après longue, mûre et pré­voyante déli­bé­ra­tion, nous avons fina­le­ment décré­té que ces biens seraient à per­pé­tui­té unis à ceux de l’Hôpital de Saint-​Jean de Jérusalem, dont le Maître et les frères, en véri­tables ath­lètes de Dieu et au péril de la mort, se dévouent sans relâche à la défense de la foi dans les pays d’outre-mer.

Nous donc qui, entre tous les lieux de la terre où l’ob­ser­vance monas­tique est en vigueur, avouons ché­rir cet ordre de l’Hôpital dans la plé­ni­tude d’un amour sin­cère ; nous qui consta­tons qu’il ne cesse, ain­si que l’é­vi­dence le démontre, de s’exer­cer avec vigi­lance aux œuvres de misé­ri­corde : cet ordre et ces frères qui, dédai­gnant les séduc­tions du monde, subor­donnent tout au ser­vice du Très-​Haut et com­battent comme d’in­tré­pides ath­lètes du Christ, en zèle et en désir, pour la récu­pé­ra­tion de la Terre Sainte, au mépris des humains périls. Nous qui consi­dé­rons pareille­ment que, plus s’aug­mentent la dili­gence du Maître et des frères de l’Hôpital, la fer­veur de leurs âmes et leur vaillance à écar­ter les injures que subit Notre Rédempteur et à écra­ser les enne­mis de Sa foi, plus faci­le­ment ils sont à même de sup­por­ter les charges d’un tel état.

A toutes ces causes,… avec l’ap­pro­ba­tion du Sacré Concile, Nous don­nons, concé­dons, unis­sons, incor­po­rons, appli­quons et annexons pour tou­jours à l’ordre des Hospitaliers de Saint-​Jean de Jérusalem, en ver­tu de la plé­ni­tude de l’au­to­ri­té apos­to­lique, la maison-​mère de la Milice du Temple et ses autres Commanderies, églises, cha­pelles, ora­toires, cités, châ­teaux, villes, terres, granges, pos­ses­sions et juri­dic­tions, rentes et droits, biens meubles et immeubles, sis outre­mer autant que par-​deçà dans toutes les par­ties du monde : tels que l’ordre du Temple, le Maître et les frères de cette Milice les pos­sé­daient au temps de leur arres­ta­tion dans le royaume de France, soit au mois d’oc­tobre mil trois cent sept ; ensemble avec les noms, actions, droits, … pri­vi­lèges, indul­gences, immu­ni­tés et liber­tés à eux concé­dés par le Siège Apostolique, les empe­reurs, rois, princes, et fidèles de toute la Chrétienté, dont ils pou­vaient se prévaloir.

En sont tou­te­fois excep­tés les biens du ci-​devant ordre de la Milice du Temple exis­tant dans les royaumes de Nos Très Chers Fils in Christo les rois de Castille, Aragon, Portugal et Majorque, hors du royaume de France, que nous avons cru devoir dis­joindre de cette union ; les réser­vant à la dis­po­si­tion du Saint-​Siège, nous renou­ve­lons à leur pro­pos la défense faite à qui­conque d’y atten­ter en quoi que ce soit au pré­ju­dice de Nos ordon­nances ; et ce, aus­si long­temps qu’il n’en aura pas été autre­ment déci­dé par le Siège Apostolique.

Quant aux occu­pants ou déten­teurs illi­cites de ces biens, quels que soient leur état, condi­tion ou digni­té, et même s’ils se pré­va­laient d’une auto­ri­té pon­ti­fi­cale, impé­riale ou royale, qui dans le délai d’un mois après en avoir été requis par le Maître, les frères ou les pro­cu­reurs de l’ordre de l’Hôpital, n’en auraient pas déguer­pi ; à ceux qui leur auraient prê­té conseil ou auraient fait obs­tacle à cette dévo­lu­tion, qu’il s’a­gisse de per­sonnes iso­lées ou de cha­pitres, col­lèges, cou­vents ou monas­tères, cités, châ­teaux ou vil­lages, nous les décla­rons sou­mis aux peines de l’ex­com­mu­ni­ca­tion d’une part, de l’in­ter­dit de l’autre ; et nous n’en décré­tons pas moins que les uns comme les autres se ver­ront en outre pri­vés des biens qu’ils détiennent en fief de l’Eglise Romaine ou de toute autre. De telle sorte que ces biens reviennent sans nulle oppo­si­tion aux Eglises dont ils dépendent, et que les pré­lats et rec­teurs de ces Eglises les admi­nistrent selon leur volon­té et au pro­fit des Eglises elles-mêmes.

Et qu’à nul homme au monde ne soit per­mis d’en­freindre nos pré­sentes dona­tion, conces­sion, union, incor­po­ra­tion, appli­ca­tion, annexion, réserves, inter­dic­tions, volon­tés et consti­tu­tions, ou d’o­ser témé­rai­re­ment aller contre. Qui s’y ris­que­rait sau­rait qu’il encourt la colère du Dieu Tout-​Puissant et de Ses Saints Apôtres Pierre et Paul.

Clément V

Donné à Vienne, le 6 des nones de mai 1312, de notre pon­ti­fi­cat le septième.

23 avril 1791
Sur la révolte des peuples d'Avignon et du Comtat Venaissin, faisant partie des États du pape, avec la lettre d'envoi à l'archevêque d'Avignon. Où se trouve stigmatisée la déclaration des droits de l'homme
  • Pie VI