Donné à Rome, près de Saint Pierre, le 3 septembre, de l’An du Seigneur 2017, cinquième de mon pontificat.
L’important principe (magnum principium) confirmé par le concile œcuménique Vatican II, selon lequel la prière liturgique rendue accessible au peuple devait être compréhensible dans sa langue, a fait porter aux évêques la lourde responsabilité d’introduire la langue vernaculaire dans la liturgie et de préparer et approuver les différentes traductions des livres liturgiques.
L’Église latine était consciente du sacrifice qui en découlait, d’abandonner partiellement sa langue liturgique en vigueur à travers le monde entier au cours des siècles. Elle ouvrit cependant volontiers la porte au fait que ces traductions, qui font partie des rites-mêmes, deviennent la voix de l’Église qui célèbre les mystères divins, aux côtés du latin.
En même temps, en particulier suite aux différentes opinions clairement exprimées par les pères conciliaires au sujet de l’utilisation des langues vernaculaires dans la liturgie, l’Église était consciente des difficultés qui pouvaient survenir en la matière. D’un côté, il fallait concilier le bien des fidèles – quels que soient leur âge et leur culture – et leur droit à une participation consciente et active aux célébrations liturgiques avec l’unité substantielle du Rite romain ; de l’autre, ce n’est souvent que de façon progressive que les langues vernaculaires pouvaient devenir des langues liturgiques aussi resplendissantes que le latin de la liturgie, par l’élégance de leur style et la profondeur des idées, pour faire grandir la foi.
C’est cela que visaient certaines des règles liturgiques, instructions, lettres, indications et validations des livres liturgiques en langue vernaculaire émises par le Saint-Siège dès l’époque du Concile, et ce à la fois avant et après les règles établies dans le Code de droit canon. Les règles établies ont été et restent de façon générale utiles et, dans la mesure du possible, elles devront être suivies par les Commissions liturgiques car constituant des instruments adaptés. Et ce afin que, dans la grande diversité des langues utilisées, l’ensemble de la liturgie puisse revêtir un style d’expression adapté et cohérent pour chacun, tout en conservant intégrité et stricte fidélité, en particulier dans la traduction de certains textes d’importance majeure dans chacun des livres liturgiques.
Le texte liturgique, en tant que signe rituel, est un moyen de communication oral. Mais pour les croyants qui célèbrent les rites sacrés, la parole reste aussi un mystère : en effet, quand les paroles sont prononcées, en particulier quand on lit la Sainte Écriture, Dieu parle aux hommes ; le Christ lui-même dans l’Évangile parle à son peuple, qui lui-même ou via le célébrant répond au Seigneur par la prière, dans l’Esprit Saint.
Pour la liturgie de la parole, l’objectif des traductions des textes liturgiques et des textes bibliques est d’annoncer aux fidèles la parole de salut conformément à la foi et de faire monter vers le Seigneur la prière de l’Église. Dans ce but, il faut communiquer fidèlement à un peuple donné, en utilisant sa langue, ce que l’Église a voulu communiquer auparavant avec le latin. Si on ne peut pas toujours juger la fidélité à un texte à des paroles isolées mais dans son contexte et selon son genre littéraire, certains termes spécifiques sont cependant à considérer dans le contexte de la foi catholique dans son intégralité, afin que l’ensemble des traductions des textes liturgiques soient cohérentes avec la doctrine.
Il ne faut pas s’étonner si au cours de ce long travail des difficultés ont émergé entre les conférences épiscopales et le Siège apostolique. Pour que les décisions du Concile sur l’utilisation des langues vernaculaires dans la liturgie puissent s’appliquer à l’avenir, une constante collaboration est particulièrement nécessaire, pleine de confiance réciproque, de vigilance et de créativité entre les conférences épiscopales et le dicastère du Saint-Siège qui a pour responsabilité la promotion de la liturgie : la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements. C’est pourquoi, afin que se poursuive le renouveau de la vie liturgique tout entière, il nous a semblé opportun que certains principes transmis depuis le Concile soient plus clairement réaffirmés et mis en pratique.
Il convient par-dessus tout de privilégier ce qui est utile et bon pour les fidèles, sans oublier le droit et la responsabilité des conférences épiscopales qui, avec les conférences épiscopales régionales de même langue et avec le Siège apostolique, doivent veiller à déterminer que, tout en respectant le caractère de chaque langue, le sens du texte originel soit rendu pleinement et fidèlement, et que les livres liturgiques traduits fassent toujours resplendir l’unité du rite romain, même après leur adaptation.
Afin de rendre plus facile et plus fructueuse la collaboration entre le Siège apostolique et les Conférences épiscopales dans ce service à rendre aux fidèles, ayant entendu l’avis de la Commission des évêques et des Experts que j’ai mise en place, je demande, avec l’autorité qui m’a été confiée, que la discipline canonique actuellement en vigueur dans le can. 838 du CIC soit clarifiée, afin que, comme explicité dans la Constitution Sacrosantum Concilium, en particulier aux articles 36 §§ 3.4, 40 et 63, et dans la lettre apostolique en forme de Motu proprio Sacram Liturgiam, n. IX, apparaisse plus clairement la compétence du Siège apostolique en matière de traduction des livres liturgiques et des adaptations plus profondes, parmi lesquelles puissent y figurer également de nouveaux textes, établis et approuvés par les Conférences épiscopales.
Dans cet objectif, le can. 838 devient :
Can.838 – § 1. L’ordonnancement de la sainte liturgie dépend uniquement de l’autorité de l’Église ; cette autorité est détenue par le Siège Apostolique et, selon le droit, par l’Évêque diocésain.
§ 2. Il revient au Siège Apostolique d’organiser la sainte liturgie de l’Église tout entière, d’éditer les livres liturgiques, de revoir (1) les adaptations approuvées en vertu du droit canon par la Conférence épiscopale, mais aussi de veiller à ce que les règles liturgiques soient fidèlement observées partout.
§ 3. Il appartient aux Conférences des évêques de préparer fidèlement les traductions des livres liturgiques en langues vernaculaires, en les adaptant de manière appropriée dans les limites fixées, d’approuver et de publier les livres liturgiques, pour les régions relevant de leur compétence, après confirmation par le Siège apostolique.
§ 4. En matière liturgique, il appartient à l’évêque diocésain de porter, pour l’Église qui lui est confiée et dans les limites de sa compétence, des règles auxquelles tous sont tenus.
Il faut par conséquent réinterpréter à la fois l’art. 64 § 3 de la Constitution apostolique Pastor Bonus et les autres règles, en particulier celles qui sont contenues dans les livres liturgiques, selon leurs traductions. De même, je décide que la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements modifie son Regolamento sur la base de la nouvelle discipline, et qu’elle aide les Conférences épiscopales à remplir leur mission et s’engage à promouvoir toujours davantage la vie liturgique de l’Église latine.
J’ordonne que tout ce qui a été décidé par cette présente Lettre Apostolique sous forme de Motu proprio, ait pleine et stable valeur, nonobstant toute chose contraire même digne de mention particulière, et soit promulgué par publication dans l’Osservatore Romano, et publié dans les Acta Apostolicae Sedis, entrant en vigueur le 1er octobre 2017.
Donné à Rome près de Saint-Pierre, le 3 septembre de l’année 2017, cinquième de mon Pontificat.
François, P.P.
FRANCISCUS PP.