Chers frères et sœurs,
Je suis heureux de vous rencontrer au terme de ce cours de formation pour les membres du clergé et les laïcs, organisé par le tribunal apostolique de la Rote Romaine sur le thème : « Le nouveau procès matrimonial et la procédure Super Rato ». Je remercie le Doyen, Mgr Pinto, pour les paroles qu’il m’a adressées. Le cours qui s’est déroulé ici à Rome, comme ceux qui se tiennent dans d’autres diocèses, sont des initiatives locales louables que j’encourage, car ils contribuent à une connaissance opportune et un échange d’expériences à divers niveaux de l’Eglise concernant d’importantes procédures canoniques.
Il est nécessaire, en particulier, de réserver une grande attention et une analyse adéquate aux deux récents Motu proprio : Mitis Iudex Dominus Iesus et Mitis et misericors Iesus, afin que soient appliquées les nouvelles procédures qui y sont indiquées. Ces deux mesures sont issues d’un contexte synodal, sont l’expression d’une méthode synodale, sont l’aboutissement d’un sérieux cheminement synodal. Face aux questions les plus épineuses concernant la mission évangélisatrice et le salut des âmes, il est important que l’Eglise retrouve de plus en plus le principe synodal de la première communauté de Jérusalem, là où Pierre avec les autres apôtres et avec toute la communauté, sous l’action de l’Esprit Saint, cherchaient à agir selon le commandement du Seigneur Jésus.
Ceci a été fait aussi dans les assemblées synodales sur la famille, où, dans un esprit de communion et de fraternité, les représentants des épiscopats du monde entier se sont réunis en assemblée pour écouter la voix de la communauté, pour discuter, réfléchir et accomplir un travail de discernement. Le synode avait pour finalité de promouvoir et défendre la famille et le mariage chrétien pour le plus grand bien des époux fidèles au pacte célébré en Jésus Christ. Il devait aussi étudier la situation et le développement de la famille dans le monde d’aujourd’hui, la préparation au mariage, les moyens de secourir tous ceux qui souffrent à cause de l’échec de leur mariage, l’éducation des enfants, et autres questions.
De retour dans vos communautés, efforcez-vous d’être des missionnaires et des témoins de cet esprit synodal qui est à leur origine, et de la consolation pastorale qui est le but de cette nouvelle règle matrimoniale, pour corroborer la foi du saint peuple de Dieu par la charité. Que l’esprit synodal et la consolation pastorale deviennent une forme de votre action dans l’Eglise, spécialement dans un domaine aussi délicat que celui de la famille à la recherche de la vérité sur l’état conjugal des époux. Que, par cette attitude, chacun de vous soit un loyal collaborateur de son évêque, auquel ces nouvelles normes reconnaissent un rôle déterminant, surtout dans les procédures courtes, à partir du moment où celui-ci est le « juge né » de l’Eglise particulière.
Dans votre service, vous êtes appelés à être proches de la solitude et de la souffrance des fidèles qui attendent de la justice ecclésiale une aide compétente et factuelle pour pouvoir retrouver la paix de leurs consciences et la volonté de Dieu sur la réadmission à l’Eucharistie. D’où la nécessité et la valeur du cours auquel vous avez participé – et j’espère qu’il y en aura d’autres –, pour favoriser une juste approche de la question et une étude de plus en plus large et sérieuse du nouveau procès matrimonial. Celui-ci est l’expression d’une Eglise en mesure d’accueillir et soigner, qui, à différents égards, est blessé par la vie et, en même temps, un rappel à l’engagement pour la défense de la sacralité des liens du mariage.
Pour rendre l’application de la nouvelle loi sur le procès matrimonial cause et motif de salut et paix pour le grand nombre de fidèles blessés dans leur situation matrimoniale, j’ai décidé – cette tâche me revenant en tant qu’évêque de Rome et successeur de Pierre – de préciser, deux ans après sa promulgation, certains aspects fondamentaux des deux Motu proprio, en particulier sur la figure de l’évêque diocésain comme juge personnel et unique dans les procédures de courte durée.
Depuis toujours l’évêque diocésain est Iudex unum et idem cum Vicario iudiciali ; mais puisque tel principe est interprété d’une manière qui exclue l’exercice personnel de l’évêque diocésain déléguant pratiquement tout aux tribunaux, voici ce que j’estime déterminant et exclusif dans l’exercice personnel de l’évêque diocésain juge :
- L’évêque diocésain étant donné sa tache pastorale est juge personnel et unique dans les procédures brèves.
- Donc la figure de l’évêque diocésain juge est l’architrave, le principe constitutif et l’élément discriminant de toute la procédure brève, instituée par les deux Motu proprio.
- Dans la procédure brève sont demandées, ad validitatem, deux conditions indissociables : l’épiscopat et être chef d’une communauté diocésaine de fidèles (cf. can 381 § 2). S’il manque une des deux conditions, la dite procédure ne peut avoir lieu. L’instance doit être jugée selon la procédure ordinaire.
- La compétence exclusive et personnelle de l’évêque diocésain, qui figure dans les critères fondamentaux d’une procédure brève, fait directement référence à l’ecclésiologie du concile Vatican II, qui nous rappelle que seul l’évêque a déjà, dans la consécration, la plénitude de toute l’autorité qui est ad actum expedita, à travers la missio canonica.
- La procédure brève n’est pas une option que l’évêque diocésain peut choisir mais une obligation qui vient de sa consécration et de la missio reçue. Il a la compétence exclusive dans les trois phases de la procédure brève :
– l’instance doit toujours être adressée à l’évêque diocésain ;
– l’instruction, comme j’ai déjà dit dans le discours du 12 mars de l’année dernière au cours à la Rote romaine, l’évêque doit la conduire « toujours assisté par le vicaire judiciaire ou par un autre instructeur, qui peut être un laïc, par l’assesseur, et toujours en présence du défenseur des liens ». Si l’évêque était dépourvu de membres du clergé ou de laïcs canonistes, la charité, qui caractérise le travail épiscopal, un évêque proche de lui pourra lui venir en aide le temps qu’il faudra. Par ailleurs je rappelle que la procédure brève doit se conclure habituellement en une seule séance, en demandant comme condition indispensable l’absolue évidence des faits prouvant la présumée nullité du conjoint, en plus du consentement des deux époux.
– la décision à prononcer coram Domino, revient toujours et seulement à l’évêque diocésain.
- Confier toute la procédure brève au tribunal interdiocésain (du viciniore comme de plusieurs diocèses) porterait à dénaturer et réduire la figure de l‘évêque père, chef et juge de ses fidèles à un simple signataire de la sentence.
- La miséricorde, un des critères fondamentaux qui garantissent la salus, demande que l’évêque active au plus vite la procédure brève ; au cas où il ne s’estimait pas prêt pour l’activer, il doit renvoyer la cause au procès ordinaire, lequel devra être conduit avec la sollicitude qu’il se doit.
- La proximité et la gratuité, comme je l’ai réaffirmé à diverses reprises, sont les deux perles dont les pauvres ont besoin, ces pauvres que l’Eglise doit aimer plus que tout.
- Quant à la compétence à recevoir l’appel contre la sentence affirmative dans la procédure brève, du métropolitain ou de l’évêque indiqué dans le nouveau can. 1687, on précise que la nouvelle loi a conféré au doyen de la Rote une nouvelle potestas decidendi et donc constitutive sur le rejet ou l’admission de l’appel.
Pour conclure, je voudrais redire avec clarté que ceci se fait sans demander la permission ou l’autorisation à une autre institution ou à la Signature apostolique.
Chers frères et sœurs, je vous souhaite bonne chance pour cette étude et pour le service ecclésial de chacun de vous. Que le Seigneur vous bénisse et la Vierge Marie vous protège. Et s’il vous plait, n’oubliez pas de prier pour moi. Merci.
Francicus