Chers Pèlerins,
Ce sont la désincarnation et l’autodivinisation de l’homme qui ont présidé aux destinées des sociétés modernes depuis plus de deux siècles. Au rejet de l’ordre surnaturel s’est trouvé nécessairement associée une volonté systématique de pulvérisation des lois de la nature humaine poussée jusqu’à des extrémités inédites. Il est cependant impossible de violenter indéfiniment une nature sans qu’elle se cabre, qu’elle exprime son angoisse et tente d’ultimes sursauts pour échapper à ses bourreaux.
C’est ainsi que les psychiatres sont aujourd’hui contraints de reconnaître ce mal-être obsédant qui ne cesse plus de tarauder l’existence des mères ayant avorté, ou qu’ils avouent leur impuissance à restructurer des enfants dont les années ont été livrées à la folie des couples contre-nature. N’est-ce pas, par exemple encore, l’inflation démesurée des désordres et des perturbations psychologiques, l’augmentation spectaculaire du nombre des suicides, qui viennent également illustrer le désarroi d’une humanité brutalisée jusqu’à la dislocation ?
Il est certain que si l’Eglise catholique ne se trouvait elle-même massivement stérilisée par les injections dans ses veines d’une idéologie étrangère, à l’occasion du Concile Vatican II, elle occuperait la position la plus favorable, par les trésors de vérité et de charité dont elle dispose en son sein, pour venir au secours des sociétés désemparées. Hélas ! Tant qu’elle demeure, par ses chefs, inféodée au poison du modernisme, son rôle bienfaisant d’influence en reste lamentablement réduit.
C’est une raison supplémentaire pour que les évêques, les prêtres, les fidèles, qui n’ont pas déplacé la borne ancienne que leurs pères avaient posée (Pr. XXII, 28), qui sont demeurés fermes et ont gardé les traditions (2 Th. I,15), doivent bien se rendre compte de la mission déterminante qui leur est confiée. La garde du dépôt (I Tim. VI, 20) les désigne immédiatement comme les meilleurs missionnaires sur lesquels l’Eglise est en droit de miser. Elle les veut tellement compatissants à ces misères spirituelles et morales qui abreuvent leurs semblables, tellement débordants des trésors reçus, qu’ils n’envisagent de plus belle existence qu’à la passer dans les fossés de la modernité pour y panser ses moribonds.
« . Voici les âges sombres où d’élever une famille, d’aimer son métier, de vénérer sa patrie, est une tâche surhumaine. L’homme d’élite est seul, cerné de barbares, accourus non comme au Moyen-Age du fond de l’Orient, mais surgis à ses côtés du bouillonnement de la société matérialiste. Sur ses épaules affaissées, Dieu lui-même s’appuie de tout son poids. Tous les soucis de la terre et des cieux déferlent en son cour. Il est écrasé par ce qu’il est, par ces richesses qu’il détient à lui seul, et qui sont sa vie. Voici naître le temps bienheureux où donner en abondance sera se délivrer d’un fardeau insupportable » (Marcel de Corte – Philosophie des mours contemporaines, p. 490).
Chers Pèlerins, que Notre-Dame, Reine des apôtres, Reine des martyrs, Reine des confesseurs nous obtienne la grâce, quelle que soit la situation où la Providence nous a placés, d’être de fidèles témoins de l’Espérance qui est en nous et qui a déjà vaincu le monde.
Abbé Régis de Cacqueray-Valménier †
Supérieur du district de France