Le missel 2010 : des omissions obstinées dans la messe en français


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Présent du 13 novembre 2009

L’année litur­gique com­mence avec le pre­mier dimanche de l’Avent, qui tombe cette fois le 29 novembre. Notre épis­co­pat édite, pour sa messe en fran­çais, un Missel des dimanches qui change chaque année : puisque le monde change, la litur­gie doit chan­ger elle aus­si, ain­si l’a vou­lu, paraît-​il, « le Concile » (Vatican II).

Ce qui pour­tant ne change pas, c’est qu’il s’agit tou­jours d’un mis­sel deve­nu apa­tride, mal­gré les pro­tes­ta­tions qu’il pro­voque depuis des années. La France est pri­vée de ses saintes patronnes, comme si déjà elle n’existait plus, anéan­tie par l’évolution mondialiste.

A l’intention des catho­liques pra­ti­quants qui risquent désor­mais de l’ignorer si, depuis trente-​six ans, ils vont chaque dimanche à la messe en fran­çais et y amènent leurs enfants, rap­pe­lons ici que la France a dans le Ciel trois saintes patronnes, qui lui ont été très offi­ciel­le­ment attri­buées par la Papauté. Il y a d’abord la « patronne prin­ci­pale », qui est Notre-​Dame de l’Assomption et dont la fête est le 15 août. Et deux « patronnes secon­daires » : sainte Jeanne d’Arc, solen­ni­té le second dimanche de mai, et sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face, fêtée le 1er octobre par la messe en fran­çais (mais le 3 octobre par la messe tra­di­tion­nelle). La solen­ni­té de Jeanne d’Arc a été la pre­mière aban­don­née par l’épiscopat. Les autres ont sui­vi, il n’a même pas res­pec­té la rela­tion pri­vi­lé­giée de la Sainte Vierge avec les Français.

Pourquoi ces sup­pres­sions ? On pense d’abord qu’il pour­rait s’agir d’un scru­pule ratio­na­liste devant l’idée auda­cieuse que les saints du Ciel puissent exer­cer un « patro­nage » sur nos acti­vi­tés ter­restres. Cette idée relè­ve­rait d’un pas­sé péri­mé, tri­bu­taire d’un contexte cultu­rel hideu­se­ment médiéval.

Mais cette expli­ca­tion par un simple silence n’est pas tenable. Elle a contre elle le témoi­gnage de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus : la messe en fran­çais lui recon­naît le titre de « patronne des mis­sions ». C’est seule­ment son patro­nage fran­çais qui a été retranché.

On ima­gine alors que le titre de patronne « des mis­sions » a été main­te­nu parce qu’il s’agit d’un patro­nage reli­gieux, tan­dis que le patro­nage de la nation fran­çaise serait de nature trop poli­tique. Explication insou­te­nable elle aus­si, puisque si la France a per­du ses patronnes, « l’Europe » au contraire en a été com­blée. La messe en fran­çais célèbre le 23 juillet « sainte Brigitte, patronne de l’Europe » ; elle célèbre le 9 août « sainte Thérèse-​Bénédicte de la Croix, patronne de l’Europe », et elle n’oublie pas de fêter le 11 juillet « saint Benoit, patron de l’Europe » (que la messe tra­di­tion­nelle fête le 21 mars).

Peut-​être ne s’agit-il pas for­cé­ment d’une volon­té déli­bé­rée de rendre rigou­reu­se­ment apa­tride le mis­sel de la messe en fran­çais. Une autre hypo­thèse expli­ca­tive est pos­sible. Il fau­drait com­prendre que l’épiscopat fran­çais res­pecte les déci­sions pon­ti­fi­cales dans tous les cas où la France n’est pas direc­te­ment concer­née mais, par une dévia­tion natio­na­liste inat­ten­due, veut répu­ter nul et non ave­nu ce qui est déci­dé par le Pape pour la France sans le consen­te­ment préa­lable de la col­lé­gia­li­té épis­co­pale fran­çaise. Comme pour le catéchisme.

Quelles que soient les inten­tions, il y a les résul­tats, et les res­pon­sables de ces résul­tats. La « nou­velle gou­ver­nance de l’Eglise de France », comme dit La Croix, est repré­sen­tée en l’occurrence par Mgr Le Gall, « pré­sident de la Commission épis­co­pale pour la litur­gie ». C’est lui qui donne chaque année l’imprimatur au Missel des dimanches. Lisez bien : Mgr Robert Le Gall (avec deux l), arche­vêque de Toulouse, à ne pas confondre avec Mgr Patrick Le Gal (avec un seul l).

Si le mis­sel en fran­çais est deve­nu apa­tride, il n’est pas ano­nyme. « Les auteurs » sont men­tion­nés en page 2 : un domi­ni­cain, un béné­dic­tin, un curé de paroisse, un diacre et six laïcs, et par-​dessus tous ceux-​là, Mgr Le Gall qui les cau­tionne au nom de l’épiscopat. Il fau­dra bien que ces res­pon­sables en viennent un jour ou l’autre à faire connaître les rai­sons de tant d’anomalie.

JEAN MADIRAN

Article extrait de Présent n° 6967 du Vendredi 13 novembre 2009