25 mars

17e apparition – L’assomption de la Très Sainte Vierge

4e Mystère glorieux : l’assomption de la Très Sainte Vierge

La tra­di­tion veut que Marie soit demeu­rée sur terre envi­ron vingt années après l’Ascension de son divin Fils. Durant ce temps, qui fut pour elle une sorte de mar­tyre, toutes ses pen­sées, tous ses dési­rs étaient tour­nés vers le Ciel. « Quando veniam et appa­re­bo… Quand donc, ne cessait-​elle de gémir, paraîtrai-​je devant vous, Seigneur, qui êtes l’uni­que objet de mon amour ?… »

Aussi, dans son cœur, quelle poi­gnante émo­tion d’al­lé­gresse quand elle apprit qu’elle allait « s’en­dormir », quand la voix du Bien-​Aimé se fit entendre : « Surge, pro­pe­ra mea, ami­ca mea… Lève-​toi„ mon amie, viens, hâte-​toi. Viens du Liban pour être couronnée ».

C’est le même mys­té­rieux appel qui remua l’âme de Bernadette au soir du 24 mars. Un secret pres­sen­ti­ment l’a­ver­tit, avant qu’elle ne s’en­dor­mît, que la Dame, le len­de­main, la convie­rait au rendez-​vous de Massabielle.

Depuis vingt jours, la Grotte demeu­rait déserte, et la Dame au radieux visage ne s’y mon­trait plus. Enfin, elle allait la revoir ! Pour chan­ter son bon­heur impa­tient, elle aurait pu emprun­ter les paro­les de la litur­gie du 15 août : « Ma Colombe, qui te tiens dans la fente du rocher, dans l’a­bri des parois escar­pées, montre – moi ton visage, fais-​moi entendre ta voix, car ta voix est comme une musi­que et ton visage rayonne de beauté ».

Tous les his­to­riens des Apparitions nous décrivent avec une sorte d’emphase poé­tique la nais­sance du prin­temps, qui marque la jour­née du 25 mars. « Ce matin-​là, disent-​ils, l’at­mo­sphère était d’une pure­té trans­lu­cide. Sur les mon­tagnes d’a­len­tour étin­ce­laient encore les der­nières neiges, qu’à mesure fon­dait, dans une tiède caresse, le soleil levant. Et de tous côtés, à l’ap­proche du renou­veau, la vie se repre­nait à rever­dir. On aurait dit, comme pré­lude des pro­chaines Pâques, la résur­rec­tion de la nature s’é­veillant au sein de la poé­sie des choses, pour chan­ter un hymne d’a­mour à la Femme devant qui s’a­ge­nouillent les purs esprits ».

Et ces des­crip­tions ne sont que l’é­cho à peine trans­po­sé de la litur­gie de la Fête de l’Assomption.

« Voici que l’hi­ver est pas­sé. La pluie a dis­pa­ru. Dans la cam­pagne, les fleurs éclosent, le temps des chan­sons est venu. La voix de la tour­te­relle s’est fait entendre dans nos cam­pagnes. Le figuier gonfle ses fruits de prin­temps, la vigne en fleur ré­pand son parfum ».

Bernadette arri­va à Massabielle de grand matin. La niche était déjà illu­mi­née et la Dame atten­dait, comme un jour elle avait été elle-​même atten­due par le Bien-Aimé…

Et c’est aujourd’­hui qu’elle révèle son nom. En lisant l’Evangile, on ne peut que consta­ter la place modeste que tient Notre-​Dame. Une fois décrites les scènes de l’Annonciation et de la Nativité, l’é­van­gé­liste semble oublier que le Christ a une mère. Il nous en parle rapi­de­ment, en pas­sant… Nous ne conser­vons, du pas­sage de Marie sur terre, que sept paroles.

A Lourdes, pareille­ment, jus­qu’au 25 mars, la ques­tion qui hante les esprits est celle-​ci : « Pour­quoi la Dame reste-​t-​elle silen­cieuse ? » La voyante a beau lui deman­der son nom. Elle ne répond que par un sou­rire. Elle n’a pro­non­cé que sept phrases, mais qui nous ren­seignent si peu sur son mys­tère à elle ! Va-​t-​elle donc se taire éter­nel­le­ment ? Non ! de même qu’elle était sor­tie de son mutisme au jour de sa glo­rieuse Assomption, en révé­lant qui elle était et de quels pri­vi­lèges Dieu l’a­vait com­blée, de même elle se révèle à Lourdes, le 25 mars. Elle nous fait connaître son nom. Elle parle à la pre­mière per­sonne. Elle ne craint pas de dire « Je suis… », car c’est son propre mys­tère qu’il s’a­git de repré­sen­ter. Et à par­tir de ce jour, Bernadette et les pèle­rins ne diront plus, pour la dési­gner, « Aquero » (cela) ou « Damizello » (la demoi­selle). Mais, avec res­pect, ils la dénom­me­ront « Notre-​Dame de Massabielle », comme, après son Assomption, les pre­miers chré­tiens appel­le­ront l’hum­ble Vierge de Judée : Notre-Dame.

« Madame, lui dit Bernadette, veuillez me dire qui vous êtes ». La Dame sou­rit, mais ne répon­dit rien. Trois fois, l’en­fant dut renou­ve­ler sa deman­de, afin, sans doute, que fussent évo­qués les trois jours d’at­tente que, selon la tra­di­tion, elle pas­sa au tom­beau avant sa glo­rieuse résur­rec­tion. Enfin, elle prit un air grave et parut s’hu­mi­lier, elle dis­joi­gnit les mains, fai­sant glis­ser sur son bras droit le cha­pe­let aux fils d’or et aux grains d’al­bâtre. Elle ouvrit ses deux bras et les incli­na vers le sol, puis, les éle­vant vers l’é­ter­nelle région, elle les rejoi­gnit avec fer­veur, et, regar­dant le Ciel avec le sen­ti­ment d’une indi­cible gra­ti­tude, elle pro­non­ça ces paroles : « Je suis l’Immaculée Conception ».

Le geste de Notre-​Dame et sa parole prennent valeur de signi­fi­ca­tion pri­mor­diale, quand on les réfère au mys­tère qui se joue ce jour-​là. Son geste est, en effet, à n’en pas dou­ter, un mou­ve­ment d’é­lan vers le ciel. C’est l’at­ti­tude que Murillo a don­née à sa célèbre Vierge de l’Assomption. C’est le geste du prêtre quand, avant la Préface de la Messe il chante le Sursum Corda. C’est la pan­to­mime à laquelle se livre un enfant, quand on lui demande de s’en­vo­ler vers le ciel. C’était le geste le plus appro­prié pour signi­fier l’Assomption.

Puis, la parole va se joindre au jeu pour le com­menter et l’ex­pli­quer : « Je suis l’Immaculée Conception », dit-​elle lorsque, son geste ache­vé, ses mains se sont rejointes, poin­tant vers le Ciel, où s’é­tait pareille­ment fixé son regard. Elle nous rap­pelle par là que l’exemp­tion du péché ori­gi­nel est chez elle la rai­son du pri­vi­lège de son Assomption. La mort est l’ef­fet du péché, et parce qu’elle a été pré­ser­vée de toute atteinte de la souillure ori­gi­nelle, elle ne devait point mou­rir. Sans doute, elle a vou­lu suivre jus­qu’au bout son Fils, et expi­rer comme lui, mais son droit à la vie n’a pas dis­pa­ru pour cela. Et de même que le Sauveur n’a pas connu la cor­rup­tion du tom­beau et qu’il est glo­rieusement res­sus­ci­té, tout concourt à nous rendre cer­tains que là encore, conforme à Jésus-​Christ, Marie a rem­por­té sur la mort et le péché une com­plète victoire.

Toutefois, si l’Assomption est la consé­quence de l’Immaculée Conception, n’ou­blions pas que son ti­tre de Mère de Dieu est comme le rendez-​vous har­mo­nique de toutes ses per­fec­tions, que c’est plus par­ti­cu­liè­re­ment en vue de ce titre qu’elle fut pré­ser­vée du péché ori­gi­nel, de telle sorte que ces deux pre­miers pri­vi­lèges émanent comme deux rayons, de cet éblouis­sant soleil qui est son titre de Mère de Dieu.

Et ce nou­veau, point de doc­trine va se trou­ver encore figu­ré à Lourdes, puisque le jour où le jeu sacré de la Grotte évoque le mys­tère de son Assomption et sa Conception Immaculée, ce jour-​là, c’est le 25 mars, anni­ver­saire de l’Ambassade de l’Annonciation…

Voici main­te­nant com­ment magni­fi­que­ment se cou­ronne la leçon du jour. Tous ceux qui méditent le mys­tère de l’Assomption y contemplent comme un double mou­ve­ment le mou­ve­ment du corps de Marie qui monte au ciel et le mou­ve­ment de son cœur qui se rap­proche de nous. Et c’est bien ce que Marie elle-​même nous cer­ti­fie en son Apparition du 25 mars. Ce n’est pas en effet du haut de sa niche qu’elle esquisse le geste de son Assomption. C’est dans la Grotte même, un peu au-​dessous de la voûte, et « qua­si à la por­tée de la main de Ber­nadette et des autres pieuses filles et femmes qui l’en­tou­raient ». Elle s’é­tait pour cela « lais­sée cou­ler » sur le sol, et sa voyante nous dit que jamais « elle n’é­tait des­cen­due plus bas ». Ainsi, elle a timi­de­ment esquis­sé le pre­mier mou­ve­ment de son Assomption par un simple geste des bras. Mais elle insiste sur le second, et c’est de tout son corps qu’elle se laisse glis­ser du haut de sa tri­bune royale vers notre val­lée de larmes. Puis, elle consi­dère avec une satis­fac­tion mar­quée les sta­tues, les tableaux, les vases et les fleurs qui déco­raient la Grotte, elle regarde avec com­plai­sance plu­sieurs per­sonnes qui étaient là à genoux et qui s’é­taient signa­lées dans cette œuvre de pié­té, approu­vant ain­si notre pra­tique habi­tuelle d’at­tri­buer comme fruit de la ré­citation du qua­trième mys­tère glo­rieux : la dévo­tion envers notre Mère du Ciel.

L’Apparition est ter­mi­née. Bernadette va reve­nir chez elle, dans la jubi­la­tion de connaître enfin le nom de la Dame, nom qu’elle ne com­prend pas, mais qu’elle se répète comme un joyeux refrain tout rem­pli d’har­mo­nies. Elle n’a plus son cierge, car l’Immaculée lui a recom­man­dé de le lais­ser brû­ler à la Grotte, sans doute pour sym­bo­li­ser l’u­nion éter­nelle que le Christ scel­la avec elle le jour de l’Assomption.

Et l’on croi­rait que c’est le can­tique de ce joyeux retour que chante, en la fête de l’Assomption, la Liturgie, qui semble vou­loir inter­pré­ter en toutes ses nuances les sen­ti­ments de la voyante au jour du 25 mars

« Vidi spe­cio­sam sicut colum­bam ascen­den­tem desu­per rivos aqua­rum ; cujus inaes­ti­ma­bi­lis odor erat nimis in ves­ti­men­tis ejus. Et sicut dies ver­ni cir­cum­da­bant eam flores rosa­rum et lilia conval­lium : J’ai vu sur les bords du Gave une femme ravis­sante comme une colombe. Ses vête­ments étaient impré­gnés d’un par­fum sédui­sant. C’était comme au prin­temps un par­terre de roses et de lis des vallées… »

18ème appa­ri­tion