5e Mystère glorieux : le couronnement de la Vierge Marie au Ciel
La poésie a souvent tenté de décrire la scène du Couronnement de la Vierge Marie dans le Ciel. Elle nous fait entrevoir dans une immense apothéose le Fils de Dieu se levant de son trône pour placer lui-même sur le front de sa Mère la couronne de la royauté, tandis que les hiérarchies célestes rangées en une autre couronne, celle-là vivante et fantastique, acclament le triomphe de la Vierge déipare.
Certains éléments de ce tableau vivant vont se retrouver le 7 avril, à Massabielle, mais remplis d’enseignements infiniment plus riches et émouvants.
Saint Jean, dans l’Apocalypse, a vu « la Femme » couronnée d’un diadème de douze étoiles, ces douze étoiles symbolisant de l’avis quasi unanime des exégètes, les douze Tribus.
Ce ne sont pas douze Tribus qui couronnent Notre-Dame, le 7 avril à Lourdes, mais au dire du commissaire de police qui prit la peine de calculer, douze cents témoins, chiffre énorme si l’on songe que ce mercredi n’était ni jour de marché ni jour de fête, et que rien ne faisait prévoir une Apparition. Et ces douze mystiques centuries, groupées autour de la voyante, fléchissent les genoux avec elle et partagent son recueillement et sa ferveur. « L’ordre le plus parfait n’a cessé de régner », déclare le maire de Lourdes. C’était comme un raccourci du spectacle de la Jérusalem céleste, que l’on appelle si justement « La cité de l’Ordre ».
Tous les témoins déclarent que l’extase de Bernadette dénonça ce jour-là une extraordinaire absorption des facultés, que jamais cette extase n’avait paru aussi intense. Comme le 4 mars, elle récite trois chapelets, donc son Rosaire en entier. N’est-ce pas ainsi que nous nous représentons l’humble Vierge Marie dans sa gloire ? Elle contemple son Dieu face à face en une vue claire et immédiate qu’aucun voile n’intercepte, qu’aucune autre pensée ne distrait ou n’interrompt. Et ce qu’elle contemple plus spécialement dans l’Etre divin, ce sont les quinze grands épisodes du Mystère Rédempteur auxquels elle a été si indissolublement et si intimement liée, et qui résument toute la puissance, toute la sagesse, toute la miséricorde du Créateur. Les mêmes mystères que nous méditons actuellement sur les grains de notre rosaire, la Vierge les pénètre au Ciel de son regard pour qui rien n’est mystère, et elle les revit jusqu’à en épuiser l’abîme insondable.
Pendant l’extase de la voyante, une « espiègle », qui devint plus tard Fille de Saint Vincent de Paul, lui enfonça dans l’épaule, sans que Bernadette ne ressentît rien, « une grosse épingle à tête noire », tandis que la flamme de son cierge léchait sa main sans produire la moindre brûlure. – Voyons dans ces deux faits le rappel que Marie est montée aux cieux avec son corps, qui, comme tous les corps glorieux, jouit de l’impassibilité. Mais « le miracle du cierge » étudié de plus près nous fournit des enseignements plus précis sur ce qui constitue exactement le Couronnement de Marie.
Voici en quelles circonstances il se produisit. Au moment où Bernadette, au cours de sa vision, commençait de faire une ascension vers le fond de la Grotte, il survint un temps d’arrêt dans sa marche ; et sa main droite, qui tenait le chapelet, se plaça sur la flamme du cierge qu’elle tenait de l’autre main. Ses doigts étaient assez écartés les uns des autres, de sorte que la flamme, activée en ce moment par un courant d’air assez fort, passait entre eux, sans paraître produire sur la chair la moindre altération. Les témoins disaient : « Voyez comme la flamme lui sort entre les doigts ».
Passant à l’interprétation de ces faits, rappelons-nous d’abord le symbolisme mystique que la Liturgie nous demande de voir dans le cierge. « La cire des cierges, dit saint Anselme, signifie la chair virginale du divin Enfant, la mèche figure son âme, la flamme sa divinité ».
Nous voyons dès lors transparaître une immense vision derrière le geste modeste en apparence de la voyante montant vers la Grotte, son cierge allumé à la main. En réalité, elle représente Marie dans le Ciel, offrant le Christ son enfant à Dieu le Père, comme le seul hommage digne de sa grandeur. Eternellement Marie, au pied du trône éternel, accomplit son geste d’offrande. Eternellement Dieu le Père contemple son Fils présenté par les mains de Marie.
Le geste que faisait Bernadette en plaçant sa main sur la flamme, était un geste de protection contre les rafales du vent. Et c’est bien ce que nous enseigne la théologie sur le rôle actuel de Marie. Elle protège sur terre les membres du Corps mystique du Christ, qu’elle défend contre les souffles du mal, les rafales de l’Enfer, le vent des hérésies, afin que la Lumière continue d’éclairer les hommes. Satan le sait bien, que les mains de Marie sont un bouclier invincible. Aussi, sont-elles sa hantise au sein de ses éternels châtiments.
Pourtant, les mains de Marie ne sont une barrière infranchissable que pour Satan. « Voyez, disaient les spectateurs, comme la flamme lui sort entre les doigts ! » C’est bien ce que proclame l’Assemblée des élus : « Voyez, disent-ils, comme les mains de Marie sont tellement débordantes des mérites de son enfant, qu’elle ne peut les retenir et qu’ils se répandent sur le monde en un flot inépuisable. Voyez comme la grâce divine lui sort entre les doigts, comment les effluves de la divinité au lieu de consumer ses mains semblent être leur naturel joyau, leur ornement approprié ».
Et c’est ce que bientôt sans doute l’Eglise imposera à notre croyance, à savoir que Marie est l’éternelle trésorière et la dispensatrice universelle de la grâce divine, qu’elle en possède comme le maniement.
Et cette vision nous dit comment s’est conclu pour notre salut l’ineffable mystère du Christ Rédempteur.