2e mystère joyeux : La Visitation
L’Evangile nous dit qu” « en ces jours-là, Marie se mit en chemin et s’en alla en grande hâte vers les montagnes, en une ville de Juda ». L’Eglise s’est plu à chanter, dans la liturgie de la fête de la Visitation, cette hâte de Marie qui court donner Jésus au monde, avant même de l’avoir enfanté : « J’entends, dit le Livre de la Sagesse, j’entends la voix de son bien-aimé. Le voici qui vient, bondissant sur les montagnes, franchissant les collines… Il me voit. Il me regarde : Lève-toi, ma bien-aimée, me dit-il ; hâte-toi, ma jolie, viens vite… O ma colombe, de la fente du rocher où tu t’es cachée, montre-moi enfin ton visage : fais-moi entendre ta voix, car, pour mes oreilles, ta voix est comme une musique, et pour mes yeux, ton visage est éclatant de beauté ».
A Lourdes, ce symbolisme va être aujourd’hui reproduit à la lettre. Bernadette, en effet, a entendu dans son cœur l’appel mystérieux :
« Viens vite, ma bien-aimée : hâte-toi ! » Et elle court vers Massabielle où, cachée dans une fente de la roche, la Colombe mystique lui apparaît. Elle descend la colline en bondissant comme une biche. Elle est avide d’entendre la voix de la « Dame », qui, dit-elle, est fine, fine, douce, douce… et de contempler son visage resplendissant de lumière et de beauté.
La scène de la Visitation, telle que les artistes se plaisent, depuis dix-neuf siècles, à la représenter, sans en varier la formule, telle d’ailleurs que l’Evangile nous la décrit, est gravée dans tous les esprits. Marie et Elisabeth sont en présence. Elles se courbent l’une vers l’autre en une respectueuse salutation, tandis qu’Elisabeth fait entendre ces paroles : « Vous êtes bénie entre toutes les femmes et le fruit de votre sein est béni ».
Ce tableau vivant sera figuré à Massabielle durant tout le temps de la deuxième Apparition. Bernadette joue le rôle de la Sainte Vierge. Qui va figurer Elisabeth ? Notre-Dame suggère à un témoin, Rosine Cazenave, d’aller « se placer vis-à-vis de Bernadette », et de dire l’Ave Maria, qui renferme la salutation de la cousine de Marie.
Puis tous les incidents du mystère de la Visitation vont se résumer successivement dans la personne de Bernadette.
Et d’abord, on la voit se courber en « belles salutations » – belles comme durent être les salutations de Marie et d’Elisabeth. – Puis le chœur des spectateurs interprète la joie de la voyante, comme Elisabeth avait chanté le bonheur de la Mère de Dieu. « Une rumeur confuse d’admiration, décrit Estrade, s’était élevée au milieu de la foule, et la plupart des assistants se haussaient sur la pointe des pieds pour mieux contempler l’extatique ».
Et c’est aujourd’hui encore que Bernadette apprendra mot à mot de la Dame du Rocher, et récitera pour la première fois, une prière personnelle que nul n’avait dite avant elle. La voyante ne nous a pas révélé les mots qui composent cette prière. Mais là n’est pas l’intérêt. Notre-Dame tenait à nous rappeler que c’est au mystère de la Visitation qu’elle nous a appris sa grande prière du Magnificat.
Et l’on peut bien soupçonner que la prière enseignée par Marie à l’humble enfant était un hymne de reconnaissance, tout comme le Magnificat, cette prière de Marie que chacun de nous, quand il la prononce, adapte à sa vie personnelle, de sorte que la multitude humaine qui l’a répétée depuis dix-neuf siècles ne l’a jamais redite…
Les termes mêmes du Magnificat étaient d’ailleurs si bien appropriés à l’âme de Bernadette que tous ses panégyristes, pour célébrer les merveilles que Dieu a faites en elle, n’ont pas cru mieux faire que de commenter, en lui en appliquant les paroles, le Cantique de la Visitation.
Enfin, dernier détail évocateur : pour rappeler que Marie demeura chez sa cousine trois mois, Bernadette ne retournera pas chez elle, mais elle prendra pension chez une étrangère, Mme Millet, chez qui « elle déjeune, dîne et couche » durant trois jours.