Lorsque Jésus eut douze ans, ses parents l’emmenèrent avec eux, célébrer la Pâque à Jérusalem. Les solennités terminées, ils s’en retournèrent, mais Jésus resta à Jérusalem et ils ne s’en aperçurent point. Pensant qu’il était avec quelqu’un de leur compagnie, ils marchèrent durant un jour, puis ils le cherchèrent parmi leurs parents et connaissances. Mais ils ne le trouvèrent pas. – Leur anxiété devint alors très vive. Le chagrin de Marie devait surtout faire peine à voir. Il gagna sans doute les gens de Nazareth. La désolation fut générale. Marie et Joseph revinrent à Jérusalem, à la recherche de Jésus. Ce n’est qu’au troisième jour que Marie, pénétrant dans les cours du Temple, pousse un cri. Elle vient d’apercevoir son enfant assis au milieu d’un groupe. Dieu soit béni ! Ses larmes soudain se transforment en éclair de joie.
On va voir comment tout l’essentiel de cette scène va se retrouver le 24 février, adapté en jeu scénique, devant le rocher de Massabielle. Notre-Dame va pousser la condescendance jusqu’à se faire actrice. Elle tiendra le rôle de Jésus, tandis qu’elle confiera son propre rôle à Bernadette. Elle se cachera et sa voyante entreprendra pour la retrouver une recherche « anxieuse » et « gémissante ».
Après un moment d’extase, en effet, les spectateurs la voient qui se lève et qui se rend à pas lents vers l’intérieur de la Grotte, donnant l’impression très nette d’être à la recherche de Notre-Dame. « J’entendis, dit un témoin, à trois ou quatre reprises, des gémissements… Elle était allée voir sous le rocher si la Dame n’était pas venue à la cavité de la voûte ; ne l’y trouvant pas, elle est redescendue avec deux larmes sur les joues, comme plaquées ». D’autres témoins affirment qu’elle « pleurait à chaudes larmes ».
Et voilà que son chagrin se communique à la foule. Les hommes eux-mêmes sont tellement pris par l’émotion que pour la mieux cacher, ils quittent la Grotte.
« Tout à coup, nous dit Dominiquette Cazenave, la figure de Bernadette s’éclaira. On entendit sortir de sa bouche un ah ! doux, à peine articulé, comme si elle eût dit : « Ah ! quel bonheur ! la voilà ! »
« Pendant une heure de temps que dura l’Apparition, raconte Fanny Nicolau, cela se reproduisit quatre ou cinq fois ». Les témoins eurent donc tout le loisir pour observer les transformations qui se produisirent sur le visage de la voyante, suivant les péripéties du jeu divin. Et les observations qu’ils nous ont rapportées sont du plus haut intérêt. L’on sait en effet les leçons que tous les auteurs mystiques tirent de la méditation du cinquième mystère joyeux.
« Jésus, dit par exemple le R. P. Roupain, aime à se dérober. Il fait alors comme une mère qui se soustrait aux caresses de son enfant, pour voir combien elle en est aimée ».
C’est exactement ce que disent les témoins du 24 février. « Il semblait, dit Fanny Nicolau, que la Sainte Vierge faisait comme une mère à son enfant, quand elle se cache pour se faire chercher ».
Le pire malheur pour une âme, continuent les exégètes mystiques, c’est d’avoir perdu Jésus par le péché ou la négligence coupable. « Etre sans Jésus, dit l’auteur de l’Imitation, c’est un enfer intolérable. Etre avec Jésus, c’est un doux paradis ». Les changements de physionomie de Bernadette vont illustrer cette doctrine. Quand la Sainte Vierge disparaissait – quand Jésus n’est plus là – les larmes. coulaient le long de ses joues, « une sorte de nuage lui descendait du front jusqu’au menton… sa figure s’assombrissait comme la terre quand le soleil se cache ».
Quand la vision lui réapparaissait – quand Jésus est présent à l’âme ou quand on le retrouve – « il y avait comme un mouvement doux de tout son corps en avant, puis venaient un beau sourire et de beaux saluts, qu’elle faisait sans détacher le regard d’en haut. Son visage se tranfigurait et devenait d’une blancheur merveilleuse. Ou aurait dit que la lumière qui environnait la Vierge Marie se reflétait sur son angélique figure… »
De longues dissertations ont été faites pour expliquer comment le mystère du Recouvrement prend place, malgré les inexprimables douleurs qui en sont la préparation, parmi les mystères joyeux du Rosaire.
L’Apparition du 24 février va nous le révéler en quelques mots, aussi brefs que suggestifs. « Les yeux encore tout mouillés de larmes, Bernadette se mit à rire avec une grâce charmante. Après l’Apparition, elle ne se rappelle plus d’avoir pleuré ».
Le Mystère du Recouvrement, c’est une joie après des larmes. On oublie les larmes versées pour ne se rappeler que la joie que l’on a d’avoir retrouvé Jésus…