Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 13 mai 1967, quatrième année de Notre pontificat.
À tous les évêques en paix et en communion avec le Saint-Siège
Vénérables frères, salut et bénédiction apostolique,
Introduction
Le signe grandiose que saint Jean vit dans le ciel : une femme enveloppée de soleil [1], la liturgie [2] l’interprète, non sans fondement, comme se rapportant à la très sainte Vierge Marie, Mère de tous les hommes par la grâce du Christ rédempteur.
Nous gardons encore, vénérables frères, le souvenir très vif de la grande émotion que Nous avons éprouvée lorsque, au terme de la 3e du IIe Concile œcuménique du Vatican, après la promulgation solennelle de la Constitution dogmatique Lumen Gentium [3], Nous avons proclamé l’auguste Mère de Dieu, Mère spirituelle de l’Église, c’est-à-dire de tous les fidèles et des pasteurs sacrés. Grande fut également la joie aussi bien des très nombreux Pères conciliaires que des fidèles présents à cette cérémonie dans la basilique de saint Pierre, ainsi que de tout le peuple chrétien dans le monde entier. Beaucoup alors évoquèrent spontanément le souvenir du premier triomphe grandiose de l’humble Servante du Seigneur [4], lorsque les Pères de l’Orient et de l’Occident, réunis au Concile œcuménique d’Ephèse, en 431, saluèrent Marie du titre de Theotokos : Mère de Dieu. Dans un joyeux élan de foi, la population chrétienne de l’illustre cité s’associa à la joie des Pères et les accompagna à leurs demeures avec des flambeaux. En cette heure glorieuse de l’histoire de l’Église, quel affectueux regard maternel la Vierge Marie n’aura-t-elle pas porté sur les pasteurs et fidèles, reconnaissant dans les hymnes de louange s’élevant principalement en l’honneur de son Fils, et ensuite en son honneur à elle, l’écho du Cantique prophétique qu’elle-même avait chanté au Très-Haut, sous l’inspiration du Saint-Esprit : Mon âme exalte le Seigneur parce qu’il a jeté les yeux sur son humble servante. Oui, désormais toutes les générations me diront bienheureuse, car le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses [5].
A l’occasion des cérémonies religieuses qui se déroulent ces jours-ci à Fatima, au Portugal, en l’honneur de la Vierge Mère de Dieu, où elle est vénérée de nombreuses foules de fidèles pour son cœur maternel et miséricordieux [6]), Nous désirons attirer encore une fois l’attention de tous les fils de l’Église sur le lien très étroit qui existe entre la Maternité spirituelle de Marie, telle qu’elle est largement illustrée dans la Constitution dogmatique Lumen gentium [7]), et les devoirs qu’ont envers elle, en tant que Mère de l’Église, les hommes rachetés. Si, en effet, en vertu des nombreux témoignages des textes sacrés et des Pères, rappelés dans cette même Constitution, on admet que Marie, Mère de Dieu et du Rédempteur [8], lui a été unie par un lien étroit et indissoluble [9], et qu’elle a eu un rôle tout spécial dans le mystère du Verbe incarné et du Corps mystique [10], c’est-à-dire dans l’économie dit salut [11], il apparaît évident que la Vierge, non seulement en tant que Mère très sainte de Dieu, présente aux mystères du Christ [12], mais aussi en tant que Mère de l’Église [13]), est légitimement honorée par l’Église d’un culte spécial [14], surtout liturgique [15].
Il n’y a donc pas à craindre que la réforme liturgique, si elle s’effectue selon la formule : Que la règle de la croyance fixe la règle de la prière [16], puisse nuire au culte absolument unique [17], dû à la Vierge Marie en raison de sa dignité de Mère de Dieu. Et, par contre, on ne doit pas craindre non plus que le développement du culte tant liturgique que privé qui lui est rendu puisse rejeter dans l’ombre ou diminuer le culte d’adoration qui est rendu au Verbe incarné, ainsi qu’au Père et à l’Esprit-Saint [18].
Aussi, vénérables frères, sans vouloir rappeler tout l’ensemble de la doctrine traditionnelle au sujet du rôle de la Mère de Dieu dans le plan du salut et de ses rapports avec l’Église, croyons-Nous faire œuvre utile pour les âmes des fidèles en considérant deux vérités très importantes pour le renouveau de la vie chrétienne.
PREMIERE PARTIE
LE CULTE DÛ A MARIE EN TANT QUE MÈRE DE L’ÉGLISE
I. Marie, Mère spirituelle parfaite de l’Église
Voici la première de ces vérités : Marie est Mère de l’Église non seulement parce que Mère de Jésus-Christ ci parce que intimement associée à lui dans l’économie nouvelle, lorsque le Fils de Dieu, par elle, prit la nature humaine pour libérer l’homme du péché par les mystères de sa chair [19], mais encore parce que exemplaire de vertu qui rayonne sur toute la communauté des élus [20]. Il en est en effet de la Vierge Marie comme de toute mère humaine : sa tache ne se limite pas à donner la vie elle doit aussi nourrir et élever son enfant. Après avoir participé au sacrifice rédempteur de son Fils, et d’une manière si intime qu’elle mérita d’être proclamée par Lui Mère non seulement de l’apôtre Jean, mais – qu’il soit permis de l’affirmer – du genre humain en quelque sorte représenté par lui [21], elle continue maintenant, au ciel, à remplir son rôle maternel en coopérant à la naissance et au développement de la vie divine dans chacune des âmes des hommes rachetés. C’est une vérité très consolante qui, par une libre disposition du Dieu très sage, fait partie intégrante du mystère du salut des hommes ; elle doit donc être objet de foi pour tous les chrétiens.
2. Marie, Mère spirituelle par son intercession auprès de son Fils
Mais de quelle manière Marie coopère-t-elle au développement de la vie de la grâce chez les membres du Corps mystique ? Avant tout par sa prière incessante inspirée par une ardente charité. La Sainte Vierge, en effet, bien que jouissant de la contemplation de la Sainte Trinité, n’oublie pas ses fils qui, comme elle autrefois, accomplissent leur pèlerinage de foi [22]. De plus, comme elle les contemple en Dieu et qu’elle voit bien leurs besoins, en communion avec Jésus-Christ qui est toujours vivant pour intercéder en leur faveur [23], elle se fait leur avocate, leur auxiliatrice, leur secourable médiatrice [24]. L’Église a été depuis les premiers siècles persuadée de cette intercession incessante de Marie auprès de son Fils pour le peuple de Dieu, comme en témoigne cette antienne très ancienne qui, avec quelques légères variantes, fait partie de la prière liturgique tant en Orient qu’en Occident : Nous nous réfugions sous la protection de vos miséricordes, ô Mère de Dieu : ne repoussez pas nos prières dans les besoins, mais sauvez-nous de la perdition, ô vous qui êtes seule bénie [25]. Et qu’on ne pense pas que l’intervention maternelle de Marie porte préjudice à l’efficacité prédominante et irremplaçable du Christ, notre Sauveur ; bien au contraire, c’est de la médiation du Christ qu’elle tire sa force propre et cela en est une preuve éminente [26].
3. Marie, éducatrice de l’Église par l’attrait de ses vertus
La coopération de la Mère de l’Église au développement de la vie divine dans les âmes ne consiste cependant pas uniquement dans son intercession auprès de son Fils. Elle exerce sur les hommes rachetés une autre influence, celle de l’exemple ; influence très importante comme l’indique l’adage connu : « La parole émeut, les exemples entraînent. » De même, en effet, que les enseignements des parents acquièrent une efficacité bien plus grande s’ils sont appuyés par l’exemple d’une vie conforme aux règles de la prudence humaine et chrétienne, de même la douceur et le charme qui émanent des très hantes vertus de la Mère de Dieu immaculée, incitent irrésistiblement les âmes à imiter le divin modèle, Jésus-Christ, dont elle a été la plus fidèle image. Aussi le Concile a‑t-il déclaré : En se recueillant avec piété dans la pensée de Marie qu’elle contemple dans la lumière du Verbe fait homme, l’Église pénètre avec respect plus avant dans le mystère suprême de l’Incarnation et devient sans cesse plus conforme à son divin Époux [27].
4. La sainteté de Marie, exemple éclairant de parfaite fidélité à la grâce
Il est bon, de plus, de tenir présent à l’esprit que l’éminente sainteté de Marie ne fut pas seulement un don tout spécial de la libéralité divine : elle fut également le fruit de la correspondance continue et généreuse de sa libre volonté aux inspirations intérieures de l’Esprit-Saint. C’est à cause de la parfaite harmonie entre la grâce divine et l’activité de sa nature humaine que la Vierge rendit souverainement gloire à la Très Sainte Trinité et qu’elle est devenue l’honneur insigne de l’Église, laquelle la salue ainsi dans la liturgie : Tu es la gloire de Jérusalem, tu es la joie d’Israël, tu es l’honneur de notre peuple [28].
5. Exemples de vertus mariales dans les pages de l’Évangile
Nous admirons dans les pages de l’Évangile les témoignages d’une si sublime harmonie. A peine fut-elle assurée par l’ange Gabriel que Dieu l’avait choisie comme Mère immaculée de son Fils unique, que, sans hésitation, elle donna son consentement à une œuvre qui devait mobiliser toutes les énergies de sa fragile nature, en déclarant : Je suis la servante
du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole [29]. A partir de ce moment, elle se consacra tout entière au service non seulement du Père céleste et du Verbe incarné ; devenu son Fils, mais également de tout le genre humain, ayant bien compris que Jésus, non seulement devait sauver son peuple de l’esclavage du péché, mais serait roi d’un royaume messianique universel et impérissable [30].
6. Marie, servante du Seigneur depuis l’Annonciation jusqu’à sa glorieuse Assomption
La vie de l’Épouse immaculée de Joseph, demeurée vierge dans l’enfantement et après l’enfantement – comme l’a toujours cru et professé l’Église catholique [31] et comme il convenait à Celle qui avait été élevée à l’incomparable dignité de la maternité divine [32], – fut donc une vie de communion si parfaite avec son Fils qu’elle en partagea les joies, les douleurs et les triomphes. Et même après que Jésus fut monté au ciel, elle lui demeura unie par un très ardent amour, tout en accomplissant avec fidélité sa nouvelle mission de Mère spirituelle du disciple bien-aimé et de l’Église naissante. On peut dès lors affirmer que toute la vie de l’humble servante du Seigneur, depuis le moment où elle fut saluée par l’ange jusqu’à son assomption à la gloire céleste avec son corps et son âme, fut une vie de service dans l’amour.
C’est pourquoi, Nous associant aux Évangélistes, aux Pères et Docteurs de l’Église, évoqués par le Concile dans la Constitution Lumen gentium (chap. 8), Nous contemplons avec admiration Marie ferme dans la foi, prompte à l’obéissance, simple dans l’humilité, glorifiant le Seigneur avec joie, ardente dans la charité, forte et constante dans l’accomplissement de sa mission jusqu’au sacrifice d’elle-même, communiant pleinement aux sentiments de son Fils qui s’immolait sur la croix pour donner aux hommes une vie nouvelle.
7. Le culte de louange et de gratitude
Devant des vertus si splendides, le premier devoir de tous ceux qui reconnaissent dans la Mère du Christ le modèle de l’Église, c’est de s’unir à elle pour rendre grâce au Très-Haut qui a accompli en Marie de si grandes choses pour le bien de l’humanité tout entière. Mais cela ne suffit pas. Tous les fidèles ont également le devoir de rendre à la très fidèle Servante du Seigneur un culte de louange, de reconnaissance et d’amour puisque selon la sage et douce disposition divine, son libre consentement et sa généreuse coopération aux desseins de Dieu ont eu et ont toujours une grande influence dans l’accomplissement du salut des hommes [33]. C’est pourquoi tout chrétien peut faire sienne l’invocation de saint Anselme : Notre-Dame, qui êtes si glorieuse, faites que nous méritions par vous de nous élever jusqu’à Jésus votre Fils, qui par vous a daigné descendre parmi nous [34].
IIe PARTIE
L’IMITATION DES VERTUS DE MARIE
1. La vraie dévotion à Marie reflète ses vertus
Mais ni la grâce du divin Rédempteur, ni l’intercession puissante de sa Mère, qui est aussi notre Mère spirituelle, ni sa très grande sainteté ne pourraient nous conduire au port du salut, si à celles-ci ne correspondait notre volonté persévérante d’honorer Jésus-Christ et Marie par la sainte imitation de leurs sublimes vertus.
Tous les chrétiens ont donc le devoir d’imiter avec respect les exemples de bonté que leur a laissés leur Mère céleste. C’est là, vénérables frères, la seconde vérité sur laquelle Nous voulons attirer votre attention et celle des fidèles confiés à votre ministère pastoral, afin qu’ils suivent docilement l’exhortation des Pères du IIe Concile du Vatican : Que les fidèles se souviennent qu’une véritable dévotion ne consiste nullement dans un mouvement stérile et éphémère de la sensibilité, pas plus que dans une vaine crédulité : la vraie dévotion procède de la vraie foi qui nous conduit à reconnaître la dignité éminente de la Mère de Dieu et nous pousse à aimer cette Mère d’un amour filial et à poursuivre l’imitation de ses vertus [35].
Il ne fait pas de doute que l’imitation de Jésus-Christ soit la voie royale qu’il faut suivre pour parvenir à la sainteté et reproduire en nous, dans la mesure de nos forces, la perfection absolue du Père céleste. Mais si l’Église catholique a toujours proclamé une vérité si sainte, elle a d’autre part affirmé que l’imitation de la Vierge Marie n’empêche nullement les âmes de suivre fidèlement le Christ, elle les incite au contraire davantage à marcher à sa suite, et avec plus de facilité, car, ayant toujours fait la volonté de Dieu, elle fut la première à mériter l’éloge que Jésus adressa à ses disciples : Quiconque fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là m’est un frère et une sœur et une mère [36].
2. « A Jésus par Marie »
La règle générale selon laquelle on va « à Jésus par Marie » vaut donc aussi pour l’imitation du Christ. Que notre foi cependant ne s’en trouve pas troublée, comme si l’intervention d’une créature en tout semblable à nous, hormis le péché, offensait notre dignité personnelle et empêchait l’intimité et le caractère immédiat de nos rapports d’adoration et d’amitié avec le Fils de Dieu. Reconnaissons plutôt la bonté et l’amour de Dieu notre Sauveur [37] qui, en condescendant à notre misère si éloignée de son infinie sainteté, a voulu nous en faciliter l’imitation en nous proposant le modèle de la personne humaine de sa Mère. Celle-ci en effet est la créature humaine qui nous offre l’exemple le plus éclatant et le plus accessible de cette obéissance parfaite par laquelle nous nous conformons avec amour et promptitude aux volontés du Père éternel. C’est le Christ lui-même, comme nous le savons bien, qui voit dans cette pleine adhésion à la volonté de son Père l’idéal suprême de sa conduite d’homme, en déclarant : Je fais toujours ce qu’il lui plaît [38].
3. Marie, nouvelle Ève, aurore du Nouveau Testament
Si alors nous contemplons l’humble vierge de Nazareth dans l’auréole de ses prérogatives et de ses vertus, nous la verrons resplendir à nos regards comme la Nouvelle Ève [39], la sublime Fille de Sion, le sommet de l’Ancien Testament et l’aurore du Nouveau, dans laquelle s’est réalisée la plénitude des temps [40], voulue par Dieu le Père pour la mission de son Fils unique dans le monde. En vérité la Vierge Marie, plus que tous les patriarches et les prophètes, plus que le juste et pieux Siméon, a attendu et imploré la consolation d’Israël… le Christ du Seigneur [41]. Elle en a ensuite salué l’avènement par l’hymne du Magnificat quand il descendit dans son très chaste sein pour y assumer notre chair. C’est donc en Marie que l’Église du Christ nous indique l’exemple pour recevoir le Verbe de Dieu dans nos âmes de la manière la plus digne, conformément à la lumineuse expression de saint Augustin : Marie fut donc davantage bienheureuse en recevant la loi dans le Christ qu’en concevant la chair du Christ. La consanguinité maternelle n’aurait donc servi de rien à Marie si elle ne s’était pas sentie plus heureuse de recevoir le Christ dans son cœur que dans son sein [42]. C’est également en elle que les chrétiens peuvent admirer l’exemple qui leur montre comment ils doivent remplir, à la fois avec humilité et magnanimité, la mission que Dieu a confiée à chacun en ce monde, en vue de son propre salut éternel et de celui de son prochain.
Je vous en conjure donc, montrez-vous mes imitateurs, comme je le suis du Christ [43]. Ces paroles que saint Paul adressait aux chrétiens de Corinthe, la Mère de l’Église peut à plus forte raison les adresser aux multitudes des croyants qui, en harmonie de foi et d’amour avec les générations des siècles passés, la proclameront bienheureuse [44]. C’est une invitation à laquelle il convient de prêter une oreille docile.
4. Message marial d’invitation à la prière, à la pénitence et à la crainte de Dieu
Un message extrêmement utile semble aujourd’hui être adressé aux fidèles de l’Immaculée, qui est toute sainteté, et qui avec son Fils coopère à la restauration de la vie surnaturelle dans les âmes [45]. La sainte contemplation de Marie les incite en effet à la prière confiante, à la pratique de la pénitence, à la sainte crainte de Dieu. En s’élevant ainsi vers Marie, ils entendent souvent résonner ces paroles que prononçait Jésus-Christ en annonçant l’avènement du royaume des cieux : Repentez-vous et croyez à la bonne nouvelle [46]; ainsi que son avertissement sévère : Si vous ne vous mettez à faire pénitence, vous périrez tous pareillement [47].
Poussés par l’amour, résolus à réparer nos offenses faites à la sainteté et à la justice de Dieu, et confiants dans sa miséricorde infinie, nous devons donc supporter la souffrance de l’esprit et du corps afin d’expier nos péchés et ceux du prochain et d’éviter ainsi la double peine du dam et des sens, c’est-à-dire la perte de Dieu, souverain bien, et le feu éternel [48].
5. Le Christ lui-même nous présente sa Mère comme le modèle de l’Église
Ce qui doit stimuler encore davantage les fidèles à suivre les exemples de la Très Sainte Vierge, c’est le fait que Jésus, en nous la donnant pour Mère, nous l’a tacitement présentée comme le modèle à suivre ; il est en effet naturel que les enfants aient les mêmes sentiments que leurs mères et qu’ils reflètent leurs mérites et leurs vertus. C’est pourquoi, de même que chacun de nous peut répéter avec saint Paul : Le Fils de Dieu m’a aimé et s’est livré pour moi [49], de même il peut en toute confiance croire qu’à lui aussi le divin Sauveur a laissé en héritage spirituel sa propre Mère, avec tous les trésors de grâce et de vertu dont il l’avait comblée afin qu’ils parviennent jusqu’à nous par l’influence de sa puissante intercession et notre imitation résolue. C’est pourquoi saint Bernard affirme, à bon droit : En venant en elle, l’Esprit-Saint la combla de grâce pour elle-même ; en l’inondant de nouveau, il en fit pour nous une source de grâce surabondante et débordante [50].
6. L’histoire de l’Église est toujours éclairée par la présence édifiante de Marie
Tout ce que Nous venons d’exposer à la lumière du saint Évangile et de la Tradition catholique montre avec évidence que la maternité spirituelle de Marie transcende l’espace et le temps et appartient à l’histoire universelle de l’Église, car elle a toujours été présente en elle par son assistance maternelle. C’est pourquoi aussi nous apparaît clairement le sens de cette affirmation si souvent répétée : on peut bien dire que nous sommes à l’époque mariale. S’il est vrai en effet qu’aujourd’hui, par une grâce insigne du Seigneur, le rôle providentiel de la Très Sainte Vierge Marie dans l’histoire du salut est compris plus profondément dans des milieux très étendus du peuple chrétien, nous ne devons pas en conclure pour autant que ces vérités ont complètement échappé aux époques précédentes ou que les temps futurs pourraient les ignorer. À vrai dire, toutes les périodes de l’histoire de l’Église ont bénéficié et bénéficieront de la présence maternelle de la Mère de Dieu, puisqu’elle restera toujours indissolublement liée au mystère du Corps du Christ, dont le Chef Jésus-Christ est le même hier et aujourd’hui, et le sera à jamais [51].
7. La Mère de l’Église, signe d’unité, encouragement à la parfaite fraternité de tous les chrétiens
Vénérables Frères, Nous sommes persuadé que la pensée de l’Église catholique sur le culte de louange, de reconnaissance et d’amour dû à la Bienheureuse Vierge Marie concorde pleinement avec la doctrine du saint Évangile, telle qu’elle a été interprétée et expliquée d’une façon plus précise par la Tradition tant de l’Orient que de l’Occident. Aussi espérons-Nous que Notre exhortation pastorale à une piété mariale toujours plus fervente et plus fructueuse recueillera l’adhésion généreuse non seulement des fidèles confiés à vos soins, mais aussi de ceux qui, sans jouir de la pleine communion avec l’Église catholique, admirent cependant et vénèrent avec nous dans la Servante du Seigneur, la Vierge Marie, Mère du Fils de Dieu.
Puisse le Cœur immaculé de Marie resplendir devant le regard de tous les chrétiens comme un modèle de parfait amour envers Dieu et envers le prochain ; qu’il les amène à fréquenter les sacrements par la vertu desquels ils sont purifiés des taches du péché et en sont préservés ; qu’il les incite aussi à réparer les innombrables offenses faites à la divine Majesté ; qu’il apparaisse enfin comme un signe d’unité et amène à resserrer les liens de fraternité entre tous les chrétiens au sein de l’unique Église de Jésus-Christ, instruite par l’Esprit-Saint d’un sentiment filial de piété comme il convient pour une Mère très aimante [52].
8. Invitation à renouveler la consécration personnelle au Cœur immaculé de Marie
Et puisque cette année on célèbre le 25e anniversaire de la consécration solennelle de l’Église et du genre humain à Marie, Mère de Dieu et à son Cœur immaculé, faite par Notre Prédécesseur de sainte mémoire, Pie XII, le 31 octobre 1942. à l’occasion du radio message à la nation portugaise [53] – Consécration que Nous-même avons renouvelée le 21 novembre 1964 [54]), – Nous exhortons tous les fils l’Église à renouveler personnellement leur propre consécration au Cœur immaculé de la Mère de l’Église, et à mettre en pratique cet acte très noble de culte en menant une vie toujours plus conforme à la volonté divine [55], dans un esprit de service filial et de sainte imitation de leur Reine du ciel.
Nous exprimons enfin, Vénérables Frères, Notre confiance que, grâce à vos encouragements, le clergé et le peuple chrétien confiés à votre ministère pastoral répondront d’un cœur généreux à Notre exhortation, de telle sorte que leur piété et leur confiance envers la Vierge Mère de Dieu deviennent plus ardentes et plus fermes. Réconforté par cette certitude que l’insigne Reine du. ciel et notre très douce Mère ne cessera jamais d’assister tous et chacun de ses enfants, et ne privera jamais l’Église du Christ tout entière de son céleste patronage, de tout cœur, Nous accordons à vous-mêmes, et à vos fidèles, en gage des divines faveurs et en signe de Notre bienveillance, la Bénédiction apostolique.
Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 13 mai 1967, quatrième année de Notre pontificat.
PAULUS PP. VI
(*) Textes latin et italien dans l’Osservatore Romano du 13 mai 1967. Traduction de la D. C. Les sous-titres sont ceux figurant dans le texte italien de l’exhortation.
- Cf. Apoc., 12, 1.[↩]
- Cf. épître de la messe de l’Apparition de la Bienheureuse Vierge Marie immaculée, le 11 février.[↩]
- Cf. A. A. S., LVII, 1965, p. 1–67.[↩]
- Cf. Luc., 1, 38.[↩]
- Ibid., 1, 46 et 48–49.[↩]
- Radiomessage de Pie XII du 13 mai 1946 adressé aux fidèles du Portugal à l’occasion du couronnement de la statue de Notre-Dame de Fatima : A. A. S., XXXVIII, 1946, p. 264. (D. C. 1946, no 966, col. 545.[↩]
- Cf. chap. VIII. IIIe partie, “la Bienheureuse Vierge et l’Église” : A. A. S., LVII, 1965, p. 62–65. (D. C. 1965, n. 1440, col. 124.[↩]
- Cf. ibid., n. 53, p. 58.[↩]
- Cf. ibid.[↩]
- Ibid., n. 54, p. 59.[↩]
- Ibid., n. 55, p. 59.[↩]
- Ibid., n. 66, p. 65.[↩]
- Allocution prononcée dans la basilique vaticane devant les Pères conciliaires le Jour de la fête de la Présentation de la Sainte Vierge lors de la clôture de la IIIe session du Concile : A. A. S., LVI, 1964, p. 1016. (D. C. 1964, n. 1437, col. 1544.[↩]
- Cf. Const. dogm. Lumen gentium, n. 66 : A. A. S., LVII, 1965, p. 65.[↩]
- Cf. ibid., n. 67, p. 65.[↩]
- Pie XII, encycl. Mediator Dei : A.A.S., XXXIX, 1947, p. 541.[↩]
- Cf. Const. dogm. Lumen gentium, n. A.A.S., LVII, 1965, p. 65.[↩]
- Ibid., n. 66, p. 60.[↩]
- Ibid., n. 55, p. 60.[↩]
- Ibid., n. 65, p. 64 ; cf. également n. 63.[↩]
- Cf. ibid., n. 58, p. 61. encycl. Adiutricem populi de Léon XIII, Acta Leonis XIII 15, 1896, p. 302,[↩]
- Const. dogm. Lumen gentium, n. 58 : A. A. S., LVII, 1965, p. 61.[↩]
- Hébr., 7, 25.[↩]
- Cf. Const. dogm. Lumen gentium, n. 62 : A. A. S., LVII, 1965, p. 63.[↩]
- Cf. Dom. F. Mercenier, l’Antienne mariale grecque la plus ancienne, in le Museon 52, 1939, p. 229–233.[↩]
- Cf. Const. dogm. Lumen gentium, n. 62 : A. A. S., LVII, 1965, p. 63.[↩]
- Ibid., n. 6.5, p. 64.[↩]
- IIe antienne de Laudes en la fête de l’Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie.[↩]
- Luc., 1,[↩]
- Cf. Matth., 1, 21 ; Luc, 1, 33.[↩]
- Cf. S. Léon le Grand, lettre à Flavien, Lectis dilectionis tuae : P. L., LIV, 759 ; idem, lettre à Julien, évêque de Cos, Licet per nostros : P. L., LIV, 803. S. Hormisdas, lettre à l’empereur Justin, Inter ea quae : P. L., LXIII, 514 ; Pélage I, lettre à Childebert I, Humani generis : P. L., LXIX, 407 ; Conc. du Latran, oct. 649 sous Martin I, can. 3 : Caspar, ZKG, 51, 1932, p. 88 ; Conc. de Tolède XVI, Symbol, art. 22 : J. Madoz, El Simbolo del Concilio XVI de Toledo, in Estudios Onienses, ser. I, vol. 3, 1946 ; Const. dogm, Lumen gentium, n. 52, 55, 57, 59, 63 : A. A. S., LVII, 1965, p. 58–64.[↩]
- Cf. S. Thomas, Sum. Theol., p. I., q. 25, a. 6, ad 4.[↩]
- Cf. Const. dogm. Lumen gentium, n. 56 : A. A. S., LVII, 1965, p. 60.[↩]
- Orat., 54 : P. L., CLVIII, 961.[↩]
- Const. dogma. Lumen gentium, n. 67 : A.A.S., LVII, 1965, p. 66 ; cf. S. Thomas, Sum. Theol., P. II-II, q. 81, a. 1, ad 1 ; P. III, q. 25, sa. 1, 5.[↩]
- Matth., 12, 50.[↩]
- Cf. Tit., 3, 4.[↩]
- Jean, 8, 29.[↩]
- Cf. S. Irénée, Adv. Haer., III, 22, 4 : P. G., VII, 959 ; S. Épiphane, Haer., 78, 18 : P. G., XLII, 728–729 ; S. Jean Damascène, Homil. in Nativitate B. M. V.: P. G., XCVI, 671 s.; Const. dogm.. Lumen gemtium, n. 56 : A. A. S., LVII, 1965, p. 60–61.[↩]
- Gal., 4, 4.[↩]
- Luc., 2, 25–26.[↩]
- Serm., 215, I : P. L., XXXVIII, 1074.[↩]
- I Cor., 4, 16.[↩]
- Cf. Luc., 1, 48.[↩]
- Cf. Const. dogm. Lumen gentium, n. 61 A. A. S., LVII, 1965, p. 63.[↩]
- Marc., 1, 15 ; cf. Matth., 3, 2 ; 4, 17.[↩]
- Luc, 13, 5.[↩]
- Cf. Matth., 25, 41. Const. dogm. Lumen gentium, n. 48 : A. A. S., LVII, 1965, p. 54.[↩]
- Gal., 2, 20 ; cf. Eph., 5, 2.[↩]
- Homil., 2 sur Missus est, n. 2 : P. L., 183, 64.[↩]
- Hébr., 13, 8.[↩]
- Const. dogm. Lumen gentium, n. 53 : A. A. S., LVII, 1965, p. 59.[↩]
- Cf. Discorsi e Radiomessaggi di S. S. Pie XII, vol. IV, p. 260–262 ; cf. A. A. S., XXXIV, 1942, p. 345–346.[↩]
- Cf. A. A. S., LVI, 1964, p. 1017. (D. C., loc. cit., col. 1546.[↩]
- Cf. Oraison de la fête du Cœur immaculé de Marie, le 22 août.[↩]