Donné à Rome près de Saint-Pierre, le 18 juin de l’année 1968
Paul, Évêque,
Serviteur des serviteurs de Dieu.En perpétuelle mémoire de cet acte.
La révision du Pontifical romain n’est pas seulement prescrite d’une manière générale par le IIe Concile œcuménique du Vatican [1]; elle est régie en outre par les règles particulières selon lesquelles le Concile a ordonné de modifier les rites des ordinations, « soit quant aux cérémonies, soit quant aux textes [2] ».
Mais parmi les rites des ordinations, il faut considérer en premier lieu ceux par lesquels, grâce au sacrement de l’Ordre, conféré en différents degrés, se constitue la Hiérarchie sacrée : « C’est ainsi que le ministère ecclésiastique, institué par Dieu, est exercé dans la diversité des ordres par ceux que, déjà depuis l’antiquité, on appelle évêques, prêtres, diacres [3]. »
Or, dans la révision des rites des ordinations, outre les principes généraux qui doivent régir la complète restauration de la liturgie, selon les prescriptions du IIe Concile du Vatican, il faut porter la plus grande attention à cette magnifique doctrine, sur la nature et les effets du sacrement de l’ordre, qui a été professée par le Concile dans la Constitution sur l’Eglise ; c’est justement cette doctrine que la liturgie doit exprimer à sa manière, car « il faut organiser les textes et les rites de telle façon qu’ils expriment avec plus de clarté les réalités saintes qu’ils signifient et que le peuple chrétien, autant qu’il est possible, puisse facilement les saisir et y participer par une célébration pleine, active et communautaire ». [4]
Les évêques
En outre, le Concile enseigne que « par la consécration épiscopale, est conférée la plénitude du sacrement de l’Ordre, que la coutume liturgique de l’Eglise et la voix des Saints Pères appellent en effet le sacerdoce suprême, le sommet du ministère sacré. La consécration épiscopale, en même temps que la charge de sanctification, confère aussi les charges d’enseigner et de gouverner, lesquelles cependant, de par leur nature, ne peuvent s’exercer que dans la communion hiérarchique avec le chef du collège et ses membres. En effet, la Tradition, qui s’exprime surtout par les rites liturgiques et par l’usage de l’Eglise, tant orientale qu’occidentale, montre à l’évidence que, par l’imposition des mains et les paroles consécratoires, la grâce de l’Esprit-Saint est donnée, et le caractère sacré imprimé de telle sorte que les évêques, d’une façon éminente et visible, tiennent la place et jouent le rôle du Christ lui-même, Maître, Pasteur et Pontife [5] ».
A ces paroles il faut ajouter plusieurs points importants de doctrine sur la succession apostolique des évêques, ainsi que sur leurs fonctions et leurs devoirs, qui se trouvent inclus déjà dans le rite de la consécration épiscopale, mais dont il semble souhaitable d’améliorer et de préciser l’expression. Pour y parvenir de façon correcte, on a jugé bon de recourir, parmi les sources anciennes, à la prière consécratoire qu’on trouve dans la Tradition apostolique d’Hippolyte de Rome, écrit au début du troisième siècle, et qui, pour une grande partie, est encore observée dans la liturgie de l’ordination chez les Coptes et les Syriens occidentaux. De la sorte, on rend témoignage, dans l’acte même de l’ordination, à l’accord entre les traditions orientale et occidentale sur la charge apostolique des évêques.
Les prêtres
En ce qui concerne les prêtres, il faut rappeler surtout ceci, dans les Actes du IIe Concile du Vatican : « Tout en n’ayant pas la charge suprême du pontificat et tout en dépendant des évêques dans l’exercice de leur pouvoir, les prêtres leur sont cependant unis dans la dignité sacerdotale ; et par la vertu du sacrement de l’Ordre, à l’image du Christ prêtre suprême et éternel (cf. Hébr., 5, 1–10 ; 7, 24 ; 9, 11–28), ils sont consacrés pour prêcher l’Evangile et pour être les pasteurs des fidèles et célébrer le culte divin en vrais prêtres du Nouveau Testament [6]. » Et on lit ailleurs : « Par l’ordination et la mission reçue des évêques, les prêtres sont mis au service du Christ Docteur, Prêtre et Roi ; ils participent à son ministère qui, de jour en jour, construit ici-bas l’Eglise pour qu’elle soit Peuple de Dieu, Corps du Christ, Temple du Saint-Esprit [7]. »
Dans l’ordination au presbytérat, telle qu’elle était dans le Pontifical romain, la mission et la grâce du prêtre comme collaborateur de l’ordre épiscopal étaient décrites très clairement. Toutefois, il a paru nécessaire de ramener à une plus grande unité tout le rite qui, auparavant, était distribué en plusieurs parties, et de mettre plus vivement en lumière la partie centrale de l’ordination, c’est-à-dire l’imposition des mains et la prière consécratoire.
Les diacres
Pour ce qui regarde les diacres, outre ce qu’on trouve dans notre lettre apostolique Sacrum Diaconatus Ordinem que nous avons promulguée Motu proprio le 18 juin 1967, on doit se rappeler surtout les paroles suivantes : « Au degré inférieur de la hiérarchie se trouvent les diacres auxquels on a imposé les mains « non pas en vue du sacerdoce mais en vue du service ». (Constitutions de l’Eglise d’Egypte, III, 2.)
La grâce sacramentelle, en effet, leur donne la force nécessaire pour servir le Peuple de Dieu dans la diaconie de la liturgie, en communion avec l’évêque et son presbyterium [8]. » Dans l’ordination diaconale, il y avait peu de choses à changer, en tenant compte soit des règles récemment établies au sujet du diaconat comme degré propre et permanent de la hiérarchie, soit d’un progrès dans la simplicité et la clarté des rites.
Matière et forme
D’autre part, entre les autres documents du magistère suprême relatifs aux ordres sacrés, nous estimons digne d’une mention particulière la Constitution apostolique Sacramentum Ordinis promulguée par Notre Prédécesseur Pie XII, le 30 novembre 1947, qui déclare : « Les ordres du diaconat, du presbytérat et de l’épiscopat ont pour matière, et pour matière unique, l’imposition des mains : quant à la forme, également unique, ce sont les paroles déterminant l’application de cette matière, paroles qui signifient sans équivoque les effets du sacrement — à savoir le pouvoir d’Ordre et la grâce du saint-Esprit — et qui sont reçues et employées comme telles par l’Eglise [9]. » Après quoi, le document en question décide quelle est l’imposition des mains et quelles sont les paroles qui, dans la collation de chacun des ordres, constituent la matière et la forme.
Dans la révision du rite, il a fallu procéder à des additions, à des suppressions et à des modifications, soit pour restituer les paroles conformément aux textes anciens, soit pour rendre les expressions plus claires, soit pour mieux exposer les effets du sacrement. Aussi jugeons-nous nécessaire, pour supprimer toute controverse et prévenir les inquiétudes de conscience, de déclarer ce qui, dans le rite révisé, doit être désigné comme appartenant à sa nature essentielle. Donc, au sujet de la matière et de la forme dans la collation de chacun des Ordres, nous décidons et statuons ce qui suit.
Dans l’ordination des diacres, la matière est cette imposition des mains par l’évêque qui se fait en silence sur chacun des ordinands, avant la prière consécratoire. La forme consiste dans les paroles de cette prière consécratoire ; parmi elles, voici celles qui appartiennent à la nature essentielle, si bien qu’elles sont exigées pour que l’action soit valide : « Emitte in eos, Domine, quaesumus, Spiritum Sanctum, quo in opus ministerii fideliter exsequendi munere septiformis tuae gratiae roborentur [10]. »
Dans l’ordination des prêtres, la matière est aussi cette imposition des mains par l’évêque qui se fait en silence avant la prière consécratoire. La forme consiste dans les paroles de cette prière consécratoire ; parmi elles voici celles qui appartiennent à la nature essentielle, si bien qu’elles sont exigées pour que l’action soit valide : « Da, quaesumus, omnipotens Pater, his famulis tuis Presbyterii dignitatem ; innova in visceribus eorurn Spiritum sanctitatis ; acceptum a te, Deus, secundi meriti munus obtineant, censuramque morum exemplo suae conversationis insinuent [11]. »
Enfin, dans l’ordination de l’évêque, la matière est cette imposition des mains qui est faite en silence sur la tête de l’Elu, avant la prière consécratoire, par les évêques consacrants ou au moins par le Consécrateur principal. La forme consiste dans les paroles de cette prière consécratoire ; parmi elles voici celles qui appartiennent à la nature essentielle, si bien qu’elles sont exigées pour que l’action soit valide : « Et nunc effunde super hunc Eleclum eam virtutem, quae a te est, Spiritum prlncipalem, quem dedisti dilecto Filio Tuo Iesu Christo, quem Ipse donavit sanctis Apostolis, qui constituerunt Ecclesiam per singula loca, ut sanctuarium tuum, in gloriam et laudem indeficientem nominis tui [12]. »
Ce rite, donc, pour la collation des Ordres du diaconat, du presbytérat et de l’épiscopat, révisé par le Conseil pour la mise en œuvre de la Constitution sur la liturgie, « en faisant appel à des experts et en consultant des évêques des diverses régions du globe [13] », Nous-même l’approuvons de Notre autorité apostolique, afin que dorénavant, à la place du rite (qui se trouve encore dans le Pontifical romain, il soit employé pour conférer ces Ordres.
Nous voulons que ces décisions et prescriptions, dès maintenant et à l’avenir, soient fermement établies et demeurent en vigueur, nonobstant, pour autant que ce soit nécessaire, les Constitutions et Ordinations apostoliques promulguées par Nos prédécesseurs, et les autres prescriptions, même dignes de mention et de dérogation.
Donné à Rome près de Saint-Pierre, le 18 juin de l’année 1968, la cinquième de Notre pontificat.
PAUL VI, PAPE.
- Constitution sur la liturgie Sacrosanctum Concilium, n° 25[↩]
- Ibid., n° 76 [↩]
- Constitution dogmatique sur l’Eglise Lumen Gentium, n° 28. [↩]
- Constitution sur la liturgie, n° 21. [↩]
- Constitution dogmatique sur l’Eglise Lumen Gentium, n° 21. [↩]
- Ibid., n° 28. [↩]
- Décret sur la vie et le ministère des prêtres Presbyterorum Ordinis, n° 1. [↩]
- Constitution dogmatique sur l’Eglise Lumen Gentium, n° 29. [↩]
- A. A. S., 40 (1948), p. 6. [↩]
- « Envoie sur eux, Seigneur, nous t’en prions, le Saint-Esprit, pour qu’ils soient fortifiés par le don de ta grâce surabondante dans le fidèle accomplissement de leur ministère » (traduction non officielle). [↩]
- « Donne, Père tout-puissant, à tes serviteurs que voici la dignité du presbytérat. Renouvelle dans leur cœur l’Esprit de sainteté ; qu’ils reçoivent de toi, Seigneur, la charge de prêtres du second ordre et qu’ils inspirent, par l’exemple de leur vie, la réforme des moeurs » (id.). [↩]
- « Envoie maintenant sur cet élu la puissance qui vient de toi, l’Esprit souverain que tu as donné à Jésus-Christ, ton Fils bien-aimé, et que lui-même a donné à ses apôtres qui ont fondé l’Eglise en tous lieux, comme ton sanctuaire, pour qu’on te rende gloire et qu’on loue incessamment ton nom » (ibid.). [↩]
- Const. sur la liturgie, n° 25.[↩]