Léon XIII

256ᵉ pape ; de 1878 à 1903

10 février 1880

Lettre encyclique Arcanum divinæ

Sur le mariage chrétien

Aux Vénérables Patriarches, Primats, Archevêques, Evêques et autres ordi­naires en paix et com­mu­nion avec le Siège Apostolique.

Léon XIII, Pape

Vénérables frères,
Salut et Bénédiction apostolique

Le mys­té­rieux des­sein de la sagesse divine que Jésus-​Christ, le sau­veur des hommes, devait accom­plir sur terre, était de res­tau­rer divi­ne­ment par Lui et en Lui le monde, atteint d’une espèce de séni­li­té. C’est ce que l’a­pôtre saint Paul expri­mait en termes magni­fiques lors­qu’il écri­vait aux Ephésiens : Le mys­tère de sa volon­té… c’est de res­tau­rer dans le Christ toutes les choses qui sont au ciel et sur la terre1.

Lorsque le Christ, Notre-​Seigneur, entre­prit d’exé­cu­ter l’ordre que lui avait don­né son Père, il déli­vra le monde de sa décré­pi­tude en impri­mant aus­si­tôt à toutes choses comme une nou­velle forme et une nou­velle beau­té. Il gué­rit les bles­sures que le péché de notre pre­mier père avait faites à la nature humaine. Il remit en grâce avec Dieu l’homme qui, par nature, était enfant de la colère. Il ame­na à la lumière de la véri­té les esprits fati­gués par de longues erreurs. Il fit renaître à toutes les ver­tus ceux qui étaient usés par toutes les impu­re­tés. Ayant ren­du aux hommes l’hé­ri­tage de la béa­ti­tude éter­nelle, il leur don­na, l’es­pé­rance cer­taine que leur corps mor­tel et péris­sable par­ti­ci­pe­rait un jour à l’im­mor­ta­li­té et à la gloire céleste.

Pour rendre de si remar­quables bien­faits aus­si durables que l’hu­ma­ni­té, il consti­tua enfin l’Eglise dépo­si­taire de son pou­voir. Il la char­gea, en pré­vi­sion de l’a­ve­nir, de réta­blir l’ordre dans la socié­té humaine là où il serait trou­blé, de rele­ver ce qui vien­drait à tom­ber en ruine.

Cette res­tau­ra­tion divine, dont Nous avons par­lé, concerne prin­ci­pa­le­ment et direc­te­ment les hommes éta­blis dans l’ordre sur­na­tu­rel de la grâce. Cependant les résul­tats pré­cieux et salu­taires qui en découlent se sont fait lar­ge­ment sen­tir même dans l’ordre natu­rel. Il en est résul­té, tant pour la socié­té uni­ver­selle du genre humain que pour l’in­di­vi­du en par­ti­cu­lier, un grand per­fec­tion­ne­ment sous tous rapports.

L’ordre chré­tien des choses une fois fon­dé eut pour l’homme cet heu­reux résul­tat que cha­cun apprit et s’ac­cou­tu­ma à se repo­ser sur la pro­vi­dence pater­nelle de Dieu, et à espé­rer les secours célestes avec la cer­ti­tude de n’être pas trom­pé. De là sont nées la force, la modé­ra­tion, la constance, l’é­ga­li­té d’âme pro­ve­nant de la paix, enfin un grand nombre de ver­tus écla­tantes et d’œuvres excellentes.

Quant à la socié­té fami­liale et à la socié­té civile, il est éton­nant de voir à quel point elles ont gagné en digni­té, en sta­bi­li­té, en hon­neur. L’autorité des princes devint plus équi­table et plus sainte, l’o­béis­sance des peuples plus volon­taire et plus facile, l’u­nion des citoyens plus étroite, le droit de pro­prié­té plus garan­ti. Bref la reli­gion chré­tienne veilla et pour­vut à toutes les choses qui sont consi­dé­rées comme utiles dans l’Etat. Ainsi, selon le mot de saint Augustin, elle n’au­rait pas, semble-​t-​il, pu rendre la vie plus tran­quille et plus heu­reuse, lors même qu’elle aurait été éta­blie dans le but unique de pro­cu­rer et de mul­ti­plier les avan­tages et les bien­faits de la vie présente.

Mais notre inten­tion n’est pas d’é­nu­mé­rer tout ce qui a été fait en ce genre. Nous vou­lons seule­ment par­ler de la socié­té fami­liale, dont le mariage est le prin­cipe et le fondement.

Tout le monde sait, Vénérables Frères, quelle est la véri­table ori­gine du mariage. Les détrac­teurs de la foi chré­tienne refusent d’ad­mettre en cette matière la doc­trine constante de l’Eglise. Ils veulent, depuis long­temps déjà, détruire la tra­di­tion de tous les peuples et de tous les siècles. Malgré leurs efforts, ils n’ont pu, ni éteindre, ni affai­blir la force et l’é­clat de la véri­té. Nous rap­pe­lons donc des choses qui sont connues de tous et ne font doute pour personne.

Après avoir, au sixième jour de la créa­tion, for­mé l’homme du limon de la terre, et après avoir envoyé sur sa face le souffle de vie, Dieu vou­lut lui adjoindre une com­pagne, qu’il tira mer­veilleu­se­ment du flanc de l’homme endor­mi. En agis­sant ain­si, Dieu vou­lut, dans sa très haute pro­vi­dence, que ce couple fût l’o­ri­gine natu­relle de tous les hommes et qu’il ser­vît à la pro­pa­ga­tion du genre humain et à sa conser­va­tion dans tous les temps par une série inin­ter­rom­pue de générations.

Afin de répondre plus par­fai­te­ment aux très sages des­seins de Dieu, cette union de l’homme et de la femme se pré­sen­ta, dès ce temps-​là, avec deux pro­prié­tés prin­ci­pales et nobles entre toutes, qui lui furent pour ain­si dire pro­fon­dé­ment impri­mées et gra­vées, à savoir l’u­ni­té et la per­pé­tui­té. C’est ce que nous voyons décla­ré et ouver­te­ment confir­mé dans l’Evangile par la divine auto­ri­té de Jésus-​Christ. Selon l’af­fir­ma­tion qu’il fit aux Juifs et aux apôtres, le mariage, en ver­tu de son ins­ti­tu­tion même, ne doit exis­ter qu’entre deux per­sonnes, c’est-​à-​dire entre l’homme et la femme : des deux il se forme comme une seule chair, et le lien nup­tial est, de par la volon­té de Dieu, si inti­me­ment et si for­te­ment noué, qu’il n’est au pou­voir de per­sonne de le délier ou de le rompre. L’homme s’at­ta­che­ra à son épouse, et ils seront deux en une seule chair. C’est pour­quoi ils ne sont déjà plus deux, mais une seule chair. Que l’homme ne sépare donc point ce que Dieu a uni2.

Cette forme de mariage, si excel­lente et si éle­vée, com­men­ça peu à peu à se cor­rompre et à dis­pa­raître chez les peuples païens.

On la vit même se voi­ler et s’obs­cur­cir jusque dans la race des Hébreux. Une cou­tume en effet s’é­tait éta­blie par­mi eux, qui per­met­tait à chaque homme d’a­voir plus d’une femme. Plus tard Moïse, en rai­son de la dure­té de leur cœur3, eut la condes­cen­dance de leur lais­ser la facul­té de la répu­dia­tion. La voie fut ain­si ouverte au divorce.

Quant à la socié­té païenne, on peut à peine croire à quelle cor­rup­tion, à quelle défor­ma­tion le mariage y fut réduit, asser­vi qu’il était aux fluc­tua­tions des erreurs de chaque peuple et des plus hon­teuses passions.

Toutes les nations oublièrent plus ou moins la notion et la véri­table ori­gine du mariage. On pro­mul­guait par­tout sur cet objet des lois qui sem­blaient dic­tées par des rai­sons d’Etat et n’é­taient pas conformes aux pres­crip­tions de la nature. Des rites solen­nels, inven­tés selon le caprice des légis­la­teurs, fai­saient attri­buer aux femmes, ou bien le nom hono­rable d’é­pouse, ou bien le nom hon­teux de concu­bine. On en était même arri­vé à ce point que l’au­to­ri­té des chefs de l’Etat déci­dait qui pou­vait se marier et qui ne le pou­vait pas ; car les lois étaient, en bien des points, contraires à l’é­qui­té et favo­rables à l’in­jus­tice. En outre, la poly­ga­mie, la poly­an­drie, le divorce furent cause que le lien nup­tial se relâ­cha considérablement.

De plus il y avait une extrême per­tur­ba­tion dans les droits et les devoirs mutuels des époux.

Le mari acqué­rait sa femme comme une pro­prié­té et la répu­diait sou­vent sans juste cause. Adonné à une licence indomp­table et effré­née, il se per­met­tait impu­né­ment de fré­quen­ter les mau­vais lieux et les cour­ti­sanes esclaves, comme si ce n’é­tait pas la volon­té déré­glée, mais la digni­té com­pro­mise, qui consti­tuait le péché4.

Au milieu de ce déchaî­ne­ment du liber­ti­nage de l’homme, rien n’é­tait plus misé­rable que la femme. Elle était abais­sée à ce point d’hu­mi­lia­tion qu’elle était en quelque sorte consi­dé­rée comme un simple ins­tru­ment des­ti­né à assou­vir la pas­sion ou à pro­duire des enfants. On n’eut même pas honte de vendre et d’a­che­ter les femmes à marier, ain­si que l’on fait pour les choses maté­rielles5. En même temps on don­nait au père et au mari la facul­té d’in­fli­ger à la femme le der­nier supplice.

Sortie de tels mariages, la famille était néces­sai­re­ment, ou bien dans la main de l’Etat, ou bien à la mer­ci du père6. Les lois don­naient, en outre, à ce der­nier le pou­voir non seule­ment de conclure et de rompre à son gré les mariages de ses enfants, mais d’exer­cer sur eux-​mêmes le droit bar­bare de vie ou de mort.

Tous ces vices, toutes ces igno­mi­nies qui désho­no­raient les mariages furent enfin sup­pri­més et gué­ris par Dieu. Jésus-​Christ vou­lant res­tau­rer la digni­té humaine et per­fec­tion­ner les lois mosaïques, s’oc­cu­pa du mariage avec une sol­li­ci­tude toute particulière.

En effet, il enno­blit par sa pré­sence les noces de Cana en Galilée, et les ren­dit mémo­rables par le pre­mier de ses miracles7. Aussi le mariage semble-​t-​il avoir com­men­cé à rece­voir ce jour-​là, en rai­son de ces cir­cons­tances, un nou­veau carac­tère de sainteté.

Ensuite il rame­na le mariage à la noblesse de sa pre­mière ori­gine. Il réprou­va donc les mœurs des Juifs qui abu­saient de la mul­ti­pli­ci­té des épouses et de la facul­té de les répu­dier. Il vou­lut sur­tout que per­sonne n’o­sât sépa­rer ce que Dieu avait joint par un lien d’u­nion per­pé­tuelle. C’est pour­quoi, après avoir écar­té les dif­fi­cul­tés que l’on tirait des ins­ti­tu­tions mosaïques, il for­mu­la, en qua­li­té de légis­la­teur suprême, cette règle sur le mariage : Or, je vous dis que qui­conque aura ren­voyé sa femme hors le cas d’a­dul­tère, et en aura pris une autre, com­met un adul­tère, et celui qui aura pris celle qui a été ren­voyée com­met aus­si un adul­tère8.

Ce qui a été décré­té et éta­bli par l’au­to­ri­té de Dieu au sujet des mariages, fut trans­mis ora­le­ment ou par écrit, en termes plus expli­cites et plus clairs, par les apôtres, mes­sa­gers des lois divines. Il faut rap­por­ter à leur ensei­gne­ment ce que les Saints Pères, les Conciles et la tra­di­tion uni­ver­selle de l’Eglise nous ont tou­jours affir­mé9 à savoir que Notre-​Seigneur Jésus-​Christ a éle­vé le mariage à la digni­té de sacre­ment. Grâce à Lui, les époux, revê­tus et munis de la grâce céleste, fruit de ses mérites, purent se sanc­ti­fier dans le mariage même. Dans ce mariage, image admi­rable de son union mys­tique avec l’Eglise, il a ren­du l’a­mour natu­rel plus par­fait et res­ser­ré plus étroi­te­ment, par le lien de la divine cha­ri­té, la socié­té fami­liale, déjà indi­vi­sible de sa nature10. Époux, dit saint Paul aux Ephésiens, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Eglise et s’est livré lui-​même pour elle afin de la sanc­ti­fier… Les époux doivent aimer leurs femmes comme leur propre corps… car jamais per­sonne n’a haï sa chair, mais il la nour­rit et la soigne comme fait le Christ pour l’Eglise, parce que nous sommes les membres de son corps, for­més de sa chair et de ses os. C’est pour­quoi l’homme quit­te­ra son père et sa mère pour s’at­ta­cher à sa femme, et ils seront deux en une seule chair. Ce mys­tère est grand ; je veux dire, par rap­port au Christ et à l’Eglise11.

Nous avons appris éga­le­ment par l’en­sei­gne­ment des apôtres que Jésus-​Christ a décla­ré saintes et décré­té à jamais invio­lables l’u­ni­té et la sta­bi­li­té per­pé­tuelle exi­gées par l’o­ri­gine même du mariage. A ceux qui sont unis par le mariage, dit encore saint Paul, je pres­cris, ou plu­tôt ce n’est pas moi, c’est le Seigneur, que la femme ne se sépare pas de son mari. Si elle s’en sépare, qu’elle reste sans se marier, ou se récon­ci­lie avec son mari12. Et il ajoute : La femme est liée à la loi, tant que vit son mari ; si son mari vient à mou­rir, elle est libre13. Pour ces motifs le mariage est donc un grand sacre­ment14, hono­rable en tout15, saint, chaste, digne de res­pect en rai­son des choses très hautes dont il est la figure.

Mais ce n’est pas uni­que­ment dans ce qui vient d’être rap­pe­lé que se trouve la chré­tienne et sou­ve­raine per­fec­tion du mariage. Car en pre­mier lieu, la socié­té conju­gale eut désor­mais un but plus noble et plus éle­vé qu’au­pa­ra­vant. Sa mis­sion ne fut plus seule­ment de pour­voir à la pro­pa­ga­tion du genre humain, mais d’en­gen­drer les enfants de l’Eglise, les conci­toyens des saints et les ser­vi­teurs de Dieu16, afin qu’un peuple fût pro­créé et éle­vé pour le culte et la reli­gion du vrai Dieu et de notre Sauveur Jésus-​Christ17.

En second lieu, les devoirs de cha­cun des deux époux furent net­te­ment défi­nis, leurs droits exac­te­ment fixés. Il faut qu’ils se sou­viennent tou­jours qu’ils se doivent mutuel­le­ment le plus grand amour, une fidé­li­té constante, une aide prompte et assidue.

L’homme est le prince de la famille et le chef de la femme. Celle-​ci cepen­dant est la chair de sa chair et l’os de ses os. Comme telle, elle doit être sou­mise à son mari et lui obéir, non à la manière d’une esclave, mais d’une com­pagne. Ainsi l’o­béis­sance qu’elle lui rend ne sera pas sans digni­té ni sans hon­neur. Dans celui qui com­mande, ain­si que dans celle qui obéit, puisque tous deux sont l’i­mage, l’un du Christ, l’autre de l’Eglise, il faut que la cha­ri­té divine soit la règle per­pé­tuelle du devoir, car le mari est le chef de la femme comme le Christ est le chef de l’Eglise. Mais de même que l’Eglise est sou­mise au Christ, ain­si les femmes doivent être sou­mises à leurs maris en toutes choses18.

Pour ce qui regarde les enfants, ils doivent être sou­mis à leurs parents, leur obéir et les hono­rer par devoir de conscience. En retour, les parents doivent appli­quer toutes leurs pen­sées et tous leurs soins à pro­té­ger leurs enfants et sur­tout les éle­ver dans la ver­tu. Pères, élevez-​les (vos fils), en les cor­ri­geant et en les aver­tis­sant selon le Seigneur19. On voit par là que les devoirs des époux sont nom­breux, et graves. Grâce à la ver­tu que donne le sacre­ment, ils deviennent cepen­dant pour les bons époux, non seule­ment tolé­rables, mais pleins de joie.

Lorsque Jésus-​Christ eut ain­si rame­né le mariage à une si grande per­fec­tion, il en remit et en confia toute la dis­ci­pline à l’Eglise. L’Eglise, en effet, exer­ça ce pou­voir sur les mariages des chré­tiens en tout temps et en tout lieu. Elle le fit de façon à mon­trer évi­dem­ment que ce pou­voir lui appar­te­nait en propre, qu’il ne lui venait pas du consen­te­ment des hommes, mais qu’elle l’a­vait acquis par la volon­té divine de son auteur. On sait avec quel soin et quelle vigi­lance elle s’oc­cu­pa de main­te­nir la sain­te­té du mariage et de lui gar­der son véri­table carac­tère ; il est inutile de le démontrer.

Ainsi une déci­sion du concile de Jérusalem a réprou­vé les amours dis­so­lues et libres20. Saint Paul a condam­né un citoyen de Corinthe, cou­pable d’in­ceste21. L’Eglise a tou­jours, avec la même éner­gie, repous­sé et répri­mé les efforts de ceux qui s’at­ta­quèrent au mariage chré­tien, tels que les gnos­tiques, les mani­chéens, les mon­ta­nistes, dans les pre­miers temps du chris­tia­nisme, et de nos jours, les mor­mons, les saint-​simoniens, les pha­lan­sté­riens, les communistes.

Ainsi encore le droit du mariage fut éta­bli égal entre tous et le même pour tous, par la sup­pres­sion de l’an­cienne dis­tinc­tion entre esclaves et hommes libres. Les droits du mari et de la femme devinrent sem­blables. Comme le disait saint Jérôme, chez nous ce qui n’est pas per­mis aux femmes ne l’est pas non plus aux maris et ils subissent le même joug sous une même condi­tion22. Ces droits trou­vèrent dans l’af­fec­tion mutuelle et les devoirs réci­proques un affer­mis­se­ment solide. La digni­té de la femme fut reven­di­quée et garan­tie. Il fut défen­du à l’homme de punir de mort la femme adul­tère et de vio­ler la foi jurée, pour satis­faire ses pas­sions et son impu­di­ci­té. Et, ce qui est aus­si de grande impor­tance, l’Eglise limi­ta, dans la mesure vou­lue, le pou­voir du père de famille, afin que la juste liber­té des fils et des filles dési­reux de se marier ne fût en rien dimi­nuée. Elle décré­ta la nul­li­té des mariages entre parents et alliés à un cer­tain degré, afin que l’a­mour sur­na­tu­rel des époux se répan­dît en un champ plus vaste. Elle prit soin, tant qu’elle le put, d’é­car­ter du mariage l’er­reur, la vio­lence et la fraude. Elle vou­lut que la sainte pudeur de la couche nup­tiale, la sécu­ri­té des per­sonnes, l’hon­neur des mariages, les droits de la reli­gion, fussent main­te­nus et sau­ve­gar­dés. Enfin, elle entou­ra cette ins­ti­tu­tion divine de tant de force, de tant de lois pré­voyantes, que, pour tout juge impar­tial, l’Église, même en ce qui concerne le mariage est la meilleure garde, la meilleure défense de la socié­té humaine. Sa sagesse a triom­phé de la course du temps, de l’in­jus­tice des hommes, des vicis­si­tudes innom­brables de la politique.

Par suite des efforts de l’en­ne­mi du genre humain, il y a des hommes qui, répu­diant avec ingra­ti­tude les autres bien­faits de la Rédemption, méprisent ou mécon­naissent tout à fait la res­tau­ra­tion opé­rée et la per­fec­tion intro­duite dans le mariage. Ce fut la honte d’un cer­tain nombre d’an­ciens d’a­voir com­bat­tu le mariage en quelques-​unes de ses pré­ro­ga­tives. Mais com­bien plus per­ni­cieuse est la faute de ceux qui, à notre époque, veulent modi­fier de fond en comble la nature du mariage qui est par­faite et com­plète sous tous ses rap­ports et dans toutes ses parties !

La rai­son prin­ci­pale de ces attaques, c’est qu’im­bus des opi­nions d’une fausse phi­lo­so­phie et livrés à des habi­tudes cor­rom­pues, de nom­breux esprits ont avant tout l’hor­reur de la sou­mis­sion et de l’o­béis­sance. Ils tra­vaillent donc avec achar­ne­ment à ame­ner, non seule­ment les indi­vi­dus, mais encore les familles et toute la socié­té humaine, à mépri­ser orgueilleu­se­ment la sou­ve­rai­ne­té de Dieu. Or, la source et l’o­ri­gine de la famille et de la socié­té humaine tout entière se trouvent dans le mariage. Ils ne peuvent donc souf­frir en aucune façon qu’il soit sou­mis à la juri­dic­tion de l’Eglise. Bien plus, ils s’ef­forcent de le dépouiller de toute sain­te­té et de le faire entrer dans la petite sphère de ces choses ins­ti­tuées par l’au­to­ri­té humaine, régies et admi­nis­trées par le droit civil. En consé­quence, ils attri­buent aux chefs de l’Etat et refusent à l’Eglise tout droit sur les mariages ; ils affirment qu’elle n’a exer­cé autre­fois un pou­voir de ce genre que par conces­sion des princes, ou par usur­pa­tion. Ils ajoutent qu’il est temps désor­mais que les chefs d’Etat reven­diquent éner­gi­que­ment leurs droits et se mettent à régler libre­ment tout ce qui concerne la matière du mariage. De là est venu ce qu’on appelle vul­gai­re­ment le mariage civil.

De là ces lois pro­mul­guées sur les cas d’empêchement de mariage ; de là ces sen­tences judi­ciaires sur les contrats de mariage, déci­dant s’ils sont valides ou non. Enfin nous voyons que tout pou­voir de légi­fé­rer ou de juger en cette matière a été si soi­gneu­se­ment enle­vé à l’Église, qu’on ne tient plus aucun compte, ni de son auto­ri­té divine, ni des lois pru­dentes sous l’empire des­quelles ont vécu pen­dant si long­temps les peuples qui reçurent avec la sagesse chré­tienne la lumière de la civilisation.

Cependant les ratio­na­listes et tous ceux qui, pro­fes­sant avant tout le culte de l’Etat-​Dieu, s’ef­forcent par ces mau­vaises doc­trines de jeter le trouble dans tous les peuples, ne peuvent échap­per au reproche de faus­ser la vérité.

En effet, le mariage a Dieu pour auteur. Il a été dès le prin­cipe comme une figure de l’in­car­na­tion du Verbe de Dieu. Il y a par cela même en lui quelque chose de sacré et de reli­gieux, qui n’est pas sur­ajou­té, mais inné, qu’il ne doit pas aux hommes, mais qu’il tient de la nature. C’est pour­quoi Innocent III et Honorius III, Nos pré­dé­ces­seurs ont pu, avec rai­son et sans témé­ri­té, affir­mer que le sacre­ment de mariage existe chez les fidèles et chez les infi­dèles. Ainsi l’at­testent les témoi­gnages mêmes de l’an­ti­qui­té, les mœurs et les ins­ti­tu­tions des peuples qui ont été les plus civi­li­sés et se sont dis­tin­gués par une connais­sance plus par­faite du droit et de l’é­qui­té. Il est cer­tain que chez tous ces peuples, par l’ef­fet d’une per­cep­tion innée et habi­tuelle, l’i­dée du mariage éveillait spon­ta­né­ment dans l’es­prit la notion d’une chose asso­ciée à la reli­gion et à la sain­te­té. Aussi était-​il d’u­sage chez eux de ne point célé­brer de mariage sans les céré­mo­nies du culte, l’au­to­ri­té des Pontifes et le minis­tère des prêtres ; tant avaient de force, même dans les âmes pri­vées de la doc­trine céleste, la nature des choses, le sou­ve­nir des ori­gines et la conscience du genre humain ! Le mariage étant donc, de lui-​même, par essence et par nature, une chose sacrée, doit être réglé et régi, non par le pou­voir des princes, mais par la divine auto­ri­té de l’Église, seule maî­tresse des choses sacrées.

Il faut consi­dé­rer ensuite la digni­té du sacre­ment qui, en se sur­ajou­tant au mariage chré­tien, l’a ren­du beau­coup plus noble. Or, par la volon­té de Jésus-​Christ, l’Eglise seule peut et doit sta­tuer et dis­po­ser sur les sacre­ments. Il est donc tout à fait absurde de vou­loir faire pas­ser aux mains de l’au­to­ri­té civile la moindre par­celle de ce pouvoir.

Enfin, le témoi­gnage de l’his­toire est ici très impor­tant et très fort. Il montre mani­fes­te­ment que ce pou­voir légis­la­tif et judi­ciaire, dont Nous par­lons, a tou­jours été libre­ment exer­cé par l’Eglise, même dans les temps où il serait ridi­cule et insen­sé d’i­ma­gi­ner pour cela l’as­sen­ti­ment ou la conni­vence des chefs de l’Etat. En effet, quoi de plus incroyable et de plus absurde que de pré­tendre que le Christ Notre-​Seigneur ait reçu délé­ga­tion du pro­cu­reur de la pro­vince ou du roi des Juifs, pour condam­ner l’ha­bi­tude invé­té­rée de la poly­ga­mie et de la répu­dia­tion ! de même, que l’a­pôtre saint Paul, lors­qu’il inter­dit les divorces et les mariages inces­tueux, ait agi par per­mis­sion ou par man­dat tacite de Tibère, de Caligula, de Néron ! On ne pour­ra jamais non plus per­sua­der à un homme sain d’es­prit, que toutes les lois de l’Eglise sur la sain­te­té et l’in­dis­so­lu­bi­li­té du mariage, sur les unions entre esclaves et femmes libres aient été pro­mul­guées après auto­ri­sa­tion obte­nue des empe­reurs romains. Ces enne­mis décla­rés du nom chré­tien n’a­vaient rien de plus à cœur que de l’é­touf­fer par la vio­lence et le mas­sacre. Ceci est d’au­tant plus évident que le droit éta­bli par l’Eglise s’é­car­tait par­fois du droit civil, au point qu’Ignace le Martyr23, Justin24, Athenagoras25 et Tertullien26, dénon­çaient publi­que­ment, comme illi­cites et adul­tères, quelques-​unes de ces unions que les lois impé­riales favo­ri­saient cependant.

Plus tard, lorsque toute la puis­sance eut pas­sé aux empe­reurs chré­tiens, les sou­ve­rains Pontifes et les évêques réunis en conciles conti­nuèrent tou­jours, avec la même liber­té et la même conscience de leur droit, à ordon­ner et à défendre au sujet du mariage ce qu’ils jugeaient utile, ce qui leur sem­blait conve­nir aux dif­fé­rentes époques, mal­gré le désac­cord qui pou­vait exis­ter entre leurs décrets et les ins­ti­tu­tions civiles. Personne n’i­gnore com­bien de déci­sions, sou­vent contraires aux ordon­nances de la légis­la­tion impé­riale, furent prises par les pas­teurs de l’Eglise dans les conciles de Grenade, d’Arles, de Chalcédoine, dans le deuxième de Milève et dans les autres, au sujet des empê­che­ments de mariages pour motifs de vœu, dif­fé­rence du culte, consan­gui­ni­té, crime, hon­nê­te­té publique. Bien loin de s’at­tri­buer le pou­voir sur le mariage chré­tien, les princes ont plu­tôt recon­nu et pro­cla­mé qu’il appar­te­nait, dans sa plé­ni­tude, à l’Eglise. En effet, Honorius, Théodose le Jeune, Justinien, n’hé­si­tèrent pas à avouer que, dans les matières qui se rap­portent au mariage, ils n’a­vaient d’autre auto­ri­té que celle de gar­diens et de défen­seurs des saints canons. Quant aux empê­che­ments de mariage, s’ils pro­mul­guèrent à ce sujet des édits, ils en expo­sèrent spon­ta­né­ment le motif en décla­rant qu’ils le fai­saient avec la per­mis­sion et par l’au­to­ri­té de l’Eglise. C’est à son juge­ment d’ailleurs qu’ils avaient cou­tume de recou­rir ou de défé­rer avec res­pect dans les contro­verses au sujet de la légi­ti­mi­té des nais­sances, des divorces, et de toutes les ques­tions enfin qui avaient quelque rap­port essen­tiel avec le lien conju­gal. Il a donc été défi­ni à bon droit au concile de Trente qu’il est au pou­voir de l’Eglise d’é­ta­blir des empê­che­ments diri­mants27 et que les causes matri­mo­niales res­sor­tissent aux tri­bu­naux ecclé­sias­tiques28.

Que per­sonne non plus ne se laisse prendre à cette dis­tinc­tion, tant prô­née des légistes, qui sépare le contrat nup­tial du sacre­ment. Son but est de livrer le contrat au pou­voir et au juge­ment des princes tem­po­rels, en réser­vant à l’Eglise le sacrement.

Cette dis­tinc­tion, ou, pour mieux dire, cette sépa­ra­tion ne sau­rait être admise. Il est recon­nu que, dans le mariage chré­tien, le contrat ne peut être sépa­ré du sacre­ment. Il ne peut donc y avoir contrat véri­table et légi­time, sans qu’il y ait, par cela même, sacre­ment. En effet, Notre-​Seigneur Jésus-​Christ a éle­vé le mariage à la digni­té de sacre­ment ; or, le mariage c’est le contrat lui-​même, s’il est fait selon le droit.

En outre, le mariage est un sacre­ment, parce qu’il est un signe sacré qui pro­duit la grâce et offre l’i­mage des noces mys­tiques du Christ avec l’Eglise. Or, la forme et la figure de ces noces sont pré­ci­sé­ment ce lien de par­faite union qui lie l’homme et la femme l’un à l’autre, et qui n’est autre que le mariage lui-​même. Toute union légi­time entre chré­tiens est donc évi­dem­ment, en soi et par soi, sacre­ment. Il n’y a rien de plus contraire à la véri­té que de consi­dé­rer le sacre­ment comme une sorte de céré­mo­nie addi­tion­nelle, ou un carac­tère extrin­sèque qui puisse au gré des hommes être dis­joint et retran­ché du contrat.

Donc, la rai­son ne prouve pas, et l’his­toire, ce témoin des temps, ne montre pas davan­tage que le pou­voir sur le mariage des chré­tiens ait été légi­ti­me­ment attri­bué aux chefs de l’Etat. Si le droit d’au­trui a été vio­lé en cette matière, per­sonne ne dira qu’il l’a été par l’Eglise.

Plût à Dieu que les doc­trines ratio­na­listes ne fussent pas aus­si fécondes en ruines et en cala­mi­tés qu’elles sont pleines de men­songe et d’in­jus­tice. Mais on voit faci­le­ment quels maux la pro­fa­na­tion des mariages a pro­duits et pro­dui­ra dans la socié­té tout entière.

D’après une loi divi­ne­ment éta­blie dès l’o­ri­gine, les ins­ti­tu­tions dont Dieu et la nature ont été les auteurs, nous sont d’au­tant plus utiles et salu­taires qu’elles demeurent plus inté­gra­le­ment et plus immua­ble­ment dans leur état pri­mi­tif. Dieu, le créa­teur de toutes choses, savait bien ce qu’exi­geaient l’é­ta­blis­se­ment et la conser­va­tion de cha­cune d’elles. Il les a toutes ordon­nées par sa volon­té et dans son esprit, de façon que cha­cune attei­gnît conve­na­ble­ment sa fin. Mais si la témé­ri­té ou la malice des hommes veut chan­ger et trou­bler l’ordre des choses éta­bli avec la plus admi­rable pro­vi­dence, les ins­ti­tu­tions les plus sage­ment et les plus uti­le­ment dis­po­sées deviennent nui­sibles ou cessent d’être utiles, soit qu’elles aient en se modi­fiant per­du leur effi­ca­ci­té pour le bien, soit que Dieu lui-​même veuille tirer ce châ­ti­ment de l’or­gueil et de l’au­dace des hommes.

Or ceux qui nient le carac­tère sacré du mariage et qui, après l’a­voir dépouillé de toute sain­te­té, le mettent au rang des choses pro­fanes ren­versent les fon­de­ments de la nature. Ils s’op­posent aux des­seins de la divine Providence, et détruisent, autant qu’il est en eux, ce que Dieu a éta­bli. Aussi n’est-​il pas éton­nant que ces efforts insen­sés et impies pro­duisent tant de maux si funestes au salut des âmes et au main­tien de la société.

Si l’on consi­dère le but de l’ins­ti­tu­tion divine du mariage, Dieu a vou­lu évi­dem­ment mettre en lui les sources les plus fécondes du bien et du salut publics. En effet, le mariage, qui tend à la pro­pa­ga­tion du genre humain, a aus­si pour objet de rendre la vie des époux meilleure et plus heu­reuse. Il le fait de plu­sieurs manières : par l’as­sis­tance mutuelle dans le sup­port des néces­si­tés de la vie, par un amour constant et fidèle, par la mise en com­mun de tous les biens, par la grâce céleste qui émane du sacrement.

Le mariage est aus­si, pour la famille, une aide très effi­cace. Quand il est selon l’ordre de la nature et conforme aux des­seins de Dieu, il contri­bue puis­sam­ment à main­te­nir la concorde entre les parents, à assu­rer la bonne édu­ca­tion des enfants, à régler la puis­sance pater­nelle sur le modèle de la puis­sance divine, à rendre les enfants obéis­sants à leurs parents et les ser­vi­teurs à leurs maîtres.

Les Etats peuvent attendre de tels mariages une race et des géné­ra­tions de citoyens qui, ani­més de sen­ti­ments hon­nêtes et éle­vés dans le res­pect et l’a­mour de Dieu, se consi­dé­re­ront comme obli­gés d’o­béir à ceux qui com­mandent jus­te­ment et légi­ti­me­ment, d’ai­mer leur pro­chain et de ne léser personne.

Ces résul­tats, si nom­breux et si impor­tants, le mariage les a réel­le­ment pro­cu­rés, aus­si long­temps qu’il a conser­vé les qua­li­tés de sain­te­té, d’u­ni­té de per­pé­tui­té d’où dépend toute son influence féconde et salu­taire. Il aurait cer­tai­ne­ment conti­nué à pro­duire les mêmes effets, s’il était res­té tou­jours et par­tout sous l’au­to­ri­té et sous la sau­ve­garde de l’Eglise, fidèle gar­dienne et res­tau­ra­trice de ses pré­ro­ga­tives. Mais on a vou­lu par­tout sub­sti­tuer le droit humain au droit natu­rel et divin. Dès lors, la haute concep­tion du mariage, impri­mée et comme scel­lée par la nature dans l’es­prit des hommes, a com­men­cé à s’al­té­rer. De plus dans les mariages des chré­tiens eux-​mêmes, la source pro­duc­trice de ces grands bien­faits s’est beau­coup affai­blie par la malice des hommes.

Que peut-​on attendre de bon de ces familles, d’où l’on veut ban­nir la reli­gion chré­tienne, qui est la mère de tous les biens, qui entre­tient les plus hautes ver­tus, qui excite et entraîne vers tout ce qui honore une âme géné­reuse et élevée ?

La reli­gion écar­tée et reje­tée, le mariage tombe néces­sai­re­ment sous la ser­vi­tude de la nature vicieuse de l’homme et des pires pas­sions maî­tresses de son cœur : l’hon­nê­te­té natu­relle ne peut pas lui four­nir une effi­cace pro­tec­tion. C’est de là que tant de maux ont décou­lé non seule­ment dans les familles par­ti­cu­lières, mais aus­si dans les Etats. Sans la crainte salu­taire de Dieu, sans cet adou­cis­se­ment aux épreuves de la vie qu’on ne trouve nulle part autant que dans la reli­gion chré­tienne, il arrive très sou­vent, comme par une pente natu­relle, que les charges et les devoirs du mariage semblent presque insupportables.

Le nombre n’est que trop grand de ceux qui, jugeant que le lien contrac­té dépend de leur volon­té et d’un droit pure­ment humain, éprouvent le désir de le rompre lorsque l’in­com­pa­ti­bi­li­té des carac­tères, ou la dis­corde, ou l’in­fi­dé­li­té d’un des époux, ou le consen­te­ment réci­proque, ou d’autres rai­sons les engagent à recou­vrer leur liberté.

Si la loi s’op­pose à la réa­li­sa­tion de leurs inten­tions déré­glées, ils s’é­crient que les lois sont injustes, inhu­maines, contraires au droit de citoyens libres. Ils en concluent qu’il faut mettre tout en œuvre pour les annu­ler et les abro­ger et leur auto­ri­ser le divorce par une loi plus com­mode. Les légis­la­teurs actuels, qui pro­fessent un atta­che­ment si tenace aux mêmes prin­cipes de droit ne peuvent pas se défendre contre ces ten­dances per­verses dont nous avons par­lé, lors même qu’ils le vou­draient ardem­ment. C’est pour­quoi on en conclut qu’il faut céder aux exi­gences de l’é­poque et que le divorce doit être autorisé.

C’est ce que l’his­toire elle-​même nous apprend, par exemple, à la fin du siècle der­nier. Pendant cette révo­lu­tion ou plu­tôt cette dis­so­lu­tion de la France, alors que la socié­té s’é­tait sécu­la­ri­sée en chas­sant Dieu de son sein, on en vint fina­le­ment à sanc­tion­ner le divorce par les lois. Beaucoup de gens dési­rent aujourd’­hui les voir remises en vigueur, parce qu’ils veulent ban­nir Dieu et l’Église et les chas­ser de la socié­té humaine. Ils s’i­ma­ginent fol­le­ment qu’il faut deman­der à de pareilles lois un remède suprême à la cor­rup­tion crois­sante des mœurs.

Mais il est à peine besoin de dire tout ce que le divorce ren­ferme de consé­quences funestes.

Il rend les contrats de mariage révo­cables ; il amoin­drit l’af­fec­tion mutuelle ; il four­nit de dan­ge­reux sti­mu­lants à l’in­fi­dé­li­té ; il com­pro­met la conser­va­tion et l’é­du­ca­tion des enfants ; il offre une occa­sion de dis­so­lu­tion à la socié­té fami­liale ; il sème des germes de dis­corde entre les familles ; il dégrade et ravale la digni­té de la femme, qui court le dan­ger d’être aban­don­née après avoir ser­vi aux pas­sions de l’homme.

Or il n’y a rien de plus puis­sant pour détruire les familles et bri­ser la force des Etats que la cor­rup­tion des mœurs. Il n’y a donc rien de plus contraire à la pros­pé­ri­té des familles et des Etats que le divorce. Né de la per­ver­sion morale des peuples, le divorce, l’ex­pé­rience l’at­teste, ouvre la voie et la porte à une dépra­va­tion plus grande encore des mœurs pri­vées et publiques.

Ces maux paraî­tront encore plus graves si l’on consi­dère qu’une fois la liber­té du divorce accor­dée, il n’y aura jamais d’obs­tacle assez puis­sant pour la conte­nir dans les limites déter­mi­nées et pré­vues d’avance.

Grande est la force des exemples, plus grande encore est celle des pas­sions. Avec de pareils sti­mu­lants, il doit arri­ver que le désir effré­né du divorce, s’in­si­nuant chaque jour davan­tage, s’empare d’un plus grand nombre de cœurs. C’est comme une mala­die qui se pro­page par conta­gion, ou comme un fleuve qui déborde après avoir fran­chi ses digues.

Toutes ces choses sont évi­dentes par elles-​mêmes. Elles deviennent plus mani­festes encore par l’é­vo­ca­tion des sou­ve­nirs du pas­sé. Dès que la loi eut faci­li­té les divorces, on vit croître rapi­de­ment les dis­sen­ti­ments, les que­relles, les sépa­ra­tions. Il en est résul­té une telle cor­rup­tion que ceux mêmes qui avaient été les défen­seurs du divorce en vinrent à se repen­tir de leur œuvre. S’ils n’a­vaient cher­ché à temps à y remé­dier par la loi contraire, il était à craindre que la socié­té ne cou­rût pré­ci­pi­tam­ment à sa perte.

On rap­porte que les anciens Romains virent avec hor­reur les pre­miers cas de divorce. Mais le sen­ti­ment de l’hon­nê­te­té s’o­bli­té­ra bien­tôt dans les esprits. La pudeur, modé­ra­trice de la pas­sion, dis­pa­rut. La foi conju­gale fut alors vio­lée avec une telle licence qu’on peut admettre comme très vrai­sem­blable ce que nous lisons dans plu­sieurs écri­vains, que les femmes avaient cou­tume de comp­ter leurs années, non par le chan­ge­ment des consuls, mais par celui de leurs maris.

De même chez les pro­tes­tants, on avait d’a­bord pro­mul­gué des lois pour per­mettre le divorce en cer­tains cas déter­mi­nés, vrai­ment peu nom­breux. Mais, on le recon­nut bien­tôt, en rai­son du rap­pro­che­ment de causes sem­blables, le nombre s’en accrut en Allemagne, en Amérique et ailleurs, à tel point que les gens encore sen­sés esti­mèrent sou­ve­rai­ne­ment déplo­rable cette extrême dépra­va­tion des mœurs et l’in­to­lé­rable impru­dence des lois.

Les choses ne se pas­sèrent pas autre­ment dans les Etats catho­liques. Lorsqu’on y per­mit la rup­ture des mariages, la mul­ti­tude des incon­vé­nients qui en résul­tèrent dépas­sa de beau­coup les pré­vi­sions des légis­la­teurs. Ce fut un crime très fré­quent que d’i­ma­gi­ner toute espèce d’ar­ti­fices et de fraudes, et au moyen de sévices, d’in­jures et d’a­dul­tères, de for­ger des cas de divorce pour pou­voir dis­soudre impu­né­ment les liens trop lourds de l’u­nion conju­gale. L’honnêteté publique en fut si ébran­lée, que tous jugèrent qu’il fal­lait tra­vailler au plus tôt à cor­ri­ger les lois.

Comment dou­ter que les lois favo­rables au divorce ne dussent avoir des suites éga­le­ment tristes et désas­treuses, si elles étaient remises main­te­nant en vigueur ? Les inven­tions et les décrets des hommes ne sau­raient avoir le pou­voir de chan­ger la nature et le carac­tère des choses. Aussi ceux-​là com­prennent bien mal le bien public, qui croient pou­voir impu­né­ment bou­le­ver­ser la condi­tion essen­tielle du mariage, et qui, au mépris de la sain­te­té atta­chée au mariage par la reli­gion et le sacre­ment, semblent vou­loir l’a­vi­lir et l’a­bais­ser au-​dessous même du niveau éta­bli par les lois païennes. S’ils ne changent pas d’a­vis, les familles et la socié­té humaine auront donc tou­jours à craindre d’être misé­ra­ble­ment jetées dans ce conflit et ce bou­le­ver­se­ment uni­ver­sels, pro­je­tés depuis long­temps par les sectes cri­mi­nelles des socia­listes et des com­mu­nistes. On voit com­bien il est dérai­son­nable et absurde de deman­der le salut public au divorce, qui doit plu­tôt ame­ner la ruine cer­taine de la société.

Il faut donc le recon­naître, l’Eglise catho­lique a bien méri­té de tous les peuples par le soin qu’elle a pris constam­ment de pro­té­ger la sain­te­té et la per­pé­tui­té des mariages. On lui doit une grande recon­nais­sance pour ses inter­ven­tions. Elle a hau­te­ment récla­mé contre les lois civiles si défec­tueuses en cette matière qui ont été pro­mul­guées depuis cent ans29. Elle a frap­pé d’a­na­thème l’a­bo­mi­nable héré­sie des pro­tes­tants sur le divorce et la répu­dia­tion30. Elle a condam­né à plu­sieurs reprises cer­tains cas de dis­so­lu­tion de mariage adop­tés par les Grecs31. Elle a pro­non­cé la nul­li­té des mariages conclus à cette condi­tion qu’ils pour­raient être un jour dis­sous. Elle a enfin reje­té, dès le com­men­ce­ment, les lois impé­riales qui favo­ri­saient mal­heu­reu­se­ment le divorce et la répu­dia­tion32.

Chaque fois que les Pontifes suprêmes ont résis­té aux princes les plus puis­sants, qui deman­daient avec menaces à l’Eglise, de rati­fier le fait de leur divorce, ils ont cer­tai­ne­ment lut­té, non seule­ment pour l’in­té­gri­té de la reli­gion, mais aus­si pour la civi­li­sa­tion de l’hu­ma­ni­té. Tous les âges admi­re­ront l’in­vin­cible fer­me­té dont témoignent les décrets de Nicolas Ier contre Lothaire ; ceux d’Urbain II et de Paschal II contre Philippe Ier, roi de France ; ceux de Célestin III et d’Innocent III contre Alphonse de Léon et Philippe II, roi de France ; ceux de Clément VII et de Paul III contre Henri VIII, ceux enfin du très saint et intré­pide Pie VII contre Napoléon Ier, enor­gueilli de ses suc­cès et de la gran­deur de son empire.

Si tous ceux qui gou­vernent et admi­nistrent les affaires publiques avaient vou­lu se confor­mer à la rai­son, à la sagesse, et agir pour le bien des peuples, ils auraient dû main­te­nir intactes les saintes lois du mariage, et pro­fi­ter du concours offert par l’Eglise, pour la pro­tec­tion des bonnes mœurs et la pros­pé­ri­té des familles, au lieu de faire soup­çon­ner l’Eglise d’hos­ti­li­té et de l’ac­cu­ser faus­se­ment et injus­te­ment d’a­voir vio­lé le droit civil.

C’étaient d’au­tant plus leur devoir que l’Eglise catho­lique, qui ne peut man­quer à aucune de ses obli­ga­tions, ni renon­cer à défendre son droit, a éga­le­ment pour habi­tude de se mon­trer tou­jours dis­po­sée à la bon­té et à l’in­dul­gence, lorsque l’in­té­gri­té de ses droits et la sain­te­té de ses devoirs ne sont pas mena­cées. Elle n’a donc jamais rien décré­té sur le mariage sans avoir égard à l’é­tat de la socié­té et à la situa­tion des peuples. Elle a plus d’une fois adou­ci, dans la mesure du pos­sible, les rigueurs de ses lois, lors­qu’il y avait des causes graves et justes.

Elle n’i­gnore pas, et elle recon­naît, que le sacre­ment du mariage, ayant pour objet la conser­va­tion et l’ac­crois­se­ment de la socié­té humaine, a des rela­tions néces­saires et des points de contact avec les choses humaines. Celles-​ci sont bien des consé­quences du mariage, mais elles rentrent dans l’ordre civil et sont de la com­pé­tence et du res­sort des chefs de l’Etat.

Jésus-​Christ, le fon­da­teur de l’Eglise, a vou­lu sans aucun doute que le pou­voir reli­gieux fût dis­tinct du pou­voir civil. Chacun d’eux peut, dans sa sphère propre, agir libre­ment et sans contrainte.

Il y a tou­te­fois une condi­tion. Comme le requièrent leur avan­tage à tous deux et l’in­té­rêt des hommes, l’u­nion et la concorde doivent régner entre eux. De plus, dans les ques­tions qui appar­tiennent pour des motifs dif­fé­rents à la juri­dic­tion et au juge­ment de l’un et de l’autre, celui à qui les choses humaines ont été confiées doit dépendre, comme il convient, de celui qui a la garde des choses célestes.

Cet arran­ge­ment et cette espèce d’har­mo­nie sont ce qu’il y a de mieux pour les deux pou­voirs. C’est encore le moyen le plus oppor­tun et le plus effi­cace de venir en aide aux hommes, en ce qui concerne la conduite de la vie et l’es­pé­rance du salut éter­nel. Ainsi que Nous l’a­vons démon­tré dans Nos pré­cé­dentes Encycliques, de même que l’in­tel­li­gence de l’homme, en s’ac­cor­dant avec la foi chré­tienne, s’en­no­blit gran­de­ment et devient beau­coup plus forte pour évi­ter et repous­ser les erreurs, tan­dis que de son côté la foi reçoit de l’in­tel­li­gence un pré­cieux appui33 ; de même, le bon accord de l’au­to­ri­té civile avec le pou­voir sacré de l’Eglise assure à tous deux de grands avan­tages. La pre­mière y gagne en digni­té et son auto­ri­té, ayant la reli­gion pour guide, ne sera jamais injuste ; l’autre y trouve des moyens de pro­tec­tion et de défense pour le bien public des fidèles.

D’après ces consi­dé­ra­tions, Nous exhor­tons de nou­veau for­te­ment, comme déjà Nous l’a­vons fait en d’autres cir­cons­tances tous les chefs d’Etat à la concorde et à l’a­mi­tié avec l’Eglise. Nous leur ten­dons, en quelque sorte, la main les pre­miers, avec une bien­veillance pater­nelle. Nous leur offrons le secours de notre puis­sance suprême, dont l’ap­pui leur est à cette époque d’au­tant plus néces­saire que le droit de com­man­der, comme s’il avait reçu quelque bles­sure, se trouve tout ébran­lé dans l’o­pi­nion publique. En ce moment, les esprits sont avides d’une liber­té sans frein et secouent avec une abo­mi­nable audace le joug de toute auto­ri­té, même la plus légi­time. Le salut public demande donc que les deux pou­voirs asso­cient leurs forces pour pré­ve­nir les catas­trophes qui menacent non seule­ment l’Eglise, mais encore la socié­té civile.

Tout en recom­man­dant hau­te­ment cet accord ami­cal des volon­tés, et en priant Dieu, prince de la paix, d’ins­pi­rer à tous les hommes l’a­mour de la concorde, Nous ne pou­vons Nous empê­cher, Vénérables Frères, d’en­cou­ra­ger de plus en plus, par Nos exhor­ta­tions, votre acti­vi­té, Votre zèle et votre vigi­lance, que Nous savons être si grands. Employez tous vos efforts, toute votre auto­ri­té, afin que, par­mi les popu­la­tions confiées à vos soins, rien ne vienne alté­rer ou cor­rompre la doc­trine que Notre-​Seigneur Jésus-​Christ et les apôtres, inter­prètes de la volon­té céleste, nous ont trans­mise, que l’Eglise catho­lique a conser­vée reli­gieu­se­ment et qu’elle veut voir pra­ti­quée par tous les chré­tiens et dans tous les temps.

Prenez grand soin à ce que les peuples reçoivent abon­dam­ment les pré­ceptes de la sagesse chré­tienne. Qu’ils n’ou­blient jamais que le mariage a été éta­bli ori­gi­nai­re­ment, non par la volon­té des hommes, mais par l’au­to­ri­té et la volon­té de Dieu, avec cette loi abso­lue qu’il ne peut exis­ter qu’entre un seul homme et une seule femme ; que le Christ, auteur de la nou­velle alliance, a trans­for­mé en sacre­ment cette ins­ti­tu­tion qui était seule­ment réglée par la loi natu­relle, et qu’il a trans­mis à son Eglise le pou­voir légis­la­tif et judi­ciaire sur ce qui concerne le lien conju­gal. Il faut veiller atten­ti­ve­ment à ce que les esprits ne soient pas induits en erreur sur ce point par les trom­peuses théo­ries des adver­saires qui vou­draient enle­ver ce pou­voir à l’Eglise.

Tout le monde doit savoir aus­si que chez les chré­tiens l’u­nion de l’homme et de la femme, contrac­tée en dehors du sacre­ment, n’a ni la vali­di­té, ni la nature d’un vrai mariage. Fût-​elle conforme aux lois civiles, elle n’a cepen­dant d’autre valeur que celle d’une for­ma­li­té ou d’un usage intro­duit par le droit civil. Mais le droit civil ne peut régler et admi­nis­trer que les choses qui, dans l’ordre civil, sont des consé­quences du mariage. Or ces consé­quences ne peuvent évi­dem­ment pas se pro­duire si leur cause vraie et légi­time, c’est-​à-​dire le lien nup­tial, n’existe pas.

Il est d’un très grand inté­rêt pour les époux de bien connaître toutes ces choses, de s’en péné­trer et de se les gra­ver dans l’es­prit. Ils pour­ront ain­si, en sûre­té de conscience, se confor­mer aux lois civiles sur ce point. L’Eglise même ne s’y oppose pas, parce qu’elle veut et désire que les effets du mariage soient sau­ve­gar­dées dans toutes leurs par­ties, et que les enfants ne soient aucu­ne­ment lésés dans leurs intérêts.

Au milieu de la grande confu­sion des opi­nions qui s’in­si­nuent chaque jour davan­tage, il faut éga­le­ment savoir qu’il n’est au pou­voir de per­sonne de rompre le lien d’un mariage conclu et consom­mé entre chré­tiens. Les époux qui veulent s’en­ga­ger dans les liens d’un nou­veau mariage avant que la mort n’ait rom­pu le pre­mier sont donc gra­ve­ment cou­pables, quel que soit le motif invoqué.

Si les choses en arrivent à ce point que la vie com­mune ne paraisse pas pou­voir être sup­por­tée plus long­temps, l’Eglise per­met la sépa­ra­tion des deux époux. Mais elle s’ef­force d’en adou­cir les incon­vé­nients en pre­nant tous les moyens et en employant tous les remèdes en rap­port avec la situa­tion des époux, et elle ne néglige pas de tra­vailler à leur récon­ci­lia­tion dont jamais elle ne désespère.

Les époux pour­raient faci­le­ment échap­per à ces extré­mi­tés, si, au lieu de se lais­ser empor­ter par la pas­sion, ils s’ap­pro­chaient du mariage avec les dis­po­si­tions requises après avoir mûre­ment pesé les devoirs des époux et les motifs très nobles du mariage et s’ils n’ex­ci­taient pas la colère de Dieu, en anti­ci­pant sur le mariage par une série conti­nuelle de fautes. Pour résu­mer tout en peu de mots, la sta­bi­li­té heu­reuse et pai­sible des familles sera assu­rée lorsque les époux pui­se­ront l’es­prit et la vie dans la ver­tu de reli­gion. La reli­gion rend l’âme forte et invin­cible. Grâce à elle, les défauts, qui peuvent exis­ter dans les per­sonnes, la dif­fé­rence des habi­tudes et des carac­tères, le poids des sou­cis mater­nels, l’ins­tante sol­li­ci­tude de l’é­du­ca­tion des enfants, les peines insé­pa­rables de la vie, les mal­heurs, sont sup­por­tés avec patience, et même avec générosité.

Il faut aus­si veiller à ce qu’on ne se décide pas faci­le­ment à contrac­ter mariage avec des non-​catholiques. Lorsque les âmes sont en désac­cord sur la reli­gion, il est bien dif­fi­cile qu’elles soient long­temps d’ac­cord sur les autres points. De sem­blables unions four­nissent l’oc­ca­sion de par­ti­ci­per à des pra­tiques reli­gieuses défen­dues. Elles créent un péril pour la foi de l’é­poux catho­lique. Elles sont un empê­che­ment à la bonne édu­ca­tion des enfants, et très sou­vent elles accou­tument les esprits à tenir pour équi­va­lentes toutes les reli­gions, en leur fai­sant perdre le dis­cer­ne­ment du vrai et du faux. Ce sont autant de rai­sons de les éviter.

En der­nier lieu, com­pre­nant que per­sonne ne doit être étran­ger à Notre cha­ri­té, Nous recom­man­dons, Vénérables Frères, à votre auto­ri­té, à votre foi et à votre pié­té les mal­heu­reux qui, dévo­rés par le feu des pas­sions et com­plè­te­ment oublieux de leur salut, vivent dans le désordre, unis par des liens illé­gi­times. Appliquez donc les res­sources de votre zèle à rap­pe­ler ces hommes à leur devoir. Efforcez-​vous de toute manière, soit par vous-​mêmes, soit par l’en­tre­mise des œuvres consti­tuées par les gens de bien, de leur faire com­prendre leur tort, de les por­ter au repen­tir de leur faute et de les dis­po­ser à contrac­ter un mariage légi­time selon le rite catholique.

Il vous est facile de voir, Vénérables Frères, que les ensei­gne­ments et les pré­ceptes que Nous avons jugé à pro­pos de vous don­ner par cette lettre, ne sont pas moins utiles à la conser­va­tion de la socié­té civile qu’au salut éter­nel des hommes. Plaise à Dieu qu’ils soient accep­tés par tous les esprits avec d’au­tant plus d’empressement et de doci­li­té qu’ils sont plus graves et plus importants.

A cet effet, implo­rons tous ensemble, par une humble et sup­pliante prière le secours de la bien­heu­reuse Vierge Marie Immaculée. Qu’elle se montre la mère et l’auxi­liaire de tous les hommes, en incli­nant les esprits à se sou­mettre à la foi. Prions avec la même ardeur Pierre et Paul, princes des apôtres, vain­queurs de la super­sti­tion, semeurs de la véri­té. Que, par leur puis­sante pro­tec­tion, ils pré­servent le genre humain du déluge des erreurs renaissantes.

En atten­dant, comme pré­sage des faveurs célestes, et en témoi­gnage de Notre par­ti­cu­lière bien­veillance, Nous accor­dons de tout cœur, à vous tous, Vénérables Frères, et aux peuples confiés à Votre vigi­lance, la béné­dic­tion apostolique.

Donné à Rome, près Saint-​Pierre, le 10 février 1880, la deuxième année de notre pontificat.

LÉON XIII, Pape

  1. Eph. I, 9–10. []
  2. Matth. XIX, 5–6 []
  3. Matth. XIX, 8 []
  4. S. Jérôme Epist. 77, 3 PL 22, 691 []
  5. Arnobius, Adversus Gentes, 4 []
  6. Dionysius Halicarnassus, lib. II, c. 26–27 []
  7. Joan. II []
  8. Matth. XIX, 9 []
  9. Conc. Trid., sess. XXIV, in prin­ci­pio []
  10. Conc. Trid., sess. XXIV, cap.1, De refor­ma­tione matri­mo­nii. []
  11. Eph. V, 25–32 []
  12. I Cor. VII, 10–11 []
  13. I Cor. VII, 39 []
  14. Eph. V, 32 []
  15. Hebr. XIII, 4 []
  16. Eph. II, 19 []
  17. Catéch. Rom., c. XXVII, IV []
  18. Eph. V, 23–24 []
  19. Eph. VI, 4 []
  20. Act. XV, 29 []
  21. I Cor. V, 5 []
  22. S. Jérôme, Epist. 77 PL 22, 691 []
  23. Epistola ad Polycarpum, cap. 5 PG 5, 723–724 []
  24. Apolog. Maj., 15 PG 6. 349A. B []
  25. Legat. pro Christian., 32, 33 PG 6, 963–968 []
  26. De coron. milit., 13 PL 2, 116 []
  27. Conc. Trid., sess. XXIV, can. 4 []
  28. Ibid., can. 12 []
  29. Pie VI, Epist. ad episc. Lucion., 20 mai 1793 ; Pie VII, let. ency­cl. du 17 fév. 1809 et consti­tu­tion du 19 juillet 1817 ; Pie VIII, let. ency­cl. du 29 mai 1829 ; Grégoire XVI, consti­tu­tion du 15 août 1832 ; Pie IX, alloc. du 22 sept. 1852. []
  30. Conc. Trid., sess. XXIV, can. 5 et 7 []
  31. Concile de Florence et ins­truc­tions d’Eugène IV aux Arméniens, Benoît XIV, consti­tu­tion Etsi Pastoralis, 6 mai 1742 []
  32. S. Jérôme, Epist. 69, ad Oceanum PL 22, 657 ; S. Ambroise, Lib. 8 in cap. 16 Lucae, n. 5 PL 15, 1857 ; S. Augustin, De nup­tiis, 1, 10, 11 PL 44, 420 []
  33. Aeterni Patris, 4 août 1879 []