1) Histoire
Au VIIe siècle (641), Sigiranus, fils du comte de Bourges, établit un monastère au bord de la Claise, au lieu dit « Longoret » (soit « le long-gué », du celtique ritos, gué). Le vocable primitif de Notre-Dame de Longoret céda la place à celui du premier abbé, sous lequel l’abbaye est la plus connue (Sigiranus>Cyran, d’où Abbaye Saint-Cyran). Saint-Michel est le vocable de l’église paroissiale qui a donné son nom à la commune. La Brenne est une région au sol argileux très pauvre. D’après la tradition locale, ce sont les moines de Saint-Cyran et de l’abbaye voisine de Méobecq qui mirent la région en valeur en aménageant les étangs qui permirent la pisciculture tout en drainant les terres marécageuses.
En 1462 commence à Saint-Cyran la série des abbés « commendataires ». Un abbé « commendataire » est un abbé plus ou moins « sur le papier » : il n’est pas religieux, n’est pas élu par les moines mais nommé par le roi ; il ne réside pas ordinairement sur place, mais délègue le soin spirituel des religieux à un prieur claustral. Il se contente d’administrer le temporel et de percevoir à son profit personnel une part importante des revenus fonciers de l’abbaye, le reste étant destiné à faire vivre la communauté et à entretenir les bâtiments. Le système de la commende fut une catastrophe pour les abbayes qui y furent soumises.
De 1620 à 1643, l’abbé commendataire fut le trop célèbre Jean Duvergier de Hauranne, passé dans l’histoire sous le nom d’ « abbé de Saint-Cyran », l’un des principaux fauteurs de l’hérésie janséniste. Son neveu Martin de Barcos lui succéda jusqu’en 1678. Tous deux peuplèrent l’abbaye de religieux jansénistes, de sorte que l’archevêque de Bourges, désireux d’en finir avec ce foyer de troubles, fit fermer l’abbaye sur ordre du roi en 1712.
La destruction des lieux réguliers s’échelonna sur tout le XVIIIe siècle. Sur l’emplacement de l’abbatiale et du cloître s’élève un médiocre château construit au XIXe et aujourd’hui mairie.
Les communs ont en revanche subsisté. Ils forment un ensemble en forme de fer à cheval où s’échelonnaient jadis écurie, étable, grange, pressoir, logement du gardien et moulin. L’ancienne hôtellerie, d’époque Renaissance, avait hébergé quelques solitaires de Port-Royal ; elle se mire dans l’étang et constitue le plus joli des bâtiments subsistants. Ceux-ci avaient en dernier lieu abrité une colonie de vacances lorsque Mgr Lefebvre acheta ces derniers vestiges de l’antique abbaye en 1975.
Il fit aménager une partie des locaux pour y aménager un prieuré et une maison d’exercices spirituels, et quelques retraites y furent de fait prêchées. Mais une seule maison (Le Pointet) suffisant dans le district pour cet usage, la maison abrita les Sœurs de la Fraternité Saint-Pie X à partir de septembre 1977.
La congrégation des Sœurs de la Fraternité Saint-Pie X existait déjà dans les projets de Monseigneur dès 1970 ; les statuts de la Fraternité rédigés à cette date y font allusion. Mais la réalisation pratique ne commença qu’en 1974, avec l’arrivée de quelques jeunes filles à Albano (près de Rome) autour de Mère Marie Gabriel. Désireux en 1977 de récupérer la maison d’Albano pour ses séminaristes, et ne réussissant pas à trouver une propriété convenable proche de la frontière suisse et d’Ecône, Mgr Lefebvre mit à la disposition des Sœurs les communs de l’Abbaye Saint-Cyran, baptisés « Abbaye Saint-Michel » pour faire oublier le trop fameux janséniste.
Pendant plus de 40 ans, la communauté des Sœurs se contenta pour chapelle de la grande pièce aménagée à cette fin en 1975. Pour faire face à l’accroissement continu de la congrégation, tous les autres bâtiments furent peu à peu aménagés, puis le noviciat déménagea à Ruffec en 1989 (voir ce nom), seule la maison mère et le catéchisme par correspondance restant à Saint-Michel. Mais ce n’était pas suffisant, d’où le projet de construction d’une église.
2) Description
La nouvelle église, qui reprend le vocable d’origine de Saint-Cyran, ne pouvait pas reprendre l’emplacement de l’ancienne, occupé par la mairie. Elle fut située au centre du fer à cheval formé par les anciens communs, dans l’axe de la porte d’entrée et régulièrement orientée. Les volumes généraux ont des proportions anciennes.
Des matériaux modernes ont été utilisés pour la structure : béton pour la tribune portant le clocher, briques isolantes pour les murs. Toutes les parties visibles ont en revanche été réalisées avec des matériaux à l’ancienne : enduits talochés à la chaux pour l’intérieur et l’extérieur, pierre de Chauvigny pour les encadrements des ouvertures, tuiles plates de Puycheny pour la toiture, lattes de châtaignier pour la voûte en carène de bateau sur la nef, dallage en pierre de La Celle. L’autel de pierre est fait en partie d’éléments récupérés. Trois des vitraux sont figuratifs (la crucifixion, Saint Joseph et Saint Cyran, sur des cartons des sœurs), les autres ont des losanges à l’ancienne.
En conséquence, l’impression de tous les visiteurs est que cette église pourtant toute neuve « a toujours été là », ce qui constitue le plus beau compliment pour l’architecte et les entreprises, tous spécialisés dans la restauration du patrimoine.
Seul le clocher, résultat des contraintes administratives de l’Architecte des bâtiments de France et des contraintes techniques de l’entreprise qui construisait son premier clocher, a une forme plus surprenante ; il abrite cependant déjà deux cloches de la fonderie Paccard qui sonnent joyeusement en attendant la consécration de l’église prévue, si Dieu veut, le 31 octobre 2020.