L’Ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel connaît un bel essor parmi les Catholiques fidèles à la Tradition puisque, à partir du Carmel de Quiévrain, longtemps dirigé par la regrettée Révérende Mère Marie-Christiane du Saint-Esprit, sœur de Mgr Lefebvre, les fondations se sont multipliées en divers pays du monde, à tel point qu’il y a désormais 4 Carmels.
Il est vrai que celui que Notre-Seigneur appelle « l’Ordre de ma Mère » correspond à un besoin constant de l’Église et notamment dans les périodes de crise. A la vocation contemplative du Carmel s’ajoute une vocation apostolique. A la vie érémitique, son « fondateur », le prophète Élie, joignait la prière d’intercession qui valut à Israël son salut au moment où tout semblait perdu. De même « ayant appris de quelles terribles épreuves souffrait la France, les ravages qu’y avaient déjà faits les Luthériens, et les développements que prenait leur malheureuse secte », sainte Thérèse de Jésus « répandait des larmes auprès du Seigneur et le suppliait d’apporter un remède à un tel mal ». Le parallèle n’est que trop facile à faire entre la situation de l’Église aujourd’hui et celle de la chrétienté d’alors ou celle d’Israël enfoncé dans l’idolâtrie et le péché au temps d’Élie.
L’Ordre de la Vierge
Vers 1150, à l’instar de saint Élie et des solitaires qui avaient habité la Sainte Montagne, saint Berthold et des Latins des croisades embrassèrent la vie érémitique dans la tradition des Pères du désert et des Moines d’Orient. En 1209 vraisemblablement, saint Albert, patriarche de Jérusalem, leur donnait une Règle. La première fondation en Occident se fit à Valenciennes vers 1224, mais le « passage » n’eut lieu qu’en 1238 à la suite des progrès des Sarrasins, qui devaient massacrer les derniers Carmes d’Orient après la chute de St-Jean-d’Acre en 1291. Chassé de Terre Sainte et mal accueilli en Terre Chrétienne, « l’Ordre de Sainte Marie » faillit disparaître. C’est alors que vers 1251, la Reine du Carmel apparut à son prieur général, saint Simon Stock, accompagnée d’une multitude d’anges, et tenant en sa main le scapulaire de l’Ordre, Elle lui dit : « Reçois, mon cher fils, ce scapulaire de ton Ordre, comme le signe distinctif et la marque du privilège que j’ai obtenu pour toi et les enfants du Carmel ; c’est un signe de salut, une sauvegarde dans les périls et le gage d’une paix et d’une protection spéciale jusqu’à la fin des siècles. Celui qui mourra revêtu de cet habit sera préservé des feux éternels ». Le saint prieur se leva réconforté, fit part à ses fils des promesses de Notre-Dame, et à partir de ce temps, l’Ordre, dégagé de tout péril, prospéra merveilleusement. En 1347, le pape Innocent IV avait finalement accordé aux « Frères de la Vierge » une adaptation de leur Règle qui leur permettait de prendre place auprès des nouveaux ordres mendiants, dominicain et franciscain. Le prestige de « l’habit de la Vierge » devint tel que l’on prit l’habitude de le conférer même à des laïcs.
De la guerre de Cent Ans et des nombreuses misères qui l’accompagnèrent naquit une nouvelle adaptation, la mitigation de la Règle accordée par le Pape Eugène IV en 1432. C’est de l’effort tendant à revenir à la Règle Primitive que devait surgir la Réforme de sainte Thérèse de Jésus avec la fondation du premier monastère des Carmélites Déchaussées en 1562. Saint Jean de la Croix allait établir simultanément des monastères de Carmes Déchaux. C’est qu’un siècle plus tôt, en 1451, le bienheureux Jean Soreth, Général de l’Ordre, avait décidé l’agrégation de couvents de moniales – ce fut le second Ordre – et la création d’un Tiers-Ordre, qui devait permettre aux laïcs eux-mêmes de participer à la vie de prière et de sacrifice du Carmel, tout comme à sa spiritualité et à ses privilèges.
Providentiellement munie de tous les pouvoirs requis et de l’assurance du soutien le plus dévoué, Mère Marie-Christiane du Saint-Esprit fonda un Carmel en 1977 et le transféra à Quiévrain en 1978. C’est Mgr Lefebvre qui procéda cette année-là à la bénédiction de sa chapelle. Le Tiers-Ordre devait être lui aussi instauré selon les mêmes principes de fidélité à l’Église et à sa Tradition.
Le Tiers-Ordre
Un Tiers-Ordre est le troisième Ordre d’une grande famille religieuse, le premier Ordre groupant les religieux, le second Ordre les religieuses. Un Tiers-Ordre séculier (à la différence d’un Tiers-Ordre régulier composé de membres vivant en communauté) est « une association de personnes qui, tout en restant dans le monde, se proposent de tendre à la perfection chrétienne, dans la mesure la plus compatible avec leur état », en étant unies à un Ordre religieux. Ainsi le Tiers-Ordre séculier carmélitain se rattache-t-il à l’Ordre du Carmel en suivant son esprit. L’admission se fait après trois mois de prépostulat, un an de postulat, et un an – voire un an et demi – de noviciat. Les frères et sœurs tertiaires – le Tiers-Ordre est mixte – font alors les vœux d’obéissance (« uniquement sur ce qui leur est commandé par les Supérieurs selon la teneur de la Règle ») et de chasteté selon leur état.
L’esprit du Tiers-Ordre est avant tout un esprit de prière et de contemplation. La prière doit être fondée sur celle de l’Église ; aussi les tertiaires sont-ils tenus à la récitation du Petit Office de la Sainte Vierge (à moins qu’ils ne récitent déjà intégralement le Grand Office), ou, s’ils ne peuvent pas lire, à vingt-cinq « Pater » et « Ave ». L’oraison mentale a une place toute particulière au Carmel comme l’a notamment souligné sainte Thérèse ; aussi les tertiaires y consacrent-ils une demi-heure chaque jour (ou une heure pour les prêtres). Prolongée par l’exercice de la présence de Dieu, elle leur permet de s’unir intimement à Lui. Ils s’adonnent également à la lecture spirituelle, qui les nourrit de Sa doctrine, et à l’examen de conscience, qui les aide à mieux se connaître et à se réformer.
Ils s’appuient sur les sacrements. C’est pourquoi il leur est demandé, si possible, d’assister tous les jours à la messe (traditionnelle, cela va sans dire) et d’y communier. Ils s’aident de la pénitence par les jeûnes et abstinences prescrits par l’Église, et par la Règle.
Enfin toutes ces obligations doivent mener à une véritable piété, profonde et éclairée, à une charité qui rayonne par les vertus de patience et de douceur, et à un esprit de discrétion et de fidélité dans l’accomplissement du devoir d’état.
Les tertiaires séculiers carmélitains doivent rester unis aux monastères du Carmel pour en garder l’esprit. Ils essaient donc de s’y rendre de temps à autre. Ils reçoivent le bulletin mensuel du Carmel de Quiévrain, où ils trouvent une aide spirituelle.
Abbé Louis-Paul Dubroeucq †, Octobre 2022
Adresse de correspondance
M. l’abbé Dubroeucq
Séminaire Saint-Curé-d’Ars
Maison Lacordaire
rue saint Dominique
21150 Flavigny-sur-Ozerain