3 mars

15e apparition – L’ascension

2e Mystère glorieux : l’ascension

Quand Bernadette, le 3 mars, par­vint à Massa­bielle, plu­sieurs mil­liers de per­sonnes l’at­ten­daient. Un bon nombre étaient arri­vées la veille et avaient pas­sé la nuit à la Grotte. La voyante se mit à genoux, son cha­pe­let enla­cé aux doigts. Mais c’est en vain qu’elle atten­dit « assez long­temps ». La Dame ne lui appa­rut pas. Elle se reti­ra alors, le cœur rem­pli de tristesse.

Vers neuf heures, elle sen­tit sou­dain en elle un désir impé­rieux de retour­ner à la Grotte. Après des hési­ta­tions, ses parents le lui per­mirent. Elle revint donc à Massabielle, où, chose éton­nante, une grande par­tie de la foule du matin se trou­vait encore là. – Pour la pre­mière fois, Bernadette n’eut pas à attendre. C’était la Dame qui attendait. 

« Elle eut l’ex­tase, mais courte, disent les témoins ; elle se reti­ra bien contente ». 

La Dame lui dit pour­quoi, le matin, elle ne s’é­tait pas montrée : 

« Il y avait là des per­sonnes qui dési­raient voir la conte­nance que vous auriez en ma pré­sence, et elles en étaient indignes. Elles ont pas­sé la nuit à la Grotte et l’ont déshonorée ».

L’application de ces divers inci­dents au mys­tère de l’Ascension est facile, sinon dans tous les détails, du moins dans les lignes essentielles.

C’est d’a­bord la repro­duc­tion du fait même de l’Ascension. L’Ascension, c’est, en effet, la dis­pa­ri­tion du Christ avec pro­messe de retour. Saint Luc nous dit que Jésus fut enle­vé aux regards de ses dis­ciples. Et, comme ceux-​ci conti­nuaient de regar­der le ciel, ne pou­vant se faire à l’i­dée que leur Maître fût dis­pa­ru pour tou­jours, deux anges vêtus de blanc leur appa­rurent : « Hommes de Galilée, pour­quoi res­ter ain­si à regar­der le Ciel ? Ce même Jésus qui vient de vous être enle­vé dans le Ciel, en revien­dra de la même manière que vous l’a­vez vu monter ».

A Lourdes, la Dame mys­té­rieuse est pareille­ment sous­traite aux regards de Bernadette. Néanmoins, la plu­part des curieux per­sistent à demeu­rer à la Grot­te près de trois heures, dans une attente inex­pli­cable, les yeux comme rivés à la niche que la Dame semble avoir déser­tée. Deux anges vont-​ils leur appa­raître pour leur dire que la chère Vision à la robe blanche va reve­nir ? Ce sera beau­coup mieux. Ils vont non pas entendre une pro­messe de retour, mais assis­ter à la réa­li­té même de cette pro­messe. Vers neuf heures, Bernadette revient. Ils la voient en extase. Leur attente n’a pas été vaine.

Si Jésus nous quitte au jour de l’Ascension, ce n’est pas pour nous aban­don­ner aux tris­tesses d’un exil sans espoir, ce n’est pas pour jeter des espaces immenses entre sa gloire et nos misères. Il nous a dit lui-​même qu’il monte vers son Père pour nous pré­pa­rer une place.

Il nous a fait une pro­messe plus pré­cise encore. Après avoir pré­pa­ré notre place, « je revien­drai de nou­veau, a‑t-​il dit, et je vous pren­drai avec moi afin que vous soyez là où je suis ». Et c’est bien ce qui se passe à Lourdes le 3 mars. Tandis que Bernadette se déso­lait, la Dame lui ména­geait la joie du retour. Elle était là, et elle atten­dait sa voyante. Elle était venue au-​devant d’elle…

Quand le Christ par­lait de son Ascension, c’é­tait tou­jours pour ras­su­rer ses apôtres et leur annon­cer qu’une grande joie ferait suite à leur acca­ble­ment. « En véri­té, vous serez acca­blés de tris­tesse, mais votre tris­tesse se chan­ge­ra en joie… Vous avez de la tris­tesse, mais je vous ver­rai à nou­veau, et votre cœur se réjoui­ra ». C’est si bien ce mys­tère ­là qui se joue aujourd’­hui à Lourdes, que le Père Cros inti­tule le cha­pitre qui rap­porte l’Apparition du 3 mars : « Où l’on raconte les tris­tesses et les joies d’une jour­née de Bernadette ».

Les évé­ne­ments du 3 mars com­portent pour­tant des ensei­gne­ments plus sublimes encore. Ils sont un rac­cour­ci gran­diose de l’u­ni­ver­sel spec­tacle de la terre. Une foule « com­pacte et for­mée de toutes sortes de gens » avait pas­sé la nuit à la Grotte, dans l’at­tente de l’Apparition, mais tous n’a­vaient point atten­du de la même manière. Les uns avaient prié. Les autres avaient « fait des sot­tises », de sorte que la Grotte, selon le mot de la Dame, s’en trou­vait « désho­no­rée ». Pour punir ces indignes, la Dame ne se montre point à l’heure habi­tuelle. D’où épreuve pour tous. Tous par­tagent la même sanc­tion. Mais les « indignes » quit­tèrent Massabielle, tan­dis qu’un grand nombre par­mi les « dignes » y demeu­rèrent. Une secrète ins­pi­ra­tion les aver­tis­sait que leur attente serait récom­pen­sée, et c’est ce qui eut lieu.

Or la terre n’est-​elle pas, comme la Grotte de Lourdes durant la nuit du 3 mars, un lieu de ténèbres, et d’at­tente ? Dieu nous y a pla­cés pour que nous nous pré­pa­rions à la grande Apparition du Ciel. Mais il y a les Vierges sages et les Vierges folles. Les pre­mières tiennent pru­dem­ment leurs lampes allu­mées, afin d’être prêtes quand reten­tira la cla­meur : « Voici l’Epoux qui vient ! » Les autres se dis­sipent et se désho­norent. A cause de ce « déshon­neur », Dieu va demeu­rer caché à la terre. La faute de quelques-​uns va rejaillir sur tous les hommes. La terre devien­dra « un lieu de ronces et d’é­pines », un pur­ga­toire de malédiction.

Mais com­bien dif­fé­rente sera la rétri­bu­tion fi­nale ! Les vierges folles ne seront pas là quand vien­dra l’Epoux. Elles auront beau frap­per à la porte du fes­tin. Il sera trop tard. L’Epoux n’en­trou­vri­ra même pas la porte, de peur que le sou­ve­nir de son visage entre­vu ne béa­ti­fiât leur enfer. Il leur crie­ra de l’in­té­rieur : « Je ne vous connais pas ».

Quant aux Vierges sages, qui n’ont eu de désir et de joie que pour l’at­tente de l’é­ter­nelle vision, un sur­na­tu­rel ins­tinct – cette ver­tu d’es­pé­rance qui est le fruit du deuxième mys­tère glo­rieux – les a aver­ties que leur temps d’é­preuve aurait une fin et qu’à la neu­vième heure Dieu se révé­le­rait à leur âme alté­rée. Dieu est fidèle à sa pro­messe. A la sor­tie de ce monde, elles enten­dront les paroles béa­ti­fiantes : « C’est moi… Votre place est prête. Je vous attendais… »

Les docu­ments nous disent que, le 3 mars, Bernadette deman­da à son cou­sin et par­rain « Jean­-​Marie », « son pré­fé­ré », de l’ac­com­pa­gner le len­demain à la Grotte. Ce minime inci­dent a‑t-​il valeur de sym­bole ? Si oui, il nous fait son­ger au « dépôt sacré que reçut saint Jean au pied de la Croix. Ce fut lui que Jésus char­gea de veiller sur la Sainte Vierge.

Il en était le cou­sin. Il allait en deve­nir comme le pro­tec­teur et le « par­rain ». Son rôle, certes, com­men­ça dès la mort du Christ, mais il prit toute sa rai­son d’être après l’Ascension. C’est alors que l’on put voir « le dis­ciple pré­fé­ré » accom­pa­gner Notre-​Dame à la Grotte de la Résurrection où, ain­si que le veut la tra­di­tion, elle venait quo­ti­dien­ne­ment accom­plir son pèlerinage.

16ème appa­ri­tion