Clément XII

246ᵉ Pape ; de 1730 à 1758

28 avril 1738

Bulle pontificale In eminenti apostolatus

Contre la Franc-maçonnerie

Donné à Rome, près Sainte-​Marie Majeure, le 28 avril 1738

« Clément, évêque, ser­vi­teur des ser­vi­teurs de Dieu,
À tous les fidèles de Jésus-​Christ, salut et Bénédiction Apostolique.

Élevé par la divine Providence au plus haut degré de l’a­pos­to­lat, tout indigne que Nous en sommes, selon le devoir de la sur­veillance pas­to­rale qui Nous est confiée, Nous avons, constam­ment secou­ru par la grâce divine, por­té notre atten­tion avec tout le zèle de notre sol­li­ci­tude, sur ce qui, en fer­mant l’en­trée aux erreurs et aux vices, peut ser­vir à conser­ver avant tout l’in­té­gri­té de la reli­gion ortho­doxe, et à ban­nir du monde catho­lique, dans ces temps si dif­fi­ciles, les risques de troubles.

Nous avons appris, par la rumeur publique, qu’il se répand à l’é­tran­ger, fai­sant chaque jour de nou­veaux pro­grès, cer­taines socié­tés, assem­blées, réunions, agré­ga­tions ou conven­ti­cules, appe­lés com­mu­né­ment du nom de Francs-​Maçons ou d’autres noms selon la varié­té des langues, dans les­quels des hommes de toute reli­gion et de toute secte, affec­tant une appa­rence d’hon­nê­te­té natu­relle, se lient entre eux par un pacte aus­si étroit qu’im­pé­né­trable, d’a­près des lois et des sta­tuts qu’ils se sont faits, et s’en­gagent par ser­ment prê­té sur la Bible, et sous les peines les plus graves, à cou­vrir d’un silence invio­lable tout ce qu’ils font dans l’obs­cu­ri­té du secret.

Mais comme telle est la nature du crime qu’il se tra­hit lui-​même en pous­sant des cris qui le font décou­vrir et le dénoncent, les socié­tés ou conven­ti­cules sus­dits ont fait naître de si forts soup­çons dans l’es­prit des fidèles, que s’en­rô­ler dans ces socié­tés c’est, auprès des per­sonnes de pro­bi­té et de pru­dence, s’en­ta­cher de la marque de per­ver­sion et de méchan­ce­té ; car s’ils ne fai­saient point de mal, ils ne haï­raient pas ain­si la lumière ; et ce soup­çon s’est tel­le­ment accru que, dans plu­sieurs États, ces dites socié­tés ont été, depuis long­temps déjà, pros­crites et ban­nies comme contraires à la sûre­té des royaumes.

C’est pour­quoi, Nous, réflé­chis­sant sur les grands maux qui résultent ordi­nai­re­ment de ces sortes de socié­tés ou conven­ti­cules, non seule­ment pour la tran­quilli­té des États tem­po­rels, mais encore pour le salut des âmes, et voyant que par là elles ne peuvent nul­le­ment s’ac­cor­der avec les lois civiles et cano­niques ; et comme les oracles divins Nous font un devoir de veiller nuit et jour en fidèle et pru­dent ser­vi­teur de la famille du Seigneur pour que ce genre d’hommes, tels des voleurs, ne percent la mai­son, et tels des renards, ne tra­vaillent à démo­lir la vigne, ne per­ver­tissent le cœur des simples et ne le trans­percent dans le secret de leurs dards enve­ni­més ; pour fer­mer la voie très large qui de là pour­rait s’ou­vrir aux ini­qui­tés qui se com­met­traient impu­né­ment, et pour d’autres causes justes et rai­son­nables de Nous connues, de l’a­vis de plu­sieurs de nos véné­rables frères Cardinaux de la Sainte Église Romaine, et de Notre propre mou­ve­ment, de science cer­taine, après mûre déli­bé­ra­tion et de Notre plein pou­voir apos­to­lique, Nous avons conclu et décré­té de condam­ner et d’in­ter­dire ces dites socié­tés, assem­blées, réunions, agré­ga­tions ou conven­ti­cules appe­lés du nom de Francs-​Maçons, ou connus sous toute autre déno­mi­na­tion, comme Nous les condam­nons et les défen­dons par Notre pré­sente consti­tu­tion, valable à perpétuité.

C’est pour­quoi Nous défen­dons sévè­re­ment et en ver­tu de la sainte obéis­sance, à tous et à cha­cun des fidèles de Jésus-​Christ, de quelque état, grade, condi­tion, rang, digni­té et pré­émi­nence qu’ils soient, laïcs ou clercs, sécu­liers ou régu­liers méri­tant même une men­tion par­ti­cu­lière, d’o­ser ou de pré­su­mer, sous quelque pré­texte, sous quelque cou­leur que ce soit, d’en­trer dans les dites socié­tés de Francs-​Maçons ou autre­ment appe­lées, ni de les pro­pa­ger, les entre­te­nir, les rece­voir chez soi ; ni de leur don­ner asile ou pro­tec­tion, y être ins­crits, affi­liés, y assis­ter ni leur don­ner le pou­voir ou les moyens de s’as­sem­bler, leur four­nir quelque chose, leur don­ner conseil, secours ou faveur ouver­te­ment ou secrè­te­ment, direc­te­ment ou indi­rec­te­ment, par soi ou par d’autres, de quelque manière que ce soit, comme aus­si d’ex­hor­ter les autres, les pro­vo­quer, les enga­ger à se faire ins­crire à ces sortes de socié­tés, à s’en faire membres, à y assis­ter, à les aider et entre­te­nir de quelque manière que ce soit, ou les conseiller : et Nous leur ordon­nons abso­lu­ment de se tenir stric­te­ment à l’é­cart de ces socié­tés, assem­blées, réunions, agré­ga­tions ou conven­ti­cules, et cela sous peine d’ex­com­mu­ni­ca­tion à encou­rir par tous les contre­ve­nants dési­gnés ci-​dessus, ipso fac­to et sans autre décla­ra­tion, excom­mu­ni­ca­tion de laquelle nul ne peut rece­voir le bien­fait de l’ab­so­lu­tion par nul autre que Nous, ou le Pontife Romain qui nous suc­cè­de­ra, si ce n’est à l’ar­ticle de la mort.

Nous vou­lons de plus et man­dons que les Évêques comme les Prélats supé­rieurs et autres Ordinaires des lieux, que tous les Inquisiteurs de l’hé­ré­sie fassent infor­ma­tion et pro­cèdent contre les trans­gres­seurs, de quelque état, grade, condi­tion, rang, digni­té ou pré­émi­nence qu’ils soient, les répriment et les punissent des peines méri­tées, comme for­te­ment sus­pects d’hé­ré­sie ; car Nous leur don­nons, et à cha­cun d’eux, la libre facul­té d’ins­truire et de pro­cé­der contre les­dits trans­gres­seurs, de les répri­mer et punir des peines qu’ils méritent, en invo­quant même à cet effet, s’il le faut, le secours du bras sécu­lier. Nous vou­lons aus­si qu’on ajoute aux copies des pré­sentes, même impri­mées, signées de la main d’un notaire public, et scel­lées du sceau d’une per­sonne consti­tuée en digni­té ecclé­sias­tique, la même foi que l’on ajou­te­rait aux pré­sentes, si elles étaient repré­sen­tées ou mon­trées en original.

Qu’il ne soit per­mis à aucun homme d’en­freindre ou de contra­rier, par une entre­prise témé­raire, cette Bulle de notre décla­ra­tion, condam­na­tion, man­de­ment, pro­hi­bi­tion et inter­dic­tion. Si quel­qu’un ose y atten­ter, qu’il sache qu’il encour­ra l’in­di­gna­tion du Dieu Tout-​Puissant, et des bien­heu­reux apôtres S.Pierre et S.Paul.

Donné à Rome, près Sainte-​Marie Majeure, l’an de l’Incarnation de Notre Seigneur MDCCXXXVIII, le IV des Calendes de Mai (28 avril), la VIIIe année de Notre Pontificat. »

Clement XII, Pape