Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 18 mai 1986,
solennité de la Pentecôte, en la huitième année de mon pontificat.Vénérables Frères, chers Fils et Filles, Salut et Bénédiction Apostolique !
Introduction
1. Dans sa foi en l” Esprit Saint, l’Eglise proclame qu’il « est Seigneur et qu’il donne la vie ». C’est ce qu’elle proclame dans le Symbole de la foi, dit de Nicée-Constantinople, du nom des deux Conciles – de Nicée et de Constantinople -, où il fut formulé ou promulgué. Il y est dit aussi que l’Esprit Saint « a parlé par les prophètes ».
Ces paroles, l’Eglise les reçoit de la source même de la foi, Jésus Christ. En effet, selon l’Evangile de Jean, l’Esprit Saint nous est donné avec la vie nouvelle, comme Jésus l’annonce et le promet au grand jour de la fête des Tentes : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi ! Selon le mot de l’Ecriture : De son sein couleront des fleuves d’eau vive »[1]. Et l’évangéliste explique : « Il parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui avaient cru en lui »[2]. C’est la même comparaison de l’eau que Jésus emploie dans le dialogue avec la Samaritaine, quand il parle de la « source d’eau jaillissant en vie éternelle »[3], et dans le dialogue avec Nicodème, quand il annonce la nécessité d’une nouvelle naissance « d’eau et d’Esprit » pour « entrer dans le Royaume de Dieu »[4].
Par conséquent, l’Eglise, instruite par la parole du Christ, puisant dans l’expérience de la Pentecôte et dans son histoire apostolique, proclame depuis le début sa foi en l’Esprit Saint, celui qui donne la vie, celui par qui le Dieu un et trine, insondable, se communique aux hommes, établissant en eux la source de la vie éternelle.
2. Cette foi, professée sans interruption par l’Eglise, doit être sans cesse ravivée et approfondie dans la conscience du Peuple de Dieu. Depuis un siècle, cela a été proposé plusieurs fois : de Léon XIII , qui publia l’Encyclique Divinum illud munus (1897) entièrement consacrée à l’Esprit Saint, jusqu’à Pie XII qui, dans l’Encyclique Mystici Corporis (1943), présentait l’Esprit Saint comme le principe vital de l’Eglise où il est à l’œuvre en union avec le Chef du Corps Mystique, le Christ[5]; et jusqu’au Concile Œcuménique Vatican II qui a fait comprendre qu’une attention renouvelée à la doctrine sur l’Esprit Saint était nécessaire, comme le soulignait Paul VI : « A la christologie et spécialement à l’ecclésiologie du Concile, doivent succéder une étude nouvelle et un culte nouveau de l’Esprit Saint, précisément comme complément indispensable de l’enseignement du Concile »[6].
Ainsi, à notre époque, la foi de l’Eglise, la foi ancienne qui demeure et qui est toujours neuve, nous appelle à renouveler notre approche de l’Esprit Saint comme celui qui donne la vie. En cela, nous sommes aidés et encouragés par notre héritage commun avec les Eglises orientales, qui ont conservé jalousement les richesses extraordinaires de l’enseignement des Pères sur l’Esprit Saint. C’est pourquoi on peut dire aussi que l’un des événements ecclésiaux les plus importants de ces dernières années a été le XVIe centenaire du Premier Concile de Constantinople, célébré simultanément à Constantinople et à Rome en la solennité de la Pentecôte de l’année 1981. Dans la méditation sur le mystère de l’Eglise, l’Esprit Saint est alors mieux apparu comme celui qui ouvre les voies conduisant à l’unité des chrétiens, comme la source suprême de l’unité qui vient de Dieu lui-même et que saint Paul a exprimée particulièrement par les paroles prononcées fréquemment au début de la liturgie eucharistique : « La grâce de Jésus notre Seigneur, l’amour de Dieu le Père et la communion de l’Esprit Saint soient toujours avec vous »[7].
C’est dans une telle orientation que les précédentes Encycliques Redemptor hominis et Dives in misericordia ont trouvé en quelque sorte un point de départ et une inspiration : elles célèbrent l’événement de notre salut accompli dans le Fils envoyé par le Père dans le monde « pour que le monde soit sauvé par lui »[8] et « que toute langue proclame, de Jésus Christ, qu’il est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père »[9]. A cette même orientation répond aujourd’hui la présente Encyclique sur l’Esprit Saint qui procède du Père et du Fils ; avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire : Personne divine, il est au cœur de la foi chrétienne et il est la source et la force dynamique du renouveau de l’Eglise[10]. Cette Encyclique découle du plus profond de l’héritage du Concile. En effet, les textes conciliaires, par leur enseignement sur l’Eglise elle-même et sur l’Eglise dans le monde, nous invitent à pénétrer toujours mieux le mystère trinitaire de Dieu, en suivant la voie évangélique, patristique, liturgique : au Père, par le Christ, dans l’Esprit Saint.
De cette manière, l’Eglise répond aussi à certains désirs profonds qu’elle pense lire dans le cœur des hommes d’aujourd’hui : une découverte nouvelle de Dieu dans sa réalité transcendante d’Esprit infini, tel que Jésus le présente à la Samaritaine ; le besoin de l’adorer « en esprit et en vérité »[11]; l’espoir de trouver en lui le secret de l’amour et la puissance d’une « création nouvelle »[12]: oui, vraiment celui qui donne la vie.
L’Eglise se sent appelée à cette mission d’annoncer l’Esprit alors qu’avec la famille humaine, elle arrive au terme du second millénaire après le Christ. Devant un ciel et une terre qui « passent », elle sait bien que « les paroles qui ne passeront point »[13] revêtent une éloquence particulière. Ce sont les paroles du Christ sur l’Esprit Saint, source inépuisable de l”«eau jaillissant en vie éternelle »[14], vérité et grâce du salut. Elle veut réfléchir sur ces paroles, elle veut rappeler ces paroles aux croyants et à tous les hommes, tandis qu’elle se prépare à célébrer – comme on le dira en son temps – le grand Jubilé qui marquera le passage du deuxième au troisième millénaire chrétien.
Naturellement, les réflexions qui suivent n’ont pas pour but d’examiner de manière exhaustive la très riche doctrine sur l’Esprit Saint, ni de privilégier telle ou telle solution des questions encore ouvertes. Elles ont comme objectif principal de développer dans l’Eglise la conscience que « l’Esprit Saint la pousse à coopérer à la réalisation totale du dessein de Dieu qui a fait du Christ le principe du salut pour le monde tout entier »[15].
Première Partie – L’Esprit du Père et du Fils donne à l’Église
1. La promesse et la révélation de Jésus au cours du repas pascal
3. Quand pour Jésus Christ l’heure était venue de quitter ce monde, il annonça aux Apôtres « un autre Paraclet »[16]. L’évangéliste Jean, qui était présent, écrit que, au cours du repas pascal, la veille de sa passion et de sa mort, Jésus leur adressa ces paroles : « Tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils… Je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet, pour qu’il soit avec vous à jamais, l’Esprit de vérité »[17].
Cet Esprit de vérité, précisément, Jésus l’appelle le Paraclet – et Parakletos veut dire « consolateur », et aussi « intercesseur » ou « défenseur ». Et il dit qu’il est « un autre » Paraclet, le second, parce que Jésus Christ lui-même est le premier Paraclet[18], car il est le premier qui porte et donne la Bonne Nouvelle. L’Esprit Saint vient après lui et par lui pour poursuivre dans le monde, grâce à l’Eglise, l’œuvre de la Bonne Nouvelle du salut. Cette continuation de son œuvre par l’Esprit Saint, Jésus en parle plus d’une fois pendant le même discours d’adieu où il préparait les Apôtres, réunis au Cénacle, à son départ, c’est-à-dire à sa passion et à sa mort sur la Croix.
Les paroles auxquelles nous nous référerons ici se trouvent dans l’Evangile de Jean. Chacune d’elles ajoute un contenu nouveau à cette annonce et à cette promesse. En même temps, elles sont étroitement reliées les unes aux autres, non seulement dans la perspective des mêmes événements, mais aussi dans la perspective du mystère du Père, du Fils et de l’Esprit Saint qui n’est sans doute exprimé avec autant de relief dans aucun autre passage de la Sainte Ecriture.
4. Peu après l’annonce rappelée ci-dessus, Jésus ajoute : « Mais le Paraclet, l’Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit »[19]. L’Esprit Saint sera le Consolateur des Apôtres et de l’Eglise, toujours présent au milieu d’eux, même s’il demeure invisible, comme maître de la Bonne Nouvelle que le Christ a annoncée. « Il enseignera » et « il rappellera », cela signifie non seulement qu’il continuera, à sa manière qui lui est propre, à inspirer la proclamation de l’Evangile du salut, mais aussi qu’il aidera à comprendre le sens juste du contenu du message du Christ ; qu’il en maintiendra la continuité et l’identité de sens alors que changent les conditions et les circonstances. L’Esprit Saint fera en sorte que dans l’Eglise demeure toujours la vérité même que les Apôtres ont entendue de leur Maître.
5. Pour transmettre la Bonne Nouvelle, les Apôtres seront associés à l’Esprit Saint d’une manière particulière. Voici comment Jésus poursuit : « Lorsque viendra le Paraclet, que je vous enverrai d’auprès du Père, l’Esprit de vérité, qui vient du Père, il me rendra témoignage. Mais vous aussi, vous témoignerez, parce que vous êtes avec moi depuis le commencement »[20].
Les Apôtres ont été les témoins directs, oculaires. Ils « ont entendu » et « ils ont vu de leurs yeux », « ils ont contemplé » et même « touché de leurs mains » le Christ, comme le dit le même évangéliste Jean dans un autre passage[21]. Leur témoignage humain, oculaire et « historique » sur le Christ est lié au témoignage de l’Esprit Saint : « Il me rendra témoignage ». Dans le témoignage de l’Esprit de vérité, le témoignage humain des Apôtres trouvera son appui suprême. Et par la suite, il trouvera aussi en lui le fondement intérieur de sa continuation parmi les générations des disciples et des confesseurs du Christ qui se succéderont au cours des siècles.
Si Jésus Christ lui-même est la révélation suprême et la plus complète de Dieu à l’humanité, le témoignage de l’Esprit en inspire, en garantit et en confirme la transmission fidèle dans la prédication et dans les écrits apostoliques[22], tandis que le témoignage des Apôtres en assure l’expression humaine dans l’Eglise et dans l’histoire de l’humanité.
6. Cela ressort aussi de l’étroite corrélation de contenu et d’intention avec l’annonce et la promesse qui viennent d’être mentionnées, corrélation exprimée par les paroles qui suivent dans le texte de Jean : « J’ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le porter à présent. Mais quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous introduira dans la vérité tout entière ; car il ne parlera pas de lui-même, mais ce qu’il entendra, il le dira et il vous dévoilera les choses à venir »[23].
Par les paroles précédentes, Jésus présente le Paraclet, l’Esprit de vérité, comme celui qui « enseignera » et « rappellera », comme celui qui lui « rendra témoignage» ; à présent il dit : « Il vous introduira dans la vérité tout entière ». Ces mots « introduire dans la vérité tout entière », en rapport avec ce que les Apôtres « ne peuvent pas porter à présent », sont en lien direct avec le dépouillement du Christ par la passion et la mort en Croix qui étaient imminentes lorsqu’il prononçait ces paroles.
Cependant il deviendra clair, par la suite, que les mots « introduire dans la vérité tout entière » se rattachent également, au-delà du scandalum Crucis, à tout ce que le Christ « a fait et enseigné »[24]. En effet, le mysterium Christi dans son intégralité exige la foi, parce que c’est la foi qui introduit véritablement l’homme dans la réalité du mystère révélé. « Introduire dans la vérité tout entière », cela s’accomplit donc dans la foi et par la foi : c’est l’œuvre de l’Esprit de vérité et c’est le fruit de son action dans l’homme. En cela, l’Esprit Saint doit être le guide suprême de l’homme, la lumière de l’esprit humain. Cela vaut pour les Apôtres, témoins oculaires, qui doivent désormais porter à tous les hommes l’annonce de ce que le Christ « a fait et enseigné », et, spécialement, de sa Croix et de sa Résurrection. Dans une perspective plus large, cela vaut aussi pour toutes les générations des disciples et des confesseurs du Maître, car ils devront accueillir dans la foi et proclamer avec fermeté le mystère de Dieu agissant dans l’histoire de l’homme, le mystère révélé qui éclaire le sens ultime de cette histoire.
7. Il existe donc entre l’Estrit Saint et le Christ, dans l’économie du salut, un lien intime, par lequel l’Esprit agit dans l’histoire de l’homme comme « un autre Paraclet », assurant durablement la transmission et le rayonnement de la Bonne Nouvelle révélée par Jésus de Nazareth. C’est pourquoi la gloire du Christ resplendit dans l’Esprit Saint Paraclet qui, dans le mystère et dans l’action de l’Eglise, continue sans interruption la présence historique du Rédempteur sur la terre et son œuvre de salut ; c’est ce qu’attestent les paroles de Jean qui viennent ensuite : « Lui (c’est-à-dire l’Esprit) me glorifiera, car c’est de mon bien qu’il recevra et il vous le dévoilera »[25]. Ces paroles confirment une fois encore tout ce qui a été dit précédemment : « Il enseignera…, il rappellera…, il rendra témoignage ». La révélation suprême et complète que Dieu fait de lui-même, accomplie dans le Christ – la prédication des Apôtres lui rendant témoignage – continue à être manifestée dans l’Eglise par la mission du Paraclet invisible, l’Esprit de vérité. A quel point cette mission est intimement liée à la mission du Christ, à quel point elle découle entièrement de cette mission du Christ, en affermissant et en développant dans l’histoire ses fruits de salut, cela est exprimé dans le verbe « recevoir » : « C’est de mon bien qu’il recevra et il vous le dévoilera ». Comme pour expliquer le mot « recevoir », et faire apparaître clairement l’unité divine et trinitaire de la source, Jésus ajoute : « Tout ce qu’a le Père est à moi. Voilà pourquoi j’ai dit que c’est de mon bien qu’il reçoit et qu’il vous le dévoilera »[26]. En recevant de « mon bien », par là même il puisera à « ce qu’a le Père ».
Ainsi à la lumière de cette expression « il recevra », peuvent s’expliquer aussi les autres paroles sur l’Esprit Saint prononcées par Jésus au Cénacle avant la Pâque, paroles significatives : « C’est votre intérêt que je parte ; car si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous ; mais si je pars, je vous l’enverrai. Et lui, une fois venu, il établira la culpabilité du monde en fait de péché, en fait de justice et en fait de jugement »[27]. Il conviendra de revenir encore sur ces paroles dans une réflexion particulière.
2. Le Père, le Fils et l’Esprit Saint
8. Il est caractéristique du texte johannique que le Père, le Fils et l’Esprit Saint soient désignés clairement comme des Personnes, la première étant distincte de la deuxième et de la troisième, et aussi les trois entre elles. Jésus parle de l’Esprit-Paraclet utilisant à plusieurs reprises le pronom personnel « Il », et en même temps, dans tout le discours d’adieu, il dévoile les liens qui unissent dans la réciprocité le Père, le Fils et le Paraclet. Ainsi donc « L’Esprit … vient du Père » [28] et le Père « donne » l’Esprit[29]. Le Père « envoie » l’Esprit au nom du Fils[30], l’Esprit « rend témoignage » au Fils[31]. Le Fils demande au Père d’envoyer l’Esprit-Paraclet[32], mais, par ailleurs, il déclare et promet, en rapport à son « départ » par la Croix : « Si je pars, je vous l’enverrai »[33]. Ainsi, le Père, par la puissance de sa paternité, envoie l’Esprit Saint comme il a envoyé le Fils[34]; mais en même temps il l’envoie en vertu de la puissance de la rédemption accomplie par le Christ – et, en ce sens, l’Esprit Saint est envoyé aussi par le Fils : « Je vous l’enverrai ».
Il faut noter ici que, si toutes les autres promesses faites au Cénacle annonçaient la venue de l’Esprit Saint après le départ du Christ, celle du texte de Jean 16, 7–8 implique aussi et souligne clairement le rapport d’interdépendance, on pourrait dire de causalité, entre la manifestation de l’un et de l’autre : « Si je pars, je vous l’enverrai ». L’Esprit Saint viendra en fonction du départ du Christ par la Croix : il viendra non seulement à la suite, mais à cause de la rédemption accomplie par le Christ, selon la volonté et l’œuvre du Père.
9. Ainsi, dans le discours pascal d’adieu on parvient, pouvons-nous dire, au sommet de la révélation trinitaire. Au même moment, nous nous trouvons au seuil des événements décisifs et des paroles suprêmes qui, à la fin, se traduiront par le grand envoi en mission adressé aux Apôtres et, par leur intermédiaire, à l’Eglise : « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples », envoi en mission qui comprend, en un sens, la formule trinitaire du baptême : «… les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit »[35]. La formule reflète le mystère intime de Dieu, de la vie divine, qui est le Père, le Fils et l’Esprit Saint, unité divine de la Trinité. On peut lire le discours d’adieu comme une préparation particulière à cette formule trinitaire, où s’exprime la puissance vivifiante du sacrement qui réalise la participation à la vie de Dieu un et trine, parce qu’il donne à l’homme la grâce sanctifiante comme un don surnaturel. Par elle, l’homme est appelé à participer à l’insondable vie de Dieu et il en reçoit la « capacité ».
10. Dans sa vie intime, Dieu « est amour »[36], un amour essentiel, commun aux trois Personnes divines : l’Esprit Saint est l’amour personnel en tant qu’Esprit du Père et du Fils. C’est pourquoi il « sonde jusqu’aux profondeurs de Dieu »[37], en tant qu’Amour-Don incréé. On peut dire que, dans l’Esprit Saint, la vie intime du Dieu un et trine se fait totalement don, échange d’amour réciproque entre les Personnes divines, et que, par l’Esprit Saint, Dieu « existe » sous le mode du don. C’est l’Esprit Saint qui est l’expression personnelle d’un tel don de soi, de cet être-amour[38]. Il est Personne-amour. Il est Personne-don. Cela nous montre, au sujet du concept de personne en Dieu, une richesse insondable de la réalité et un approfondissement dépassant ce qui se peut exprimer, tels que seule la Révélation peut nous les faire connaître.
En même temps, l’Esprit Saint, en tant que consubstantiel au Père et au Fils dans la divinité, est Amour et Don (incréé) d’où découle comme d’une source (fons vivus) tout don accordé aux créatures (don créé): le don de l’existence à toutes choses par la création ; le don de la grâce aux hommes par toute l’économie du salut. Comme l’Apôtre Paul l’écrit : « L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous fut donné »[39].
3. Le don que Dieu fait de lui-même dans l’Esprit Saint pour le salut
11. Le discours d’adieu du Christ au cours du repas pascal se rattache particulièrement à ce « don » et à ce « don de soi » de l’Esprit Saint. Dans l’Evangile de Jean se dévoile, pour ainsi dire, la « logique » la plus profonde du mystère salvifique inclus dans le dessein éternel de Dieu, comme extension de la communion ineffable du Père, du Fils et de l’Esprit Saint. C’est la « logique » divine qui, à partir du mystère de la Trinité, conduit au mystère de la Rédemption du monde en Jésus Christ. La Rédemption accomplie par le Fils dans le cadre de l’histoire terrestre de l’homme, accomplie en son « départ » par la Croix et par la Résurrection, se trouve en même temps transmise, dans toute sa puissance salvifique, à l’Esprit Saint, celui qui « recevra de mon bien »[40]. Les paroles du texte johannique montrent que, selon le plan divin, le « départ » du Christ est une condition indispensable pour l”«envoi » et la venue de l’Esprit Saint, mais elles disent aussi que commence alors le nouveau don que Dieu fait de lui-même dans l’Esprit Saint pour le salut.
12. C’est un nouveau commencement par rapport au premier commencement, à l’origine du don que Dieu a fait de lui-même pour le salut, qui s’identifie avec le mystère même de la création. Voici ce que nous lisons dès les premiers mots du Livre de la Genèse : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre…, et l’esprit de Dieu (ruah Elohim) planait sur les eaux »[41]. Ce concept biblique de création comporte non seulement l’appel à l’existence de l’être même du cosmos, c’est-à-dire le don de l’existence, mais aussi la présence de l’Esprit de Dieu dans la création, c’est-à-dire le commencement du don que Dieu fait de lui-même pour leur salut aux choses qu’il a créées. Cela vaut avant tout pour l’homme, qui a été créé à l’image et à la ressemblance de Dieu : « Faisons l’homme à notre image, comme notre ressemblance »[42]. « Faisons » : peut-on considérer que le pluriel, employé ici par le Créateur en parlant de lui-même, suggere déjà en quelque façon le mystère trinitaire, la présence de la Trinité dans l’œuvre de la création de l’homme ? Le lecteur chrétien qui connaît déjà la révélation de ce mystère peut aussi en reconnaître le reflet dans ces paroles. En tout cas, le contexte du Livre de la Genèse nous permet de voir dans la création de l’homme le premier commencement du don que Dieu fait de lui-même pour le salut dans la mesure où il a accordé à l’homme d’être à « l’image » et à « la ressemblance » de lui-même.
13. Il semble donc que les paroles prononcées par Jésus dans le discours d’adieu doivent aussi être relues en rapport avec ce « commencement » si lointain, mais fondamental, que nous connaissons par le Livre de la Genèse. « Si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous ; mais si je pars, je vous l’enverrai ». En présentant son « départ » comme une condition de la « venue » du Paraclet, le Christ fait le lien entre le nouveau commencement du don que Dieu fait de lui-même par l’Esprit Saint pour le salut, et le mystère de la Rédemption. C’est là un nouveau commencement, avant tout parce que, entre le premier commencement et toute l’histoire de l’homme, s’est interposé, à partir de la chute originelle, le péché qui s’oppose à la présence de l’Esprit de Dieu dans la création et qui, surtout, s’oppose au don que Dieu fait de lui-même à l’homme pour son salut. Saint Paul écrit que, précisément à cause du péché, « la création… fut assujettie à la vanité…, jusqu’à ce jour elle gémit en travail d’enfantement » et « elle attend avec impatience la révélation des fils de Dieu »[43].
14. C’est pourquoi Jésus dit au Cénacle : « C’est votre intérêt que je parte» ; « si je pars, je vous l’enverrai »[44]. Le « départ » du Christ par la Croix a la puissance de la Rédemption – et cela signifie aussi une nouvelle présence de l’Esprit de Dieu dans la création : le nouveau commencement du don que Dieu fait de lui-même à l’homme dans l’Esprit Saint. « Et la preuve que vous êtes des fils, c’est que Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie : Abba ! Père ! », écrit l’Apôtre Paul dans la Lettre aux Galates[45]. L’Esprit Saint est l’Esprit du Père, comme en témoignent les paroles du discours d’adieu au Cénacle. Il est, en même temps, l’Esprit du Fils : il est l’Esprit de Jésus Christ, comme en témoigneront les Apôtres et particulièrement Paul de Tarse[46]. Par l’envoi de cet Esprit « dans nos cœurs », commence à s’accomplir ce que « la création attend avec impatience », comme nous le lisons dans la Lettre aux Romains.
L’Esprit Saint vient au prix du « départ » du Christ. Si ce « départ » a provoqué la tristesse des Apôtres[47], qui devait atteindre son point culminant dans la passion et dans la mort du Vendredi Saint, à son tour « cette tristesse se changera en joie » [48]. Le Christ, en effet, marquera son « départ » rédempteur par la gloire de la résurrection et de l’ascension vers le Père. Ainsi donc, la tristesse à travers laquelle transparaît la joie, voilà ce qu’éprouvent les Apôtres dans la perspective du « départ » de leur Maître, un départ qui a lieu « dans leur intérêt », parce que, grâce à lui, viendra un autre « Paraclet »[49]. Au prix de la Croix où se réalise la Rédemption, par la puissance de tout le mystère pascal de Jésus Christ, l’Esprit Saint vient demeurer dès le jour de la Pentecôte avec les Apôtres, pour demeurer avec l’Eglise et dans l’Eglise et, grâce à elle, dans le monde.
De cette manière s’accomplit définitivement ce nouveau commencement du don que le Dieu un et trine fait de lui-même dans l’Esprit Saint par Jésus Christ, Rédempteur de l’homme et du monde.
4. Le Messie, Oint de l’Esprit Saint
15. La mission du Messie s’accomplit aussi jusqu’à son terme, car elle est la mission de celui qui a reçu la plénitude de l’Esprit Saint pour le Peuple élu de Dieu et pour l’humanité entière. Littéralement, « Messie » veut dire « Christ », c’est-à-dire « Oint », et, dans l’histoire du salut, le sens est « Oint de l’Esprit Saint ». Telle était la tradition prophétique de l’Ancien Testament. En s’y conformant, Simon Pierre dira dans la maison de Corneille : « Vous savez ce qui s’est passé dans toute la Judée : Jésus de Nazareth… après le baptême proclamé par Jean ; comment Dieu l’a consacré par l’Esprit Saint et rempli de sa force »[50].
De ces paroles de Pierre et de beaucoup d’autres semblables[51], il convient de remonter avant tout à la prophétie d’Isaïe, parfois appelée « le cinquième évangile » ou bien « l’évangile de l’Ancien Testament ». Evoquant la venue d’un personnage mystérieux, que la révélation néo-testamentaire identifiera avec Jésus, Isaie en associe la personne et la mission avec une action spéciale de l’Esprit de Dieu, l’Esprit du Seigneur. Voici les paroles du prophète :
« Un rejeton sortira de la souche de Jessé,
un surgeon poussera de ses racines.
Sur lui reposera l’Esprit du Seigneur
esprit de sagesse et d’intelligence,
esprit de conseil et de force,
esprit de connaissance et de crainte du Seigneur :
son inspiration est dans la crainte du Seigneur »[52].
Ce texte est important pour toute la pneumatologie de l’Ancien Testament, car il constitue comme un pont entre le concept biblique ancien de l”«esprit », entendu avant tout comme un « souffle charismatique », et l”«Esprit » comme personne et comme don, don pour la personne. Le Messie de la lignée de David (« de la souche de Jessé ») est précisément la personne sur laquelle « reposera » l’Esprit du Seigneur. Il est évident que, dans ce cas, on ne peut pas encore parler de la révélation du Paraclet : cependant, avec cette allusion voilée à la figure du futur Messie s’ouvre, pour ainsi dire, la voie sur laquelle est préparée la pleine révélation de l’Esprit Saint dans l’unité du mystère trinitaire qui se manifestera finalement dans la Nouvelle Alliance.
16. Cette voie, c’est précisément le Messie. Dans l’Ancienne Alliance, l’onction était devenue le symbole extérieur du don de l’Esprit. Le Messie (plus que tout autre personnage oint dans l’Ancienne Alliance) est l’unique et grand Oint du Seigneur lui-même. Il est l’Oint en ce sens qu’il possède la plénitude de l’Esprit de Dieu. Et il sera lui-même le médiateur du don de cet Esprit au Peuple tout entier. Voici, en effet, d’autres paroles du prophète :
« L’esprit du Seigneur Dieu est sur moi,
car le Seigneur m’a consacré par l’onction ;
il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres,
panser les cœurs meurtris,
annoncer aux captifs la libération
et aux prisonniers la délivrance,
proclamer une année de grâce de la part du Seigneur »[53].
L’Oint est aussi envoyé « avec l’Esprit du Seigneur » :
«Et maintenant le Seigneur Dieu
m’a envoyé avec son esprit »[54].
Selon le Livre d’Isaïe, l’Oint, l’Envoyé avec l’Esprit du Seigneur, est aussi le Serviteur du Seigneur élu, sur qui repose l’Esprit de Dieu :
« Voici mon serviteur que je soutiens,
mon élu en qui mon âme se complait.
J’ai mis sur lui mon esprit »[55].
On sait que le Serviteur du Seigneur est révélé dans le Livre d’Isaïe comme le véritable Homme des douleurs : le Messie souffrant pour les péchés du monde[56]. Et, simultanément, il est celui même qui reçoit la mission de porter de véritables fruits de salut pour toute l’humanité : « Il présentera aux nations le droit …»[57]; et il deviendra « l’alliance du peuple, la lumière des nations …»[58]; « pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre »[59].
Car : « Mon esprit qui est sur toi,
et mes paroles que j’ai mises dans ta bouche
ne s’éloigneront pas de ta bouche,
ni de la bouche de ta descendance,
ni de la bouche de la descendance de ta descendance,
dit le Seigneur, dès maintenant et à jamais »[60].
Les textes prophétiques cités ici, nous devons les lire àla lumière de l’Evangile, de même que, pour sa part, le Nouveau Testament reçoit de la lumière admirable de ces textes vétéro-testamentaires une clarté particulière. Le prophète présente le Messie comme celui qui vient dans l’Esprit Saint, comme celui qui possède la plénitude de cet Esprit en lui et, en même temps, pour les autres, pour Israël, pour toutes les nations, pour toute l’humanité. La plénitude de l’Esprit de Dieu s’accompagne de nombreux dons, les biens du salut, destinés spécialement aux pauvres et à ceux qui souffrent, à tous ceux qui ouvrent leur cœur à ces dons, parfois à travers l’expérience douloureuse de leur propre existence, mais avant tout dans la disponibilité intérieure qui provient de la foi. Cela, le vieillard Syméon, « homme juste et pieux » sur qui « reposait l’Esprit Saint », en eut l’intuition au moment de la présentation de Jésus au Temple, lorsqu’il vit en lui « le salut préparé à la face de tous les peuples » au prix de la grande souffrance, celle de la Croix, qu’il devait éprouver en même temps que sa Mère[61]. La Vierge Marie comprenait cela encore mieux, elle qui « avait conçu du Saint-Esprit »[62], lorsqu’elle méditait en son cœur les « mystères » du Messie auxquels elle était associée[63].
17. Il convient de souligner ici que l”«esprit du Seigneur », qui « repose » sur le futur Messie, est clairement et avant tout un don de Dieu pour la personne de ce Serviteur du Seigneur. Mais lui-même n’est pas une personne isolée et existant par elle-même, parce qu’il agit par la volonté du Seigneur, en vertu de sa décision ou de son choix. Même si, à la lumière des textes d’Isaie, l’œuvre salvifique du Messie, Serviteur du Seigneur, implique l’action de l’Esprit accomplie à travers lui, dans leur contexte vétéro-testamentaire la distinction des sujets ou des Personnes divines – telles que ces Personnes subsistent dans le mystère trinitaire et seront révélées ensuite dans le Nouveau Testament – n’est cependant pas suggérée. Que ce soit en Isaïe ou dans tout l’Ancien Testament, la personnalité de l’Esprit Saint est complètement cachée : cachée dans la révélation du Dieu unique, comme aussi dans l’annonce prophétique du Messie à venir.
18. Au début de son activité messianique, Jesus Christ se réclamera de cette annonce que comprenaient les paroles d’Isaïe. Il le fera à Nazareth même où il avait passé trente années de sa vie dans la maison de Joseph le charpentier, aux côtés de Marie, la Vierge sa Mère. Quand il eut l’occasion de prendre la parole à la Synagogue, ouvrant le Livre d’Isaïe, il trouva le passage où il était écrit : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par l’onction » et, après avoir lu ce passage, il dit à l’assemblée : « Aujourd’hui, cette écriture est accomplie pour vous qui l’entendez »[64]. De cette manière, il confessait et il proclamait qu’il était celui qui « a reçu l’onction » du Père, qu’il était le Messie, c’est-a-dire celui en qui demeure l’Esprit Saint, le don de Dieu lui-même, celui qui possède la plénitude de cet Esprit, celui qui marque le « nouveau commencement » du don que Dieu fait à l’humanité dans l’Esprit.
5. Jésus de Nazareth, « manifesté » dans l’Esprit Saint
19. Même si dans sa propre ville de Nazareth Jesus n’est pas reconnu comme Messie, sa mission messianique dans l’Esprit Saint est cependant révélée au peuple par Jean-Baptiste aù commencement de son activité publique. Au bord du Jourdain, Jean, fils de Zacharie et d’Elisabeth, annonce la venue du Messie et administre le baptême de pénitence. Il dit : « Pour moi, je vous baptise avec de l’eau, mais vient le plus fort que moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de ses sandales : lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu »[65].
Jean-Baptiste annonce le Messie-Christ non seulement comme celui qui « vient » dans l’Esprit Saint, mais aussi comme celui qui « porte » l’Esprit Saint, comme Jésus le révélera mieux au Cénacle. Jean se fait ici l’écho fidèle des paroles d’Isaïe, qui concernaient l’avenir chez le prophète ancien, tandis que dans son enseignement sur les rives du Jourdain, elles constituent l’introduction immédiate à la réalité messianique nouvelle. Jean n’est pas seulement prophète, il est aussi messager : il est le précurseur du Christ. Ce qu’il annonce se réalise aux yeux de tous. Jésus de Nazareth vient au Jourdain pour recevoir, lui aussi, le baptême de pénitence. En voyant celui qui arrive, Jean proclame : « Voici l’agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde »[66]. Il dit cela sous l’inspiration du Saint-Esprit[67] et rend témoignage à l’accomplissement de la prophétie d’Isaïe. En même temps, il proclame la foi en la mission rédemptrice de Jésus de Nazareth. Sur les lèvres de Jean-Baptiste, « Agneau de Dieu » est une expression de la vérité sur le Rédempteur qui n’a pas moins de portée que celle de « Serviteur du Seigneur ».
Ainsi, par le témoignage de Jean au Jourdain, Jésus de Nazareth, rejeté par ses compatriotes, se trouve manifesté aux yeux d’Israël comme le Messie, c’est-à-dire « l’Oint » de l’Esprit Saint. Et ce témoignage est confirmé par un autre témoignage supérieur, mentionné par les trois synoptiques. En effet, quand tout le peuple fut baptisé et tandis que Jésus, ayant reçu le baptême, se trouvait en prière, « le ciel s’ouvrit, et l’Esprit Saint descendit sur lui sous une forme corporelle, comme une colombe »[68] et, en même temps, « voici qu’une voix venue des cieux disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur »»[69].
C’est une théophanie trinitaire, qui est un témoignage rendu à la glorification du Christ à l’occasion de son baptême dans le Jourdain. Non seulement elle confirme le témoignage de Jean-Baptiste, mais elle dévoile une dimension encore plus profonde de la vérité sur Jésus de Nazareth comme Messie. Il est dit : le Messie est le Fils bien-aimé du Père. Son investiture solennelle ne se réduit pas à la mission messianique du « Serviteur du Seigneur ». A la lumière de la théophanie du Jourdain, c’est le mystère de la Personne même du Messie qui est exalté. Il est glorifié parce qu’il est Fils de la complaisance divine. La voix d’en haut dit : « Mon Fils ».
20. La théophanie du Jourdain n’éclaire que fugitivement le mystère de Jésus de Nazareth dont toute l’activité se déroulera en présence de l’Esprit Saint[70]. Ce mystère sera révélé par Jésus lui-même et peu à peu confirmé à travers tout ce qu’il « a fait et enseigné »[71]. Dans la ligne de cet enseignement et des signes messianiques que Jésus accomplit avant de parvenir au discours d’adieu du Cénacle, nous rencontrons des événements et des paroles qui représentent des moments particulièrement importants de cette révélation progressive. Ainsi l’évangéliste Luc, qui a déjà présenté Jésus « rempli d’Esprit Saint » et « mené par l’Esprit à travers le désert »[72], nous apprend que, après le retour des soixante-douze disciples de la mission que le Maître leur avait confiée[73], alors que, tout joyeux, ils décrivaient le fruit de leur travail, à cette heure même, Jésus « tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit Saint et dit : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits. Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir »»[74]. Jésus exulte à cause de la paternité divine ; il exulte parce qu’il lui est donné de révéler cette paternité ; il exulte, enfin, parce qu’il y a comme un rayonnement particulier de cette paternité divine sur les « petits ». Et l’évangéliste qualifie tout cela de « tressaillement de joie dans l’Esprit Saint ».
Un tel tressaillement de joie, en un sens, entraîne Jésus à dire encore davantage. Ecoutons : « Tout m’a été remis par mon Père, et nul ne sait qui est le Fils si ce n’est le Père, ni qui est le Pere si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler »[75].
21. Ce qui, au cours de la théophanie du Jourdain, est venu pour ainsi dire « de l’extérieur » d’en haut, provient ici « de l’intérieur », c’est-à-dire du plus profond de ce qu’est Jésus. C’est une autre révélation du Père et du Fils, unis dans l’Esprit Saint. Jésus parle seulement de la paternité de Dieu et de sa propre filiation ; il ne parle pas explicitement de l’Esprit qui est Amour et, par là, union du Père et du Fils. Néanmoins, ce qu’il dit du Père et de lui-même comme Fils résulte de la plénitude de l’Esprit qui est en lui, qui remplit son cœur, pénètre son propre « Moi », inspire et vivifie en profondeur son action. De là, ce « tressaillement de joie dans l’Esprit Saint ». L’union du Christ avec l’Esprit Saint, dont il a une parfaite conscience, s’exprime dans ce « tressaillement de joie » qui, en un sens, rend « perceptible » sa source secrète. Il en résulte une manifestation et une exaltation particulières qui sont propres au Fils de l’homme, au Christ-Messie dont l’humanité appartient à la personne du Fils de Dieu, substantiellement un avec l’Esprit Saint dans la divinité.
Dans sa magnifique confession de la paternité de Dieu, Jésus de Nazareth se manifeste aussi lui-même, il manifeste son « Moi » divin : il est en effet le Fils « de la même substance », c’est pourquoi « nul ne sait qui est le Fils si ce n’est le Père, ni qui est le Père si ce n’est le Fils », ce Fils qui « pour nous et pour notre salut » s’est fait homme par l’Esprit Saint et est né d’une Vierge dont le nom était Marie.
6. « Recevez l’Esprit Saint », dit le Christ ressuscité
22. Grâce à son récit, Luc nous conduit à un point extrêmement proche de la vérité comprise dans le discours au Cénacle. Jésus de Nazareth, « exalté » dans l’Esprit Saint, se présente au cours de ce discours et de cet entretien comme celui qui « porte » l’Esprit, comme celui qui doit le porter et le « donner » aux Apôtres et à l’Eglise au prix de son « départ » par la Croix.
Par le verbe « porter » on entend ici avant tout « révéler ». L’Ancien Testament, depuis le Livre de la Genèse, a fait connaître en quelque sorte l’Esprit de Dieu d’abord comme le « souffle » de Dieu qui donne la vie, comme « un souffle vital » surnaturel. Dans le Livre d’Isaïe, il est présenté comme un « don » pour la personne du Messie, comme celui qui vient sur lui pour guider de l’intérieur toute son activité salvifique. Au bord du Jourdain, l’annonce d’Isaïe a revêtu une forme concrète : Jésus de Nazareth est celui qui vient dans l’Esprit Saint et le porte comme le don propre de sa Personne même, pour le répandre grâce à son humanité : « Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint »[76]. Dans l’évangile de Luc, cette révélation de l’Esprit Saint est confirmée et enrichie, présentée comme la source intime de la vie et de l’action messianique de Jésus Christ.
A la lumière de ce que Jésus dit dans le discours après la Cène, l’Esprit Saint est révélé d’une manière nouvelle et plus ample. Il n’est pas seulement le don à la personne (à la personne du Messie), mais il est une Personne-Don. Jesus annonce sa venue comme celle d”«un autre Paraclet » qui, étant l’Esprit de vérité, conduira les Apôtres et l’Eglise « à la vérité tout entière »[77]. Cela s’accomplira en raison de la communion particulière qui existe entre l’Esprit Saint et le Christ : « C’est de mon bien qu’il recevra et il vous le dévoilera »[78]. Cette communion a sa source première dans le Père : « Tout ce qu’a le Père est à moi. Voilà pourquoi j’ai dit que c’est de mon bien qu’il reçoit et qu’il vous le dévoilera »[79]. Venant du Père, l’Esprit Saint est envoyé d’auprès du Père[80]. L’Esprit Saint a d’abord été envoyé comme don au Fils qui s’est fait homme, pour accomplir les prophéties messianiques. Après le « départ » du Christ-Fils, suivant le texte johannique, l’Esprit Saint « viendra » directement- c’est sa mission nouvelle – pour achever l’œuvre du Fils. Ainsi, c’est lui qui mènera à son accomplissement l’ère nouvelle de l’histoire du salut.
23. Nous nous trouvons au seuil de l’événement pascal. La révélation nouvelle et définitive de l’Esprit Saint comme Personne qui est le Don s’accomplit précisément à ce moment. Les événements de Paques- la passion, la mort et la résurrection du Christ – sont aussi le temps de la nouvelle venue de l’Esprit Saint comme Paraclet et Esprit de vérité. C’est le temps du « nouveau commencement » du don que le Dieu un et trine fait de lui-même à l’humanité dans l’Esprit Saint par l’action du Christ Rédempteur. Ce nouveau commencement est la rédemption du monde : « Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique »[81]. Déjà, dans le fait de « donner » le Fils, dans le don du Fils, s’exprime l’essence la plus profonde de Dieu qui, comme Amour, est une source inépuisable de libéralité. Dans le don fait par le Fils s’achèvent la révélation et la libéralité de l’Amour éternel : l’Esprit Saint, qui dans les profondeurs insondables de la divinité est une Personne-Don, par l’œuvre du Fils, c’est-à-dire par le mystère pascal, est donné d’une manière nouvelle aux Apôtres et à l’Eglise et, à travers eux, à l’humanité et au monde entier.
24. L’expression définitive de ce mystère apparaît le jour de la Résurrection. En ce jour, Jésus de Nazareth, « issu de la lignée de David selon la chair », comme l’écrit l’Apôtre Paul, est « établi Fils de Dieu avec puissance selon l’Esprit de sainteté, par sa résurrection des morts »[82]. On peut donc dire que l”«exaltation » messianique du Christ dans l’Esprit Saint atteint son sommet dans la Résurrection ; il se révèle alors comme Fils de Dieu, « rempli de puissance ». Et cette puissance, dont les sources jaillissent dans l’insondable communion trinitaire, se manifeste avant tout dans le fait que si, d’une part, le Christ ressuscité réalise la promesse de Dieu déjà exprimée par la voix du prophète : « Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau, … mon esprit »[83], d’autre part, il accomplit sa propre promesse faite aux Apôtres par ces mots : « Si je pars, je vous l’enverrai »[84]. C’est lui, l’Esprit de vérité, le Paraclet envoyé par le Christ ressuscité pour nous transformer et faire de nous l’image même du ressuscité[85].
Ecoutons : « Le soir, ce même jour, le premier de la semaine, et les portes étant closes, la où se trouvaient les disciples, par peur des juifs, Jésus vint et se tint au milieu et il leur dit : « Paix à vous ! ». Ayant dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie à la vue du Seigneur. Il leur dit alors, de nouveau : « Paix à vous ! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ». Ayant dit cela, il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l’Esprit Saint »»[86].
Tous les détails de ce texte clé de l’Evangile de Jean ont une réelle portée, spécialement si nous les relisons en relation avec les paroles prononcées dans le même Cénacle au début des événements de Pâques. Désormais, ces événements – le triduum sacrum de Jésus que le Père a consacré par l’onction et envoyé dans le monde – atteignent leur achèvement. Le Christ, qui « avait remis l’esprit » sur la Croix[87] comme Fils de l’homme et Agneau de Dieu, une fois ressuscité, va vers les Apôtres pour « souffler sur eux » avec la puissance dont parle la Lettre aux Romains[88]. La venue du Seigneur remplit de joie ceux qui sont présents : « Leur tristesse se change en joie »[89], comme il l’avait déjà promis lui-même avant sa passion. Et surtout l’annonce essentielle du discours d’adieu se réalise : le Christ ressuscité, comme inaugurant une création nouvelle, « porte » aux Apôtres l’Esprit Saint. Il le leur porte au prix de son « départ» ; il leur donne cet Esprit en quelque sorte à travers les plaies de sa crucifixion : « Il leur montra ses mains et son côté ». C’est en vertu de cette crucifixion qu’il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint ».
Un lien étroit s’établit ainsi entre l’envoi du Fils et celui de l’Esprit Saint. L’envoi de l’Esprit Saint (après le péché originel) ne peut avoir lieu sans la Croix et la Résurrection : « Si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous »[90]. Un lien étroit s’établit aussi entre la mission de l’Esprit Saint et celle du Fils dans la Rédemption. La mission du Fils, en un sens, trouve son « achèvement » dans la Rédemption. La mission de l’Esprit Saint « découle » de la Rédemption : « C’est de mon bien qu’il reçoit et il vous le dévoilera »[91]. La Rédemption est accomplie pleinement par le Fils comme l’Oint qui est venu et a agi par la puissance de l’Esprit Saint, s’offrant lui-même à la fin en sacrifice suprême sur le bois de la Croix. Et cette Rédemption est aussi accomplie continuellement dans les cœurs et les consciences des hommes – dans l’histoire du monde – par l’Esprit Saint qui est l”«autre Paraclet ».
7. L’Esprit Saint et le temps de l’Eglise
25. « Une fois achevée l’œuvre que le Père avait chargé son Fils d’accomplir sur la terre (cf. Jn 17, 4), le jour de la Pentecôte, l’Esprit Saint fut envoyé qui devait sanctifier l’Eglise en permanence et procurer ainsi aux croyants, par le Christ, dans l’unique Esprit, l’accès auprès du Père (cf. Ep 2, 18). C’est lui, l’Esprit de vie, la source d’eau jaillissant pour la vie éternelle (cf. Jn 4, 14 ; 7, 38–39), par qui le Père donne la vie aux hommes que le péché avait fait mourir, en attendant de ressusciter dans le Christ leur corps mortel (cf. Rm 8, 10–11)»[92].
C’est ainsi que le Concile Vatican II parle de la naissance de l’Eglise le jour de la Pentecôte. L’événement de la Pentecôte constitue la manifestation définitive de ce qui s’était accompli dans le même Cénacle dès le dimanche de Pâques. Le Christ ressuscité vint et « porta » aux Apôtres l’Esprit Saint. Il le leur donna en disant : « Recevez l’Esprit Saint ». Ce qui s’était produit alors à l’intérieur du Cénacle, « les portes closes », plus tard, le jour de la Pentecôte, fut manifesté aussi à l’extérieur, devant les hommes. Les portes du Cénacle s’ouvrent et les Apôtres se dirigent vers les habitants et les pèlerins rassemblés à Jérusalem à l’occasion de la fête, pour rendre témoignage au Christ par la puissance de l’Esprit Saint. Ainsi se réalise la parole de Jésus : « Il me rendra témoignage ; mais vous aussi, vous témoignerez, parce que vous êtes avec moi depuis le commencement »[93].
Nous lisons dans un autre document du Concile Vatican II : « Sans aucun doute, le Saint-Esprit était déjà à l’œuvre dans le monde avant la glorification du Christ. Pourtant, le jour de la Pentecôte, il descendit sur les disciples pour demeurer avec eux à jamais : l’Eglise se manifesta publiquement devant la multitude, la diffusion de l’Evangile commença avec la prédication parmi les païens »[94].
Le temps de l’Eglise a commencé par la « venue », c’est-à-dire par la descente de l’Esprit Saint sur les Apôtres réunis au Cénacle de Jérusalem avec Marie, la Mère du Seigneur[95]. Le temps de l’Eglise a commencé au moment où les promesses et les prophéties qui se rapportaient de manière très explicite au Paraclet, à l’Esprit de vérité, ont commencé à se réaliser sur les Apôtres avec puissance et de toute évidence, déterminant ainsi la naissance de l’Eglise. Les Actes des Apôtres parlent de cela fréquemment, en de nombreux passages. Il en résulte que, suivant la conscience de la communauté primitive dont Luc exprime les certitudes, l’Esprit Saint a assuré la conduite, de manière invisible mais d’une certaine façon « perceptible », de ceux qui, après le départ du Seigneur Jésus, avaient profondément le sentiment d’être restés orphelins. Par la venue de l’Esprit Saint, ils se sont sentis aptes à accomplir la mission qui leur avait êté confiée. Ils se sont sentis pleins de force. C’est là précisément l’action de l’Esprit Saint en eux, et c’est son action constante dans l’Eglise par leurs successeurs. En effet, la grâce de l’Esprit Saint, que les Apôtres ont donnée à leurs collaborateurs par l’imposition des mains, continue à être transmise par l’ordination épiscopale. Puis, par le sacrement de l’ordre, les évêques font participer les ministres sacrés à ce don spirituel, et ils font en sorte que tous ceux qui sont renés de l’eau et de l’Esprit en soient fortifiés par le sacrement de la confirmation ; d’une certaine façon, la grâce de la Pentecôte est ainsi perpétuée dans l’Eglise.
Comme l’écrit le Concile, « l’Esprit demeure dans l’Eglise et dans le cœur des fidèles comme dans un temple (cf. 1 Co 3, 16 ; 6, 19), en eux il prie et atteste leur condition de fils de Dieu par adoption (cf. Ga 4, 6 ; Rm 8, 15–16. 26). Cette Eglise qu’il introduit dans la vérité tout entière (cf. Jn 16, 13), qu’il unifie par la communion et le ministère, l’Esprit lui fournit ses moyens d’action et la dirige par la diversité de ses dons hiérarchiques et charismatiques, et il l’embellit par ses fruits (cf. Ep 4, 11–12 ; 1 Co 12, 4 ; Ga 5, 22). Par la vertu de l’Evangile, il rajeunit l’Eglise et il la renouvelle sans cesse, l’acheminant à l’union parfaite avec son Epoux »[96].
26. Les passages cités de la Constitution conciliaire Lumen gentium nous disent que, par la venue de l’Esprit Saint, commença le temps de l’Eglise. Ils nous disent aussi que ce temps, le temps de l’Eglise, continue. Il dure au cours des siècles et des générations. En notre siècle, où l’humanité est désormais proche de la fin du deuxième millénaire après le Christ, ce temps de l’Eglise a été particulièrement exprimé dans le Concile Vatican II , le concile de notre siècle. On sait, en effet, qu’il a été spécialement un concile « ecclésiologique » :un concile sur le thème de l’Eglise. En même temps, l’enseignement de ce Concile est essentiellement « pneumatologique », pénétré de la vérité sur l’Esprit Saint, âme de l’Eglise. Nous pouvons dire que, dans la richesse de son magistère, le Concile Vatican II contient à proprement parler tout ce « que l’Esprit dit aux Eglises »[97] en fonction de la période actuelle de l’histoire du salut.
Guidé par l’Esprit de vérité et rendant témoignage avec lui, le Concile a donné une particulière confimation de la présence de l’Esprit Saint-Paraclet. En un sens, il l’a rendu nouvellement « présent » dans notre époque difficile. On comprend mieux, à la lumière de cette conviction, la grande importance de toutes les initiatives tendant à la réalisation de Vatican II, de son magistère et de sa visée pastorale et œcuménique. Dans cette perspective, il convient de prendre en considération et d’apprécier les Assemblées du Synode des Eveques, réunies par la suite, qui ont eu pour but de permettre que les fruits de la Vérité et de l’Amour – les fruits authentiques de l’Esprit Saint – deviennent un bien durable du Peuple de Dieu dans son pèlerinage terrestre au cours des siècles. Ce travail de l’Eglise est indispensable, car il est destiné à vérifier et à consolider les fruits salvifiques de l’Esprit accordés au Concile. A cette fin, il est nécessaire de savoir les « discerner » attentivement par rapport à tout ce qui peut, au contraire, provenir en premier lieu du « Prince de ce monde »[98]. Ce discernement est d’autant plus nécessaire dans la réalisation de l’œuvre du Concile que celui-ci s’est largement ouvert au monde contemporain, comme on le voit clairement dans les Constitutions importantes Gaudium et spes et Lumen gentium.
Nous lisons dans la Constitution pastorale : « Leur communauté (celle des disciples du Christ) … s’édifie avec des hommes, rassemblés dans le Christ, conduits par l’Esprit Saint dans leur marche vers le Royaume du Père, et porteurs d’un message de salut qu’il leur faut proposer à tous. La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire »[99]. « L’Eglise sait parfaitement que Dieu seul, dont elle est la servante, répond aux plus profonds désirs du cœur humain que jamais ne rassasient pleinement les nourritures terrestres »[100]. « L’Esprit de Dieu .… par une providence admirable, conduit le cours des temps et rénove la face de la terre »[101].
Deuxième Partie – L’Esprit qui met en lumière le péché du Monde
1. Péché, justice et jugement
27. Jésus, pendant son discours au Cénacle, annonce la venue de l’Esprit Saint « au prix » de son propre départ, et il promet : « Si je pars, je vous l’enverrai ». Mais, dans ce même contexte, il ajoute : « Et lui, une fois venu, il établira la culpabilité du monde en fait de péché, en fait de justice et en fait de jugement »[102]. Le Paraclet lui-même, l’Esprit de vérité, promis comme celui qui « enseignera » et « rappellera », comme celui qui « rendra témoignage », comme celui qui « introduira dans la vérité tout entière », est maintenant annoncé, par les paroles que nous venons de citer, comme celui qui « établira la culpabilité du monde en fait de péché, en fait de justice et en fait de jugement ».
Le contexte semble déjà significatif. Jésus relie cette annonce de la venue de l’Esprit Saint aux paroles qui indiquent son « départ » par la Croix et qui en soulignent même la nécessité : « C’est votre intérêt que je parte ; car si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous »[103].
Mais ce qui compte le plus, c’est l’explication que Jésus ajoute lui-même à ces trois mots : péché, justice, jugement. Il dit en effet : « Il établira la culpabilité du monde en fait de péché, en fait de justice et en fait de jugement : de péché, parce qu’ils ne croient pas en moi ; de justice, parce que je vais vers le Père et que vous ne me verrez plus ; de jugement, parce que le Prince de ce monde est jugé »[104]. Dans la pensée de Jésus, le péché, la justice, le jugement ont un sens bien précis, différent de celui que l’on aurait peut-être tendance à attribuer à ces mots indépendamment de l’explication donnée par celui qui parle. Cette explication indique aussi comment il faut comprendre l’expression « établir la culpabilité du monde », qui est propre à l’action de l’Esprit Saint. Et ici, le sens de chaque mot importe, et aussi le fait que Jésus les a unis entre eux dans la même phrase.
« Le péché », dans ce texte, signifie l’incrédulité que Jésus rencontre parmi les « siens », à commencer par ses concitoyens de Nazareth. Il signifie le refus de sa mission, qui amènera les hommes à le condamner à mort. Lorsque, ensuite, il parle de « la justice », Jésus semble envisager la justice définitive que lui rendra le Père en l’entourant de la gloire de la résurrection et de l’ascension au ciel : « Je m’en vais vers le Père ». A son tour, dans le contexte du « péché » et de la « justice » ainsi entendus, « le jugement » signifie que l’Esprit de vérité montrera, dans la condamnation de Jésus à la mort en Croix, le péché du « monde ». Toutefois, le Christ n’est pas venu dans le monde uniquement pour le juger et le condamner : il est venu pour le sauver[105]. La mise en lumière du péché et de la justice a pour but le salut du monde, le salut des hommes. C’est bien cette vérité qui semble soulignée par l’affirmation que « le jugement » concerne seulement le « Prince de ce monde », à savoir Satan, celui qui, depuis le commencement, exploite l’œuvre de la création contre le salut, contre l’alliance et l’union de l’homme avec Dieu : il est « déjà jugé » depuis le commencement. Si l’Esprit-Paraclet doit confondre le monde en fait de jugement, c’est pour continuer en lui l’œuvre salvatrice du Christ.
28. Nous voulons ici concentrer principalement notre attention sur cette mission de « manifester le péché du monde », qui est celle de l’Esprit Saint, tout en respectant les paroles de Jésus dans l’ensemble du contexte. L’Esprit Saint, qui reçoit du Fils l’œuvre de la Rédemption du monde, assume par là même la tâche de « manifester le péché » pour sauver. Cela se fait en référence permanente à la « justice », c’est-à-dire au salut définitif en Dieu, à l’accomplissement de l’économie qui a pour centre le Christ crucifié et glorifié. Et cette économie salvifique de Dieu soustrait l’homme, en un sens, au « jugement », c’est-à-dire à la damnation, qui a frappé le péché de Satan, le « Prince de ce monde », celui qui, à cause de son péché, est devenu « régisseur de ce monde de ténèbres »[106]. Et voici qu’en vertu de cette référence au « jugement », s’ouvrent de vastes horizons pour la compréhension du « péché », et aussi de la « justice ». Montrant le péché, sur l’arrière-plan de la Croix du Christ, dans l’économie du salut (on pourrait dire « le péché sauvé »), l’Esprit Saint fait comprendre que sa mission est de mettre en évidence même le péché qui a déjà été jugé définitivement (« le péché condamné »).
29. Toutes les paroles prononcées par le Rédempteur au Cénacle, à la veille de sa passion, s’inscrivent dans le temps de l’Eglise, à commencer par celles qui concernent l’Esprit Saint comme Paraclet et comme Esprit de vérité. Elles s’y inscrivent d’une manière toujours nouvelle, à chaque génération, à chaque époque. Cela est confirmé, pour ce qui est de notre siècle, par l’ensemble de l’enseignement du Concile Vatican II, spécialement dans la Constitution pastorale « Gaudium et spes ». De nombreux passages de ce document montrent clairement que le Concile, s’ouvrant à la lumière de l’Esprit de vérité, se présente comme le dépositaire authentique de tout ce qui a été annoncé et promis par le Christ aux Apôtres et à l’Eglise dans le discours d’adieu, en particulier de l’annonce selon laquelle l’Esprit Saint doit « établir la culpabilité du monde en fait de péché, en fait de justice et en fait de jugement ».
C’est ce qu’indique déjà le texte dans lequel le Concile explique ce qu’il entend par « monde » : « Le monde qu’il (le Concile lui-même) a ainsi en vue est celui des hommes, la famille humaine tout entière avec l’univers au sein duquel elle vit. C’est le théâtre où se joue l’histoire du genre humain, le monde marqué par l’effort de l’homme, ses défaites et ses victoires. Pour la foi des chrétiens, ce monde a été fondé et demeure conservé par l’amour du Créateur ; il est tombé, certes, sous l’esclavage du péché, mais le Christ, par la Croix et la Résurrection, a brisé le pouvoir du Malin et l’a libéré pour qu’il soit transformé selon le dessein de Dieu et qu’il parvienne ainsi à son accomplissement »[107]. Il faut, en référence à ce texte très synthétique, lire les autres passages de la Constitution qui cherchent à montrer, avec tout le réalisme de la foi, la situation du péché dans le monde contemporain et aussi à expliquer son essence, en partant de divers points de vue[108].
Lorsque Jésus, la veille de Pâques, parle de l’Eprit Saint comme de celui qui « mettra en lumière le péché du monde », il faut, d’un côté, donner à cette affirmation la portée la plus grande possible, en ce sens qu’elle comprend tout l’ensemble des péchés qui marquent l’histoire de l’humanité. Mais, d’un autre côté, quand Jésus explique que ce péché consiste dans le fait qu”«ils ne croient pas en lui », la portée de l’affirmation semble se restreindre à ceux qui ont refusé de reconnaître la mission messianique du Fils de l’homme, le condamnant à la mort sur la Croix. Il est cependant difficile de ne pas remarquer que cette portée plus « réduite » du sens du péché, située avec précision dans l’histoire, s’élargit jusqu’à prendre une ampleur universelle en raison de l’universalité de la Rédemption accomplie par la Croix. La révélation du mystère de la Rédemption ouvre la voie à une intelligence de ce mystère selon laquelle tout péché, quel que soit le lieu ou le temps où il a été commis, est mis en rapport avec la Croix du Christ – et donc aussi, indirectement, avec le péché de ceux qui « n’ont pas cru en lui » et ont condamné Jésus Christ à la mort sur la Croix.
De ce point de vue, il nous faut revenir à l’événement de la Pentecôte.
2. Le témoignage du jour de la Pentecôte
30. Le jour de la Pentecôte, tout ce que le Christ avait annoncé lors de son discours d’adieu fut confirmé de la manière la plus exacte et la plus directe, en particulier l’annonce dont nous parlons ici : « Le Paraclet … établira la culpabilité du monde en fait de péché ». Ce jour-là, l’Esprit Saint promis descendit sur les Apôtres réunis dans la prière avec Marie, Mère de Jésus, au Cénacle, comme nous le lisons dans les Actes des Apôtres : « Tous furent alors remplis de l’Esprit Saint et commencèrent a parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer »[109], « l’Esprit ramenant ainsi à l’unité les races séparées et offrant au Père les prémices de toutes les nations »[110].
On voit clairement le rapport entre ce qu’avait annoncé le Christ et cet événement. Nous y distinguons l’accomplissement premier et fondamental de la promesse concernant le Paraclet. Envoyé par le Père, il vient « après » le départ du Christ, « au prix » de ce départ. Ce départ s’effectue d’abord par la mort sur la Croix, puis quarante jours après la résurrection, par l’ascension au ciel. Au moment de l’ascension, Jésus ordonne encore aux Apôtres « de ne pas s’éloigner de Jérusalem, mais d’y attendre ce que le Père avait promis» ; « vous serez baptisés dans l’Esprit Saint sous peu de jours» ; « vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre »[111].
Ces dernières paroles contiennent un echo, ou un rappel, de l’annonce faite au Cénacle. Et le jour de la Pentecôte, cette annonce se réalise de façon très précise. Agissant sous l’influence de l’Esprit Saint reçu par les Apôtres pendant la prière au Cénacle, devant une multitude de personnes de langues différentes réunies pour la fête, Pierre se présente et parle. Il proclame ce qu’il n’aurait certainement pas eu le courage de dire auparavant : « Hommes d’Israël …, Jésus le Nazaréen, cet homme que Dieu a accrédité auprès de vous par les miracles, prodiges et signes qu’il a opérés par lui au milieu de vous …, cet homme qui avait été livré selon le dessein bien arrêté et la prescience de Dieu, vous l’avez pris et fait mourir en le clouant à la croix par la main des impies, mais Dieu l’a ressuscité, le délivrant des affres de la mort. Aussi bien n’était-il pas possible qu’il fût retenu en son pouvoir »[112].
Jésus avait prédit et promis : « Il me rendra témoignage… Mais vous aussi, vous témoignerez ». Ce « témoignage » trouve clairement son commencement dans le premier discours de Pierre à Jérusalem : c’est le témoignage sur le Christ crucifié et ressuscité. C’est le témoignage de l’Esprit-Paraclet et des Apôtres. Et selon le contenu même de ce premier témoignage, l’Esprit de vérité, par la bouche de Pierre, « met en lumière le péché du monde », à commencer par le péché qu’est le refus du Christ jusqu’à le faire condamner à mort, jusqu’à la Croix du Golgotha. Des proclamations de même contenu se répéteront, selon le texte des Actes des Apôtres, en d’autres occasions et en différents endroits[113].
31. Depuis ce témoignage initial de la Pentecôte, l’action de l’Esprit de vérité, qui « manifeste le péché du monde », celui de refuser le Christ, est en relation organique avec le témoignage rendu au mystère pascal, au mystère du Crucifé et du Ressuscité. Et dans cette relation, l’expression « manifester le péché » révèle sa propre dimension salvifique. C’est en effet une « manifestation » qui n’a pas pour but le seul fait d’accuser le monde, encore moins de le condamner. Jésus Christ n’est pas venu dans le monde pour le juger et le condamner, mais pour le sauver[114]. Cela est souligné dès ce premier discours, lorsque Pierre s’écrie : « Que toute la maison d’Israël le sache donc avec certitude : Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous, vous avez crucifié »[115]. Et par la suite, lorsque les personnes présentes demandent à Pierre et aux Apôtres : « Frères, que devons-nous faire ? », voici la réponse : « Repentez-vous, et que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus Christ pour la rémission de ses péchés, et vous recevrez alors le don du Saint-Esprit »[116].
De cette façon, la « manifestation du péché » devient en même temps manifestation de la rémission des péchés, par la puissance de l’Esprit Saint. Dans son discours de Jérusalem, Pierre exhorte à la conversion, comme Jésus exhortait ses auditeurs au début de son activité messianique[117]. La conversion requiert la mise en lumière du péché, elle contient en elle-même le jugement intérieur de la conscience. On peut y voir la preuve de l’action de l’Esprit de vérité au plus profond de l’homme, et cela devient en même temps le commencement d’un nouveau don de la grâce et de l’amour : « Recevez l’Esprit Saint »[118]. Ainsi, dans cette « mise en lumière du péché », nous découvrons un double don : le don de la vérité de la conscience et le don de la certitude de la rédemption. L’Esprit de vérité et le Paraclet.
La manifestation du péché, par le ministère de la prédication apostolique dans l’Eglise naissante, est mise en relation – sous l’impulsion de l’Esprit reçu à la Pentecôte – avec la puissance rédemptrice du Christ crucifié et ressuscité. Ainsi s’accomplit la promesse relative à l’Esprit Saint qui a été faite avant Pâques : « C’est de mon bien qu’il reçoit, et il vous le dévoilera ». Lorsque, pendant l’événement de la Pentecôte, Pierre parle du péché de ceux qui « n’ont pas cru »[119] et qui ont livré Jésus de Nazareth à une mort ignominieuse, il rend donc témoignage à la victoire sur le péché, victoire qui a été remportée, en un sens, à travers le péché le plus grand que l’homme ait pu commettre : le meurtre de Jésus, Fils de Dieu, de même nature que le Père ! Pareillement, la mort du Fils de Dieu l’emporte sur la mort humaine : « Ero mors tua, o mors », « j’étais ta mort, ô mort »[120], de même que le péché d’avoir crucifié le Fils de Dieu « l’emporte » sur le péché humain ! Ce péché est celui qui a été consommé à Jérusalem le jour du Vendredi Saint, et aussi tout péché de l’homme. En effet, au plus grand des péchés commis par l’homme correspond, dans le cœur du Rédempteur, l’offrande de l’amour suprême qui surpasse le mal de tous les péchés des hommes. Se fondant sur cette certitude, l’Eglise n’hésite pas à répéter chaque année, dans la liturgie romaine de la veillée pascale, « O felix culpa ! heureuse faute ! », lors de l’annonce de la résurrection que fait le diacre par le chant de l”« Exsultet ».
32. Mais de cette vérité ineffable, personne ne peut convaincre le monde, l’homme, la conscience humaine, sinon Lui-même, l’Esprit de vérité. Il est l’Esprit qui « sonde les profondeurs de Dieu »[121]. Face au mystère du péché, il faut sonder « les profondeurs de Dieu » jusqu’au bout. Il ne suffit pas de sonder la conscience humaine, en tant que mystère intime de l’homme ; il est nécessaire de pénétrer dans le mystère intime de Dieu, dans ces « profondeurs de Dieu » que synthétise la formule : au Père, dans le Fils, par l’Esprit Saint. C’est précisément l’Esprit Saint qui « sonde » ces profondeurs, et qui en tire la réponse de Dieu au péché de l’homme. Avec cette réponse se conclut le processus de « mise en lumière du péché », comme le montre clairement l’événement de la Pentecôte.
En établissant la culpabilité du « monde » pour ce qui est du péché du Golgotha, de la mort de l’Agneau innocent, comme cela se produit le jour de la Pentecôte, l’Esprit Saint fait de même pour tout péché commis en quelque lieu ou moment que ce soit dans l’histoire de l’homme : il montre en effet son rapport avec la Croix du Christ. Etablir la culpabilité, c’est montrer le mal qu’est le péché, tout péché, par rapport à la Croix du Christ. Le péché, sous l’éclairage de ce rapport, est vu dans toute la dimension du mal qui lui est propre, en raison du mysterium iniquitatis[122] qu’il contient et qu’il cache. L’homme ne connaît pas cette dimension, il ne la connaît absolument pas en dehors de la Croix du Christ. Il ne peut donc être « convaincu » de cela que par l’Esprit Saint, Esprit de vérité mais aussi Paraclet.
Car le péché, mis en relation avec la Croix du Christ, est en même temps identifié dans la pleine dimension du « mysterium pietatis »[123], comme l’a montré l’Exhortation apostolique post-synodale Reconciliatio et paenitentia[124]. Cette autre dimension du péché, l’homme ne la connaît absolument pas non plus en dehors de la Croix du Christ. Et il ne peut en être convaincu que par l’Esprit Saint, par celui qui sonde les profondeurs de Dieu.
3. Le témoignage du commencement : la réalité originelle du péché
33. C’est la dimension du péché que nous trouvons dans le témoignage sur le commencement tel que le donne le Livre de la Genèse[125]. C’est le péché qui, selon la Parole de Dieu révélée, constitue le principe et la racine de tous les autres péchés. Nous nous trouvons en face de la réalité originelle du péché dans l’histoire de l’homme, et en même temps dans l’ensemble de l’économie du salut. On peut dire que le mysterium iniquitatis a son origine dans ce péché, mais que c’est aussi le péché à l’égard duquel la puissance rédemptrice du mysterium pietatis devient particulièrement transparente et efficace. C’est ce qu’exprime saint Paul lorsque, à la « désobéissance » du premier Adam, il oppose l”«obéissance » du Christ, second Adam : « L’obéissance jusqu’à la mort »[126].
Selon le témoignage du commencement, le péché, dans sa réalité originelle, se produit dans la volonté – et dans la conscience – de l’homme, avant tout comme « désobéissance », c’est-à-dire comme opposition de la volonté de l’homme à la volonté de Dieu. Cette désobéissance originelle présuppose le refus, ou au moins l’éloignement, de la vérité contenue dans la Parole de Dieu qui crée le monde. Cette Parole est le Verbe lui-même, qui était « au commencement avec Dieu », qui « était Dieu » et sans qui « rien ne fut », car « le monde fut par lui »[127]. C’est le Verbe qui est aussi la Loi éternelle, la source de toute loi, qui régit le monde et spécialement les actions de l’homme. Lorsque, à la veille de sa passion, Jésus Christ parle du péché de ceux qui « ne croient pas en lui », il y a donc, dans ces paroles pleines de douleur, comme une allusion lointaine au péché qui s’inscrit obscurément sous sa forme originelle dans le mystère même de la création. Celui qui parle est, en effet, non seulement le Fils de l’homme, mais celui qui est aussi « le premier-né de toute créature », « car c’est en lui qu’ont été créées toutes choses…; tout a été créé par lui et pour lui »[128]. A la lumière de cette vérité, on comprend que la « désobéissance », dans le mystère du commencement, présuppose en un sens la même « non-foi », le même « ils n’ont pas cru » que l’on retrouvera face au mystère pascal. Il s’agit, nous l’avons dit, du refus, ou au moins de l’éloignement, de la vérité contenue dans la Parole du Père. Le refus s’exprime dans les faits comme une « désobéissance », un acte accompli comme un effet de la tentation qui provient du « père du mensonge »[129]. A la racine du péché humain, il y a donc le mensonge en tant que refus radical de la vérité qui est dans le Verbe du Père, par lequel s’exprime la toute-puissance aimante du Créateur : la toute-puissance et en même temps l’amour « de Dieu le Père, Créateur du ciel et de la terre ».
34. « L’Esprit de Dieu », qui, selon la description biblique de la création, « planait sur les eaux »[130], désigne le même « Esprit qui sonde les profondeurs de Dieu » : il sonde les profondeurs du Père et du Verbe-Fils dans le mystère de la création. Non seulement il est le témoin direct de leur amour réciproque, d’où est issue la création, mais il est lui-même cet Amour. Lui-même, comme Amour, est l’éternel don incréé. En lui se trouve la source et le commencement de tout don fait aux créatures. Le témoignage du commencement, que nous trouvons dans toute la Révélation, dès le Livre de la Genèse, est clair et ne varie pas sur ce point. Créer veut dire appeler à l’existence à partir du néant ; créer signifie donc donner l’existence. Et si le monde visible est créé pour l’homme, c’est donc à l’homme que le monde est donné[131]. Simultanément, l’homme reçoit comme don, dans son humanité, une particulière « image et ressemblance » de Dieu. Cela signifie non seulement que la nature humaine possède d’une manière constitutive la rationalité et la liberté, mais aussi que, depuis le commencement, l’homme est capable d’un rapport personnel avec Dieu, comme « je » et « tu », et donc qu’il est capable d’une alliance, qui sera établie grâce à la communication salvifique que Dieu fait de lui-même à l’homme. Enfin, avec en arrière-plan l”«image et ressemblance » de Dieu, « le don de l’Esprit » signifie appel à l’amitié dans laquelle les transcendantes « profondeurs de Dieu » s’ouvrent, en quelque sorte, à la participation de l’homme. Le Concile Vatican II enseigne que « le Dieu invisible (cf. Col 1, 15 ; 1 Tm 1, 17) s’adresse aux hommes en son immense amour ainsi qu’à des amis (cf. Ex 33, 11 ; Jn 15, 14–15), il s’entretient avec eux (cf. Ba 3, 38) pour les inviter et les admettre à partager sa propre vie »[132].
35. En conséquence, l’Esprit, « qui sonde tout, jusqu’aux profondeurs de Dieu », connaît depuis le commencement « ce qui concerne l’homme »[133]. C’est précisément pour cela que lui seul peut pleinement « mettre en lumière » le péché qui a existé au commencement, ce péché qui est la racine de tous les autres et le foyer de la perversité – qui ne disparaît jamais – de l’homme sur la terre. L’esprit de vérité connaît la réalité originelle du péché suscité dans la volonté de l’homme par l’œuvre du « père du mensonge », celui qui, déjà, « est jugé »[134]. L’Esprit Saint établit donc la culpabilité du monde en fait de péché par rapport à ce « jugement », mais en menant constamment vers la « justice » qui a été révélée à l’homme avec la Croix du Christ, par l”«obéissance jusqu’à la mort »[135].
Seul l’Esprit Saint peut mettre en évidence le péché de l’origine de l’humanité, Lui qui est Amour du Père et du Fils, Lui qui est Don, alors que le péché des origines de l’homme consiste dans le mensonge et dans le refus du Don et de l’Amour qui déterminent le commencement du monde et de l’homme.
36. Selon le témoignage du commencement, que nous trouvons dans toute l’Ecriture et dans la Tradition, après la première (et aussi la plus complète) description figurant dans le Livre de la Genèse, le péché, dans sa forme originelle, est compris comme une « désobéissance », ce qui a le sens simple et direct de transgression d’une interdiction établie par Dieu[136]. Mais, à la lumière de tout le contexte, il est clair aussi que les racines de cette désobéissance doivent être cherchées en profondeur dans l’ensemble de la situation réelle de l’homme. Appelé à l’existence, l’être humain – homme et femme – est une créature. L”«image de Dieu », constituée par la rationalité et la liberté, indique la grandeur et la dignité du sujet humain, qui est une personne. Mais ce sujet personnel reste toujours une créature qui, dans son existence et dans son essence, dépend du Créateur. Selon la Genèse, « l’arbre de la connaissance du bien et du mal » devait exprimer et rappeler constamment à l’homme la « limite » infranchissable pour un être créé. C’est en ce sens que l’on entend l’interdiction posée par Dieu : le Créateur défend à l’homme et à la femme de manger les fruits de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Les paroles de l’incitation, c’est-à-dire de la tentation telle qu’elle est formulée dans le texte sacré, poussent à transgresser cette interdiction, c’est-à-dire à franchir cette « limite » : « Le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux, qui connaissent le bien et le mal »[137].
La « désobéissance » signifie justement le dépassement de cette limite, qui reste infranchissable pour la volonté et la liberté de l’homme comme être créé. Le Dieu Créateur est en effet la source unique et définitive de l’ordre moral dans le monde qu’il a créé. L’homme ne peut par lui-même décider ce qui est bon et ce qui est mauvais, il ne peut « connaître le bien et le mal », comme Dieu. Oui, dans le monde créé, Dieu demeure la source première et suprême de la décision du bien et du mal, à travers la vérité intime de l’être, vérité qui est le reflet du Verbe, Fils éternel consubstantiel au Père. A l’homme créé à l’image de Dieu, l’Esprit Saint accorde le don de la conscience, afin qu’en elle l’image puisse refléter fidèlement son modèle, qui est en même temps la Sagesse et la Loi éternelles, source de l’ordre moral dans l’homme et dans le monde. La « désobéissance », comme dimension originelle du péché, signifie le refus de cette source, motivé par la prétention de l’homme de devenir source autonome et exclusive pour décider du bien et du mal. L’Esprit qui « sonde … les profondeurs de Dieu », et qui, en même temps, est pour l’homme la lumière de la conscience et la source de l’ordre moral, connaît dans toute son ampleur cette dimension du péché, qui s’inscrit dans le mystère du commencement de l’humanité. Et il ne cesse d’en « convaincre le monde » en relation avec la Croix du Christ au Golgotha.
37. Selon le témoignage du commencement, Dieu, dans la création, s’est révélé lui-même comme toute-puissance qui est Amour. En même temps, il a révélé à l’homme que, en tant qu”«image et ressemblance » de son Créateur, il est appelé à participer à la vérité et à l’amour. Cette participation veut dire vivre en union avec Dieu, qui est la « vie éternelle »[138]. Mais l’homme, sous l’influence du « père du mensonge », s’est détaché de cette participation. Dans quelle mesure ? Certes pas dans la mesure du péché d’un pur esprit, pas dans la mesure du péché de Satan. L’esprit humain est incapable d’atteindre une telle mesure[139]. Dans la description de la Genèse, on remarque aisément la différence de degré entre, d’un côté, le « souffle du mal » de la part de celui qui « est pécheur (c’est-à-dire demeure dans le péché) dès l’origine »[140] et qui déjà « est jugé »[141], et, d’un autre côté, le mal de la désobéissance de la part de l’homme.
Cependant, cette désobéissance signifie toujours que l’on tourne le dos à Dieu et, en un sens, que la liberté humaine se ferme à lui. Elle signifie aussi une certaine ouverture de cette liberté – de la connaissance et de la volonté humaine – vers celui qui est le « père du mensonge ». Cet acte de choix conscient n’est pas seulement une « désobéissance » mais comporte aussi une certaine adhésion à la motivation contenue dans la première incitation au péché et constamment renouvelée durant toute l’histoire de l’homme sur la terre : « Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux, qui connaissent le bien et le mal ».
Nous nous trouvons ici au centre même de ce que l’on pourrait appeler l”«anti-Verbe », c’est-à-dire l”«anti-vérité ». Ainsi se trouve faussée la vérité de l’homme, à savoir : ce qu’est l’homme et quelles sont les limites infranchissables de son être et de sa liberté. Cette « antivérité » est possible car, en même temps, est complètement « faussée » la vérité sur ce qu’est Dieu. Le Dieu Créateur est mis en suspicion, et même en accusation, dans la conscience de la créature. Pour la première fois dans l’histoire de l’homme apparaît dans sa perversité le « génie du soupçon ». Il cherche à « fausser » le Bien lui-même, le Bien absolu, qui s’est justement manifesté dans l’œuvre de la création comme le Bien qui donne d’une manière ineffable, comme bonum diffusivum sui, comme Amour créateur. Qui peut pleinement « manifester le péché », c’est-à-dire cette motivation de la désobéissance originelle de l’homme, sinon celui qui seul est le Don et la source de toute largesse, sinon l’Esprit, qui « sonde les profondeurs de Dieu » et qui est l’Amour du Père et du Fils ?
38. En effet, malgré tout le témoignage de la création et de l’économie du salut qui s’y rattache, l’esprit des ténèbres[142] est capable de montrer Dieu comme un ennemi de sa créature et, avant tout, comme un ennemi de l’homme, comme une source de danger et de menace pour l’homme. Ainsi, Satan introduit dans la psychologie de l’homme le germe de l’opposition à l’égard de celui qui, « depuis l’origine », doit être considéré comme ennemi de l’homme, et non comme Père. L’homme est poussé à devenir l’adversaire de Dieu !
L’analyse du péché dans sa dimension originelle montre que, de par le « père du mensonge », il y aura au cours de l’histoire de l’humanité une pression constante pour que l’homme refuse Dieu, jusqu’à le haïr : « L’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu », selon l’expression de saint Augustin[143]. L’homme sera enclin à voir en Dieu avant tout une limitation pour lui-même, et non la source de sa liberté et la plénitude du bien. Nous en voyons la confirmation à l’époque moderne où les idéologies athées tendentàextirper la religion en partant du présupposé qu’elle entraîne la radicale « aliénation » de l’homme, comme si l’homme était dépouillé de son humanité lorsque, après avoir accepté l’idée de Dieu, il attribue à ce dernier ce qui appartient à l’homme, et exclusivement à l’homme ! D’où un processus de pensée et de comportement historique et sociologique où le refus de Dieu est allé jusqu’à déclarer sa « mort ». C’est une absurdité, dans le concept et dans les termes ! Mais l’idéologie de la « mort de Dieu » menace plutôt l’homme, comme le souligne Vatican II lorsque, se livrant à l’analyse de la question de l”«autonomie des réalités terrestres », il écrit : « La créature sans Créateur s’évanouit … Et même, l’oubli de Dieu rend opaque la créature elle-même »[144]. L’idéologie de la « mort de Dieu » montre aisément par ses effets qu’elle est, sur le plan théorique comme sur le plan pratique, l’idéologie de la « mort de l’homme ».
4. L’Esprit qui transforme la souffrance en amour sauveur
39. L’Esprit, qui sonde les profondeurs de Dieu, a été appelé par Jésus, dans son discours du Cénacle, le Paraclet. En effet, depuis le commencement, « il est invoqué »[145] pour « manifester le péché du monde ». Il est invoqué de façon définitive à travers la Croix du Christ. Manifester le péché veut dire montrer le mal qu’il comporte. Ce qui revient à révéler le mysterium iniquitatis. Il n’est pas possible de saisir le mal du péché dans toute sa douloureuse réalité sans « sonder les profondeurs de Dieu ». Depuis les origines, le mystère obscur du péché s’est manifesté dans le monde avec en arrière-plan la référence au Créateur de la liberté humaine. Il s’est manifesté comme un acte de volonté de la créature-homme contraire à la volonté de Dieu, à la volonté salvifique de Dieu ; bien plus, il s’est manifesté en opposition à la vérité, sur la base du mensonge désormais « jugé » définitivement, ce mensonge qui a mis en état d’accusation, en état de suspicion permanente, l’Amour créateur et sauveur lui-même. L’homme a suivi le « père du mensonge », en s’opposant au Père de la vie et à l’Esprit de vérité.
« Manifester le péché » ne devrait-il pas alors signifier également révéler la souffrance, révéler la douleur, inconcevable et inexprimable, que, à cause du péché, le Livre saint semble, dans sa vision anthropomorphique, entrevoir dans les « profondeurs de Dieu » et, en un sens, au cœur même de l’inexprimable Trinité ? L’Eglise, s’inspirant de la Révélation, croit et professe que le péché est une offense faite à Dieu. Qu’est-ce qui correspond, dans l’insondable intimité du Père, du Verbe et de l’Esprit Saint, à cette « offense », à ce refus de l’Esprit qui est Amour et Don ? La conception de Dieu comme être nécessairement très parfait exclut évidemment, en Dieu, toute souffrance provenant de carences ou de blessures ; mais dans les « profondeurs de Dieu », il y a un amour de Père qui, face au péché de l’homme, réagit, selon le langage biblique, jusqu’à dire : « Je me repens d’avoir fait l’homme »[146]. « Le Seigneur vit que la méchanceté de l’homme était grande sur la terre… Le Seigneur se repentit d’avoir fait l’homme sur la terre, et il s’affligea dans son cœur. Et le Seigneur dit… « je me repens de les avoir faits » »[147]. Mais plus souvent le Livre saint nous parle d’un Père qui éprouve de la compassion pour l’homme, comme s’il partageait sa souffrance. En définitive, cette insondable et indescriptible « douleur » de père donnera surtout naissance à l’admirable économie de l’amour rédempteur en Jésus Christ, afin que, par le mysterium pietatis, l’amour puisse, dans l’histoire de l’homme, se révéler plus fort que le péché. Afin que prévale le « Don » !
L’Esprit Saint, qui, selon les paroles de Jésus, « manifeste le péché », est l’Amour du Père et du Fils, et, comme tel, il est le Don trinitaire tout en étant la source éternelle de toute largesse divine aux créatures. En lui précisément, nous pouvons concevoir comme personnifiée et réalisée d’une manière transcendante la miséricorde que la tradition patristique et théologique, dans la ligne de l’Ancien et du Nouveau Testament, attribue à Dieu. En l’homme, la miséricorde inclut la douleur et la compassion pour les misères du prochain. En Dieu, l’Esprit qui est Amour fait que la considération du péché humain se traduit par de nouvelles libéralités de l’amour sauveur. De lui, dans l’unité avec le Père et le Fils, naît l’économie du salut, qui remplit l’histoire de l’homme des dons de la Rédemption. Si le péché, en refusant l’amour, a engendré la « souffrance » de l’homme qui s’est étendue d’une certaine manière à toute la création[148], l’Esprit Saint entrera dans la souffrance humaine et cosmique avec une nouvelle effusion d’amour qui rachètera le monde. Et sur les lèvres de Jésus Rédempteur, dans l’humanité de qui se concrétise la « souffrance » de Dieu, reviendra un mot par lequel se manifeste l’Amour éternel plein de miséricorde : « Misereor », « j’ai pitié »[149]. Ainsi, pour l’Esprit Saint, « mettre en lumière le péché » revient à manifester, devant la création « assujettie à la vanité » et surtout au plus profond des consciences humaines, que le péché est vaincu par le sacrifice de l’Agneau de Dieu, lequel est devenu « jusqu’à la mort » le serviteur obéissant qui, remédiant à la désobéissance de l’homme, opère la rédemption du monde. C’est de cette façon que l’Esprit de vérité, le Paraclet, « met en lumière le péché ».
40. La valeur rédemptrice du sacrifice du Christ est exprimée en des phrases très significatives par l’auteur de la Lettre aux Hébreux. Celui-ci, après avoir rappelé les sacrifices de l’Ancienne Alliance, dans lesquels « le sang des boucs et des jeunes taureaux… procurait la pureté de la chair », ajoute : « Combien plus le sang du Christ, qui, par un Esprit éternel, s’est offert lui-même sans tache à Dieu, purifiera-t-il notre conscience des œuvres mortes pour que nous rendions un culte au Dieu vivant ! »[150]. Certes, d’autres interprétations sont possibles, mais nos considérations sur la présence de l’Esprit Saint dans toute la vie du Christ nous portent à reconnaître dans ce texte comme une invitation à réfléchir sur la présence de ce même Esprit Saint également dans le sacrifice rédempteur du Verbe incarné.
Revenons donc d’abord sur les paroles initiales qui traitent de ce sacrifice, puis, séparément, sur la « purification de la conscience » qu’il opère. Il s’agit en effet d’un sacrifice offert « par (= par l’œuvre de) un Esprit éternel », qui « reçoit » de lui la force de « manifester le péché » pour le salut. C’est ce même Esprit Saint que, selon la promesse faite au Cénacle, Jésus Christ « portera » aux Apôtres le jour de sa résurrection, en se présentant à eux avec les plaies de la crucifixion, et qu’il leur « donnera pour la rémission des péchés » : « Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis »[151].
Nous savons que « Dieu a oint de l’Esprit Saint et de puissance Jésus de Nazareth », comme le disait Simon Pierre dans la maison du centurion Corneille[152]. Nous connaissons le mystère pascal de son « départ », selon l’Evangile de Jean. Les paroles de la Lettre aux Hébreux nous expliquent maintenant de quelle façon le Christ « s’est offert lui-même sans tache à Dieu », et nous disent qu’il l’a fait « par un Esprit éternel ». Dans le sacrifice du Fils de l’homme, l’Esprit Saint est présent et agit de la même manière qu’il agissait dans sa conception, dans sa venue au monde, dans sa vie cachée et dans son ministère public. Selon la Lettre aux Hébreux, en route vers son « départ » à travers Gethsémani et le Golgotha, ce même Jésus Christ s’est ouvert totalement, dans son humanité, à l’action de l’Esprit-Paraclet qui, dans la souffrance, fait apparaître l’amour éternel source de salut. Il a donc été « exaucé en raison de sa piété ; tout Fils qu’il était, il apprit, de ce qu’il souffrit, l’obéissance »[153]. Ainsi cette Lettre montre que l’humanité, soumise au péché dans les descendants du premier Adam, est devenue en Jésus Christ parfaitement soumise à Dieu et unie à lui, tout en étant remplie de miséricorde à l’égard des hommes. Apparaît alors une nouvelle humanité qui, en Jésus Christ, par la souffrance de la Croix, est revenue à l’amour trahi par le péché d’Adam. Cette nouvelle humanité s’est retrouvée dans la même source divine du don originel : dans l’Esprit, qui « sonde les profondeurs de Dieu » et qui est lui-même Amour et Don.
Le Fils de Dieu, Jésus Christ, en tant qu’homme, dans la prière ardente de sa passion, a permis à l’Esprit Saint, qui avait déjà pénétré jusqu’au fond son humanité, de la transformer en un sacrifice parfait par l’acte de sa mort, comme victime d’amour sur la Croix. C’est seul qu’il a présenté cette offrande. Prêtre unique, il « s’est offert lui-même sans tache à Dieu »[154]. Dans son humanité, il était digne de devenir un tel sacrifice car lui seul était « sans tache ». Mais il l’a offert « par un Esprit éternel » : cela signifie que l’Esprit Saint a agi d’une manière spéciale dans ce don absolu de lui-même réalisé par le Fils de l’homme pour transformer la souffrance en amour rédempteur.
41. Dans l’Ancien Testament, on parle souvent du « feu du ciel » qui brûlait les offrandes présentées par les hommes[155]. Par analogie, on peut dire que l’Esprit Saint est le « feu du ciel » qui agit au plus profond du mystère de la Croix. Venant du Père, il tourne vers le Père le sacrifice du Fils, le faisant entrer dans la divine réalité de la communion trinitaire. Si le péché a engendré la souffrance, maintenant la douleur de Dieu dans le Christ crucifié acquiert, par l’Esprit Saint, toute son expression humaine. On se trouve ainsi devant un mystère paradoxal d’amour : dans le Christ souffre un Dieu repoussé par sa propre créature : « Ils ne croient pas en moi!»; mais en même temps, devant la profondeur de cette souffrance – et, indirectement, la profondeur du péché même « de ne pas avoir cru » -, l’Esprit fait croître à un degré nouveau le don fait à l’homme et à la création depuis le commencement. Dans les profondeurs du mystère de la Croix, l’Amour agit, et cet Amour amène l’homme à participer de nouveau à la vie qui est en Dieu même.
L’Esprit Saint, en tant qu’Amour et Don, descend, en un sens, au cœur même du sacrifice offert sur la Croix. En nous référant à la tradition biblique, nous pouvons dire qu’il consomme ce sacrifice par le feu de l’Amour qui unit le Fils au Père dans la communion trinitaire. Et comme le sacrifice de la Croix est un acte propre du Christ, dans ce sacrifice aussi il « reçoit » l’Esprit Saint. Il le reçoit d’une manière telle qu’il peut ensuite lui-même – et lui seul avec Dieu le Père – « le donner » aux Apôtres, à l’Eglise, à l’humanité. Lui seul « l’envoie » d’auprès du Père[156]. Lui seul se présente devant les Apôtres réunis au Cénacle, « souffle sur eux » et dit : « Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis »[157], ainsi que l’avait annoncé Jean-Baptiste : « Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu »[158]. Par ces paroles de Jésus, l’Esprit Saint est révélé et en même temps rendu présent comme l’Amour qui agit au plus profond du mystère pascal, comme source de la puissance salvifique de la Croix du Christ, comme Don de la vie nouvelle et éternelle.
Cette vérité sur l’Esprit Saint est exprimée quotidiennement dans la liturgie romaine, lorsque le prêtre, avant la communion, prononce ces paroles significatives : « Seigneur Jésus Christ, Fils du Dieu vivant, selon la volonté du Père et avec la puissance du Saint-Esprit, tu as donné, par ta mort, la vie au monde …». Et dans la troisième Prière eucharistique, se référant à cette même économie du salut, le prêtre demande à Dieu que l’Esprit Saint « fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire ».
5. Le sang qui purifie la conscience
42. Nous avons dit qu’au point culminant du mystère pascal, l’Esprit Saint est définitivement révélé et rendu présent d’une façon nouvelle. Le Christ ressuscité dit aux Apôtres : « Recevez l’Esprit Saint ». Ainsi est révélé l’Esprit Saint, car les paroles du Christ constituent la confirmation des promesses et des annonces du discours du Cénacle. Et par là même, le Paraclet est rendu présent d’une manière nouvelle. En réalité, il agissait depuis le commencement dans le mystère de la création et tout au long de l’histoire de l’Ancienne Alliance de Dieu avec l’homme. Son action a été pleinement confirmée par la mission du Fils de l’homme, le Messie venu dans la puissance de l’Esprit Saint. Au sommet de la mission messianique de Jésus, l’Esprit Saint se rend présent au sein du mystère pascal dans sa qualité de sujet divin : il est celui qui doit maintenant continuer l’œuvre salvifique enracinée dans le sacrifice de la Croix. Cette œuvre, bien sûr, est confiée par Jésus à des hommes : aux Apôtres, à l’Eglise. Toutefois, en ces hommes et par eux, l’Esprit Saint demeure le sujet transcendant de la réalisation de cette œuvre dans l’esprit de l’homme et dans l’histoire du monde : lui, le Paraclet invisible tout en étant omniprésent ! L’Esprit qui « souffle où il veut » [159].
Les paroles prononcées par le Christ ressuscité le « premier jour après le sabbat » mettent particulièrement en relief la présence du Paraclet-Consolateur, celui qui « établit la culpabilité du monde en fait de péché, en fait de justice et en fait de jugement ». C’est seulement dans ce rapport, en effet, que s’expliquent les paroles que Jésus met en relation directe avec le « don » de l’Esprit Saint aux Apôtres. Il dit : « Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus »[160]. Jésus confère aux Apôtres le pouvoir de remettre les péchés, pour qu’ils le transmettent à leurs successeurs dans l’Eglise. Toutefois, ce pouvoir, accordé aux hommes, présuppose et inclut l’action salvifique de l’Esprit Saint. En devenant la « lumière des cœurs »[161], c’est-à-dire des consciences, l’Esprit Saint « manifeste le péché », c’est-à-dire fait connaître à l’homme son mal et en même temps l’oriente vers le bien. Grâce à la multiplicité de ses dons – on l’invoque comme le « Porteur des sept dons » -, la puissance salvifique de Dieu peut atteindre tout péché, de quelque genre qu’il soit. En réalité, comme le dit saint Bonaventure, « en vertu des sept dons de l’Esprit Saint, tous les maux sont détruits tandis que sont réalisés tous les biens »[162].
Sous l’influence du Paraclet s’accomplit donc cette conversion du cœur humain qui est la condition indispensable du pardon des péchés. Sans une vraie conversion, qui suppose une contrition intérieure, et en l’absence d’une résolution ferme et sincère de changement, les péchés restent « non remis », comme le dit Jésus, et avec lui la Tradition de l’Ancienne et de la Nouvelle Alliance. En effet, les premières paroles prononcées par Jésus au début de son ministère, selon l’Evangile de Marc, sont les suivantes : « Convertissez-vous et croyez à l’Evangile »[163]. Nous avons une confirmation de cette exhortation dans la « mise en lumière du péché » que l’Esprit Saint entreprend d’une manière nouvelle en vertu de la Rédemption opérée par le Sang du Fils de l’homme. C’est pourquoi la Lettre aux Hébreux dit que ce « sang purifie la conscience »[164]. Et donc celui-ci, pour ainsi dire, ouvre à l’Esprit Saint la route qui conduit au cœur de l’homme, c’est-à-dire au sanctuaire des consciences humaines.
43. Le Concile Vatican II a rappelé l’enseignement catholique sur la conscience, en parlant de la vocation de l’homme et en particulier de la dignité de la personne humaine. C’est précisément la conscience qui détermine d’une manière spécifique cette dignité. Elle est en effet « le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre ». C’est clairement qu’elle « dit dans l’intimité de son cœur : « Fais ceci, évite cela »». Cette capacité de commander le bien et d’interdire le mal, inscrite dans l’homme par le Créateur, est la propriété caractéristique du sujet personnel. Mais en même temps, au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne se donne pas lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir »[165]. La conscience n’est donc pas une source autonome et exclusive pour décider ce qui est bon et ce qui est mauvais ; au contraire, en elle est profondément inscrit un principe d’obéissance à l’égard de la norme objective qui fonde et conditionne la conformité de ses décisions aux commandements et aux interdits qui sont à la base du comportement humain, comme il apparaît dès la page du Livre de la Genèse déjà évoquée[166]. En ce sens précis, la conscience est le « sanctuaire secret » où « la voix de Dieu se fait entendre ». Et c’est la « voix de Dieu », même quand l’homme reconnaît exclusivement en elle le principe de l’ordre moral dont on ne peut douter humainement, fût-ce sans référence directe au Créateur : la conscience trouve toujours son fondement et sa justification dans cette référence.
La « mise en lumière du péché » sous l’influence de l’Esprit de vérité, dont parle l’Evangile, ne peut se réaliser dans l’homme autrement que par le chemin de la conscience. Si la conscience est droite, elle sert à trouver « selon la vérité la solution de tant de problèmes moraux que soulèvent aussi bien la vie privée que la vie sociale» ; et alors, « les personnes et les groupes s’éloignent d’une décision aveugle et tendent à se conformer aux normes objectives de la moralité »[167].
Le premier fruit d’une conscience droite est d’appeler par leur nom le bien et le mal, comme le fait, par exemple, la même Constitution pastorale de Vatican II : « Tout ce qui s’oppose à la vie elle-même, comme toute espèce d’homicide, le génocide, l’avortement, l’euthanasie et même le suicide délibéré ; tout ce qui constitue une violation de l’intégrité de la personne humaine, comme les mutilations, la torture physique ou morale, les contraintes psychologiques ; tout ce qui est offense à la dignité de l’homme, comme les conditions de vie sous-humaines, les emprisonnements arbitraires, les déportations ; l’esclavage, la prostitution, le commerce des femmes et des jeunes ; ou encore les conditions de travail dégradantes qui réduisent les travailleurs au rang de purs instruments de rapport, sans égard pour leur personnalité libre et responsable» ; et, après avoir appelé par leur nom les multiples péchés si fréquents et si répandus en notre temps, la Constitution ajoute : « Toutes ces pratiques et d’autres analogues sont, en vérité, infâmes. Tandis qu’elles corrompent la civilisation, elles déshonorent ceux qui s’y livrent plus encore que ceux qui les subissent et insultent gravement à l’honneur du Créateur »[168].
En appelant par leur nom les péchés les plus déshonorants pour l’homme, et en démontrant qu’ils sont un mal moral qui s’inscrit au passif de tout bilan du progrès de l’humanité, le Concile caractérise tout cela comme une étape « de la lutte, combien dramatique, entre le bien et le mal, entre la lumière et les ténèbres », qui caractérise « toute la vie des hommes, individuelle et collective »[169]. L’assemblée du Synode des Evêques de 1983 sur la réconciliation et la pénitence a précisé davantage encore la signification personnelle et sociale du péché de l’homme[170].
44. Au Cénacle, la veille de sa Passion puis le soir de Pâques, Jésus Christ a fait appel à l’Esprit Saint comme à celui qui témoigne que, dans l’histoire de l’humanité, le péché continue à exister. Toutefois, le péché est soumis à la puissance salvifique de la Rédemption. La « manifestation du péché du monde » ne s’arrête pas au simple fait d’appeler celui-ci par son nom et de l’identifier pour ce qu’il est dans toute l’étendue de sa nature. Dans la manifestation du péché du monde, l’Esprit de vérité rencontre la voix des consciences humaines.
De cette façon, on en arrive à mettre en évidence les racines du péché, qui se trouvent au cœur de l’homme, comme le souligne la même Constitution pastorale : « En vérité, les déséquilibres qui travaillent le monde moderne sont liés à un déséquilibre plus fondamental, qui prend racine dans le cœur de l’homme. C’est en l’homme lui-même, en effet, que de nombreux éléments se combattent. D’une part, comme créature, il fait l’expérience de ses multiples limites ; d’autre part, il se sent illimité dans ses désirs et appelé à une vie supérieure. Sollicité de tant de façons, il est sans cesse contraint de choisir et de renoncer. Pire : faible et pécheur, il accomplit souvent ce qu’il ne veut pas et n’accomplit point ce qu’il voudrait »[171]. Le texte conciliaire se réfère ici aux paroles bien connues de saint Paul[172].
La « mise en lumière du péché », qui accompagne la conscience humaine chaque fois qu’elle réfléchit en profondeur sur elle-même, conduit donc à la découverte des racines du péché dans l’homme, et aussi des conditionnements de la conscience elle-même au cours de l’histoire. Nous retrouvons de cette façon la réalité originelle du péché dont nous avons déjà parlé. L’Esprit Saint « met en lumière le péché » par rapport au mystère du commencement, en indiquant le fait que l’homme est un être créé et qu’il est donc en totale dépendance ontologique et éthique du Créateur, tout en rappelant la condition pécheresse héréditaire de la nature humaine. Mais c’est toujours en relation avec la Croix du Christ que l’Esprit Saint-Paraclet « met en lumière le péché ». Dans cette relation, le christianisme exclut toute « fatalité » du péché. « Un dur combat contre les puissances des ténèbres passe à travers toute l’histoire des hommes ; commencé dès les origines, il durera, le Seigneur nous l’a dit, jusqu’au dernier jour », ainsi s’exprime le Concile[173]. « Mais le Seigneur en personne est venu pour restaurer l’homme dans sa liberté et sa force »[174]. Loin de se laisser prendre au piège de sa condition de pécheur, l’homme, s’appuyant sur la voix de sa propre conscience, doit donc « sans cesse combattre pour s’attacher au bien ; et ce n’est qu’au prix de grands efforts, avec la grâce de Dieu, qu’il parvient à réaliser son unité intérieure »[175]. A juste titre, le Concile voit dans le péché le responsable de la rupture qui pèse sur la vie personnelle comme sur la vie sociale de l’homme ; mais en même temps il rappelle inlassablement la possibilité de la victoire.
45. L’Esprit de vérité, qui « met en évidence le péché du monde », rencontre les efforts de la conscience humaine, dont les textes conciliaires parlent d’une manière très suggestive. Ces efforts de la conscience déterminent aussi les voies de la conversion humaine : tourner le dos au péché pour rebâtir la vérité et l’amour au cœur même de l’homme. On sait que parfois il en coûte beaucoup de reconnaître le mal en soi-même. On sait que non seulement la conscience commande ou interdit, mais qu’elle juge à la lumière des ordres et des défenses intérieurs. Elle est aussi la source des remords : l’homme souffre intérieurement à cause du mal qu’il a commis. Cette souffrance n’est-elle pas comme un écho lointain de ce « regret d’avoir créé l’homme » que le Livre saint, dans un langage anthropomorphique, attribue à Dieu, de cette « réprobation » qui, s’inscrivant au « cœur » de la Trinité, se traduit par la douleur de la Croix, par l’obéissance du Christ jusqu’à la mort en vertu de l’amour éternel ? Quand l’Esprit de vérité permet à la conscience humaine de participer à cette douleur, la souffrance de la conscience devient particulièrement profonde, mais aussi particulièrement salvifique. Par un acte de contrition parfaite s’opère alors la conversion authentique du cœur : c’est la « metanoia » évangélique.
Les efforts du cœur humain, les efforts de la conscience, grâce auxquels s’opère cette « metanoia » ou conversion, sont le reflet du processus par lequel la réprobation est transformée en amour salvifique qui accepte de souffrir. L’auteur caché de cette force salvatrice est l’Esprit Saint : Lui qui est appelé par l’Eglise « lumière des consciences » pénètre et remplit « jusqu’à l’intime les cœurs » humains[176]. Par une telle conversion dans l’Esprit Saint, l’homme s’ouvre au pardon, à la rémission des péchés. Et tout cet admirable dynamisme de la conversion-rémission confirme la vérité de ce qu’écrit saint Augustin sur le mystère de l’homme en commentant les paroles du psaume : « L’abîme appelle l’abîme »[177]. C’est précisément à l’égard de cette « profondeur abyssale » de l’homme, de la conscience humaine, que s’accomplit la mission du Fils et de l’Esprit Saint. L’Esprit Saint « vient » en vertu du « départ » du Christ dans le mystère pascal : il vient dans tout cas concret de conversion-rémission, en vertu du sacrifice de la Croix : en lui, en effet, « le sang du Christ … purifie notre conscience des œuvres mortes pour que nous rendions un culte au Dieu vivant »[178]. Ainsi s’accomplissent continuellement les paroles sur l’Esprit Saint présenté comme « un autre Paraclet », paroles qui, au Cénacle, furent adressées aux Apôtres et indirectement à tous : « Vous, vous le connaissez, parce qu’il demeure auprès de vous et qu’il sera en vous »[179].
6. Le péché contre l’Esprit Saint
46. Compte tenu de ce que nous avons dit jusqu’à maintenant, certaines autres paroles impressionnantes et saisissantes de Jésus deviennent plus compréhensibles. On pourrait les appeler les paroles du « non-pardon ». Elles nous sont rapportées par les synoptiques, à propos d’un péché particulier qui est appelé « blasphème contre l’Esprit Saint ». Voici comment elles ont été rapportées dans les trois rédactions :
Matthieu : « Tout péché et blasphème sera remis aux hommes, mais le blasphème contre l’Esprit ne sera pas remis. Et quiconque aura dit une parole contre le Fils de l’homme, cela lui sera remis ; mais quiconque aura parlé contre l’Esprit Saint, cela ne lui sera remis ni en ce monde ni dans l’autre »[180].
Marc : « Tout sera remis aux enfants des hommes, les péchés et les blasphèmes tant qu’ils en auront proférés ; mais quiconque aura blasphémé contre l’Esprit Saint n’aura jamais de rémission : il est coupable d’une faute éternelle »[181].
Luc : « Quiconque dira une parole contre le Fils de l’homme, cela lui sera remis, mais à qui aura blasphémé contre le Saint-Esprit, cela ne sera pas remis »[182].
Pourquoi le blasphème contre l’Esprit Saint est-il impardonnable ? En quel sens entendre ce blasphème ? Saint Thomas d’Aquin répond qu’il s’agit d’un péché « irrémissible de par sa nature, parce qu’il exclut les éléments grâce auxquels est accordée la rémission des péchés »[183].
Selon une telle exégèse, le « blasphème » ne consiste pas à proprement parler à offenser en paroles l’Esprit Saint ; mais il consiste à refuser de recevoir le salut que Dieu offre à l’homme par l’Esprit Saint agissant en vertu du sacrifice de la Croix. Si l’homme refuse la « manifestation du péché », qui vient de l’Esprit Saint et qui a un caractère salvifique, il refuse en même temps la « venue » du Paraclet, cette « venue » qui s’est effectuée dans le mystère de Pâques, en union avec la puissance rédemptrice du Sang du Christ, le Sang qui « purifie la conscience des œuvres mortes ».
Nous savons que le fruit d’une telle purification est la rémission des péchés. En conséquence, celui qui refuse l’Esprit et le Sang demeure dans les « œuvres mortes », dans le péché. Et le blasphème contre l’Esprit Saint consiste précisément dans le refus radical de cette rémission dont Il est le dispensateur intime et qui présuppose la conversion véritable qu’il opère dans la conscience. Si Jésus dit que le péché contre l’Esprit Saint ne peut être remis ni en ce monde ni dans l’autre, c’est parce que cette « non-rémission » est liée, comme à sa cause, à la « non-pénitence », c’est-à-dire au refus radical de se convertir. Cela signifie le refus de se tourner vers les sources de la Rédemption, qui restent cependant « toujours » ouvertes dans l’économie du salut, dans laquelle s’accomplit la mission de l’Esprit Saint. Celui-ci a le pouvoir infini de puiser à ces sources : « C’est de mon bien qu’il reçoit », a dit Jésus. Il complète ainsi dans les âmes humaines l’œuvre de la Rédemption accomplie par le Christ, en leur partageant ses fruits. Or le blasphème contre l’Esprit Saint est le péché commis par l’homme qui présume et revendique le « droit » de persévérer dans le mal – dans le péché quel qu’il soit – et refuse par là même la Rédemption. L’homme reste enfermé dans le péché, rendant donc impossible, pour sa part, sa conversion et aussi, par conséquent, la rémission des péchés, qu’il ne juge pas essentielle ni importante pour sa vie. Il y a là une situation de ruine spirituelle, car le blasphème contre l’Esprit Saint ne permet pas à l’homme de sortir de la prison où il s’est lui-même enfermé et de s’ouvrir aux sources divines de la purification des consciences et de la rémission des péchés.
47. L’action de l’Esprit de vérité, qui tend à la « mise en lumière du péché » pour le salut, se heurte, dans l’homme qui se trouve en une telle situation, à une résistance intérieure, presque une impénétrabilité de la conscience, un état d’âme que l’on dirait durci en raison d’un libre choix : c’est ce que la Sainte Ecriture appelle « l’endurcissement du cœur »[184]. De nos jours, à cette attitude de l’esprit et du cœur fait peut-être écho la perte du sens du péché, à laquelle l’Exhortation apostolique Reconciliatio et paenitentia a consacré de nombreuses pages[185]. Déjà, le Pape Pie XII avait affirmé que « le péché de ce siècle est la perte du sens du péché »[186], et cela va de pair avec la « perte du sens de Dieu ». Dans l’Exhortation mentionnée ci-dessus, nous lisons : « En réalité, Dieu est l’origine et la fin suprême de l’homme, et celui-ci porte en lui un germe divin. C’est pourquoi, c’est le mystère de Dieu qui dévoile et éclaire le mystère de l’homme. Il est donc vain d’espérer qu’un sens du péché puisse prendre consistance par rapport à l’homme et aux valeurs humaines si fait défaut le sens de l’offense commise contre Dieu, c’est-à-dire le véritable sens du péché »[187].
C’est pourquoi l’Eglise ne cesse de demander à Dieu que la rectitude ne fasse jamais défaut dans les consciences humaines, et que ne s’atténue pas leur saine sensibilité face au bien et au mal. Cette rectitude et cette sensibilité sont intimement liées à l’action de l’Esprit de vérité. Cet éclairage rend particulièrement éloquentes les exhortations de l’Apôtre : « N’éteignez pas l’Esprit» ; « ne contristez pas l’Esprit Saint »[188]. Mais surtout, l’Eglise ne cesse de prier intensément pour que n’augmente pas dans le monde le péché appelé par l’Evangile « blasphème contre l’Esprit Saint », et, plus encore, pour qu’il régresse dans les âmes – et par contrecoup dans les divers milieux et les différentes formes de la société -, cédant la place à l’ouverture des consciences indispensable à l’action salvifique de l’Esprit Saint. L’Eglise demande que le dangereux péché contre l’Esprit laisse la place à une sainte disponibilité à accepter sa mission de Paraclet, lorsqu’il vient « manifester la culpabilité du monde en fait de péché, en fait de justice et en fait de jugement ».
48. Dans son discours d’adieu, Jésus a lié ces trois domaines de « la manifestation », qui sont les composantes de la mission du Paraclet : le péché, la justice et le jugement. Ils indiquent la place de ce mysterium pietatis qui, dans l’histoire de l’homme, s’oppose au péché, au mysterium iniquitatis[189]. D’un côté, comme le dit saint Augustin, il y a l”«amour de soi jusqu’au mépris de Dieu », et de l’autre, il y a l”«amour de Dieu jusqu’au mépris de soi »[190]. L’Eglise fait continuellement monter sa prière et accomplit sa tâche pour que l’histoire des consciences et l’histoire des sociétés, dans la grande famille humaine, ne s’abaissent pas vers le pôle du péché par le refus des commandements de Dieu « jusqu’au mépris de Dieu », mais bien plutôt s’élèvent vers l’amour dans lequel se révèle l’Esprit qui donne la vie.
Ceux qui acceptent la « mise en évidence du péché » par l’Esprit Saint l’acceptent également pour « la justice et le jugement ». L’Esprit de vérité, qui aide les hommes, les consciences humaines, à connaître la vérité du péché, fait en sorte, par là même, qu’ils connaissent la vérité de la justice qui est entrée dans l’histoire de l’homme avec la venue de Jésus Christ. Ainsi, ceux qui, convaincus qu’ils sont pécheurs, se convertissent sous l’action du Paraclet, sont en un sens conduits hors du cercle du « jugement », de ce « jugement » par lequel « le Prince de ce monde est déjà jugé »[191]. La conversion, dans la profondeur de son mystère divin et humain, signifie la rupture de tout lien par lequel le péché unit l’homme à l’ensemble du mysterium iniquitatis. Donc, ceux qui se convertissent sont conduits par l’Esprit Saint hors du cercle du « jugement » et introduits dans la justice qui se trouve dans le Christ Jésus, et qui s’y trouve parce qu’il la reçoit du Père[192], comme un reflet de la sainteté trinitaire. Telle est la justice de l’Evangile et de la Rédemption, la justice du Discours sur la montagne et de la Croix, qui opère la purification de la conscience par le sang de l’Agneau. C’est la justice que le Père rend au Fils et à tous ceux qui lui sont unis dans la vérité et dans l’amour.
Dans cette justice, l’Esprit Saint, Esprit du Père et du Fils, qui « manifeste le péché du monde », se révèle et se rend présent dans l’homme comme Esprit de vie éternelle.
Troisième Partie – L’Esprit qui donne la vie
1. Motif du Jubilé de l’An 2000 : le Christ, qui a été conçu du Saint-Esprit
49. C’est vers l’Esprit Saint que se tournent la pensée et le cœur de l’Eglise en cette fin du vingtième siècle et dans la perspective du troisième millénaire depuis la venue au monde de Jésus Christ, tandis que nous portons notre regard vers le grand Jubilé par lequel l’Eglise célébrera l’événement. Cette venue prend place en effet, dans l’ordre du temps humain, comme un événement qui appartient à l’histoire de l’homme sur la terre. La mesure du temps habituellement adoptée situe les années, les siècles, les millénaires selon qu’ils s’écoulent avant ou après la naissance du Christ. Mais il faut aussi avoir conscience que cet événement signifie pour nous chrétiens, selon l’Apôtre, la « plénitude du temps »[193], car, par lui, c’est la « mesure » de Dieu lui-même qui a totalement marqué l’histoire de l’homme : une présence transcendante dans le « nunc », l’Aujourd’hui éternel. « Celui qui est, qui était et qui vient» ; celui qui est « L’Alpha et l’Oméga, le Premier et le Dernier, le Principe et la Fin »[194]. « Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle »[195]. « Quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d’une femme … afin de nous conférer l’adoption filiale »[196]. Et cette Incarnation du Fils-Verbe est advenue par l’Esprit Saint.
Les deux évangélistes auxquels nous devons le récit de la naissance et de l’enfance de Jésus de Nazareth s’expriment sur cette question de la même manière. Selon Luc, lors de l’annonciation de la naissance de Jésus, Marie demande : « Comment cela sera-t-il, puisque je ne connais pas d’homme ? », et elle reçoit cette réponse : « L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Tres-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi l’être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu »[197].
Matthieu raconte directement : « Telle fut la genèse de Jésus Christ. Marie, sa mère, était Sancée à Joseph : or, avant qu’ils eussent mené vie commune, elle se trouva enceinte par le fait de l’Esprit Saint »[198]. Troublé par cet état de choses, Joseph reçut, durant son sommeil, l’explication suivante : « Ne crains pas de prendre chez toi Marie, ta femme : car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus : car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés »[199].
Aussi l’Eglise, depuis les origines, professe-t-elle le mystère de l’Incarnation, ce mystère central de la foi, en se référant à l’Esprit Saint. Ainsi s’exprime le Symbole des Apôtres : « Il a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie ». Ce n’est pas autrement que le Symbole de Nicée-Constantinople atteste : « Par l’Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie, et s’est fait homme ».
« Par l’Esprit Saint » s’est fait homme celui dont l’Eglise proclame, selon les termes du même Symbole, qu’il est le Fils de même nature que le Père : « Dieu, né de Dieu, lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu, engendré, non pas créé ». Il s’est fait homme « en prenant chair de la Vierge Marie ». Voilà ce qui s’accomplit « quand vint la plénitude du temps ».
50. Le grand Jubilé, qui conclura le second millénaire et auquel l’Eglise se prépare déjà, a directement un profil christologique : il s’agit en effet de célébrer la naissance de Jésus Christ. En même temps, il a un profil pneumatologique, puisque le mystère de l’Incarnation s’est accompli « par le Saint-Esprit ». Ce fut l’œuvre de cet Esprit qui, consubstantiel au Père et au Fils, est, dans le mystère absolu de Dieu un et trine, la Personne-Amour, le Don incréé, source éternelle de tout don qui provient de Dieu dans l’ordre de la création, le principe direct et, en un sens, le sujet de la communication que Dieu fait de lui-même dans l’ordre de la grâce. De ce don, de cette communication que Dieu fait de lui-même, le mystère de l’Incarnation constitue le sommet.
En effet, la conception et la naissance de Jésus Christ sont l’œuvre la plus grande accomplie par l’Esprit Saint dans l’histoire de la création et du salut, c’est-à-dire la grâce suprême – « la grâce d’union » -, source de toute autre grâce, comme l’explique saint Thomas[200]. Le grand Jubilé se rapporte à cette œuvre et se rapporte aussi, si nous approfondissons son sens, à l’artisan de cette œuvre, à la Personne de l’Esprit Saint.
A la « plénitude du temps » correspond, en effet, une particulière plénitude de la communication que le Dieu un et trine fait de lui-même dans l’Esprit Saint. « Par le Saint-Esprit » s’accomplit le mystère de l”« union hypostatique », c’est-à-dire de l’union de la nature divine avec la nature humaine, de la divinité avec l’humanité dans l’unique Personne du Verbe-Fils. Quand Marie, au moment de l’annonciation, prononce son « fiat » : « Qu’il m’advienne selon ta parole »[201], elle conçoit de façon virginale un homme, le Fils de l’homme, qui est le Fils de Dieu. Grâce à une telle « humanisation » du Verbe Fils, la communication que Dieu fait de lui-même atteint sa plénitude définitive dans l’histoire de la création et du salut. Cette plénitude acquiert une densité particulière et une éloquence très expressive dans le texte de l’Evangile de Jean : « Le Verbe s’est fait chair »[202]. L’Incarnation de Dieu-Fils signifie que la nature humaine est élevée à l’unité avec Dieu, mais aussi, en elle, en un sens, tout ce qui est « chair » : toute l’humanité, tout le monde visible et matériel. L’Incarnation a donc aussi un sens cosmique, une dimension cosmique. Le « premier-né de toute créature »[203], en s’incarnant dans l’humanité individuelle du Christ, s’unit en quelque sorte avec toute la réalité de l’homme, qui est aussi « chair »[204], et, en elle, avec toute « chair » avec toute la création.
51. Tout cela s’accomplit par l’Esprit Saint, et appartient par conséquent au contenu du futur grand Jubilé. L’Eglise ne peut se préparer à ce Jubilé autrement que dans l’Esprit Saint. Ce qui, « dans la plénitude du temps », s’est accompli par l’Esprit Saint, ne peut maintenant ressortir dans la mémoire de l’Eglise que par lui. C’est par lui que cela peut être rendu présent dans la nouvelle phase de l’histoire de l’homme sur la terre : l’An 2000 après la naissance du Christ.
L’Esprit Saint qui, par sa puissance, prit sous son ombre le corps virginal de Marie, réalisant en elle le début de la maternité divine, rendit en même temps son cœur parfaitement obéissant à l’égard de cette communication que Dieu fit de lui-même et qui surpassait toute pensée et toute capacité de l’homme. « Bienheureuse celle qui a cru ! »[205]: voilà la salutation que reçoit Marie de la part de sa parente Elisabeth, elle aussi « remplie de l’Esprit Saint »[206]. Dans les paroles qui saluent « celle qui a cru », il semble que l’on puisse voir un contraste lointain (mais en réalité très proche) avec tous ceux dont le Christ dira qu”«ils n’ont pas cru »[207]. Marie est entrée dans l’histoire du salut du monde par l’obéissance de la foi. Et la foi, dans sa nature la plus profonde, est l’ouverture du cœur humain devant le Don, devant la communication que Dieu fait de lui-même dans l’Esprit Saint. Saint Paul écrit : « Le Seigneur, c’est l’Esprit, et où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté »[208]. Quand le Dieu un et trine s’ouvre à l’homme dans l’Esprit Saint, cette « ouverture » révèle et, en même temps, donne à la créature-homme la plénitude de la liberté. Cette plénitude s’est manifestée de façon sublime précisément dans la foi de Marie, par « l’obéissance de la foi »[209]: oui, « bienheureuse celle qui a cru ! ».
2. Motif du Jubilé : la grâce s’est manifestée
52. Dans le mystère de l’Incarnation, l’œuvre de l’Esprit, « qui donne la vie », atteint son sommet. Il n’est possible de donner la vie, dont la plénitude est en Dieu, qu’en en faisant la vie d’un Homme, à savoir le Christ dans son humanité personnifiée par le Verbe dans l’union hypostatique. Et en même temps, par le mystère de l’Incarnation, jaillit d’une nouvelle manière la source de cette vie divine dans l’histoire de l’humanité : l’Esprit Saint. Le Verbe, « premier-né de toute créature », devient « l’aîné d’une multitude de frères »[210] et il devient ainsi la tête du corps qu’est l’Eglise, laquelle naîtra de la Croix et sera manifestée le jour de la Pentecôte, et, dans l’Eglise, il sera la tête de l’humanité, des hommes de toute nation, de toute race, de tout pays et de toute culture, de toute langue et de tout continent, tous appelés au salut. « Le Verbe s’est fait chair », lui en qui « était la vie et la vie était la lumière des hommes … A tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu »[211]. Mais tout cela s’est accompli et s’accomplit sans cesse « par l’Esprit Saint ».
Ils sont en effet « enfants de Dieu », d’après l’enseignement de l’Apôtre, « tous ceux qu’anime l’Esprit de Dieu »[212]. La filiation de l’adoption divine naît dans les hommes à partir du mystère de l’Incarnation, donc grâce au Christ, le Fils éternel. Mais la naissance, ou la renaissance, se réalise lorsque Dieu le Père « envoie dans nos cœurs l’Esprit de son Fils »[213]. Car nous recevons alors « un esprit de fils adoptifs qui nous fait nous écrier : « Abba ! Père ! « »[214]. Ainsi donc, cette filiation de Dieu, greffée dans l’âme humaine par la grâce sanctifiante, est l’œuvre de l’Esprit Saint. « L’Esprit en personne se joint à notre esprit pour attester que nous sommes enfants de Dieu. Enfants, et donc héritiers ; héritiers de Dieu, et cohéritiers du Christ »[215]. La grâce sanctifiante est dans l’homme le principe et la source de la vie nouvelle : vie divine, surnaturelle.
Le don de cette vie nouvelle est comme la réponse définitive de Dieu aux paroles du psalmiste, dans lesquelles, en quelque sorte, la voix de toutes les créatures trouve un écho : « Tu envoies ton souffle, ils sont créés, tu renouvelles la face de la terre »[216]. Celui qui, dans le mystère de la création, donne à l’homme et au cosmos la vie sous ses multiples formes visibles et invisibles, la renouvelle encore par le mystère de l’Incarnation. La création est ainsi complétée par l’Incarnation et pénétrée dès lors par les forces de la Rédemption qui envahissent l’humanité et toute la création. C’est ce que dit saint Paul ; sa vision cosmique et théologique semble reprendre les termes du psaume ancien : « La création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu »[217], c’est-à-dire de ceux que Dieu a « d’avance discernés », et aussi « prédestinés à reproduire l’image de son Fils »[218]. Les hommes connaissent ainsi une « adoption filiale » surnaturelle, et le Saint-Esprit, Amour et Don, en est l’origine. Comme tel, il est donné aux hommes. Et de la surabondance du Don incréé, chaque homme reçoit dans son cœur le don créé particulier par lequel les hommes « deviennent participants de la nature divine »[219]. Ainsi, la vie humaine est pénétrée de la vie divine à laquelle elle participe, et elle acquiert, elle aussi, une dimension divine, surnaturelle. Ainsi naît la vie nouvelle, par laquelle, en participant au mystère de l’Incarnation, « les hommes… accèdent, dans l’Esprit Saint, auprès du Père »[220]. Il y a donc une étroite dépendance de causalité entre l’Esprit qui donne la vie, la grâce sanctifiante, et la vitalité surnaturelle multiforme qui en découle dans l’homme : entre l’Esprit incréé et l’esprit humain créé.
53. On peut dire que tout cela rentre dans le cadre du grand Jubilé déjà évoqué. Car il faut dépasser la dimension historique du fait, considéré superficiellement. Il faut joindre au contenu christologique de l’événement la dimension pneumatologique, en regardant dans la foi l’ensemble des deux millénaires où s’est exercée l’action de l’Esprit de vérité : celui-ci, au cours des siècles, a puisé au trésor de la Rédemption du Christ, donnant aux hommes la vie nouvelle, réalisant en eux l’adoption dans le Fils unique, les sanctifiant, en sorte qu’ils peuvent redire à la suite de saint Paul : « Nous avons reçu l’Esprit de Dieu »[221].
Mais, en considérant ce motif du Jubilé, il n’est pas possible de se limiter aux deux mille ans écoulés depuis la naissance du Christ. Il faut remonter en arrière, embrasser aussi toute l’action de l’Esprit Saint avant le Christ – depuis le commencement – dans le monde entier et spécialement dans l’économie de l’Ancienne Alliance. Cette action, en effet, en tout lieu et en tout temps, même en tout homme, s’est accomplie selon l’éternel dessein de salut, dans lequel elle est étroitement unie au mystère de l’Incarnation et de la Rédemption ; ce mystère avait lui-même exercé son influence sur ceux qui croyaient au Christ à venir. La Lettre aux Ephésiens l’atteste de façon particulière[222]. Ainsi la grâce comporte en même temps un caractère christologique et un caractère pneumatologique, qui se retrouvent surtout en ceux qui adhèrent explicitement au Christ : « En lui (dans le Christ) … vous avez été marqués d’un sceau par l’Esprit de la Promesse, cet Esprit Saint qui constitue les arrhes de notre héritage et prépare la rédemption du Peuple que Dieu s’est acquis »[223].
Mais, toujours dans la perspective du grand Jubilé, nous devons aussi porter plus loin notre regard et avancer « vers le large », en sachant que « le vent soufile où il veut », selon l’image employée par Jésus dans la conversation avec Nicodème[224]. Le Concile Vatican II, centré principalement sur le thème de l’Eglise, nous rappelle que l’Esprit Saint agit aussi « à l’extérieur » du corps visible de l’Eglise. Il parle justement de « tous les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associés au mystère pascal »[225].
54. « Dieu est esprit, et ceux qui adorent, c’est dans l’esprit et la vérité qu’ils doivent adorer »[226]. Ces paroles, Jésus les a dites à la Samaritaine dans un autre de ses dialogues. Le grand Jubilé, qui sera célébré au terme de ce millénaire et au début du suivant, doit être un puissant appel adressé à tous ceux qui « adorent Dieu dans l’esprit et la vérité ». Il doit être pour tous une occasion particulière de méditer le mystère de Dieu un et trine, qui, en lui-même, est absolument transcendant par rapport au monde, spécialement par rapport au monde visible ; il est en effet Esprit au sens absolu, « Dieu est esprit »[227]; et, en même temps, d’une façon admirable, il est non seulement proche de ce monde, mais il y est présent et, en un sens, immanent, il le pénètre et le vivifie de l’intérieur. Cela vaut d’une manière spéciale pour l’homme : Dieu est présent dans la profondeur de son être, de sa pensée, de sa conscience, de son cœur ; réalité psychologique et ontologique, qui faisait dire à saint Augustin, en parlant de Dieu : « interior intimo meo »[228]. Ces paroles nous aident à mieux comprendre celles que Jésus adressait à la Samaritaine : « Dieu est esprit ». Seul l’Esprit peut être interior intimo meo – plus intime à moi que moi-même -, au niveau de l’être ou au niveau de l’expérience spirituelle ; seul l’Esprit peut être à ce point immanent à l’homme et au monde, en demeurant inviolable et sans changement dans son absolue transcendance.
Mais, en Jésus Christ, la présence divine dans le monde et dans l’homme s’est manifestée de façon nouvelle et sous forme visible. En lui véritablement « la grâce s’est manifestée »[229]. L’amour de Dieu le Père, Don, grâce infinie, principe de vie, est devenu visible dans le Christ, et, par l’humanité du Christ, il est devenu « partie » de l’univers, du genre humain, de l’histoire. Cette « manifestation » de la grâce dans l’histoire de l’homme, en Jésus Christ, s’est accomplie par l’Esprit Saint, qui est le principe de toute action salvifique de Dieu dans le monde, lui, le « Dieu caché »[230] qui, comme Amour et Don, « remplit l’univers »[231]. Toute la vie de l’Eglise, telle qu’elle se manifestera dans le grand Jubilé, signifie aller à la rencontre du Dieu invisible, à la rencontre de l’Esprit qui donne la vie.
3. L’Esprit Saint dans le conflit interne de l’homme : La chair, en ses désirs, s’oppose à l’esprit et l’esprit à la chair
55. Hélas, l’histoire du salut le montre, cette proximité et cette présence de Dieu à l’homme et au monde, cette admirable « condescendance » de l’Esprit, rencontre dans notre réalité humaine résistance et opposition. Quelle éloquence revêtent, de ce point de vue, les paroles prophétiques du vieillard Syméon qui, « poussé par l’Esprit », vint au Temple de Jérusalem, pour annoncer devant le nouveau-né de Bethléem qu’il devait « amener la chute et le relèvement d’un grand nombre en Israël, signe en butte à la contradiction » ![232] L’opposition à Dieu, qui est Esprit invisible, naît déjà, dans une certaine mesure, sur le terrain de la différence radicale du monde par rapport à Lui, c’est-à-dire de sa « visibilité » et de sa « matérialité » par rapport à Lui qui est « invisible » et « Esprit au sens absolu» ; elle naît de son imperfection naturelle et inévitable par rapport à Lui, l’être absolument parfait. Mais l’opposition devient conflit, rébellion, sur le plan éthique, à cause du péché qui prend possession du cœur humain, dans lequel « la chair s’oppose à l’esprit et l’esprit à la chair »[233]. Ce péché, l’Esprit Saint doit le « mettre en lumière » dans le monde, comme nous l’avons dit.
Saint Paul est celui qui décrit avec une particulière éloquence la tension et la lutte qui agitent le cœur humain. « Ecoutez-moi – lisons-nous dans la Lettre aux Galates -: marchez sous l’impulsion de l’Esprit et vous n’accomplirez plus ce que la chair désire. Car la chair, en ses désirs, s’oppose à l’esprit et l’esprit à la chair ; entre eux, c’est l’antagonisme ; aussi ne faites-vous pas ce que vous voulez »[234]. Déjà dans l’homme, parce qu’il est un être composé, esprit et corps, il existe une certaine tension, il se déroule une certaine lutte de tendances entre l”«esprit » et la « chair ». Mais cette lutte, en fait, appartient à l’héritage du péché, elle en est une conséquence et, en même temps, une confirmation. Elle fait partie de l’expérience quotidienne. Comme l’écrit l’Apôtre : « On sait bien tout ce que produit la chair : fornication, impureté, débauche, … orgies, ripailles et choses semblables ». Il s’agit là des péchés qu’on pourrait qualifier de « charnels ». L’Apôtre en ajoute d’autres encore : « Haines, discorde, jalousie, … dissensions, divisions, scissions, sentiments d’envie …»[235]. Tout cela constitue « les œuvres de la chair ».
Mais à ces œuvres qui sont indubitablement mauvaises, Paul oppose « le fruit de l’Esprit », qui est « charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi »[236]. Du contexte, il ressort clairement que, pour l’Apôtre, il ne s’agit pas de mépriser et de condamner le corps qui, avec l’âme spirituelle, constitue la nature de l’homme et sa personnalité de sujet ; il traite, par contre, des œuvres ou plutôt des dispositions stables – vertus et vices – moralement bonnes ou mauvaises, qui sont le fruit de la soumission (dans le premier cas) ou au contraire de la résistance (dans le second cas) à l’action salvatrice de l’Esprit Saint. C’est pourquoi l’Apôtre écrit : « Puisque l’Esprit est notre vie, que l’Esprit nous fasse aussi agir »[237]. Et dans d’autres passages : « Ceux en effet qui vivent selon la chair désirent ce qui est charnel ; ceux qui vivent selon l’esprit, ce qui est spirituel ». « Vous êtes sous l’emprise de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous »[238]. L’opposition que saint Paul montre entre la vie « selon l’Esprit » et la vie « selon la chair » entraîne une autre opposition : celle de la « vie » et celle de la « mort ». « Le désir de la chair, c’est la mort, tandis que le désir de l’esprit, c’est la vie et la paix» ; d’où l’avertissement : « Si vous vivez selon la chair, vous mourrez. Mais si par l’Esprit vous faites mourir les œuvres du corps, vous vivrez »[239].
Tout bien considéré, il y a là une exhortation à vivre dans la vérité, c’est-à-dire selon les exigences de la conscience droite, et il s’agit, en même temps, d’une profession de foi dans l’Esprit de vérité, celui qui donne la vie. Le corps, en effet, « est mort en raison du péché, mais l’Esprit est vie en raison de la justice» ; « ainsi donc … nous sommes débiteurs, mais non point envers la chair pour vivre selon la chair »[240]. Nous sommes plutôt débiteurs envers le Christ qui, dans le mystère pascal, a accompli notre justification, en nous obtenant l’Esprit Saint : « Quelqu’un a payé le prix de votre rachat »[241].
Dans les textes de saint Paul se superposent et s’imbriquent la dimension ontologique (la chair et l’esprit), la dimension éthique (le bien et le mal moral), la dimension pneumatologique (l’action de l’Esprit Saint dans l’ordre de la grâce). Ses paroles (spécialement dans les Lettres aux Romains et aux Galates) nous font connaître et ressentir vivement la vigueur de la tension et de la lutte qui se déroulent dans l’homme entre, d’un côté, l’ouverture à l’action de l’Esprit Saint, et, de l’autre, la résistance et l’opposition à son égard, à son don salvifique. Les termes ou les pôles opposés sont, de la part de l’homme, ses limitations et son caractère pécheur, points névralgiques de sa réalité psychologique et éthique ; et, de la part de Dieu, le mystère du Don, ce don incessant de la vie divine dans l’Esprit Saint. Qui sera victorieux ? Celui qui aura su accueillir le Don.
56. Malheureusement, la résistance à l’Esprit Saint, que saint Paul souligne dans sa dimension intérieure et subjective comme une tension, une lutte, une rébellion survenant dans le cœur humain, trouve, aux diverses époques de l’histoire, et spécialement à l’époque moderne, sa dimension extérieure, concrétisée, dans le contenu de la culture et de la civilisation, par les systèmes philosophiques, les idéologies, les programmes d’action et de formation des comportements humains. Elle trouve son expression la plus importante dans le matérialisme, aussi bien sous sa forme théorique, comme système de pensée, que sous sa forme pratique, comme méthode de lecture et d’évaluation des faits et aussi comme programme pour des comportements correspondants. Le système qui a donné le plus grand développement à cette forme de pensée, d’idéologie et de praxis, et qui l’a portée aux plus extrêmes conséquences sur le plan de l’action, est le matérialisme dialectique et historique, encore reconnu comme le noyau substantiel du marxisme.
Par principe et en fait, le matérialisme exclut radicalement la présence et l’action de Dieu, qui est esprit, dans le monde et par-dessus tout dans l’homme, pour la raison fondamentale qu’il n’accepte pas son existence, puisqu’il est, en soi et dans son programme, un système athée. L’athéisme est le phénomène impressionnant de notre temps : le Concile Vatican II lui a consacré quelques pages significatives[242]. Même si l’on ne peut parler de l’athéisme de manière univoque, et si l’on ne peut le réduire exclusivement à la philosophie matérialiste, étant donné qu’il existe diverses formes d’athéisme et que l’on peut dire sans doute que ce mot est souvent employé dans un sens équivoque, il est toutefois certain qu’un matérialisme véritable, au sens propre du terme, a un caractère athée, lorsqu’on l’entend comme une théorie qui explique la réalité et lorsqu’on l’adopte pour premier principe de l’action personnelle et sociale. L’horizon des valeurs et des fins de l’agir que le matérialisme détermine est étroitement lié à l’interprétation de la totalité de la réalité comme « matière ». Si, parfois, il parle encore de l”«esprit » et des « questions de l’esprit », par exemple dans le domaine de la culture ou de la morale, il le fait seulement en considérant certains faits comme dérivés (épiphénomènes) de la matière, qui est, selon ce système, la forme unique et exclusive de l’être. Il s’ensuit que, selon cette interprétation, la religion ne peut se comprendre que comme une sorte d”«illusion idéaliste », à combattre selon les manières et les méthodes les plus appropriées aux lieux et aux circonstances historiques, pour l’éliminer de la société et du cœur même de l’homme.
On peut donc dire que le matérialisme est le développement systématique et cohérent de la « résistance » et de l’opposition dénoncées par saint Paul lorsqu’il dit : « La chair … s’oppose à l’esprit ». Cette réalité conflictuelle est cependant réciproque, comme le souligne l’Apôtre dans la seconde partie de son aphorisme : « L’esprit s’oppose à la chair ». Celui qui veut vivre selon l’Esprit, en acceptant son action salvifique et en s’y conformant, ne peut pas ne pas repousser les tendances et les prétentions de la « chair », qu’elles soient intérieures ou extérieures, y compris dans leur expression idéologique et historique de « matérialisme » antireligieux. Sur cette toile de fond si caractéristique de notre temps, il faut souligner les « désirs de l’esprit » dans la préparation du grand Jubilé : ils sont des appels qui résonnent dans la nuit d’une nouvelle période d’Avent, au terme de laquelle, comme il y a deux mille ans, « toute chair verra le salut de Dieu »[243]. Voilà une possibilité et une espérance que l’Eglise confie aux hommes d’aujourd’hui. Elle sait que la rencontre, l’affrontement entre, d’une part, les « désirs contraires à l’Esprit », qui caractérisent tant d’aspects de la civilisation contemporaine spécialement en certains domaines, et, d’autre part, les « désirs contraires à la chair » – avec le fait que Dieu s’est rendu proche de nous, avec son Incarnation, avec la communication toujours nouvelle qu’il fait de lui-même dans l’Esprit Saint -, peut présenter en certains cas un caractère dramatique et aboutir peut-être à de nouvelles défaites humaines. Mais l’Eglise croit fermement que, pour sa part, Dieu ne cesse de se donner lui-même pour le salut, de venir pour le salut, et, au besoin, de « manifester le péché » pour le salut, par l’Esprit.
57. Dans l’opposition paulinienne entre l”«Esprit » et la « chair » s’inscrit aussi l’opposition entre la « vie » et la « mort ». Il s’agit là d’un grave problème, et il faut dire aussitôt à ce propos que le matérialisme, comme système de pensée, dans toutes ses versions, signifie l’acceptation de la mort comme terme définitif de l’existence humaine. Tout ce qui est matériel est corruptible et, par conséquent, le corps humain (en tant qu”«animal ») est mortel. Si l’homme, dans son essence, n’est que « chair », la mort demeure pour lui une frontière et un terme infranchissables. On comprend alors comment on arrive à dire que la vie humaine n’est rien d’autre qu’un « exister pour mourir ».
Il faut ajouter que, à l’horizon de la civilisation contemporaine – spécialement là où elle s’est le plus développée du point de vue technique et scientifique -, les signes et les signaux de mort sont devenus particulièrement présents et fréquents. Il suffit de penser à la course aux armements et au danger qu’elle comporte d’une autodestruction nucléaire. D’autre part, tous peuvent constater de plus en plus la situation grave de vastes régions de notre planète, affectées par l’indigence et la faim porteuses de mort. Il ne s’agit pas seulement de problèmes économiques, mais aussi et avant tout de problèmes éthiques. Cependant, à l’horizon de notre époque s’accumulent des « signes de mort » encore plus sombres : l’usage s’est répandu – et en certains lieux il risque de devenir presque une institution – d’ôter la vie aux êtres humains avant même leur naissance, ou avant qu’ils ne soient arrivés au seuil naturel de la mort. Il faut ajouter que, malgré tant de nobles efforts en faveur de la paix, de nouvelles guerres ont éclaté et sont en cours : elles privent de la vie ou de la santé des centaines de milliers d’êtres humains. Et comment ne pas rappeler les attentats contre la vie humaine qui viennent du terrorisme, organisé même à l’échelle internationale ?
Hélas, ce n’est là qu’une esquisse partielle et incomplète du tableau de mort qu’on est en train de composer à notre époque, alors que nous sommes de plus en plus proches de la fin du deuxième millénaire du christianisme. Est-ce que, des sombres couleurs de la civilisation matérialiste et en particulier de ces signes de mort qui se multiplient dans le cadre sociologique et historique où elle s’est développée, ne monte pas, plus ou moins consciente, une nouvelle invocation à l’Esprit qui donne la vie ? En tout cas, même indépendamment de l’ampleur des espoirs ou des désespoirs humains, comme des illusions ou des duperies, qui résultent du développement des systèmes matérialistes de pensée et de vie, la certitude chrétienne demeure que l’Esprit souffle où il veut et que nous possédons « les prémices de l’Esprit », que, par conséquent, nous pouvons sans doute endurer les souffrances du temps qui passe, mais « nous gémissons… intérieurement dans l’attente de la rédemption de notre corps »[244], c’est-à-dire de tout notre être humain qui est corporel et spirituel. Oui, nous gémissons, mais dans une attente chargée d’une espérance indéfectible, justement parce que Dieu, qui est Esprit, s’est rendu proche de cet être humain que nous sommes. Dieu le Père, « en envoyant son propre Fils avec une chair semblable à celle du péché et en vue du péché, a condamné le péché »[245]. Au sommet du mystère pascal, le Fils de Dieu, fait homme et crucifié pour les péchés du monde, s’est présenté au milieu de ses Apôtres après la résurrection, il a envoyé sur eux son souffle et il a dit : « Recevez l’Esprit Saint ». Ce « souffle » continue toujours. Et voici que « l’Esprit vient au secours de notre faiblesse »[246].
4. L’Esprit Saint vient affermir l”«homme intérieur »
58. Le mystère de la Résurrection et de la Pentecôte est annoncé et vécu par l’Eglise, qui reçoit et continue le témoignage des Apôtres sur la Résurrection de Jésus Christ. Elle est le témoin permanent de cette victoire sur la mort, qui a révélé la puissance de l’Esprit Saint et qui a déterminé sa nouvelle venue, sa nouvelle présence dans les hommes et dans le monde. En effet, à la Résurrection du Christ, l’Esprit Saint-Paraclet s’est révélé surtout comme celui qui donne la vie : « Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous »[247]. Au nom de la Résurrection du Christ, l’Eglise annonce la vie qui s’est manifestée au-delà des limites de la mort, la vie qui est plus forte que la mort. En même temps, elle annonce Celui qui donne cette vie : l’Esprit qui fait vivre ; elle l’annonce et elle coopère avec lui pour donner la vie. En effet, « bien que le corps soit déjà mort en raison du péché, l’Esprit est vie en raison de la justice »[248] obtenue par le Christ crucifié et ressuscité. Et au nom de la Résurrection du Christ, l’Eglise sert la vie qui provient de Dieu lui-même, en étroite union avec l’Esprit, et humblement à son service.
Par ce service, justement, l’homme devient de façon toujours nouvelle la « route de l’Eglise » : je l’ai déjà dit dans l’encyclique sur le Christ Rédempteur[249] et je le redis aujourd’hui dans celle sur l’Esprit Saint. Unie à l’Esprit, l’Eglise est consciente, plus que quiconque, de la réalité de l’homme intérieur, des traits de l’homme les plus profonds et les plus essentiels, parce que spirituels et incorruptibles. A ce niveau, l’Esprit implante en lui la « racine de l’immortalité »[250], d’où jaillit la vie nouvelle, c’est-à-dire la vie de l’homme en Dieu, qui, comme fruit du don salvifique que Dieu fait de lui-même dans l’Esprit Saint, ne peut se développer et se consolider que par l’action de l’Esprit. C’est pourquoi l’Apôtre s’adresse à Dieu en faveur des croyants, auxquels il déclare : « Je fléchis les genoux en présence du Père… Qu’il daigne… vous armer de puissance par son Esprit pour que se fortifie en vous l’homme intérieur »[251].
Sous l’influence de l’Esprit Saint, cet homme intérieur, c’est-à-dire « spirituel », mûrit et devient plus fort. Grâce à cette communication divine, l’esprit humain qui « connaît ce qui concerne l’homme » rencontre « l’Esprit qui sonde tout jusqu’aux profondeurs de Dieu »[252]. Dans cet Esprit, qui est le Don éternel, le Dieu un et trine s’ouvre à l’homme, à l’esprit humain. Le souffle caché de l’Esprit divin fait que l’esprit humain s’ouvre à son tour en face de Dieu qui s’ouvre à lui pour le sauver et le sanctifier. Par le don de la grâce efficace qui vient de l’Esprit, l’homme entre dans « une vie nouvelle », il est introduit dans la réalité surnaturelle de la vie divine elle-même et il devient « une demeure de l’Esprit Saint », un « temple vivant de Dieu »[253].
Par l’Esprit Saint, en effet, le Père et le Fils viennent vers lui et établissent une demeure chez lui[254]. Dans la communion de grâce avec la Trinité s’élargit « l’espace vital » de l’homme, élevé au niveau surnaturel de la vie divine. L’homme vit en Dieu et de Dieu : il vit « selon l’Esprit » et « désire ce qui est spirituel ».
59. Grâce à la relation d’intimité avec Dieu dans l’Esprit Saint, l’homme se comprend également lui-même d’une façon nouvelle, il comprend sa propre humanité. L’image, la ressemblance de Dieu qu’est l’homme depuis le commencement est ainsi pleinement réalisée[255]. Cette vérité intime de l’être humain doit être continuellement redécouverte à la lumière du Christ qui est le modèle du rapport avec Dieu, et en lui doit être également redécouverte la raison pour laquelle l’homme « ne peut pleinement se trouver que par le don désintéressé de lui-même » en union avec les autres hommes, comme l’écrit le Concile Vatican II, justement en raison de la ressemblance avec Dieu qui « montre bien que l’homme … (est) l’unique créature que Dieu a voulue pour elle-même » dans sa dignité de personne, mais aussi dans son ouverture à l’intégration et à la communion avec les autres[256]. La connaissance effective et la réalisation plénière de cette vérité de l’être adviennent seulement par l’Esprit Saint. L’homme apprend cette vérité de Jésus Christ, et il la met en œuvre dans sa propre vie, par l’Esprit que lui-même nous a donné.
Sur ce chemin – sur le chemin d’une telle maturation intérieure qui comporte la pleine découverte du sens de l’humanité -, Dieu se rend intime à l’homme, il pénètre toujours plus à fond dans tout le monde humain. Dieu un et trine, qui « existe » en lui-même comme réalité transcendante du Don interpersonnel, en se communiquant dans l’Esprit Saint comme Don à l’homme, transforme le monde humain de l’intérieur, dans les cœurs et dans les consciences. Sur ce chemin, le monde, rendu participant du Don divin, devient, comme l’enseigne le Concile, « toujours plus humain, toujours plus profondément humain »[257], tandis qu’en lui, à travers les cœurs et les consciences des hommes, se développe le Règne dans lequel Dieu sera définitivement « tout en tous »[258], comme Don et Amour. Don et Amour : telle est l’éternelle puissance du Dieu un et trine qui s’ouvre lui-même à l’homme et au monde dans l’Esprit Saint.
Dans la perspective de l’An 2000 après la naissance du Christ, il s’agit de parvenir à ce qu’un nombre toujours plus grand d’hommes « puissent se trouver pleinement à travers le don désintéressé d’eux-mêmes ». Il s’agit de parvenir à la réalisation en notre monde, sous l’action de l’Esprit-Paraclet, d’un processus de vraie maturation dans l’humanité, dans la vie individuelle comme dans la vie communautaire : c’est à ce propos que Jésus lui-même, « quand il prie le Père pour que « tous soient un…, comme nous sommes un » (Jn 17, 21–22), … nous suggère qu’il y a une certaine ressemblance entre l’union des personnes divines et celle des fils de Dieu dans la vérité et dans l’amour »[259]. Le Concile redit cette vérité sur l’homme, et l’Eglise voit en elle une indication particulièrement forte et déterminante de ses tâches apostoliques. Si, en effet, l’homme est la route de l’Eglise, cette route pase à travers tout le mystère du Christ, modèle divin de l’homme. Sur cette route, l’Esprit Saint, en affermissant en chacun de nous « l’homme intérieur », fait que l’homme, toujours plus, « se trouve pleinement à travers le don désintéressé de lui-même ». On peut dire que, dans ces paroles de la Constitution pastorale du Concile, est résumée toute l’anthropologie chrétienne, la théorie et la pratique fondées sur l’Evangile, où l’homme découvre en lui-même son appartenance au Christ et, en lui, son élévation à la dignité de fils de Dieu ; il comprend mieux aussi sa dignité d’homme, précisément parce qu’il est le sujet de la présence de Dieu qui se rapproche de lui, le sujet de la bienveillance divine, dans laquelle se trouvent la perspective et même la racine de la glorification définitive. Alors on peut vraiment redire que « la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu »[260]: l’homme, en vivant une vie divine, est la gloire de Dieu ; l’Esprit Saint est le dispensateur caché de cette vie et de cette gloire. Selon Basile le Grand, « simple par son essence, mais se manifestant par des actions variées, … il se donne en partage, mais garde son intégrité ; … présent à chacun de ceux qui peuvent le recevoir comme si celui-ci était unique, il répand sur tous la grâce en plénitude »[261].
60. Lorsque, sous l’influence du Paraclet, les hommes découvrent cette dimension divine de leur être et de leur vie, comme personnes ou comme communautés, ils sont en mesure de se libérer des divers déterminismes qui résultent principalement des fondements matérialistes de la pensée, de la praxis et de ses méthodes. A notre époque, ces éléments ont réussi à pénétrer jusqu’au cœur de l’homme, dans le sanctuaire de la conscience où sans cesse l’Esprit Saint fait entrer la lumière et la force de la nouvelle vie selon la « liberté des enfants de Dieu ». La maturité de l’homme dans cette vie est entravée par les conditionnements et par les pressions qu’exercent sur lui les structures et les mécanismes dominants dans les divers secteurs de la société. On peut dire que, dans bien des cas, les facteurs sociaux, loin de favoriser le développement et l’expansion de l’esprit humain, finissent par l’arracher à la vérité authentique de son être et de sa vie – sur laquelle veille l’Esprit Saint – et par le soumettre au « Prince de ce monde ».
Le grand Jubilé de l’An 2000 contient donc un message de libération par l’action de l’Esprit : seul celui-ci peut aider les personnes et les communautés à se libérer des déterminismes anciens et nouveaux, en les guidant par la « loi de l’Esprit qui donne la vie dans le Christ Jésus »[262], en agissant dans la plénitude de la vraie liberté de l’homme ainsi découverte. En effet, comme l’écrit saint Paul, là « où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté »[263]. Cette révélation de la liberté et donc de la véritable dignité de l’homme acquiert une particulière éloquence pour les chrétiens et pour l’Eglise persécutés, soit dans les temps anciens soit actuellement, car les témoins de la Vérité divine deviennent alors une preuve vivante de l’action de l’Esprit de vérité, présent dans le cœur et dans la conscience des fidèles, et il n’est pas rare qu’ils signent de leur martyre l’exaltation suprême de la dignité humaine.
C’est aussi dans les conditions ordinaires de la société que les chrétiens, témoins de l’authentique dignité de l’homme, par leur obéissance à l’Esprit Saint, contribuent de bien des manières au « renouvellement de la face de la terre » : ils collaborent avec leurs frères pour réaliser et mettre en valeur tout ce qui est bon, noble et beau dans le progrès actuel de la civilisation, de la culture, de la science, de la technique et des autres secteurs de la pensée et de l’activité humaine[264]. Ils le font comme disciples du Christ qui, selon les mots du Concile, « constitué Seigneur par sa Résurrection … agit désormais dans le cœur des hommes par la puissance de son Esprit ; il n’y suscite pas seulement le désir du siècle à venir, mais par là même anime aussi, purifie et fortifie ces aspirations généreuses qui poussent la famille humaine à améliorer ses conditions de vie et à soumettre à cette fin la terre entière »[265]. Ainsi, ils affirment davantage encore la grandeur de l’homme fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, grandeur que le mystère de l’Incarnation du Fils de Dieu met en pleine lumière, car, dans la « plénitude du temps », il est entré dans l’histoire par l’Esprit Saint et il s’est manifesté homme véritable, lui qui est le premier-né de toute créature, lui « par qui tout existe et par qui nous sommes »[266].
5. L’Eglise, sacrement de l’union intime avec Dieu
61. A l’approche de la conclusion du deuxième millénaire qui doit rappeler à tous et en quelque sorte réactualiser l’avènement du Verbe dans la « plénitude du temps », l’Eglise désire encore une fois saisir l’essence même de sa constitution divine et humaine et de la mission qui la fait participer à la mission messianique du Christ, selon l’enseignement et le projet, toujours valables, du Concile Vatican II. Dans la même ligne, nous pouvons remonter jusqu’au Cénacle, où Jésus Christ révèle l’Esprit Saint comme Paraclet, comme Esprit de vérité, et parle de son « départ » par la Croix comme condition nécessaire de la « venue » de l’Esprit : « C’est votre intérêt que je parte ; car si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous ; mais si je pars, je vous l’enverrai »[267]. Nous avons vu que cette annonce a connu sa première réalisation dès le soir de Pâques et ensuite durant la célébration de la Pentecôte à Jérusalem ; depuis lors, elle s’accomplit par l’Eglise dans l’histoire de l’humanité.
A la lumière de cette annonce, ce que Jésus dit de sa nouvelle « venue », toujours durant la dernière Cène, prend tout son sens. Il est en effet significatif que, dans le même discours d’adieu, il annonce non seulement son « départ », mais aussi sa nouvelle « venue ». Il dit précisément : « Je ne vous laisserai pas orphelins. Je viendrai vers vous »[268]. Et au moment de la séparation définitive avant de monter au ciel, il redira encore plus explicitement : « Et voici que je suis avec vous », et je le suis, « pour toujours jusqu’à la fin du monde »[269]. La nouvelle « venue » du Christ, sa « venue » continuelle, pour être avec les Apôtres et avec l’Eglise, sa parole : « Je suis avec vous jusqu’à la fin du monde », ne changent certes pas le fait de son « départ ». A la suite de ce « départ », après la conclusion de l’activité messianique du Christ sur la terre, sa nouvelle « venue » a lieu dans le cadre de l’envoi de l’Esprit Saint qui a été annoncé, et, pour ainsi dire, elle s’inscrit à l’intérieur de la mission même de l’Esprit. Et pourtant, elle s’accomplit par l’œuvre de l’Esprit Saint, grâce auquel le Christ, qui s’en est allé, vient maintenant et toujours de façon nouvelle. La nouvelle « venue » du Christ par l’œuvre de l’Esprit Saint, sa présence et son action constantes dans la vie spirituelle s’actualisent dans la réalité sacramentelle. En elle, le Christ, qui, dans son humanité visible, s’en est allé, vient, est présent et agit d’une manière si intime dans l’Eglise qu’il en fait son Corps. C’est ainsi que l’Eglise vit, œuvre et croît « jusqu’à la fin du monde ». Tout cela se réalise par l’Esprit Saint.
62. L’expression sacramentelle la plus complète du « départ » du Christ par le mystère de la Croix et de la Résurrection est l’Eucharistie.
En elle, sa venue et sa présence salvifiques se réalisent chaque fois sacramentellement : dans le Sacrifice et dans la Communion. C’est là une œuvre de l’Esprit Saint, dans le cadre de sa mission[270]. Par l’Eucharistie, l’Esprit Saint « fortifie l’homme intérieur », comme le dit la Lettre aux Ephésiens[271]. Par l’Eucharistie, les personnes et les communautés, sous l’action du Paraclet-Consolateur, apprennent à découvrir le sens divin de la vie humaine, rappelé par le Concile, sens selon lequel Jésus Christ « révèle pleinement l’homme à l’homme », en suggérant « une certaine ressemblance entre l’union des Personnes divines et celle des fils de Dieu dans la vérité et dans l’amour »[272]. Une telle union s’exprime et se réalise d’une façon particulière par l’Eucharistie où l’homme, participant au sacrifice de la Croix que cette célébration rend présent, apprend à « se trouver … par le don … de lui-même »[273], dans la communion avec Dieu et avec les autres hommes, ses frères.
C’est pour cela que les premiers chrétiens, dès les jours qui ont suivi la descente de l’Esprit Saint, « se montraient assidus … à la fraction du pain et aux prières », formant ainsi une communauté unie par l’enseignement des Apôtres[274]. De cette façon, ils « reconnaissaient » que leur Seigneur ressuscité et déjà monté au ciel revenait au milieu d’eux dans la communauté eucharistique de l’Eglise et grâce à elle. Depuis son origine, l’Eglise, guidée par l’Esprit Saint, s’est exprimée et s’est affermie par l’Eucharistie. Il en a toujours été ainsi, dans toutes les générations chrétiennes, jusqu’à notre temps, jusqu’à cette veille de l’achèvement du second millénaire chrétien. Certes, nous devons, hélas, constater que ce millénaire, désormais écoulé, a été celui des grandes séparations entre les chrétiens. Tous ceux qui croient dans le Christ devront donc, à l’exemple des Apôtres, consacrer tous leurs efforts à accorder leur pensée et leur action à la volonté de l’Esprit Saint, « principe de l’unité de l’Eglise »[275], afin que tous ceux qui ont été baptisés dans un seul Esprit pour être un seul corps se retrouvent en frères unis dans la célébration de la même Eucharistie, « sacrement de l’amour, signe de l’unité, lien de la charité »[276].
63. La présence eucharistique du Christ – son « je suis avec vous » de portée sacramentelle – permet à l’Eglise de découvrir toujours plus profondément son propre mystère, comme l’atteste toute l’ecclésiologie du Concile Vatican II : pour celui-ci, « l’Eglise (est), dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain »[277]. Comme sacrement, l’Eglise se développe à partir du mystère pascal du « départ » du Christ, en vivant sa « venue » toujours nouvelle par l’Esprit Saint qui accomplit sa mission même de Paraclet, Esprit de vérité. C’est précisément là le mystère essentiel de l’Eglise, tel que le proclame le Concile.
Si, en vertu de la création, Dieu est celui en qui tous « nous avons la vie, le mouvement et l’être »[278], pour sa part la puissance de la Rédemption continue et se développe dans l’histoire de l’homme et du monde comme en un double « mouvement » dont la source se trouve dans le Père éternel. D’un côté, c’est le mouvement de la mission du Fils, qui est venu dans le monde en naissant de la Vierge Marie par l’Esprit Saint ; et, de l’autre, c’est aussi le mouvement de la mission de l’Esprit Saint, qui a été révélé définitivement par le Christ. A cause du « départ » du Fils, l’Esprit Saint est venu et vient continuellement comme Paraclet et Esprit de vérité. Dans le cadre de sa mission, en quelque sorte dans l’intimité de la présence invisible de l’Esprit, le Fils, qui « s’en était allé » dans le mystère pascal, « vient » et est continuellement présent dans le mystère de l’Eglise ; tantôt il reste caché, tantôt il se manifeste dans son histoire, sans cesser d’en conduire le cours. Tout cela advient sous forme sacramentelle, par l’action de l’Esprit Saint qui, puisant dans les richesses de la Rédemption du Christ, sans cesse donne la vie. En prenant une conscience toujours plus vive de ce mystère, l’Eglise saisit mieux son identité, surtout sacramentelle.
Cela se réalise aussi parce que, par la volonté de son Seigneur, au moyen des divers sacrements, l’Eglise assure son ministère de salut. Chaque fois que le ministère des sacrements est accompli, il porte en soi le mystère du « départ » du Christ par la Croix et la Résurrection, en vertu duquel l’Esprit Saint vient. Il vient et il agit : « Il donne la vie ». Les sacrements, en effet, signifient la grâce et ils confèrent la grâce : ils expriment la vie et ils donnent la vie. L’Eglise est la dispensatrice visible des signes sacrés, tandis que l’Esprit Saint agit en eux comme le dispensateur invisible de la vie qu’ils signifient. En union avec l’Esprit Saint, le Christ Jésus y est présent et il y agit.
64. Si l’Eglise est le sacrement de l’union intime avec Dieu, elle l’est en Jésus Christ, en qui cette union s’accomplit comme réalité salvifique. Elle l’est en Jésus Christ, par l’action de l’Esprit Saint. La plénitude de la réalité salvifique, qu’est le Christ dans l’histoire, se communique sous le mode sacramentel par la puissance de l’Esprit-Paraclet. En ce sens l’Esprit Saint est « l’autre Paraclet » ou le nouveau Paraclet, car, par son action, la Bonne Nouvelle pénètre dans les consciences et dans les cœurs humains et se diffuse dans l’histoire. En tout cela, l’Esprit donne la vie.
Lorsque nous employons le mot « sacrement » mis en rapport avec l’Eglise, nous devons tenir compte de ce que, dans le texte conciliaire, la sacramentalité de l’Eglise apparait distincte de celle qui est, au sens précis du terme, propre aux sacrements. Nous lisons en effet : « L’Eglise (est) … en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu ». Mais ce qui compte et ce qui ressort du sens analogique dans lequel le mot est employé dans les deux cas, c’est le rapport de l’Eglise avec la puissance de l’Esprit Saint, celui qui seul donne la vie : l’Eglise est le signe et l’instrument de la présence et de l’action de l’Esprit vivifiant.
Vatican II ajoute que l’Eglise est « le sacrement … de l’unité de tout le genre humain ». Il s’agit évidemment, pour le genre humain – lui-même différencié de multiples facons -, de l’unité qu’il tient de Dieu et qu’il a en Dieu. Elle s’enracine dans le mystère de la création et elle acquiert une dimension nouvelle dans le mystère de la Rédemption, en vue du salut universel. Puisque Dieu « veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité »[279], la Rédemption concerne tous les hommes et, d’une certaine façon, toute la création. Dans cette même dimension universelle de la Rédemption, l’Esprit Saint agit en vertu du « départ » du Christ. C’est pourquoi l’Eglise, enracinée par son propre mystère dans l’économie trinitaire du salut, se comprend elle-même à juste titre comme le « sacrement de l’unité de tout le genre humain ». Elle a conscience de l’être par la puissance de l’Esprit Saint dont elle est signe et instrument dans la réalisation du plan salvifique de Dieu.
Ainsi se réalise la « condescendance » de l’Amour infini de la Trinité par lequel Dieu, Esprit invisible, se rend proche du monde visible. Dieu un et trine se communique à l’homme dans l’Esprit Saint depuis le commencement, grâce à son « image et ressemblance ». Sous l’action du même Esprit, l’homme et, par son entremise, le monde créé, racheté par le Christ, avancent vers leur destinée définitive en Dieu. L’Eglise est « le sacrement, c’est-à-dire le signe et l’instrument » du rapprochement des deux pôles de la création et de la Rédemption, Dieu et l’homme. Elle œuvre pour rétablir et renforcer l’unité du genre humain à ses racines mêmes, dans le rapport de communion entre l’homme et Dieu, son Créateur, son Seigneur et son Rédempteur. Il y a là une vérité, fondée sur l’enseignement du Concile, que nous pouvons méditer, expliquer et appliquer dans toute l’ampleur de son sens, en cette période de passage du deuxième au troisième millénaire chrétien. Et il nous est bon de prendre une conscience toujours plus vive du fait que, à l’intérieur de l’action accomplie par l’Eglise dans l’histoire du salut, inscrite dans l’histoire de l’humanité, l’Esprit Saint est présent et agissant, lui qui anime par le souffle de la vie divine le pèlerinage terrestre de l’homme et fait converger toute la création, toute l’histoire, jusqu’à son terme ultime, dans l’océan infini de Dieu.
6. L’Esprit et l’Epouse disent : « Viens ! »
65. La manière la plus simple et la plus commune dont l’Esprit Saint, le souffle de la vie divine, s’exprime et entre dans l’expérience, c’est la prière. Il est beau et salutaire de penser que, partout où l’on prie dans le monde, l’Esprit Saint, souffle vital de la prière, est présent. Il est beau et salutaire de reconnaître que, si la prière est répandue dans tout l’univers, hier, aujourd’hui et demain, la présence et l’action de l’Esprit Saint sont tout autant répandus, car l’Esprit « inspire » la prière au cœur de l’homme, dans la diversité illimitée des situations et des conditions favorables ou contraires à la vie spirituelle et religieuse. Maintes fois, sous l’action de l’Esprit Saint, la prière monte du cœur de l’homme malgré les interdictions et les persécutions, et même malgré les proclamations officielles affirmant le caractère areligieux ou franchement athée de la vie publique. La prière demeure toujours la voix de tous ceux qui apparemment n’ont pas de voix, et dans cette voix résonne toujours la « violente clameur » attribuée au Christ par la Lettre aux Hébreux[280]. La prière est aussi la révélation de cet abîme qu’est le cœur de l’homme, une profondeur qui vient de Dieu et que Dieu seul peut combler, précisément par l’Esprit Saint. Nous lisons dans Luc : « Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui l’en prient ! »[281].
L’Esprit Saint est le Don qui vient dans le cœur de l’homme en même temps que la prière. Dans la prière, il se manifeste avant tout et par-dessus tout comme le Don qui « vient au secours de notre faiblesse ». C’est l’admirable pensée développée par saint Paul dans la Lettre aux Romains, lorsqu’il écrit : « Nous ne savons pas que demander pour prier comme il faut ; mais l’Esprit lui-même intercède pour nous en des gémissements inexprimables »[282]. Ainsi non seulement l’Esprit Saint nous amène à prier, mais il nous guide « de l’intérieur » dans la prière, compensant notre insuffisance, remédiant à notre incapacité de prier ; il est présent dans notre prière et il lui donne une dimension divine[283]. « Celui qui sonde les cœurs sait quel est le désir de l’Esprit et que son intercession pour les saints correspond aux vues de Dieu »[284]. La prière, grâce à l’Esprit Saint, devient l’expression toujours plus mûre de l’homme nouveau qui, par elle, participe à la vie divine.
Notre époque difficile a particulièrement besoin de la prière. Si au cours de l’histoire, hier comme aujourd’hui, des hommes et des femmes en grand nombre ont témoigné de l’importance de la prière en se consacrant à la louange de Dieu et à la vie d’oraison surtout dans les monastères, avec un grand profit pour l’Eglise, il y a aussi, depuis quelques années, un nombre croissant de personnes qui, dans des mouvements ou des groupes toujours plus développés, mettent la prière au premier plan et y cherchent le renouveau de la vie spirituelle. C’est là un fait significatif et réconfortant, puisque cette expérience apporte une contribution réelle à la reprise de la prière parmi les fidèles, aidés à mieux considérer l’Esprit Saint comme celui qui suscite dans les cœurs une profonde aspiration à la sainteté.
Beaucoup de personnes et beaucoup de communautés prennent davantage conscience de ce que, malgré tout le progrès vertigineux de la civilisation technico-scientifique, et quels que soient les conquêtes effectives et les objectifs réalisés, l’homme est menacé, l’humanité est menacée. Face à ce péril, et plus encore en éprouvant de l’inquiétude devant une réelle décadence spirituelle de l’homme, des individus et des communautés entières, comme guidés par un sens intérieur de la foi, cherchent la force capable de relever l’homme, de le sauver de lui-même, de ses erreurs et de ses illusions, qui souvent rendent nocives ses propres conquêtes. Et ainsi ils découvrent la prière, dans laquelle se manifeste l”«Esprit qui vient au secours de notre faiblesse ». C’est ainsi que les temps que nous vivons rapprochent de l’Esprit Saint de nombreuses personnes qui reviennent à la prière. Et je suis sûr que toutes trouveront dans l’enseignement de la présente Encyclique une nourriture pour leur vie intérieure et qu’elles sauront, sous l’action de l’Esprit, affermir leur engagement dans la prière en plein accord avec l’Eglise et avec son Magistère.
66. Au milieu des problèmes, des déceptions et des espoirs, des abandons et des retours que connaît notre époque, l’Eglise demeure fidèle au mystère de sa naissance. Si c’est un fait historique que l’Eglise est sortie du Cénacle le jour de la Pentecôte, on peut dire qu’en un sens elle ne l’a jamais quitté. Spirituellement, l’événement de la Pentecôte n’appartient pas seulement au passé : l’Eglise est toujours au Cénacle, qui reste présent dans son cœur. L’Eglise persévère dans la prière, comme les Apôtres, avec Marie, Mère du Christ, et avec ceux qui, à Jérusalem, constituaient le premier noyau de la communauté chrétienne et attendaient en priant la venue de l’Esprit Saint.
L’Eglise persévère dans la prière avec Marie. Cette union de l’Eglise en prière avec la Mère du Christ fait partie du mystère de l’Eglise depuis son origine : nous voyons Marie présente en ce mystère comme elle est présente dans le mystère de son Fils. Le Concile le dit : « La bienheureuse Vierge…, enveloppée par l’Esprit Saint…, engendra le Fils, dont Dieu a fait le premier-né parmi beaucoup de frères (cf. Rm 8, 29), c’est-à-dire parmi les croyants, à la naissance et à l’éducation desquels elle apporte la coopération de son amour maternel» ; elle se trouve, « de par les grâces et les fonctions singulières qui sont les siennes…, en intime union avec l’Eglise : de l’Eglise (elle) est le modèle…»[285]. « En contemplant la sainteté mystérieuse de la Vierge et en imitant sa charité…, l’Eglise devient à son tour une Mère » et, « imitant la Mère de son Seigneur, elle conserve par la vertu du Saint-Esprit, dans leur pureté virginale, une foi intègre, une ferme espérance, une charité sincére… Elle est aussi vierge, ayant donné à son Epoux sa foi »[286].
On comprend ainsi le sens profond du motif pour lequel, en union avec la Vierge-Mère, l’Eglise, comme l’Epouse, se tourne continuellement vers son divin Epoux, ainsi que l’attestent les paroles de l’Apocalypse citées par le Concile : « L’Esprit et l’Epouse disent au Seigneur Jésus : Viens ! »[287]. La prière de l’Eglise est cette invocation incessante dans laquelle « l’Esprit lui-même intercède pour nous» ; en un sens, lui-même prononce la prière avec l’Eglise et dans l’Eglise. L’Esprit, en effet, est donné à l’Eglise afin que, par sa puissance, toute la communauté du Peuple de Dieu, dans sa diversité et ses multiples manifestations, persévère dans l’Espérance, « car notre salut est objet d’espérance »[288]. C’est l’espérance eschatologique, l’espérance de l’accomplissement définitif en Dieu, l’espérance du Règne éternel, qui se réalise dans la participation à la vie trinitaire. L’Esprit Saint, donné aux Apôtres comme Paraclet, est le gardien et l’animateur de cette espérance dans le cœur de l’Eglise.
Dans la perspective du troisième millénaire après le Christ, tandis que « l’Esprit et l’Epouse disent au Seigneur Jésus : Viens ! », cette prière est chargée, comme toujours, d’une portée eschatologique destinée à donner aussi sa plénitude de sens à la célébration du grand Jubilé. C’est une prière tournée vers le salut à venir, auquel l’Esprit Saint ouvre les cœurs par son action au cours de toute l’histoire de l’homme sur la terre. En même temps, cependant, cette prière s’oriente vers une étape précise de l’histoire marquée par l’An 2000, dans laquelle est mise en relief la « plénitude du temps ». L’Eglise désire se préparer à ce Jubilé dans l’Esprit Saint, de même que c’est l’Esprit Saint qui prépara la Vierge de Nazareth, en laquelle le Verbe s’est fait chair.
Conclusion
67. Nous voulons conclure ces réflexions en nous placant au cœur de l’Eglise et dans le cœur de l’homme. La route de l’Eglise passe à travers le cœur de l’homme, car c’est le lieu intime de la rencontre salvifique avec l’Esprit Saint, avec le Dieu caché, et c’est bien là que l’Esprit Saint devient une « source d’eau jaillissant en vie éternelle »[289]. C’est jusque-là qu’il vient, comme l’Esprit de vérité et le Paraclet promis par le Christ. De là il agit comme Consolateur, Intercesseur, Défenseur, spécialement lorsque l’homme, lorsque l’humanité se trouve affrontée au jugement de condamnation de l”«accusateur », dont l’Apocalypse dit qu’il « accuse nos frères jour et nuit devant notre Dieu »[290]. L’Esprit Saint ne cesse d’être le gardien de l’espérance dans le cœur de l’homme : de l’espérance de toutes les créatures humaines et spécialement de celles qui « possèdent les prémices de l’Esprit » et qui « attendent la rédemption de leur corps »[291].
L’Esprit Saint, dans son lien mystérieux de divine communion avec le Rédempteur de l’homme, est celui qui assure la continuité de son œuvre : il reçoit ce qui est du Christ et le transmet à tous, il entre sans cesse dans l’histoire du monde en venant dans le cœur de l’homme. Il devient là, comme le proclame la Séquence liturgique de la solennité de la Pentecôte, le véritable « père des pauvres, dispensateur des dons, lumière de nos cœurs» ; il y devient l”« hôte très doux de nos âmes » que l’Eglise salue sans cesse au seuil de l’intériorité de tout homme. Il apporte, en effet, « repos et réconfort » au milieu des fatigues, du travail des bras et du travail de l’esprit humain ; il apporte « repos » et « soulagement » au milieu de la chaleur du jour, au milieu des préoccupations, des luttes et des dangers de toute époque ; il apporte enfin la « consolation », lorsque le cœur humain pleure et connaît la tentation du désespoir.
C’est le sens de la Séquence qui proclame : « Sans ta puissance divine il n’est rien en aucun homme, rien qui ne soit perverti ». Seul l’Esprit Saint, en effet, « met en lumière le péché », le mal, dans le but de rétablir le bien dans l’homme et dans le monde humain, pour « renouveler la face de la terre ». C’est pourquoi il purifie tout ce qui « souille » l’homme, « ce qui est sordide » il soigne les blessures, même les plus profondes de l’existence humaine ; il change l’aridité intérieure des âmes et les transforme en champs fertiles de grâce et de sainteté. Ce qui est « rigide », il « l’assouplit », ce qui est « froid », il le « réchauffe », ce qui est « faussé », il le « rend droit » sur les chemins du salut[292].
En priant ainsi, sans cesse l’Eglise professe sa foi : il y a dans notre monde créé un Esprit qui est un Don incréé. C’est l’Esprit du Père et du Fils : comme le Père et le Fils, il est incréé, immense, éternel, tout-puissant, Dieu, Seigneur[293]. L’Esprit de Dieu « remplit l’univers », et tout ce qui est créé reconnaît en lui la source de sa propre identité, découvre en lui son expression transcendante, se tourne vers lui et l’attend, l’invoque de tout son être. Vers lui, Paraclet, Esprit de vérité et d’amour, se tourne l’homme qui vit de vérité et d’amour, et qui, sans la source de la vérité et de l’amour, ne peut pas vivre. Vers lui se tourne l’Eglise, qui est au cœur de l’humanité, afin d’implorer pour tous et de dispenser à tous les dons de l’Amour qui, par lui, « a été répandu dans nos cœurs »[294]. Vers lui se tourne l’Eglise sur les chemins escarpés du pèlerinage de l’homme sur la terre ; et elle demande, elle demande sans se lasser, la rectitude des actes humains, car elle est son œuvre ; elle demande la joie et la consolation que lui seul, le vrai Consolateur, peut apporter en descendant au plus profond des cœurs humains[295]; elle demande la grâce des vertus qui méritent la gloire céleste ; elle demande, par la communication plénière de la vie divine, le salut éternel auquel le Père a éternellement « prédestiné » les hommes, créés par amour à l’image et à la ressemblance de la très Sainte Trinité.
L’Eglise, qui inclut en son cœur tous les cœurs humains, demande à l’Esprit Saint la béatitude qui trouve en Dieu seul sa réalisation totale : la joie que « nul n’enlèvera »[296], la joie qui est le fruit de l’amour et donc fruit de Dieu qui est Amour ; elle demande « la justice, la paix et la joie dans l’Esprit Saint », qui constituent, selon saint Paul, « le Règne de Dieu »[297].
La paix est aussi le fruit de l’amour, la paix intérieure que l’homme accablé cherche dans la profondeur de son être ; la paix désirée par l’humanité, par la famille humaine, par les peuples, par les nations, par les continents, avec l’espérance ardente de l’obtenir lorsque l’on passera du deuxième au troisième millénaire chrétien. Puisque le chemin de la paix passe en définitive par l’amour et tend à créer la civilisation de l’amour, l’Eglise tient son regard fixé vers celui qui est l’Amour du Père et du Fils et, malgré les menaces croissantes, elle ne cesse d’avoir confiance, elle ne cessed’implorer et de servir la paix de l’homme sur la terre. Sa confiance se fonde sur celui qui, étant l’Esprit d’Amour, est aussi l’Esprit de la paix et qui ne cesse d’être présent dans notre monde humain, à l’horizon des consciences et des cœurs, pour « remplir l’univers » d’amour et de paix.
Devant lui je fléchis les genoux au terme de cette méditation : je le supplie, comme Esprit du Père et du Fils, de nous accorder, à nous tous, la bénédiction et la grâce que je désire transmettre, au nom de la très Sainte Trinité, aux fils et aux filles de l’Eglise et à la famille humaine tout entière.
Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 18 mai 1986, solennité de la Pentecôte, en la huitième année de mon pontificat.
JEAN-PAUL II
- Jn 7, 37–38[↩]
- Jn 7, 39[↩]
- Jn 4, 14 ; Cf. CONC. ŒCUM. VAT. II, Const. dogm. sur l’Eglise Lumen gentium, n. 4.[↩]
- Cf. Jn 3, 5.[↩]
- Cf. LÉON XIII, Encycl. Divinium illud munus (9 mai 1897): Acta Leonis, 17 (1898), PP. 125–148 ; PIE XII, Encycl. Mystici Corporis (29 juin 1943): AAS 35 (1943), PP. 193–248.[↩]
- Audience générale du 6 juin 1973 : Insegnamenti di Paolo VI, XI (1973), P. 477.[↩]
- Missel romain ; cf. 2 Co 13, 13.[↩]
- Jn 3, 17.[↩]
- Ph 2, 11.[↩]
- Cf. CONC. ŒCUM VAT. II, Const. dogm. sur l’Eglise Lumen gentium, n. 4 ; JEAN-PAUL II, Discours aux participants du Congrès international de pneumatologie (26 mars 1982), n. 1 : Insegnamenti V/1 (1982), p. 1004.[↩]
- Cf. Jn 4, 24.[↩]
- Cf. Rm 8, 22 ; Ga 6, 15.[↩]
- Cf. Mt 24, 35.[↩]
- Jn 4:14.[↩]
- CONC. ŒCUM. VAT. II, Const. dogm. sur l’Eglise Lumen gentium, n. 17.[↩]
- allon paracleton : Jn 14, 16.[↩]
- Jn 14, 13. 16–17.[↩]
- Cf 1 Jn 2, 1.[↩]
- Jn 14, 26[↩]
- Jn 15, 26–27[↩]
- Cf. 1 Jn 1, 1–3 ; 4, 14[↩]
- « La vérité divinement révélée, que contiennent et présentent les livres de la Sainte Ecriture, y a été consignée sous l’inspiration de l’Esprit Saint », et par conséquent « la Sainte Ecriture doit être lue et interprétée à la lumière du même Esprit qui la fit rédiger » CONC. ŒCUM. VAT. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, nn. 11. 12.[↩]
- Jn 16, 12–13.[↩]
- Ac 1, 1.[↩]
- Jn 16, 24[↩]
- Jn 16, 15[↩]
- Jn 16, 7–8[↩]
- Jn 15, 26[↩]
- Jn 14, 16[↩]
- Jn 14, 26[↩]
- Jn 15, 26[↩]
- Jn 14, 16[↩]
- Jn 16, 7[↩]
- Cf. Jn 3, 16–17. 34 ; 6, 57 ; 17, 3. 18. 23.[↩]
- Mt 28, 19[↩]
- Cf. 1 Jn 4, 8. 16.[↩]
- Cf. 1 Co 2, 10[↩]
- Cf. S. THOMAS D AQUIN, Somme théol., Ia qq 37–38.[↩]
- Rm 5, 5.[↩]
- Jn 16, 14.[↩]
- Gn 1, 1–2[↩]
- Gn 1, 26.[↩]
- Rm 8, 19–22.[↩]
- Jn 16, 7.[↩]
- Ga 4, 6 ; cf. Rm 8, 15.[↩]
- Cf. Ga 4, 6 ; Pb 1, 19 ; Rm 8, 11.[↩]
- Cf. Jn 16, 6.[↩]
- Cf. Jn 16, 20.[↩]
- Cf. Jn 16, 7.[↩]
- Ac 10, 37–38[↩]
- Cf. Lc 4, 16–21 ; 3, 16 ; 4, 14 ; Mc 1, 10[↩]
- Is 11, 1–3[↩]
- Is 61, 1–2[↩]
- Is 48, 16[↩]
- Is 42, 1[↩]
- Cf. Is 53, 5–6. 8[↩]
- Is 42, 1[↩]
- Is 42, 6[↩]
- Is 49, 6[↩]
- Is 59, 21[↩]
- Cf. Lc 2, 25–35[↩]
- Cf. Lc 1, 35[↩]
- Cf. Lc 2, 19. 51.[↩]
- Cf. Lc 4, 16–21 ; Is 61, 1–2[↩]
- Lc 3, 16 ; cf. Mt 3,11 ; Mc 1, 7–8 ; Jn 1, 33[↩]
- Jn 1, 29[↩]
- Cf Jn 1, 33–34[↩]
- Lc 3, 21–22 ; cf. Mt 3, 16 ; Mc 1, 10[↩]
- Mt 3, 17[↩]
- Cf. S. BASILE, DE Spiritu Sancto, XVI, 39 ; PG 32, 139.[↩]
- Ac 1, 1[↩]
- Cf. Lc 4, 1[↩]
- Cf. Lc 10, 17–20[↩]
- Lc 10, 21 ; cf. Mt 11, 25–26[↩]
- Lc 10, 22 ; cf Mt 11, 27[↩]
- Mt 3, 11 ; Lc 3, 16[↩]
- Jn 16, 13[↩]
- Jn 16, 14[↩]
- Jn 16, 15[↩]
- Cf. Jn 14, 26 ; 15, 26.[↩]
- Jn 3, 16[↩]
- Rm 1, 3–4[↩]
- Ez 36, 26–27 ; cf. Jn 7, 37–39 ; 19, 34[↩]
- Jn 16, 7[↩]
- Cf. S. CYRYLLE D’ALEXANDRIE, In Ioannis Evangelium, livre V, chap. II : PG 73, 755[↩]
- Jn 20, 1–22[↩]
- Cf. Jn 19, 30[↩]
- Cf. Rm 1, 4[↩]
- Cf. Jn 16, 20[↩]
- Jn 16, 7[↩]
- Jn 16, 15[↩]
- CONC. ŒCUM. CAT. II, Const. dogm. sur l’Eglise Lumen gentium, n. 4[↩]
- Œ 15, 26–27[↩]
- Décret sur l’activité missionnaire de l’Eglise Ad gentes, n. 4[↩]
- Cf. Ac 1, 14[↩]
- Const. dogm. sur l’Eglise Lumen gentium, n. 4. I1 y a toute une tradition patristique et théologique en ce qui Concerne l’union intime entre l’Esprit Saint et l’Eglise, union présentée parfois en analogie avec le rapport entre l’âme et le corps dans l’homme : cf. S. IRÉNÉE, Adversus haereses, III, 24, 1 : SC 211, pp. 470–474, S. AUGUSTIN, Sermo 267, 4, 4 : PL 38, 1231 ; Sermo 268, 2 : PL 38,1232 ; In Iohannis evangelium tractatus, XXV, 13 ; XXVII, 6 : CCL 36, 266, 272–273 ; S. GRÉGOIRE LE GRAND, In septem psalmos poenitentiales expositio, psal V, 1 : PL 79, 602 ; DIDYME D ALEXANDRIE, De Trinitate, II, 1 : PG 39, 449–450 ; S. ATHANASE, Oratio III contra Arianos, 22, 23, 24 : PG 26, 368369, 372–373 ; S. JEAN-CHRYSOSTOME, In Epistolam ad Ephesios, Homil. IX, 3 : PG 62, 72–73. SAINT THOMAS D AQUIN a synthétisé la tradition patristique et théologique qui le précédait en présentant l’Esprit Saint Comme le « cœur » et l”« âme » de l’Eglise : cf. Somme théol., III, q. 8, a. 1, ad 3 ; In symbolum Apostolorum Expositio, a. IX ; In Tertium Librum Sententiarum, Dist. XIII, q. 2, a. 2, quaestiuncula 3.[↩]
- Cf. Ap 2, 29 ; 3, 6. 13. 22.[↩]
- Cf. Jn 12, 31 ; 14, 30 ; 16, 11[↩]
- Gaudium et spes, n. 1[↩]
- Ibid., n. 41[↩]
- Ibid., n. 26[↩]
- Jn 16, 7–8[↩]
- Jn 16, 7[↩]
- Jn 16, 8–11[↩]
- Cf. Jn 3, 17 ; 12, 47[↩]
- Cf. Ep 6, 12[↩]
- Const. past. sur l’Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, n. 2.[↩]
- Cf. ibid, nn. 10, 13, 27, 37, 63, 73, 79, 80.[↩]
- Ac 2, 4[↩]
- Cf. S. IRÉNÉE, Adversus haereses, III, 17, 2 : SC 211, pp. 330–332[↩]
- Ac 1, 4. 5. 8.[↩]
- Ac 2, 22–24[↩]
- Cf. Ac 3, 14–15 ; 4, 10. 27–28 ; 7, 52 ; 10, 39 ; 13, 28–29 ; etc.[↩]
- Cf. Jn 113, 17 ; 12, 47[↩]
- Ac 2, 36[↩]
- Ac 2, 37–38[↩]
- Cf. Mc 1, 15[↩]
- Jn 20, 22[↩]
- Cf. Jn 16, 9[↩]
- Os 13, 14 (Vulgate); cf. 1 Co 15, 55[↩]
- Cf 1 Co 2, 10[↩]
- Cf. 2 l h 2, 7.[↩]
- Cf. 1 Tm 3, 16.[↩]
- Cf. Reconciliatio et paenitentia (2 décembre 1984), nn. 1922 : AAS 77 (1985), pp. 229–233.[↩]
- Cf. Gn 1–3.[↩]
- Cf. Rm 5, 19 ; Ph 2, 8[↩]
- Cf. Jn 1, 1. 2. 3. 10.[↩]
- Cf. Col 1, 15–18[↩]
- Cf. Jn 8, 44[↩]
- Cf. Gn 1, 2[↩]
- Cf. Gn 1, 26. 28. 29.[↩]
- Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 2[↩]
- Cf. 1 Co 2, 10–11[↩]
- Cf. Jn 16, 11[↩]
- Cf. Ph 2, 8[↩]
- Cf. Gn 2, 16–17[↩]
- Gn 3, 5[↩]
- Cf. Gn 3, 22 à propos de l”« arbre de vie » ; Cf. aussi Jn 3, 36, 4, 14 ; 5, 24 ; 6, 40. 47 ; 10, 28 ; 12, 50 ; 14, 6 ; Ac 13, 48 ; Rm 6, 23 ; Ga 6, 8 ; 1 Tm 1, 16 ; Tt 1, 2 ; 3, 7 ; 1 P 3, 22 ; 1 Jn 1, 2 ; 2, 25 ; 5, 11. 13 ; Ap 2, 7.[↩]
- Cf. S. THOMAS D AQUIN, Somme théol., Ia-IIae, q. 80, a. 4, ad 3.[↩]
- 1 Jn 3, 8.[↩]
- In 16, 11[↩]
- Cf. Ep 6, 12 ; Lc 22, 53[↩]
- Cf. De Civitade Dei, XIV, 28 : CCL 48, 451.[↩]
- Const. past. sur l’Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, n. 36.[↩]
- En grec, le verbe est parakalein = invoquer, appeler à soi.[↩]
- Cf. Gn 6, 7[↩]
- Gn 6, 5–7[↩]
- Cf. Rm 8, 20–22[↩]
- Cf. Mt 15, 32 ; Mc 8, 2[↩]
- He 9, 13–14[↩]
- Jn 20, 22–23[↩]
- Ac 10, 38[↩]
- He 5, 7–8[↩]
- He 9, 14[↩]
- Cf. Lv 9, 24 ; 1 R 18 ; 2 Ch 7, 1[↩]
- Cf. Jn 15, 26[↩]
- Jn 20, 22–23[↩]
- Mt 3, 11[↩]
- Cf. Jn 3, 8[↩]
- Jn 20, 22–23[↩]
- Cf. séquence Veni, Sancte Spiritus.[↩]
- S. BONAVENTURE, De septem donis Spiritus Sancti, Collatio II, 3 : Ad Claras Aquas, V, 463.[↩]
- Mc 1, 15.[↩]
- Cf. He 9, 14.[↩]
- Cf. Const. past. sur l’Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, n. 16.[↩]
- Cf. Gn 2, 9. 17.[↩]
- CONC. ŒCUM. VAT. II, Const. past. sur l’Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, n. 16.[↩]
- Ibid., n. 27.[↩]
- Cf. ibid., n. 13.[↩]
- Cf. JEAN-PAUL II, Exhort. apost. post-synodale Reconciliatio et paenitentia (2 décembre 1984), n. 16 : AAS 77 (1985), PP. 213–217.[↩]
- Const. past. sur l’Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, n. 10.[↩]
- Cf. Rm 7, 14–15. 19.[↩]
- Const. past. sur l’Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, n. 37.[↩]
- Ibid., n. 13.[↩]
- Ibid., n. 37[↩]
- Cf. séquence de la Pentecôte : « Reple cordis intima ».[↩]
- Cf. S. AUGUSTIN, Enarr. in Ps. XLI, 13 : CCL 38, 470 : « Quel est cet abîme que l’abîme invoque ? Si abîme veut dire profondeur, ne pensons-nous pas que le cœur de l’homme est un abîme ? Quoi de plus profond que cet abîme ? Les hommes peuvent parler, on peut les voir agir avec leurs membres, on peut les entendre parler ; mais de qui peut-on pénétrer la pensée, de qui peut-on sonder le cœur ? ».[↩]
- Cf. He 9, 14.[↩]
- Jn 14, 17.[↩]
- Mt 12, 31–32.[↩]
- Mc 3, 28–29.[↩]
- Lc 12, 10.[↩]
- S. THOMAS D’AQUIN, Somme théol., IIa-IIae‑, q. 14, a. 3 ; cf S. AUGUSTIN, Epist. 185, 11, 48–49 : PL 33, 814–815 ; S. BONAVENTURE, Comment. in Evang. S. Lucae, chap. XIV, 15–16 : Ad Claras Aquas, VII, 314–315.[↩]
- Cf. Ps 81 [80], 13 ; Jr 7, 24 ; Mc 3, 5.[↩]
- JEAN-PAUL II, Exhort. apost. post-synodale Reconciliatio et paenitentia (2 décembre 1984), n. 18 : AAS 77 (1985), PP. 224228.[↩]
- PIE XII, Radiomessage au Congrès catéchétique national des Etats-Unis d’Amérique à Boston (26 octobre 1946): Discorsi e Radiomessaggi, VIII (1946), 288.[↩]
- JEAN-PAUL II, Exhort. apost. post-synodale Reconciliatio et paenitentia (2 décembre 1984), n. 18 : AAS 77 (1985),[↩]
- 1 Th 5, 19 ; Ep 4, 30.[↩]
- Cf. JEAN-PAUL II, Exhort. apost. post-synodale Reconciliatio et paenitentia (2 décembre 1984), nn. 14–22 : AAS 77 (1985) pp. 211–233[↩]
- Cf. S AUGUSTIN De Civitate Dei, XIV, 28 : CCL 48, 451.[↩]
- Cf. Jn 16, 11.[↩]
- Cf. Jn 16, 15[↩]
- Cf. Ga 4, 4[↩]
- Ap 1, 8 ; 22, 13[↩]
- Jn 3, 16[↩]
- Ga 4, 4–5[↩]
- Lc 1, 34–35[↩]
- Mt 1, 18[↩]
- Mt 1, 20–21[↩]
- Cf. S. THOMAS D’AQUIN, Somme théol., IIIa, q. 2, aa. 1012 ; q. 6, a. 6 ; q. 7, a. 13.[↩]
- Lc 1, 38.[↩]
- Jn 1, 14.[↩]
- Col 1, 15[↩]
- Cf, Par exemple Gn 9, 11 ; Dt 5, 26 ; Jb 34, 15 ; Is 40, 6 ; 52, 10 ; Ps 145 [144], 21 ; Lc 3, 6 ; 1 P 1, 24.[↩]
- Lc 1, 45[↩]
- Cf. Lc 1, 41[↩]
- Cf. Jn 16, 9[↩]
- 2 Co 3, 17[↩]
- Cf. Rm 1, 5[↩]
- Rm 8, 29[↩]
- Cf. Jn 1, 14. 4. 12–13[↩]
- Cf. Rm 8, 14[↩]
- Cf. Ga 4, 6 ; Rm 5, 5 ; 2 Co 1, 22[↩]
- Rm 8, 15[↩]
- Rm 8, 16–17[↩]
- Cf. Ps 104 [103], 30[↩]
- Rm 8, 19[↩]
- Rm 8, 29[↩]
- Cf. 2 P 1, 4[↩]
- Cf. Ep 2, 18 ; Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 2[↩]
- Cf. 1 Co 2, 12[↩]
- Cf. Ep 1, 3–14[↩]
- Ep 1, 13–14[↩]
- Cf. Jn 3, 8.[↩]
- Const. past. sur l’Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, n. 22 ; cf. Const. dogm. sur l’Eglise Lumen gentium, n. 16.[↩]
- Jn 4, 24.[↩]
- Ibid.[↩]
- Cf S. AUGUSTIN, Confessions, III, 6, 11 : CCL 27, 33.[↩]
- Cf Tt 2, 11[↩]
- Cf. Is 45, 15.[↩]
- Cf. Sg 1, 7.[↩]
- LC 2, 27 34.[↩]
- Ga 5, 17[↩]
- Ga 5, 16–17[↩]
- Cf. Ga 5, 19–21[↩]
- Ga 5, 22–23[↩]
- Ga 5, 25[↩]
- Cf. Rm 8, 5. 9.[↩]
- Rm 8, 6. 13.[↩]
- Rm 8, 10. 12[↩]
- Cf. 1 Co 6, 20[↩]
- Cf. Const. past. sur l’Eglise dans le monde de ce temps Gadium et spes, nn. 19. 20. 21.[↩]
- Lc 3, 6 ; cf. Is 40, 5[↩]
- Cf. Rm 8, 23[↩]
- Rm 8, 3[↩]
- Rm 8, 26[↩]
- Rm 8, 11[↩]
- Rm 8, 10[↩]
- Cf. Encycl. Remptor hominis (4 mars 1979) n. 14 : AAS 71 (1979), pp. 284–285[↩]
- Cf. Sg 15, 3.[↩]
- Cf. Ep 3, 14–16.[↩]
- Cf. 1 Co 2, 10–11.[↩]
- Cf Rm 8, 9 ; 1 Co 6, 19.[↩]
- Cf. Jn 14, 23 ; S. IRÉNÉE, Adversus haereses, V, 6, 1 : SC 153, PP. 72–80 ; S. HILAIRE, De Trinitate, VIII, 19. 21 : PL 10, 250. 252, S. AMBROISE, De Spiritu Sancto, I, 6, 8 : PL 16, 752–753 ; S. AUGUSTIN, Enarr. in Ps XLIX, 2 : CCL 38, 575–576 ; S. CYRILLE D ALEXANDRIE, In Ioannis Evangelium, lib. I ; II : PG 73, 154–158, 246 ; lib. IX : PG 74, 262 ; S. ATHANASE, Oratio III contra Arianos, 24 : PG 26, 374–375 ; Epist. I ad Serapionem, 24 : PG 26, 586–587 ; DIDYME D ALEXANDRIE, De Trinitate, II, 6–7 : PG 39, 523–530 ; S. JEAN-CHRYSOSTOME, In epist. ad Romanos homilia XIII, 8 : PG 60, 519 ; S. THOMAS D’AQUIN, Somme théol., Ia q. 43, aa. 1, 3–6.[↩]
- Cf. Gn 1, 26–27 ; S. THOMAS D’AQUIN, Somme théol., Ia, q. 93, aa. 4. 5. 8.[↩]
- Cf. Const. past. sur l’Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, n. 24 ; cf. aussi n. 25.[↩]
- Cf ibid., nn. 38. 40[↩]
- Cf. 1 Co 15, 28.[↩]
- Cf. Const. past. sur l’Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, n. 24.[↩]
- Cf. S. IRÉNÉE, Adversus haereses, IV, 20, 7 : SC 100/2, P. 648[↩]
- S. BASILE, De Spiritu Sancto, IX, 22 : PG 32, 110.[↩]
- Rm 8, 2.[↩]
- 2 Co 3, 17.[↩]
- Cf. CONC. ŒCUM. VAT. II, Const. past. sur l’Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, nn. 53–59.[↩]
- Ibid., n. 38.[↩]
- 1 Co 8, 6.[↩]
- Jn 16, 7.[↩]
- Jn 14, 18.[↩]
- Mt 28, 20.[↩]
- C’est ce qu’exprime 1′« épiclèse » avant la consécration : « Sanctifie ces offrandes en répandant sur elles ton Esprit ; qu’elles deviennent pour nous le corps et le sang de Jésus, le Christ, notre Seigneur » (Prière eucharistique II).[↩]
- Cf. Ep 3, 16[↩]
- Const. past. sur l’Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, n. 24.[↩]
- Ibid.[↩]
- Cf. Ac 2, 42[↩]
- CONC. ŒCUM. VAT. II, Décret sur l’œcuménisme Unitatis redintegratio, n. 2.[↩]
- S. AUGUSTIN, In Iohannis Evangelium Tractatus XXVI, 13 : CCL 36, 266. Cf. CONC. ŒCUM. VAT. II, Const. sur la sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium, n. 47.[↩]
- Const. dogm. sur l’Eglise Lumen gentium, n. 1.[↩]
- Ac 17, 28.[↩]
- 1 Tm 2, 4[↩]
- Cf. He 5, 7[↩]
- Lc 11, 13.[↩]
- Rm 8, 26[↩]
- Cf ORIGÈNE De oratione, 2 : PG 11, 419–423.[↩]
- Rm 8, 27.[↩]
- Const. dogm. sur l’Eglise Lumen gentium, n. 63.[↩]
- Ibid., n. 64.[↩]
- Const. dogm. sur l’Eglise Lumen gentium, n. 4 ; cf. Ap 22, 17[↩]
- Cf. Rm 8, 24.[↩]
- Cf. Jn 4, 14 ; Const. dogm. sur l’Eglise Lumer gentium, n. 4.[↩]
- Cf Ap 12, 10[↩]
- Cf. Rm 8, 23[↩]
- Cf. séquence Veni, Sancte Spiritus.[↩]
- Cf. symbole Quicumque : DS 75.[↩]
- Cf. Rm 5, 5.[↩]
- Il convient de rappeler l’importante Exhortation apostolique Gaudete in Domino publiée par le Pape Paul VI, de vénérée mémoire, le 9 mai de l’Année Sainte 1975, car elle vaut toujours, l’invitation qui y était exprimée à « implorer de l’Esprit Saint ce don de la joie » et aussi à « goûter la joie proprement spirituelle, qui est un fruit de l’Esprit Saint » : AAS 67 (1975), pp. 289, 302.[↩]
- Cf. Jn 16 22.[↩]
- Cf. Rm 14, 17 ; Ga 5, 22[↩]