Cardinal Joseph Ratzinger, futur Pape Benoît XVI
— Le texte de la « Profession de Foi et du Serment de fidélité à utiliser au moment d’assumer une charge que l’on exercera au nom de l’Église » publié par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le 9 janvier 1989 [AAS 81 (1989) 104–106].
— Le texte de la Lettre apostolique sous forme de Motu proprio de Jean-Paul II « Ad tuendam fidem », publiée dans « L’Osservatore Romano » des 30 juin – 1er juillet 1998, qui insère diverses normes dans le Code de Droit canonique et dans le Code des Canons des Églises orientales, afin de faire correspondre réglementation et sanctions avec ce que demande et prescrit cette Formule de la « Profession de Foi », à propos surtout du devoir d’adhérer aux vérités proposées par le Magistère de l’Église de manière définitive.
— Le texte de la « Note doctrinale qui illustre la formule conclusive de la Profession de Foi », rendu publique par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, paru sur « L’Osservatore Romano » des 30 juin – 1er juillet 1998, dans le but d’expliquer la signification et la valeur doctrinale des trois alinéas conclusifs qui concernent la qualification théologique des doctrines et le type d’adhésion demandée aux fidèles.
PROFESSION DE FOI
(Formule à utiliser désormais dans les cas où la Profession de Foi est prescrite par le droit)
Moi, N., avec une foi ferme, je crois et professe toutes et chacune des vérités contenues dans le Symbole de la Foi, à savoir :
Je crois en un seul Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de l’univers visible et invisible. Je crois en un seul Seigneur, Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles : Il est Dieu, né de Dieu, lumière, née de la lumière, vrai Dieu, né du vrai Dieu, engendré, non pas créé, de même nature que le Père ; et par lui tout a été fait. Pour nous les hommes, et pour notre salut, il descendit du ciel ; par l’Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie, et s’est fait homme. Crucifié pour nous sous Ponce Pilate, il souffrit sa passion et fut mis au tombeau. Il ressuscita le troisième jour, conformément aux Écritures, et il monta au ciel ; il est assis à la droite du Père. Il reviendra dans la gloire, pour juger les vivants et les morts ; et son règne n’aura pas de fin. Je crois en l’Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie, il procède du Père et du Fils ; avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire ; il a parlé par les prophètes. Je crois en l’Église, une sainte, catholique et apostolique. Je reconnais un seul baptême pour le pardon des péchés. J’attends la résurrection des morts, et la vie du monde à venir. Amen.
Avec une foi ferme, je crois aussi toutes les vérités qui sont contenues dans la Parole de Dieu écrite ou transmise par la tradition et proposées par l’Église pour être crues comme divinement révélées, soit en vertu d’une décision solennelle, soit par le Magistère ordinaire et universel.
Fermement encore, j’embrasse et tiens toutes et chacune des vérités que l’Église propose de façon définitive concernant la doctrine sur la foi et les mœurs.
De plus, avec une soumission religieuse de la volonté et de l’intelligence, j’adhère aux doctrines qui sont énoncées, soit par le Pontife romain, soit par le Collège des évêques, lorsqu’ils exercent le Magistère authentique, même s’ils n’ont pas l’intention de les proclamer par un acte définitif.
SERMENT DE FIDÉLITÉ DANS L’EXERCICE D’UNE FONCTION AU NOM DE L’ÉGLISE
(Formule à utiliser par les fidèles dont il est question au canon 833, n. 5–8)
Moi N., en assumant la fonction de…, je promets que je garderai toujours la communion avec l’Église catholique, tant dans les prises de parole que dans la manière d’agir.
Avec beaucoup de zèle et une grande fidélité, je m’acquitterai de mes devoirs envers l’Église, aussi bien envers l’Église universelle qu’envers l’Église particulière dans laquelle j’ai été appelé à accomplir, selon les prescriptions du droit, mon service.
Dans l’accomplissement de la charge qui m’a été confiée au nom de l’Église, je conserverai en son intégrité le dépôt de la foi ; je le transmettrai et l’expliquerai fidèlement ; je me garderai donc de toutes les doctrines qui lui sont contraires.
Je suivrai et favoriserai la discipline commune de toute l’Église, et je maintiendrai l’observance de toutes les lois ecclésiastiques, surtout de celles qui sont contenues dans le Code de Droit canonique.
Par obéissance chrétienne, je me conformerai à ce que les Pasteurs déclarent en tant que docteurs et maîtres authentiques de la foi ou décident en tant que chefs de l’Église, et j’apporterai fidèlement mon aide aux évoques diocésains, pour que l’action apostolique, qui doit s’exercer au nom de l’Église et sur son mandat, se réalise dans la communion de cette même Église.
Qu’ainsi Dieu me vienne en aide, et les saints Évangiles de Dieu que je touche de mes mains.
(Les variantes des paragraphes quatre et cinq de la formule de serment
doivent être utilisées par les fidèles dont il est question au canon 833, n. 8)
Je favoriserai la discipline commune de toute l’Église, et je veillerai à l’observance de toutes les lois ecclésiastiques, surtout de celles qui sont contenues dans le Code de Droit canonique.
Par obéissance chrétienne, je me conformerai à ce que les Pasteurs déclarent en tant que docteurs et maîtres authentiques de la foi ou décident en tant que chefs de l’Église ; et aux évêques diocésains, j’apporterai volontiers ma collaboration, de telle sorte que l’action apostolique, qui doit s’exercer au nom de l’Église et sur son mandat, se réalise, étant sauves la nature et la finalité de mon Institut, dans la communion de cette même Église.
Lettre apostolique en forme de Motu Proprio AD TUENDAM FIDEM
Lettre apostolique en forme de Motu Proprio AD TUENDAM FIDEM par laquelle sont insérées plusieurs normes dans le Code de Droit canonique et dans le Code des Canons des Églises orientales.
Note doctrinale illustrant la formule conclusive de la Professio fidei
1. Dès le début, l’Église a professé sa foi dans le Seigneur crucifié et ressuscité, et a résumé dans quelques formules les éléments fondamentaux de sa foi. L’événement central de la mort et de la résurrection du Seigneur Jésus, exprimé d’abord dans des formules simples et par la suite dans des formules plus complètes [1], a permis d’animer cette proclamation ininterrompue de foi, dans laquelle l’Église a transmis et ce qu’elle avait reçu « de la bouche et des œuvres du Christ », et ce qu’elle avait appris « par l’inspiration de l’Esprit Saint » [2].
Le Nouveau Testament est le témoin privilégié de la première profession proclamée par les disciples aussitôt après les événements de Pâque : « Je vous ai donc transmis en premier lieu ce que j’avais moi-même reçu, à savoir que le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures, qu’il a été mis au tombeau, qu’il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures, qu’il est apparu à Céphas, puis aux Douze » [3].
2. Au cours des siècles, à partir de ce centre immuable qui atteste Jésus, Fils de Dieu et Seigneur, des symboles se sont développés pour témoigner de l’unité de la foi et de la communion entre les Églises. Ces symboles contiennent les vérités fondamentales que chaque croyant est tenu de connaître et de professer. C’est pour cela qu’avant de recevoir le Baptême, le catéchumène doit exprimer sa profession de foi. Les Pères aussi, réunis en concile pour affronter les nécessités historiques qui exigeaient de présenter de façon plus exhaustive les vérités de la foi ou d’en défendre l’orthodoxie, ont formulé de nouveaux symboles qui occupent jusqu’à nos jours « une place toute particulière dans la vie de l’Église » [4]. La diversité de ces symboles exprime la richesse de l’unique foi et aucun d’entre eux ne se trouve dépassé ou annulé par la formulation d’une profession ultérieure de foi dictée par de nouvelles situations historiques.
3. La promesse du Christ Seigneur de donner le Saint-Esprit qui « conduira à la vérité toute entière » [5] soutient constamment la marche de l’Église. C’est pourquoi, dans le cours de l’histoire, quelques vérités ont été définies comme désormais acquises grâce à l’assistance du Saint-Esprit et comme des étapes visibles de l’accomplissement de la promesse originelle. D’autres vérités, toutefois, doivent être plus profondément comprises encore avant qu’on atteigne la plénitude de ce que Dieu, dans son mystère d’amour, a voulu révéler aux hommes pour leur salut [6].
Dans son souci pastoral, même récemment, l’Église a jugé opportun d’exprimer de manière plus explicite la foi de toujours. Elle a voulu que les fidèles qui sont appelés à remplir des fonctions particulières dans la communauté au nom de l’Église soient obligés d’exprimer publiquement la profession de foi, selon la formule approuvée par le Siège apostolique [7].
4. Cette nouvelle formule de la professio fidei, qui propose à nouveau le symbole de Nicée-Constantinople, se conclut par l’ajout de trois propositions ou alinéas visant à mieux distinguer l’ordre des vérités auxquelles le croyant adhère. La cohérence du développement de ces alinéas mérite d’être expliquée pour que leur sens originel, donné par le Magistère de l’Église, soit bien perçu, reçu et conservé intégralement.
En ces temps-ci, le mot « Église » a revêtu des connotations diverses qui, tout en étant vraies et cohérentes, ont cependant besoin d’être précisées quand on se réfère à des fonctions spécifiques et propres de personnes œuvrant en son sein. À ce propos, il est clair que sur les questions de foi ou de morale, l’unique sujet compétent à exercer la fonction d’enseigner avec autorité contraignante pour les fidèles est le Souverain Pontife et le Collège des Évêques en communion avec lui [8]. En effet, les Évêques sont des « docteurs authentiques » de la foi, « c’est-à-dire pourvus de l’autorité du Christ » [9], puisque, par institution divine, ils succèdent aux Apôtres « dans le magistère et dans le gouvernement pastoral » : avec le Pontife romain, ils exercent le pouvoir suprême et plénier sur toute l’Église, même si ce pouvoir ne peut s’exercer sans le consentement du Pontife romain [10].
5. Dans la formulation du premier alinéa : « Avec une foi ferme, je crois aussi toutes les vérités qui sont contenues dans la Parole de Dieu écrite ou transmise par la tradition et proposées par l’Église pour être crues comme divinement révélées, soit en vertu d’un jugement solennel, soit par le Magistère ordinaire et universel », on entend affirmer que ce qui est enseigné est constitué de toutes les doctrines de foi divine et catholique que l’Église propose comme divinement et formellement révélées et, comme telles, irréformables [11].
Ces doctrines sont contenues dans la Parole de Dieu écrite ou transmise et, dans un jugement solennel, elles sont définies comme vérités divinement révélées soit par le Pontife romain quand il parle « ex cathedra », soit par le Collège des Évêques réuni en concile, ou encore, elles sont infailliblement proposées à la foi par le Magistère ordinaire et universel.
Ces doctrines requièrent l’assentiment de foi théologale de tous les fidèles. Pour cette raison, qui les mettrait obstinément en doute ou les nierait se mettrait dans une situation d’hérésie, comme cela est indiqué dans les canons respectifs des codes canoniques [12].
6. La seconde proposition de la professio fidei affirme : « Fermement encore, j’embrasse et tiens toutes et chacune des vérités que l’Église propose de façon définitive concernant la doctrine sur la foi et les mœurs ». Ce qui est enseigné dans cette formulation comprend toutes ces doctrines ayant trait au domaine dogmatique ou moral ? qui sont nécessaires pour garder et exposer fidèlement le dépôt de la foi, même si elles n’ont pas été proposées par le Magistère de l’Église comme formellement révélées. [13]
Ces doctrines peuvent être solennellement définies par le Pontife romain quand celui-ci parle « ex cathedra » ou par le Collège des Évêques réunis en concile. Elles peuvent être aussi enseignées infailliblement par le Magistère ordinaire et universel de l’Église comme une « sententia définitive tenenda » [14]. Tout croyant est donc tenu à accorder à ces vérités son assentiment ferme et définitif fondé sur la foi dans l’assistance que l’Esprit Saint prête au Magistère de l’Église, et sur la doctrine catholique de l’infaillibilité du Magistère dans ces domaines [15]. Qui les nierait se trouverait dans la position de celui qui rejette les vérités de la doctrine catholique [16] et ne serait donc plus en pleine communion avec l’Église catholique.
7. Les vérités relatives à ce second alinéa peuvent être de nature différente et de fait, apparaissent telles dans leur lien avec la révélation. En effet, certaines vérités sont nécessairement liées à la révélation en vertu d’un rapport historique, tandis que d’autres présentent une connexion logique, expression d’une étape dans la maturation de la connaissance de cette même révélation, que l’Église est appelée à accomplir. Que ces doctrines ne soient pas proposées comme formellement révélées, puisqu’elles ajoutent à la foi des éléments non révélés ou non encore reconnus expressément comme tels, cela n’enlève rien à leur caractère définitif. D’ailleurs leur caractère définitif est impliqué au moins par leur lien intrinsèque avec la vérité révélée. En outre, on ne saurait exclure qu’à un certain stade du développement du dogme, l’intelligence des réalités aussi bien que des paroles du dépôt de la foi puisse progresser dans la vie de l’Église et que le Magistère en arrive à proclamer certaines de ces vérités comme des dogmes de foi divine et catholique.
8. En ce qui concerne la nature de l’assentiment dû aux vérités proposées par l’Église comme divinement révélées (1er alinéa) ou à tenir de manière définitive (2ème alinéa), il importe de souligner qu’il n’y a pas de différence au niveau du caractère plein et irrévocable de l’assentiment dû respectivement à ces diverses vérités. La différence se situe au niveau de la vertu surnaturelle de foi : dans le cas des vérités du premier alinéa, l’assentiment est fondé directement sur la foi dans l’autorité de la Parole de Dieu (doctrines de fide credenda);dans le cas des vérités du deuxième alinéa, l’assentiment est fondé sur la foi dans l’assistance que le Saint-Esprit prête au Magistère et sur la doctrine catholique de l’infaillibilité du Magistère (doctrines de fide tenenda).
9. De toute façon, le Magistère de l’Église enseigne, par un acte définitoire ou non, une doctrine à croire comme divinement révélée (1° alinéa) ou à tenir de manière définitive (2° alinéa). Dans le cas d’un acte définitoire, une vérité est solennellement définie par une déclaration « ex cathedra » du Pontife romain ou par l’intervention d’un concile œcuménique. Dans le cas d’un acte non définitoire, une doctrine est enseignée infailliblement par le Magistère ordinaire et universel des Évêques dispersés de par le monde et en communion avec le Successeur de Pierre. Cette doctrine peut être confirmée ou réaffirmée par le Pontife romain, même sans recourir à une définition solennelle, en déclarant explicitement qu’elle appartient à l’enseignement du Magistère ordinaire et universel comme vérité divinement révélée (1° alinéa) ou comme vérité de la doctrine catholique (2° alinéa). Par conséquent, quand, sur une doctrine, il n’existe pas de jugement sous la forme solennelle d’une définition, mais que cette doctrine, appartenant au patrimoine du depositum fidei, est enseignée par le Magistère ordinaire et universel – qui inclut nécessairement celui du Pape –, il faut l’entendre comme étant proposée infailliblement [17]. Quand le Pontife romain, par une déclaration, la confirme ou la réaffirme, il n’accomplit pas un acte nouveau qui élève cette vérité au rang de dogme, mais il atteste formellement qu’elle est déjà propriété de l’Église et par elle infailliblement transmise.
10. La troisième proposition de la professio fidei affirme : « De plus, avec une soumission religieuse de la volonté et de l’intelligence, j’adhère aux doctrines qui sont énoncées, soit par le Pontife romain, soit par le Collège des évêques, lorsqu’ils exercent le Magistère authentique, même s’ils n’ont pas l’intention de les proclamer par un acte définitif ».
À cet alinéa appartiennent tous ces enseignements – en matière de foi ou de morale – présentés comme vrais ou au moins comme sûrs, même s’ils n’ont pas été définis dans un jugement solennel ou proposés comme définitifs par le Magistère ordinaire et universel. Ces enseignements sont en tout cas expression authentique du Magistère ordinaire du Pontife romain ou du Collège épiscopal et requièrent donc la soumission religieuse de la volonté et de l’intelligence [18]. Ils sont proposés pour nous conduire à une intelligence plus profonde de la révélation, ou bien pour rappeler la conformité d’un enseignement avec les vérités de la foi, ou enfin pour mettre en garde contre les conceptions incompatibles avec ces vérités ou contre des opinions dangereuses susceptibles d’induire en erreur [19].
Une proposition contraire à ces doctrines peut être qualifiée d’erronée ou bien, dans le cas des enseignements de l’ordre de la prudence, de téméraire ou de dangereuse et donc « tuto doceri non pot est » [20].
11. Exemples. Sans aucune intention d’être exhaustif ou complet, on peut rappeler, à tire purement indicatif, quelques exemples de doctrines relatives aux trois alinéas exposés ci-dessus.
Aux vérités du premier alinéa, appartiennent les articles de foi du Credo ; les divers dogmes christologiques [21] et mariais [22]; la doctrine de l’institution des sacrements par le Christ et leur efficacité à conférer la grâce [23]; la doctrine de la présence réelle et substantielle du Christ dans l’Eucharistie [24] et la nature sacrificielle de la célébration eucharistique [25]; la fondation de l’Église par la volonté du Christ [26]; la doctrine sur le primat et sur l’infaillibilité du Pontife romain [27]; la doctrine sur l’existence du péché originel [28]; la doctrine sur l’immortalité de l’âme spirituelle et sur la rétribution immédiate après la mort [29]; l’absence d’erreur dans les textes sacrés inspirés [30]; la doctrine sur la grave immoralité du meurtre direct et volontaire d’un être humain innocent [31].
À propos des vérités du second alinéa, c’est-à-dire celles qui, avec la Révélation, entretiennent des rapports de nécessité logique, on peut considérer, par exemple, le développement de la connaissance de la doctrine liée à la définition de l’infaillibilité du Pontife romain, avant la définition dogmatique du Concilie Vatican I. Le primat du Successeur de Pierre a toujours été considéré comme un élément révélé, même si, jusqu’à Vatican I, la discussion restait ouverte de savoir si l’élaboration conceptuelle qui sous-tend les termes de « juridiction » et d”« infaillibilité » devait être considérée comme faisant intrinsèquement partie de la révélation ou en était seulement une conséquence rationnelle. De toute façon, même si son caractère de vérité divinement révélée a été défini par le Concile Vatican I, la doctrine de l’infaillibilité et du primat de juridiction du Pontife romain était reconnue comme définitive bien avant le Concile. L’histoire montre donc clairement que ce qui a été retenu dans la conscience de l’Église était considéré dès l’origine comme une doctrine vraie et a été par la suite tenue pour définitive. Mais c’est seulement au stade final de la définition de Vatican I que cette doctrine a été accueillie comme vérité divinement révélée.
En ce qui concerne le récent enseignement sur la doctrine sur l’ordination sacerdotale exclusivement réservée aux hommes, il faut remarquer un processus similaire. Le Souverain Pontife, tout en ne voulant pas arriver jusqu’à une définition dogmatique, a eu l’intention de réaffirmer qu’il faut considérer cette doctrine comme définitive [32], dans la mesure où, fondée sur la Parole de Dieu écrite, elle est transmise constamment par la Tradition de l’Église et enseignée par le Magistère ordinaire et universel [33]. Il n’empêche que, comme le démontre l’exemple précédent, la conscience de l’Église puisse progresser dans le futur, au point de définir cette doctrine comme divinement révélée.
On peut aussi rappeler la doctrine sur l’illicéité de l’euthanasie, doctrine enseignée dans l’Encyclique Evangelium Vitae. En confirmant que l’euthanasie est « une grave violation de la Loi de Dieu », le Pape déclare que « cette doctrine est fondée sur la loi naturelle et sur la Parole de Dieu écrite ; qu’elle est transmise par la Tradition de l’Église et enseignée par le Magistère ordinaire et universel » [34]. Il semblerait que dans la doctrine sur l’euthanasie, il y ait un élément purement rationnel, puisque l’Écriture n’a pas l’air d’en connaître le concept. D’autre part, ce cas fait apparaître la relation réciproque entre l’ordre de la foi e celui de la raison : l’Écriture en effet, en opposition avec ce que présupposent la pratique et de la théorie de l’euthanasie, exclut clairement toute forme de mainmise sur l’existence humaine.
Autres exemples de doctrines morales que le Magistère ordinaire et universel de l’Église enseigne comme définitives : l’enseignement sur l’illicéité de la prostitution [35] et sur l’illicéité de la fornication [36].
Eu égard aux vérités liées avec la révélation par nécessité historique, qu’on doit tenir pour définitives, mais qui ne pourront pas être déclarées comme divinement révélées, on peut indiquer comme exemples la légitimité de l’élection du Souverain Pontife ou de la célébration d’un concile œcuménique, la canonisation des saints (faits dogmatiques); la déclaration de Léon XIII dans la Lettre apostolique Apostolicae Curae sur l’invalidité des l’ordinations anglicanes [37], etc.
Comme exemples de doctrines appartenant au troisième alinéa, on peut indiquer en général les enseignements proposés par le Magistère authentique ordinaire sur un mode non définitif, qui requièrent des degrés d’adhésion divers, selon l’esprit et la volonté manifestée spécialement, soit dans la nature des documents, soit dans le fait de proposer fréquemment la même doctrine, soit dans la teneur de l’expression employée [38].
12. Dans les différents symboles de foi, le croyant reconnaît et atteste qu’il professe la foi de toute l’Église. C’est pour cette raison que, surtout dans les symboles les plus anciens, la conscience ecclésiale s’exprime par la formule « nous croyons ». Comme l’enseigne le Catéchisme de l’Église catholique : « Je crois » : c’est la foi de l’Église professée personnellement par chaque croyant, principalement lors du baptême. « Nous croyons » : c’est la foi de l’Église confessée par les évêques assemblés en concile ou, plus généralement, par l’assemblée liturgique des croyants. « Je crois » : c’est aussi l’Église, notre Mère, qui répond à Dieu par sa foi et qui nous apprend à dire : « Je crois », « Nous croyons » [39].
Dans toute profession de foi, l’Église vérifie les différentes étapes auxquelles elle est parvenue dans sa marche vers la rencontre définitive avec le Seigneur. Rien de son contenu ne se trouve dépassé avec le temps ; au contraire, tout devient patrimoine irremplaçable par lequel la foi de toujours, de tous, vécue en tout lieu, contemple l’action permanente de l’Esprit du Christ ressuscité qui accompagne et vivifie son Église pour la conduire à la plénitude de la vérité.
A Rome, au siège de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le 29 juin 1998, en la solennité des saints Apôtres Pierre et Paul.
+ Joseph Card. Ratzinger, Préfet
+Tarcisio Bertone, S.D.B, Archevêque émérite de Vercelli, Secrétaire
- Les formules simples professent, normalement, que les prophéties messianiques sont accomplies en Jésus de Nazareth ; cf. par exemple, Mc 8, 29 ; Mt 16, 16 ; Lc 9, 20 ; Jn 20, 31 ; Ac 9, 22. Les formules complexes confessent, à part la Résurrection, les événements principaux de la vie de Jésus et leur signification salvifique ; cf. par exemple, Mc 12, 35–36 ; Ac 2, 23–24 ; 1 Co 15, 3–5 ; 16, 22 ; Ph 2, 7.10–11 ; Col 1, 15–20 ; 1 P 3, 19–22 ; Ap 22, 20. À part les formules de confession de foi relatives à l’histoire du salut et à l’événement historique de Jésus de Nazareth culminant avec la Pâque, il existe, dans le Nouveau Testament des professions de foi qui concernent l’être-même de Jésus ; cf. 1 Co 12, 3 : « Jésus est Seigneur ». En Rm 10, 9, les deux formes de confession se trouvent réunies.[↩]
- Cf. Concile Œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum, n. 7.[↩]
- 1 Co 15, 3–5.[↩]
- Catéchisme de l’Église catholique, n. 193.[↩]
- Jn 16, 13.[↩]
- Cf. Concile Œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum, n. 11.[↩]
- Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Profession de foi et Serment de fidélité : AAS 81 (1989) 104–106 ; CIC, can. 833.[↩]
- Cf. Concile œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Lumen Gentium, n. 25.[↩]
- Ibidem,n. 25.[↩]
- Cf. ibidem, n. 22.[↩]
- Cf. DS 3074.[↩]
- Cf. CIC cann. 750 et 751 ; CCEO cann. 598 § 1 ; 1436 § 1.[↩]
- Cf. Paul VI, Lettre encyclique Humanae Vitae, n. 4 : AAS 60 (1968) 483 ; Jean-Paul II, Lettre encyclique Veritatis Splendor, nn. 36–37 : AAS 85 (1993) 1162–1163.[↩]
- Cf. Concile Œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Lumen Gentium, n. 25.[↩]
- Cf. Concile Œcuménique Vatican II, Constitution Dogmatique Dei Verbum, nn. 8.10 ; Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration Mysterium Ecclesiae, n. 3 : AAS 65 (1973) 400–401.[↩]
- Cf. Jean-Paul II, Motu proprio Ad tuendam fidem, 18 mai 1998.[↩]
- Il faut considérer que l’enseignement infaillible du Magistère ordinaire et universel n’est pas seulement proposé dans la déclaration explicite d’une doctrine à croire ou à tenir pour définitive, mais il est aussi exprimé par une doctrine implicitement contenue dans une pratique de la foi de l’Église, dérivant de la révélation ou, de toute façon, nécessaire pour le salut éternel, attestée par la Tradition ininterrompue : cet enseignement infaillible est objectivement proposé par tout le corps épiscopal, entendu au sens diachronique, et pas nécessairement au seul sens synchronique. En outre, l’intention du Magistère ordinaire et universel de proposer une doctrine comme définitive n’est généralement pas liée à des formulations techniques d’une solennité particulière ; il suffit qu’elles soient claires par la teneur des paroles employées et par leur contexte.[↩]
- Cf. Concile Œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Lumen Gentium, n. 25 ; Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instruction Donum Veritatis, n. 23 : AAS 82 (1990) 1559–1560.[↩]
- Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instruction Donum veritatis, n. 23 et n. 24.[↩]
- Cf. CIC cann. 752 ; 1371 ; CCEO, cann. 599 ; 1436 § 2.[↩]
- Cf. DS 301–302.[↩]
- Cf. DS 2803 ; 3903.[↩]
- Cf. DS 1601 ; 1606.[↩]
- Cf. DS 1636.[↩]
- Cf. DS 1740 ; 1743.[↩]
- Cf. DS 3050.[↩]
- Cf. DS 3059–3075.[↩]
- Cf. DS 1510–1515.[↩]
- Cf. DS 1000–1002.[↩]
- Cf. DS 3293 ; Concile Œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum, n. 11.[↩]
- Cf. Jean-Paul II, Lettre encyclique Evangelium Vitae, n. 57 : AAS 87 (1995) 465.[↩]
- Cf. Jean-Paul II, Lettre apostolique Ordinatio Sacerdotalis, n. 4 : AAS 86 (1994) 548.[↩]
- Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Réponse au doute sur la doctrine de la Lettre apostolique « Ordinatio Sacerdotalis »: AAS 87 (1995) 1114.[↩]
- Jean-Paul II, Lettre encyclique Evangelium Vitae,n. 65.[↩]
- Cf. Catéchisme de l’Église catholique, n. 2355.[↩]
- Cf. Catéchisme de l’Église catholique, n. 2353.[↩]
- Cf. DS 3315–3319.[↩]
- Cf. Concile Œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Lumen Gentium, n. 25 § 1 ; Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instruction Donum Veritatis, nn. 17, 23 et 24.[↩]
- Catéchisme de l’Église catholique, n. 167.[↩]