Paul, évêque,
Serviteur des serviteurs de Dieu.
Avec les Père du Saint Concile,
Pour que le souvenir s’en maintienne à jamais.
Préambule
1. Promouvoir la restauration de l’unité entre tous les chrétiens est l’un des objectifs principaux du saint Concile œcuménique de Vatican II. Une seule et unique Église a été fondée par le Christ Seigneur. Et pourtant plusieurs communions chrétiennes se présentent aux hommes comme le véritable héritage de Jésus Christ. Tous certes confessent qu’ils sont les disciples du Seigneur, mais ils ont des opinions différentes. Ils suivent des chemins divers, comme si le Christ lui-même était divisé [1]. Il est certain qu’une telle division s’oppose ouvertement à la volonté du Christ. Elle est pour le monde un objet de scandale et elle fait obstacle à la plus sainte des causes : la prédication de l’Évangile à toute créature.
Or, le Maître des siècles, qui poursuit son dessein de grâce avec sagesse et patience à l’égard des pécheurs que nous sommes, a commencé en ces derniers temps de répandre plus abondamment sur les chrétiens divisés entre eux l’esprit de repentance et le désir de l’union. Très nombreux sont partout les hommes qui ont été touchés par cette grâce et, sous l’effet de la grâce de l’Esprit Saint, est né un mouvement qui s’amplifie de jour en jour chez nos frères séparés en vue de rétablir l’unité de tous les chrétiens.
À ce mouvement vers l’unité, qu’on appelle le mouvement œcuménique, prennent part ceux qui invoquent le Dieu Trinité et confessent Jésus comme Seigneur et Sauveur, non seulement pris individuellement, mais aussi réunis en communautés dans lesquelles ils ont entendu l’Évangile et qu’ils appellent leur Église et l’Église de Dieu. Presque tous cependant, bien que de façon diverse, aspirent à une Église de Dieu, une et visible, vraiment universelle, envoyée au monde entier pour qu’il se convertisse à l’Évangile et qu’il soit ainsi sauvé pour la gloire de Dieu.
Voilà pourquoi le Concile, considérant avec joie tous ces faits, après avoir exposé la doctrine relative à l’Église, pénétré du désir de rétablir l’unité entre tous les disciples du Christ, veut proposer à tous les catholiques les moyens, les voies et les modes d’action qui leur permettront à eux-mêmes de répondre à cet appel divin et à cette grâce.
Ch. I. Les principes catholiques de l’œcuménisme
2. En ceci est apparu l’amour de Dieu pour nous, que le Fils unique de Dieu a été envoyé au monde par le Père afin que, s’étant fait homme, il régénérât tout le genre humain, en le rachetant, et qu’il le rassemblât pour qu’il devienne un [2]. C’est lui qui, avant de s’offrir sur l’autel de la croix comme offrande immaculée, adressa au Père cette prière pour ceux qui croiraient en lui : « Que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi ; qu’eux aussi soient un en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé » (Jn 17, 21). Et il a institué dans son Église l’admirable sacrement de l’Eucharistie qui signifie et réalise l’unité de l’Église. À ses disciples il a donné le nouveau commandement de l’amour mutuel [3] et promis l’Esprit Paraclet [4] qui, Seigneur et vivificateur, resterait avec eux à jamais.
Élevé sur la croix, puis entré dans la gloire, le Seigneur Jésus a répandu l’Esprit qu’il avait promis. Par lui, il appela et réunit dans l’unité de la foi, de l’espérance et de la charité, le peuple de la Nouvelle Alliance qui est l’Église, selon l’enseignement de l’Apôtre : « Il n’y a qu’un Corps et qu’un Esprit, comme il n’y a qu’une espérance au terme de l’appel que vous avez reçu ; un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême » (Ep 4, 4–5). En effet, « vous tous, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ… Vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus » (Ga 3, 27–28). L’Esprit Saint qui habite dans le cœur des croyants, qui remplit et régit toute l’Église, réalise cette admirable communion des fidèles et les unit tous si intimement dans le Christ, qu’il est le principe de l’unité de l’Église. C’est lui qui réalise la diversité des grâces et des ministères [5], enrichissant de fonctions diverses l’Église de Jésus Christ, « organisant ainsi les saints pour l’œuvre du ministère, en vue de la construction du Corps du Christ » (Ep 4, 12).
Mais pour établir en tout lieu son Église sainte jusqu’à la consommation des siècles, le Christ a confié au collège des Douze la charge d’enseigner, de gouverner et de sanctifier [6]. Parmi eux, il choisit Pierre, sur lequel, après sa profession de foi, il décida d’édifier son Église ; il lui promit les clefs du Royaume [7] et, après que l’apôtre lui eut donné l’attestation de son amour, il lui confia toutes les brebis pour les confirmer dans la foi [8] et pour les paître en unité parfaite [9], Jésus Christ lui-même demeurant éternellement la suprême pierre angulaire [10] et le Pasteur de nos âmes [11].
Par la fidèle prédication de l’Évangile (par l’administration des sacrements et par le gouvernement dans l’amour), accomplis par les apôtres et leurs successeurs, c’est-à-dire les évêques ayant à leur tête le successeur de Pierre, Jésus Christ veut que son peuple s’accroisse sous l’action du Saint-Esprit, et il accomplit la communion dans l’unité dans la profession d’une seule foi, dans la célébration commune du culte divin, dans la concorde fraternelle de la famille de Dieu.
Ainsi l’Église, unique troupeau de Dieu, comme un signe levé à la vue des nations [12], mettant au service de tout le genre humain l’Évangile de la paix [13], accomplit dans l’espérance son pèlerinage vers le terme qu’est la patrie céleste [14].
Tel est le mystère sacré de l’unité de l’Église, dans le Christ et par le Christ, sous l’action de l’Esprit Saint qui réalise la variété des ministères. De ce mystère, le modèle suprême et le principe est dans la trinité des personnes, l’unité d’un seul Di eu Père, et Fils, en l’Esprit Saint.
3. Des relations entre les frères séparés et l’Église catholique
Dans cette seule et unique Église de Dieu sont apparues dès l’origine certaines scissions [15], que l’apôtre réprouve avec vigueur comme condamnables [16] ; au cours des siècles suivants naquirent des dissensions plus graves, et des communautés considérables furent séparées de la pleine communion de l’Église catholique, parfois par la faute des personnes de l’une ou de l’autre partie. Ceux qui naissent aujourd’hui dans de telles communautés et qui vivent de la foi au Christ, ne peuvent être accusés de péché de division, et l’Église catholique les entoure de respect fraternel et de charité. En effet, ceux qui croient au Christ et qui ont reçu validement le baptême, se trouvent dans une certaine communion, bien qu’imparfaite, avec l’Église catholique. Assurément, des divergences variées entre eux et l’Église catholique sur des questions doctrinales, parfois disciplinaires, ou sur la structure de l’Église, constituent nombre d’obstacles, parfois fort graves, à la pleine communion ecclésiale. Le mouvement œcuménique tend à les surmonter. Néanmoins, justifiés par la foi reçue au baptême, incorporés au Christ [17], ils portent à juste titre le nom de chrétiens, et les fils de l’Église catholique les reconnaissent à bon droit comme des frères dans le Seigneur [18].
De plus, parmi les éléments ou les biens par l’ensemble desquels l’Église se construit et est vivifiée, plusieurs et même beaucoup, et de grande valeur, peuvent exister en dehors des limites visibles de l’Église catholique : la Parole de Dieu écrite, la vie de grâce, la foi, l’espérance et la charité, d’autres dons intérieurs du Saint-Esprit et d’autres éléments visibles. Tout cela, qui provient du Christ et conduit à lui, appartient de droit à l’unique Église du Christ.
De même, chez nos frères séparés s’accomplissent beaucoup d’actions sacrées de la religion chrétienne qui, de manières différentes selon la situation diverse de chaque Église ou communauté, peuvent certainement produire effectivement la vie de grâce, et l’on doit reconnaître qu’elles donnent accès à la communion du salut.
En conséquence, ces Églises [19] et communautés séparées, bien que nous croyions qu’elles souffrent de déficiences, ne sont nullement dépourvues de signification et de valeur dans le mystère du salut. L’Esprit du Christ, en effet, ne refuse pas de se servir d’elles comme de moyens de salut, dont la vertu dérive de la plénitude de grâce et de vérité qui a été confiée à l’Église catholique.
Cependant nos frères séparés, soit eux-mêmes individuellement, soit leurs communautés ou leurs Églises, ne jouissent pas de cette unité que Jésus Christ a voulu dispenser à tous ceux qu’il a régénérés et vivifiés pour former un seul Corps en vue d’une vie nouvelle, et qui est attestée par l’Écriture Sainte et la vénérable Tradition de l’Église. C’est, en effet, par la seule Église catholique du Christ, laquelle est le « moyen général de salut », que peut s’obtenir toute la plénitude des moyens de salut. Car c’est au seul collège apostolique, présidé par Pierre, que furent confiées, selon notre foi, toutes les richesses de la Nouvelle Alliance, afin de constituer sur terre un seul Corps du Christ auquel il faut que soient pleinement incorporés tous ceux qui, d’une certaine façon, appartiennent déjà au Peuple de Dieu. Durant son pèlerinage terrestre, ce peuple, bien qu’il demeure en ses membres exposé au péché, continue sa croissance dans le Christ, doucement guidé par Dieu selon ses mystérieux desseins, jusqu’à ce que, dans la Jérusalem céleste, il atteigne joyeux la totale plénitude de la gloire éternelle.
4. De l’œcuménisme
Étant donné qu’aujourd’hui, en diverses parties du monde, sous le souffle de la grâce de l’Esprit Saint, beaucoup d’efforts s’accomplissent par la prière, la parole et l’action pour arriver à la plénitude de l’unité voulue par Jésus Christ, le saint Concile exhorte tous les fidèles catholiques à reconnaître les signes des temps et à prendre une part active à l’effort œcuménique.
Par « mouvement œcuménique », on entend les entreprises et les initiatives provoquées et organisées en faveur de l’unité des chrétiens, selon les besoins variés de l’Église et selon les circonstances. Ainsi, en premier lieu, tout effort accompli pour éliminer les paroles, les jugements et les actes qui ne correspondent ni en justice ni en vérité à la situation des frères séparés et contribuent ainsi à rendre plus difficiles les relations avec eux. Ensuite, au cours de réunions de chrétiens de diverses Églises ou communautés, organisées dans un esprit religieux, le « dialogue » mené par des experts bien informés, où chacun explique plus à fond la doctrine de sa communauté et montre de façon claire ce qui la caractérise. Par ce dialogue, tous acquièrent une connaissance plus conforme à la vérité, en même temps qu’une estime plus juste de l’enseignement et de la vie de chaque communauté. De la même manière, ces communautés viennent à collaborer plus largement à toutes sortes d’entreprises qui, répondant aux exigences de toute conscience chrétienne, contribuent au bien commun. On peut aussi, là où c’est permis, se réunir pour une prière unanime. Enfin tous examinent leur fidélité à la volonté du Christ par rapport à l’Église, et entreprennent, comme il le faut, un effort soutenu de rénovation et de réforme.
Tout cela, s’il est accompli avec prudence et patience par les fidèles de l’Église catholique sous la vigilance de leurs pasteurs, contribue au progrès de la justice et de la vérité, de la concorde et de la collaboration, de l’amour fraternel et de l’union. Par cette voie, peu à peu, après avoir surmonté les obstacles qui empêchent la parfaite communion ecclésiale, se trouveront rassemblés par une célébration eucharistique unique, dans l’unité d’une seule et unique Église, tous les chrétiens. Cette unité, le Christ l’a accordée à son Église dès le commencement. Nous croyons qu’elle subsiste de façon inamissible dans l’Église catholique et nous espérons qu’elle s’accroîtra de jour en jour jusqu’à la consommation des siècles.
Il est évident que l’œuvre de préparation et de réconciliation des personnes individuelles qui désirent la pleine communion avec l’Église catholique, se distingue, par sa nature, de l’entreprise œcuménique ; mais il n’y a, entre elles, aucune opposition, puisque l’une et l’autre procèdent d’une disposition admirable de Dieu.
Dans l’action œcuménique, les fidèles de l’Église catholique, sans hésitation, se montreront pleins de sollicitude envers leurs frères séparés ; ils prieront pour eux, parleront avec eux des choses de l’Église, feront vers eux les premiers pas. Ils considéreront surtout avec loyauté et attention tout ce qui, dans la famille catholique elle-même, a besoin d’être rénové et d’être réalisé, de telle manière que sa vie rende un témoignage plus fidèle et plus clair de la doctrine et des institutions que le Christ a transmises par ses Apôtres.
En effet, bien que l’Église catholique ait été dotée de la vérité révélée par Dieu ainsi que de tous les moyens de grâce, néanmoins ses membres n’en vivent pas avec toute la ferveur qui conviendrait. Il en résulte que le visage de l’Église resplendit moins aux yeux de nos frères séparés ainsi que du monde entier, et la croissance du Royaume de Dieu en est entravée. C’est pourquoi tous les catholiques doivent tendre à la perfection chrétienne [20] ; ils doivent, chacun dans sa sphère, s’efforcer de faire en sorte que l’Église, portant dans son corps l’humilité et la mortification de Jésus [21], soit purifiée et renouvelée de jour en jour, jusqu’à ce que le Christ se la présente à lui-même, glorieuse, sans tache ni ride [22].
Conservant l’unité dans ce qui est nécessaire, que tous, dans l’Église, chacun selon la charge qui lui est confiée, gardent la liberté qui leur est due, qu’il s’agisse des formes diverses de la vie spirituelle et de la discipline, de la variété des rites liturgiques, et même de l’élaboration théologique de la vérité révélée ; et qu’en tout ils pratiquent la charité. De la sorte, ils manifesteront toujours plus pleinement la véritable catholicité et apostolicité de l’Église.
D’un autre côté, il est nécessaire que les catholiques reconnaissent avec joie et apprécient les valeurs réellement chrétiennes qui ont leur source au commun patrimoine et qui se trouvent chez nos frères séparés. Il est juste et salutaire de reconnaître les richesses du Christ et sa puissance agissante dans la vie de ceux qui témoignent pour le Christ parfois jusqu’à l’effusion du sang, car Dieu est toujours admirable et doit être admiré dans ses œuvres.
Il ne faut pas non plus oublier que tout ce qui est accompli par la grâce de l’Esprit Saint chez nos frères séparés peut contribuer à notre édification. Rien de ce qui est réellement chrétien ne s’oppose jamais aux vraies valeurs de la foi, mais tout cela peut contribuer à pénétrer toujours plus parfaitement le mystère du Christ et de l’Église.
Pourtant les divisions entre chrétiens empêchent l’Église de réaliser la plénitude de catholicité qui lui est propre en ceux de ses fils qui, certes, lui appartiennent par le baptême, mais se trouvent séparés de sa pleine communion. Bien plus, pour l’Église elle-même, il devient plus difficile d’exprimer sous tous ses aspects la plénitude de la catholicité dans la réalité même de la vie.
Le saint Concile constate avec joie l’accroissement de la participation des fidèles catholiques à la tâche œcuménique. Il confie celle-ci aux évêques de toute la terre pour qu’ils veillent à la promouvoir et qu’ils l’orientent avec discernement.
Ch. II. Exercice de l’œcuménisme
5. Le souci de réaliser l’union concerne l’Église tout entière, fidèles autant que pasteurs, et touche chacun selon ses capacités propres, aussi bien dans la vie quotidienne que dans les recherches théologiques et historiques. Un souci de cette sorte manifeste déjà, d’une certaine façon, les liens fraternels qui existent déjà entre tous les chrétiens et conduit vers l’unité pleine et parfaite, selon la bienveillance de Dieu.
6. Rénovation de l’Église
Toute rénovation de l’Église [23] consistant essentiellement dans une fidélité plus grande à sa vocation, c’est dans cette rénovation que se trouve certainement le ressort du mouvement vers l’unité. L’Église, au cours de son pèlerinage, est appelée par le Christ à cette réforme permanente dont elle a continuellement besoin en tant qu’institution humaine et terrestre. Si donc, par suite des circonstances, en matière morale, dans la discipline ecclésiastique, ou même dans la formulation de la doctrine, qu’il faut distinguer avec soin du dépôt de la foi, il est arrivé que, sur certains points, on se soit montré trop peu attentif, il faut y remédier en temps opportun d’une façon appropriée.
Cette rénovation revêt donc une insigne valeur œcuménique. Les différentes formes de vie de l’Église par lesquelles s’accomplit la rénovation en cause (mouvement biblique et liturgique, prédication de la Parole de Dieu, catéchèse, apostolat des laïcs, nouvelles formes de vie religieuse, spiritualité du mariage, doctrine et activité de l’Église en matière sociale) sont à considérer comme autant de gages et de signes qui annoncent favorablement les futurs progrès de l’œcuménisme.
7. La conversion du cœur
Il n’y a pas de véritable œcuménisme sans conversion intérieure. En effet, c’est du renouveau de l’esprit [24], du renoncement à soi-même et d’une libre effusion de charité que naissent et mûrissent les désirs de l’unité. Il nous faut par conséquent demander à l’Esprit Saint la grâce d’une abnégation sincère, celle de l’humilité et de la douceur dans le service, d’une fraternelle générosité à l’égard des autres. « Je vous conjure, dit l’Apôtre des nations, moi qui suis enchaîné dans le Seigneur, de marcher de façon digne de la vocation qui vous a été départie, en toute humilité et douceur, vous supportant les uns les autres avec patience et charité, attentifs à conserver l’unité de l’Esprit par le lien de la paix » (Ep 4, 1–3). Cette exhortation s’adresse surtout à ceux qui ont été élevés à un ordre sacré dans le dessein de continuer la mission du Christ venu parmi nous « non pour être servi, mais pour servir » (Mt 20, 28).
Aux fautes contre l’unité peut aussi s’appliquer le témoignage de saint Jean : « Si nous disons que nous n’avons pas péché, nous faisons de Dieu un menteur et sa parole n’est pas en nous » (1 Jn 1, 10). Par une humble prière, nous devons donc demander pardon à Dieu et aux frères séparés, de même que nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés.
Que les fidèles se souviennent tous qu’ils favoriseront l’union des chrétiens, bien plus, qu’ils la réaliseront, dans la mesure où ils s’appliqueront à vivre plus purement selon l’Évangile. Plus étroite, en effet, sera leur communion avec le Père, le Verbe et l’Esprit Saint, plus ils pourront rendre intime et facile la fraternité mutuelle.
8. La prière en commun
Cette conversion du cœur et cette sainteté de vie, ensemble avec les prières publiques et privées pour l’unité des chrétiens, doivent être regardées comme l’âme de tout l’œcuménisme et peuvent à bon droit être appelées œcuménisme spirituel.
C’est un usage cher aux catholiques que de se réunir souvent pour renouveler la prière demandant l’unité de l’Église, celle que le Sauveur lui-même, la veille de sa mort, a élevée de façon suppliante vers son Père : « Qu’ils soient tous un » (Jn 17, 21).
En certaines circonstances particulières, par exemple lors des prières prévues « pour l’unité », et lors des réunions œcuméniques, il est permis, bien plus il est souhaitable, que les catholiques s’associent pour prier avec les frères séparés. De telles supplications communes sont assurément un moyen efficace de demander la grâce de l’unité, et elles constituent une expression authentique des liens par lesquels les catholiques demeurent unis avec les frères séparés : « Là, en effet, où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Mt 18, 20).
Cependant, il n’est pas permis de considérer la communicatio in sacris comme un moyen à utiliser sans discernement pour restaurer l’unité des chrétiens. Deux principes règlent principalement cette communicatio : exprimer l’unité de l’Église ; faire participer aux moyens de grâce. Elle est, la plupart du temps, interdite du point de vue de l’expression de l’unité ; la grâce à procurer la recommande quelquefois. Quant à la façon pratique d’agir, eu égard aux circonstances de temps, de lieux et de personnes, c’est l’autorité épiscopale locale qui doit prudemment donner des instructions, à moins qu’il n’y ait eu d’autres dispositions de la Conférence épiscopale, selon ses propres statuts, ou du Saint-Siège.
9. Connaissance réciproque fraternelle
Il faut connaître la mentalité des frères séparés. Pour cela, une étude est nécessaire, et il faut la mener avec esprit de vérité et bienveillance. Il est nécessaire que des catholiques bien préparés acquièrent une meilleure connaissance de la doctrine et de l’histoire, de la vie spirituelle et cultuelle, de la mentalité religieuse et de la culture propre à leurs frères (séparés). Peuvent y contribuer beaucoup de réunions mixtes, où, d’égal à égal, on traite en particulier de questions théologiques, pourvu que ceux qui y prennent part, sous la vigilance de leurs supérieurs, soient vraiment compétents. De ce genre de dialogue ressort plus clairement aussi la véritable position de l’Église catholique. De cette manière, on connaîtra mieux la pensée des frères séparés, et notre foi leur sera présentée de façon plus convenable.
10. Formation œcuménique
La théologie et les autres disciplines, surtout l’histoire, doivent être enseignées aussi dans un sens œcuménique, pour mieux répondre à la réalité des choses.
Il est, en effet, très important que les futurs pasteurs et les prêtres possèdent une théologie ainsi exactement élaborée, et non pas en termes de polémique, surtout pour les questions concernant les relations des frères séparés avec l’Église catholique.
Car c’est de la formation des prêtres que dépendent surtout la nécessaire éducation et formation spirituelle des fidèles et des religieux.
De même, les catholiques missionnaires travaillant dans les mêmes pays que d’autres chrétiens doivent connaître, surtout aujourd’hui, les questions que pose l’œcuménisme à leur apostolat et les résultats qu’il obtient.
11. La manière d’exprimer et d’exposer la doctrine de la foi
La méthode et la manière d’exprimer la foi catholique ne doivent nullement faire obstacle au dialogue avec les frères. Il faut absolument exposer clairement la doctrine intégrale. Rien n’est plus étranger à l’œcuménisme que ce faux irénisme qui altère la pureté de la doctrine catholique et obscurcit son sens authentique et assuré.
En même temps, il faut expliquer la foi catholique de façon plus profonde et plus juste, utilisant une manière de parler et un langage qui soient facilement accessibles même aux frères séparés.
En outre, dans le dialogue œcuménique, les théologiens catholiques, fidèles à la doctrine de l’Église, en conduisant ensemble avec les frères séparés leurs recherches sur les divins mystères, doivent procéder avec amour de la vérité, charité et humilité. En comparant les doctrines entre elles, ils se rappelleront qu’il y a un ordre ou une « hiérarchie » des vérités de la doctrine catholique, en raison de leur rapport différent avec le fondement de la foi chrétienne. Ainsi sera tracée la voie qui les incitera tous, dans cette émulation fraternelle, à une connaissance plus profonde et une manifestation plus évidente des insondables richesses du Christ [25].
12. Collaboration avec les frères séparés
Que tous les chrétiens, face à l’ensemble des nations, confessent leur foi dans le Dieu un et trine, dans le Fils de Dieu incarné, notre Rédempteur et Seigneur, et par un commun effort, dans l’estime mutuelle, qu’ils rendent témoignage de notre espérance qui ne sera pas confondue. Aujourd’hui qu’une très large collaboration s’est instaurée dans le domaine social, tous les hommes sans exception sont appelés à cette œuvre commune, mais surtout ceux qui croient en Dieu, et, en tout premier lieu, tous les chrétiens, à cause même du nom du Christ dont ils sont parés. La collaboration de tous les chrétiens exprime vivement l’union déjà existante entre eux, et elle met en plus lumineuse évidence le visage du Christ serviteur. Cette collaboration, déjà établie en beaucoup de pays, doit être sans cesse accentuée, là surtout où l’évolution sociale et technique est en cours, soit en faisant estimer à sa juste valeur la personne humaine, soit en travaillant à promouvoir la paix, soit en poursuivant l’application sociale de l’Évangile, soit par le développement des sciences et des arts dans une atmosphère chrétienne, ou encore par l’apport de remèdes de toutes sortes contre les misères de notre temps, telles la faim et les calamités, l’analphabétisme et la pauvreté, la crise du logement et l’inégale distribution des richesses. Par cette collaboration, tous ceux qui croient au Christ peuvent facilement apprendre comment on peut mieux se connaître les uns les autres, s’estimer davantage et préparer la voie à l’unité des chrétiens.
Ch. III. Églises et communautés ecclésiales séparées du Siège apostolique romain
13. Nous examinons maintenant deux sortes de scissions principales, qui ont affecté la tunique sans couture du Christ.
Les premières eurent lieu en Orient, soit du fait de la contestation des formules dogmatiques des Conciles d’Éphèse et de Chalcédoine, soit, plus tard, du fait de la rupture de la communion ecclésiale entre les patriarcats orientaux et le Siège romain.
D’autres ensuite, plus de quatre siècles plus tard, se produisirent en Occident, à la suite d’événements que l’on a coutume d’appeler la Réforme. Il en résulta que plusieurs Communions, soit nationales, soit confessionnelles, furent séparées du Siège romain. Parmi celles qui gardent en partie les traditions et les structures catholiques, la Communion anglicane occupe une place particulière.
Mais ces diverses séparations diffèrent beaucoup entre elles, non seulement en raison de leur origine et des circonstances de lieu et de temps, mais surtout par la nature et la gravité des questions relatives à la foi et à la structure ecclésiale.
C’est pourquoi le saint Concile, désireux de ne pas sous-estimer les conditions diverses des différentes communautés chrétiennes et de ne pas passer sous silence les liens qui subsistent entre elles malgré la division, juge opportun de présenter les considérations suivantes, afin de procéder à une action œcuménique menée avec discernement.
I. Considérations particulières relatives aux Églises orientales
14. Esprit et histoire propres des Orientaux
Pendant plusieurs siècles, les Églises d’Orient et d’Occident ont suivi chacune leur propre voie, unies cependant par la communion fraternelle dans la foi et la vie sacramentelle, le Siège romain intervenant d’un commun accord, lorsque surgissaient entre elles des différends en matière de foi ou de discipline. Le saint Concile se plaît à rappeler à tous, entre autres faits d’importance, qu’il y a en Orient plusieurs Églises particulières ou locales, au premier rang desquelles sont les Églises patriarcales dont plusieurs se glorifient d’avoir été fondées par les Apôtres eux-mêmes. C’est pourquoi prévalut et prévaut encore, parmi les Orientaux, le souci particulier de conserver dans une communion de foi et de charité les relations fraternelles qui doivent exister entre les Églises locales, comme entre des sœurs.
Il ne faut pas non plus oublier que les Églises d’Orient possèdent depuis leur origine un trésor auquel l’Église d’Occident a puisé beaucoup d’éléments de la liturgie, de la tradition spirituelle et du droit. On doit aussi estimer à sa juste valeur le fait que les dogmes fondamentaux de la foi chrétienne sur la Trinité, le Verbe de Dieu, qui a pris chair de la Vierge Marie, ont été définis dans des Conciles œcuméniques tenus en Orient. Pour conserver la foi, ces Églises ont beaucoup souffert et souffrent encore beaucoup.
L’héritage transmis par les Apôtres a été reçu de manières diverses et, depuis les origines mêmes de l’Église, il a été expliqué de façon différente selon la diversité du génie et des conditions de vie. Ce sont toutes ces raisons, sans parler des motifs d’ordre extérieur, par suite encore du manque de compréhension mutuelle et de charité, qui donnèrent occasion aux séparations.
C’est pourquoi le Concile exhorte tout le monde, mais surtout ceux qui se proposent de travailler à l’instauration de la pleine communion souhaitée entre les Églises orientales et l’Église catholique, à bien considérer cette condition particulière des Églises d’Orient, à leur naissance et dans leur croissance, et la nature des relations qui étaient en vigueur entre elles et le Siège romain avant la scission, et à se former sur tous ces points un jugement équitable. Cette règle, bien observée, sera extrêmement profitable pour le dialogue que l’on recherche.
15. Tradition liturgique et spirituelle des Orientaux
Tous savent aussi avec quel amour les chrétiens orientaux célèbrent la sainte liturgie, surtout l’Eucharistie, source de vie pour l’Église et gage de la gloire céleste. Par là, les fidèles, unis à leur évêque, ont accès auprès de Dieu le Père par son Fils, Verbe incarné, mort et glorifié, dans l’effusion de l’Esprit Saint. Ils entrent de la sorte en communion avec la Très Sainte Trinité et deviennent « participants de la nature divine » (2 P 1, 4). Ainsi donc, par la célébration de l’Eucharistie du Seigneur dans ces Églises particulières, l’Église de Dieu s’édifie et grandit [26], la communion entre elles se manifestant par la concélébration.
Dans ce culte liturgique, Marie toujours Vierge que le Concile œcuménique d’Éphèse a proclamée solennellement Très Sainte Mère de Dieu, pour que le Christ fût reconnu vraiment et proprement Fils de Dieu et Fils de l’homme, selon les Écritures, est célébrée par les Orientaux en des hymnes magnifiques ; pareillement beaucoup de saints, au nombre desquels les Pères de l’Église universelle, reçoivent une grande vénération.
Puisque ces Églises, bien que séparées, ont de vrais sacrements – principalement, en vertu de la succession apostolique : le sacerdoce et l’Eucharistie –, qui les unissent intimement à nous, une certaine communicatio in sacris, dans des circonstances opportunes et avec l’approbation de l’autorité ecclésiastique, est non seulement possible, mais même recommandée.
En Orient, aussi, on trouve les richesses de ces traditions spirituelles, qui s’expriment surtout par le monachisme. Là, depuis le temps glorieux des saints Pères, en effet, a fleuri la spiritualité monastique, qui s’est répandue ensuite en Occident, devenant pour ainsi dire la source de l’organisation de la vie monastique des Latins et lui conférant par la suite une vigueur toujours nouvelle. C’est pourquoi il est instamment recommandé aux catholiques d’accéder plus fréquemment à ces richesses spirituelles des Pères orientaux, qui élèvent l’homme tout entier à la contemplation des mystères divins.
Tout le monde doit savoir qu’il est très important de connaître, vénérer, conserver, développer, le si riche patrimoine liturgique et spirituel de l’Orient pour conserver fidèlement la plénitude de la tradition chrétienne et pour réaliser la réconciliation des chrétiens orientaux et occidentaux.
16. Discipline particulière des Orientaux
En outre, depuis les origines, les Églises d’Orient ont suivi une discipline propre sanctionnée par les saints Pères et par des Conciles, même œcuméniques. Il n’est pas du tout contraire à l’unité de l’Église qu’il y ait diversité des mœurs et des coutumes, ainsi qu’il vient d’être mentionné ; une telle diversité ajoute même à sa beauté et est une aide précieuse pour l’accomplissement de sa mission ; aussi le saint Concile, déclare-t-il, pour lever tout doute possible, que les Églises d’Orient, conscientes de la nécessaire unité de toute l’Église, ont la faculté de se régir selon leurs propres disciplines, parce que plus conformes à la sensibilité de leurs fidèles et plus aptes à promouvoir le bien des âmes. L’observance parfaite de ce principe traditionnel qui, à vrai dire, ne fut pas toujours respectée, est l’une des conditions préalables absolument nécessaires pour rétablir l’union.
17. Caractère particulier des Orientaux au regard des questions doctrinales
Ce qui a été dit plus haut de la légitime diversité en matière de culte et de discipline doit s’appliquer aussi à la formulation théologique des doctrines. Effectivement, dans l’effort d’approfondissement de la vérité révélée, les méthodes et les moyens de connaître et d’exprimer les choses divines ont été différents en Orient et en Occident. Il n’est donc pas étonnant que certains aspects du mystère révélé aient été parfois mieux saisis et mieux exposés par l’un que par l’autre, si bien que ces diverses formulations théologiques doivent souvent être considérées comme plus complémentaires qu’opposées. Quant aux traditions théologiques authentiques des Orientaux, on doit le reconnaître, elles sont enracinées de façon excellente dans les Saintes Écritures ; développées et exprimées dans la vie liturgique, elles se nourrissent de la tradition vivante des apôtres, des écrits des Pères orientaux et des auteurs spirituels ; elles portent à une juste façon de vivre, voire à la pleine contemplation de la vérité chrétienne.
Rendant grâce à Dieu de ce que beaucoup d’Orientaux, fils de l’Église catholique, qui gardent ce patrimoine et désirent en vivre plus purement et pleinement, vivent déjà en pleine communion avec leurs frères qui observent la tradition occidentale, le saint Concile déclare que tout ce patrimoine spirituel et liturgique, disciplinaire et théologique, dans ses diverses traditions, fait pleinement partie de la catholicité et de l’apostolicité de l’Église.
18. Conclusion
Tout cela étant bien examiné, le saint Concile renouvelle ce qui a été déclaré par les saints Conciles antérieurs, ainsi que par les Pontifes romains : pour rétablir ou garder la communion et l’unité, il ne faut « rien imposer qui ne soit nécessaire » (Ac 15, 28). Il souhaite vivement que tous les efforts dorénavant tendent à réaliser peu à peu cette unité aux divers niveaux et dans les diverses formes de la vie de l’Église, surtout par la prière et le dialogue fraternel concernant la doctrine et les nécessités les plus urgentes du ministère pastoral de notre temps. Pareillement, il recommande aux pasteurs et aux fidèles de l’Église catholique d’établir des relations avec ceux qui ne sont plus en Orient, mais vivent loin de leur patrie. De cette façon grandira entre eux une fraternelle collaboration : l’esprit de charité exclura toute forme de rivalité. Si l’on s’applique à cette œuvre de toute son âme, le saint Concile en a l’espoir, le mur qui sépare l’Église d’Orient de celle d’Occident étant abattu, il n’y aura plus qu’une seule demeure, solidement établie sur la pierre angulaire, le Christ Jésus qui fera l’unité de l’une et de l’autre [27].
II. Les Églises et communautés ecclésiales séparées en Occident
19. Condition spéciale de ces communautés
Les Églises et Communautés ecclésiales qui, à l’époque de la grande crise commencée en Occident à la fin du Moyen Âge, ou dans la suite, furent séparées du Siège apostolique romain, demeurent unies à l’Église catholique par une affinité particulière et par des relations dues à la longue durée de vie que le peuple chrétien a passée dans la communion ecclésiastique au cours des siècles antérieurs.
Étant donné que ces Églises et Communautés ecclésiales, à cause de leur diversité d’origine, de doctrine et de vie spirituelle, se distinguent notablement, non seulement de nous-mêmes, mais aussi entre elles, il est très difficile de bien les définir, et nous n’en avons pas ici l’intention.
Bien que le mouvement œcuménique et le désir de paix avec l’Église catholique n’aient pas encore prévalu partout, nous avons l’espoir néanmoins que tous finiront par avoir ce sens de l’œcuménisme et que l’estime mutuelle ne fera que grandir.
Cependant, il faut reconnaître qu’entre ces Églises et Communautés et l’Église catholique il y a des différences considérables, non seulement de caractère historique, sociologique, psychologique et culturel, mais surtout dans l’interprétation de la vérité révélée. Pour rendre plus facile, malgré ces différences, l’instauration du dialogue œcuménique, nous voulons souligner certains points qui peuvent et doivent servir de fondement et de stimulant à ce dialogue.
20. La foi au Christ
Nous avons en vue surtout les chrétiens qui confessent ouvertement Jésus Christ comme Dieu et Seigneur, unique Médiateur entre Dieu et les hommes, pour la gloire du seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. Certes, nous savons qu’elles ne sont pas légères les différences qui existent par rapport à la doctrine de l’Église catholique, même au sujet du Christ, Verbe incarné, et de l’œuvre rédemptrice, et par suite au sujet du mystère et du ministère de l’Église, ainsi que du rôle de Marie dans l’œuvre du salut. Ce nous est une joie cependant de voir nos frères séparés regarder vers le Christ comme la source et le centre de la communion ecclésiale. Touchés du désir d’union avec le Christ, ils sont poussés de plus en plus à chercher l’unité et à rendre partout témoignage de leur foi parmi les nations.
21. Étude de l’Écriture
L’amour et la vénération – presque le culte – de nos frères pour les Saintes Écritures les portent à l’étude constante et diligente du texte sacré : l’Évangile « est en effet la force de Dieu opérant le salut pour tout croyant, pour le Juif d’abord et puis pour le Grec » (cf. Rm 1, 16).
Invoquant l’Esprit Saint, c’est dans les Saintes Écritures mêmes qu’ils cherchent Dieu comme celui qui leur parle dans le Christ qu’avaient annoncé les prophètes et qui est le Verbe de Dieu incarné pour nous. Ils y contemplent la vie du Christ, ainsi que les enseignements et les faits accomplis par le divin Maître pour le salut des hommes, surtout les mystères de sa mort et de sa résurrection.
Mais, si les chrétiens séparés de nous affirment l’autorité divine des Saints Livres, ils ont une opinion différente de la nôtre (et différente aussi entre eux), au sujet de la relation entre Écritures et Église. Dans celle-ci, selon la foi catholique, le magistère authentique occupe une place particulière pour l’explication et la proclamation de la Parole de Dieu écrite.
Cependant, les paroles sacrées sont, dans le dialogue lui-même, des instruments insignes dans la main puissante de Dieu pour atteindre cette unité que le Sauveur offre à tous les hommes.
22. La vie sacramentelle
Par le sacrement de baptême, toutes les fois qu’il est conféré comme il convient selon l’institution du Seigneur et reçu avec les dispositions intérieures requises, l’homme est incorporé vraiment au Christ crucifié et glorifié, il est régénéré pour participer à la vie divine, selon le mot de l’Apôtre : « Vous êtes ensevelis avec lui par le baptême, vous êtes ressuscités avec lui parce que vous avez cru en la force de Dieu qui l’a ressuscité d’entre les morts » (Col 2, 12) [28].
Le baptême constitue donc le lien sacramentel d’unité existant entre tous ceux qui ont été régénérés par lui. Cependant, le baptême, de soi, n’est que le commencement et le point de départ, car il tend tout entier à l’acquisition de la plénitude de la vie dans le Christ. Il est donc ordonné à la profession de foi intégrale, à la totale intégration dans l’économie du salut, telle que le Christ l’a voulue, et enfin à la totale insertion dans la communion eucharistique.
Bien qu’elles n’aient pas avec nous la pleine unité dont le baptême est la source et bien que nous croyions que, en raison surtout de la déficience du sacrement de l’Ordre, elles n’ont pas conservé la substance propre et intégrale du mystère eucharistique, cependant les communautés ecclésiales séparées de nous, lorsqu’elles célèbrent à la sainte Cène le mémorial de la mort et de la résurrection du Seigneur, professent que la vie consiste dans la communion au Christ et attendent son avènement glorieux. Il faut donc que la doctrine sur la Cène du Seigneur, les autres sacrements, le culte et les ministères de l’Église, fasse l’objet du dialogue.
23. La vie dans le Christ
La vie chrétienne de ces frères se nourrit de la foi au Christ, elle bénéficie de la grâce du baptême et de l’écoute de la Parole de Dieu. Elle se manifeste dans la prière privée, la méditation biblique, la vie de famille chrétienne, le culte de la communauté rassemblée pour la louange de Dieu. Par ailleurs, leur culte comporte plus d’une fois des éléments remarquables de l’antique liturgie commune.
La foi au Christ produit des fruits de louange et d’action de grâces pour les bienfaits reçus de Dieu. À cela s’ajoute un sens très vif de la justice et une sincère charité à l’égard du prochain. Cette foi agissante a même suscité l’institution de beaucoup d’œuvres pour le soulagement de la misère spirituelle et corporelle, pour l’éducation de la jeunesse, pour l’amélioration des conditions sociales de vie, pour l’établissement partout d’une paix stable.
Même si, parmi les chrétiens, beaucoup ne comprennent pas de la même manière que les catholiques l’Évangile dans le domaine des questions morales et n’admettent pas les mêmes solutions pour les bien difficiles problèmes de la société d’aujourd’hui, néanmoins, ils veulent, comme nous, s’attacher à la parole du Christ comme à la source de la vertu chrétienne et obéir au précepte apostolique : « Quoi que vous puissiez dire ou faire, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus, rendant par lui grâces au Dieu Père » (Col 3, 17). C’est ici que le dialogue œcuménique sur l’application morale de l’Évangile peut commencer.
24. Conclusion
Après avoir exposé brièvement les conditions d’exercice de l’action œcuménique et indiqué les principes qui doivent la diriger, nous tournons maintenant avec confiance nos regards vers l’avenir. Le saint Concile exhorte les fidèles à s’abstenir de toute légèreté, de tout zèle imprudent, qui pourraient nuire au progrès de l’unité. Leur activité œcuménique ne peut être, en effet, que pleinement et sincèrement catholique, c’est-à-dire fidèle à la vérité reçue des Apôtres et des Pères, et conforme à la foi que l’Église catholique a toujours professée : elle tend à cette plénitude vers laquelle, au cours des âges, le Seigneur veut que son Corps grandisse.
Le saint Concile souhaite instamment que les initiatives des fils de l’Église catholique progressent unies à celles des frères séparés, sans mettre un obstacle quelconque aux voies de la Providence et sans préjuger des impulsions futures de l’Esprit Saint. Au surplus, le saint Concile déclare avoir conscience que ce projet sacré, la réconciliation de tous les chrétiens dans l’unité d’une seule et unique Église du Christ, dépasse les forces et les capacités humaines. C’est pourquoi il met entièrement son espoir dans la prière du Christ pour l’Église, dans l’amour du Père à notre égard, et dans la puissance du Saint-Esprit : « L’espérance ne déçoit point : car l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 5).
Tout l’ensemble et chacun des points qui ont été édictés dans ce décret ont plu aux Pères du Concile. Et Nous, en vertu du pouvoir apostolique que Nous tenons du Christ, en union avec les vénérables Pères, Nous les approuvons, arrêtons et décrétons dans le Saint-Esprit, et Nous ordonnons que ce qui a été établi en Concile soit promulgué pour la gloire de Dieu.
Rome, à Saint-Pierre, le 21 novembre 1964.
Moi, Paul, évêque de l’Église catholique
Signatures des Pères
Moi, PAUL, évêque de l’Église catholique
† Ego IOANNES titulo S. Marci Presbyter Cardinalis URBANI, Patriarcha Venetiarum.
Ego PAULUS titulo S. Mariae in Vallicella Presbyter Cardinalis GIOBBE, S. R. E. Datarius.
Ego FERDINANDUS titulo S. Eustachii Presbyter Cardinalis CENTO.
† Ego IOSEPHUS titulo S. Honuphrii in Ianiculo Presbyter Cardinalis GARIBI Y RIVERA, Archiepiscopus Guadalajarensis.
Ego CAROLUS titulo S. Agnetis extra moenia Presbyter Cardinalis CONFALONIERI.
† Ego PAULUS titulo Ss. Quirici et Iulittae Presbyter Cardinalis RICHAUD, Archiepiscopus Burdigalensis.
† Ego IOSEPHUS M. titulo Ss. Viti, Modesti et Crescentiae Presbyter Cardinalis BUENO Y MONREAL, Archiepiscopus Hispalensis.
† Ego FRANCISCUS titulo S. Eusebii Presbyter Cardinalis KÖNIG, Archiepiscopus Vindobonensis.
† Ego IULIUS titulo S. Mariae Scalaris Presbyter Cardinalis DÖPFNER, Archiepiscopus Monacensis et Frisingensis.
Ego PAULUS titulo S. Andreae Apostoli de Hortis Presbyter Cardinalis MARELLA.
Ego GUSTAVUS titulo S. Hieronymi Illyricorum Presbyter Cardinalis TESTA.
† Ego ALBERTUS titulo S. Caeciliae Presbyter Cardinalis MEYER, Archiepiscopus Chicagiensis.
Ego ALOISIUS titulo S. Andreae de Valle Presbyter Cardinalis TRAGLIA.
† Ego PETRUS TATSUO titulo S. Antonii Patavini de Urbe Presbyter Cardinalis DOI, Archiepiscopus Tokiensis.
† Ego IOSEPHUS titulo S. Ioannis Baptistae Florentinorum Presbyter Cardinalis LEFEBVRE, Archiepiscopus Bituricensis.
† Ego BERNARDUS titulo S. Ioachimi Presbyter Cardinalis ALFRINK, Archiepiscopus Ultraiectensis.
† Ego LAUREANUS titulo S. Francisci Assisiensis ad Ripam Maiorem Presbyter Cardinalis RUGAMBWA, Episcopus Bukobaënsis.
† Ego IOSEPHUS titulo Ssmi Redemptoris et S. Alfonsi in Exquiliis Presbyter Cardinalis RITTER, Archiepiscopus S. Ludovici.
† Ego IOSEPHUS HUMBERTUS titulo Ss. Andreae et Gregorii ad Clivum Scauri Presbyter Cardinalis QUINTERO, Archiepiscopus Caracensis.
† Ego IGNATIUS PETRUS XVI BATANIAN, Patriarcha Ciliciae Armenorum.
† Ego IOSEPHUS VIEIRA ALVERNAZ, Patriarcha Indiarum Orientalium.
† Ego IOSEPHUS SLIPYJ, Archiepiscopus Maior et Metropolita Leopolitanus Ucrainorum.
† Ego IOANNES CAROLUS MCQUAID, Archiepiscopus Dublinensis, Primas Hiberniae.
† Ego ANDREAS ROHRACHER, Archiepiscopus Salisburgensis, Primas Germaniae.
† Ego DEMETRIUS MOSCATO, Archiepiscopus Primas Salernitanus et Administrator Perpetuus Acernensis.
† Ego MAURITIUS ROY, Archiepiscopus Quebecensis, Primas Canadiae.
† Ego HUGO CAMOZZO, Archiepiscopus Pisanus, Primas Sardiniae et Corsicae.
† Ego ALEXANDER TOKI , Archiepiscopus Antibarensis, Primas Serbiae.
† Ego MICHAEL DARIUS MIRANDA, Archiepiscopus Mexicanus, Primas Mexici.
† Ego OCTAVIUS ANTONIUS BERAS, Archiepiscopus S. Dominici, Primas Indiarum Occidentalium.
† Ego IOANNES CAROLUS HEENAN, Archiepiscopus Vestmonasteriensis, Primas Angliae.
† Ego GUILLELMUS CONWAY, Archiepiscopus Armachanus, Primas totius Hiberniae.
† Ego FRANCISCUS MARIA DA SILVA, Archiepiscopus Bracharensis, Primas Hispaniarum.
† Ego PAULUS GOUYON, Archiepiscopus Rhedonensis, Primas Britanniae.
† Ego ANDREAS CESARANO, Archiepiscopus Sipontinus et Admin. Perp. Vestanus.
Sequuntur ceterae subsignationes.
Ita est.
† Ego PERICLES FELICI, Archiepiscopus tit. Samosatensis, Ss. Concilii Secretarius Generalis
† Ego IOSEPHUS ROSSI, Episcopus tit. Palmyrenus, Ss. Concilii Notarius
† Ego FRANCISCUS HANNIBAL FERRETTI, Ss. Concilii Notarius
- Cf. 1 Co 1, 13.[↩]
- Cf. 1 Jn 4, 9 ; Col 1, 18–20 ; Jn 11, 52.[↩]
- Cf. Jn 13, 34.[↩]
- Cf. Jn 16, 7.[↩]
- Cf. 1 Co 12, 4–11.[↩]
- Cf. Mt 28, 18–20, collato Jn 20, 21–23.[↩]
- Cf. Mt 16, 19, collato Mt 18, 18.[↩]
- Cf. Lc 22, 32.[↩]
- Cf. Jn 21, 15–17.[↩]
- Cf. Ep 2, 20.[↩]
- Cf. 1 P 2, 25. – Conc. Vat. I, sess. 4 (1870), Const. Pastor Aeternus : Coll. Lac. 7, 482 a.[↩]
- Cf. Is 11, 10–12.[↩]
- Cf. Ep 2, 17–18, collato Mc 16, 15.[↩]
- Cf. 1 P 1, 3–9.[↩]
- Cf. 1 Co 11, 18–19 ; Ga 1, 6–9 ; 1 Jn 2, 18–19.[↩]
- Cf. 1 Co 1, 11 s. ; 11, 22.[↩]
- Cf. Conc. de Florence, sess. 8 (1439), décret Exultate Deo : Mansi 31, 1055 A.[↩]
- Cf. Saint Augustin, In Ps. 32, Enar. II, 29 : PL 36, 299.[↩]
- Cf. Conc. de Latran IV (1215), Constit. IVa : Mansi 22, 990. – Conc. de Lyon II (1274), Profession de foi de Michel Paléologue : Mansi 24, 71 E. – Conc. de Florence, sess. 6 (1439), définition Laetentur caeli : Mansi 31, 1026 E.[↩]
- Cf. Jc 1, 4 ; Rm 12, 1–2.[↩]
- Cf. 2 Co 4, 10 ; Ph 2, 5–8.[↩]
- Cf. Ep 5, 27.[↩]
- Cf. Conc. de Latran V, sess. 12 (1517), Const. Constituti : Mansi 32, 988 B‑C.[↩]
- Cf. Ep 4, 23.[↩]
- Cf. Ep 3, 8.[↩]
- Cf. Saint Jean Chrysostome, In Io. Homelia XLVI : PG 59, 260–262.[↩]
- Cf. Conc. de Florence, sess. 6 (1439), définition Laetentur caeli : Mansi 31, 1026 E.[↩]
- Cf. Rm 6, 4.[↩]