Pie XI

259ᵉ pape ; de 1922 à 1939

29 juin 1931

Lettre encyclique Non abbiamo bisogno

Condamnation du fascisme italien

Table des matières

Aux Patriarches, Primats, Archevêques, Évêques et autres Ordinaires des lieux, demeu­rant en paix et en com­mu­nion avec le Siège apostolique.

Vénérables Frères,
Salut et Bénédiction apostolique !

Nous n’a­vons pas à vous apprendre, Vénérables Frères, les évé­ne­ments qui, en ces der­niers temps, se sont accom­plis en cette ville de Rome, Notre Siège épis­co­pal, et dans toute l’Italie, c’est-​à-​dire pré­ci­sé­ment dans Notre cir­cons­crip­tion pri­ma­tiale, évé­ne­ments qui ont eu une si ample et si pro­fonde réper­cus­sion dans le monde entier et, plus par­ti­cu­liè­re­ment dans tous et dans cha­cun des dio­cèses de l’Italie et du monde catho­lique. Ils se résument en ces brèves et tristes paroles : on a ten­té de frap­per à mort tout ce qui était et ce qui sera tou­jours le plus cher à Notre cœur de Père et de Pasteur des âmes, et Nous pou­vons bien, Nous devons même ajou­ter : « et la manière même Nous offense ».

C’est en pré­sence et sous la pres­sion de ces évé­ne­ments que Nous sen­tons le besoin et le devoir de Nous adres­ser à vous et, pour ain­si dire, de visi­ter en esprit cha­cun de vous, Vénérables Frères, en pre­mier lieu, pour rem­plir un devoir de fra­ter­nelle recon­nais­sance, devoir grave et qui devient urgent ; en deuxième lieu, pour satis­faire à un non moins grave et non moins urgent devoir de défendre la véri­té et la jus­tice en une matière qui, regar­dant les inté­rêts et les droits vitaux de la sainte Église, vous regarde aus­si tous et cha­cun de vous en par­ti­cu­lier, par­tout où l’Esprit Saint vous a pla­cés pour la gou­ver­ner en union avec Nous ; en troi­sième lieu, Nous vou­lons vous expo­ser les conclu­sions et réflexions que les évé­ne­ments semblent impo­ser ; en qua­trième lieu, Nous vou­lons vous confier Nos pré­oc­cu­pa­tions pour l’a­ve­nir ; et fina­le­ment, Nous vous invi­te­rons à par­ta­ger Nos espé­rances et à prier avec Nous et avec le monde catho­lique pour leur accomplissement.

I. La paix intérieure.

Cette paix qui vient de la pleine et claire conscience que l’on a d’être du côté de la véri­té et de la jus­tice et de com­battre et de souf­frir pour elles, cette paix que seul le Roi divin sait don­ner, et que le monde est aus­si inca­pable d’ô­ter que de don­ner, cette paix bénie et bien­fai­sante ne Nous a, grâce à la bon­té et à la misé­ri­corde de Dieu, jamais aban­don­né ; et, Nous en avons la pleine confiance, elle ne Nous aban­don­ne­ra jamais quoi­qu’il arrive ; mais cette paix, vous le savez très bien, Vénérables Frères, laisse libre accès aux amer­tumes les plus dou­lou­reuses : il en fut ain­si pour le cœur de Jésus durant la Passion, il en va de même dans les cœurs de ses fidèles ser­vi­teurs, et Nous avons, Nous aus­si, expé­ri­men­té la véri­té de cette mys­té­rieuse parole : « voi­ci que ma suprême amer­tume se change en paix » (Is 38, 17).

Votre inter­ven­tion rapide, large, affec­tueuse, qui se pro­longe encore, Vénérables Frères, vos sen­ti­ments fra­ter­nels et filiaux et, par-​dessus tout, ce sen­ti­ment de haute, de sur­na­tu­relle soli­da­ri­té, d’in­time union de pen­sées et de volon­tés que res­pirent vos com­mu­ni­ca­tions pleines d’a­mour, Nous ont rem­pli l’âme d’in­di­cibles conso­la­tions et ont bien des fois fait mon­ter de Notre cœur à Nos lèvres les paroles du psaume : « dans l’ex­cès des sou­cis qui m’en­va­hissent, tes conso­la­tions délectent mon âme ». (Ps 93, 19).

De toutes ces conso­la­tions, après Dieu, c’est vous que Nous remer­cions du fond du cœur, Vénérables Frères, vous à qui Nous pou­vons redire le mot de Jésus aux apôtres, vos pré­dé­ces­seurs : « Vous êtes, vous, ceux qui sont demeu­rés constam­ment avec moi dans mes épreuves ». (Lc 22, 28)

Nous sen­tons aus­si et Nous vou­lons aus­si accom­plir le devoir très doux à Notre cœur pater­nel, de remer­cier avec vous, Vénérables Frères, tant de vos bons et dignes fils qui, indi­vi­duel­le­ment et col­lec­ti­ve­ment en leur nom per­son­nel et de la part des diverses orga­ni­sa­tions et asso­cia­tions dévouées au bien, et plus lar­ge­ment de la part des asso­cia­tions d’Action Catholique et de jeu­nesse Catholique, Nous ont envoyé tant et de si filia­le­ment affec­tueuses expres­sions de condo­léances, de dévoue­ment et de géné­reuse et agis­sante confor­mi­té à Nos dési­rs. Ce fut pour Nous un spec­tacle sin­gu­liè­re­ment beau et conso­lant de voir les Actions catho­liques de tous les pays, depuis les plus proches jus­qu’aux plus loin­tains, se trou­ver ras­sem­blées autour du Père com­mun, ani­mées et comme por­tées par un unique esprit de foi, de pié­té filiale, de pro­pos géné­reux où s’ex­prime una­ni­me­ment la pénible sur­prise de voir per­sé­cu­tée et frap­pée l’Action catho­lique au centre de l’a­pos­to­lat hié­rar­chique, là où elle a le plus sa rai­son d’être, elle qui, en Italie comme en toutes les par­ties du monde, sui­vant son authen­tique et essen­tielle défi­ni­tion et sui­vant Nos vigi­lantes et assi­dues direc­tives, si géné­reu­se­ment secon­dées par vous, Vénérables Frères, ne veut et ne peut être rien d’autre que la par­ti­ci­pa­tion et la col­la­bo­ra­tion du laï­cat à l’a­pos­to­lat hiérarchique.

Vous por­te­rez, Vénérables Frères, l’ex­pres­sion de Notre pater­nelle recon­nais­sance à tous vos fils et Nos fils en Jésus Christ, qui se sont mon­trés si bien for­més à votre école, si bons et si pieux envers leur Père com­mun, au point de Nous faire dire : « Je sur­abonde de joie dans toutes nos tri­bu­la­tions » (2 Co 7,4).

Quant à vous, évêques des dio­cèses, de cette chère Italie, à tous ensemble et à cha­cun en par­ti­cu­lier, Nous ne devons pas seule­ment l’ex­pres­sion de Notre recon­nais­sance pour les conso­la­tions qu’a­vec une si noble et si sainte ému­la­tion vous Nous avez pro­di­guées par vos lettres, durant tout le mois der­nier et spé­cia­le­ment le jour même des saints apôtres, par vos affec­tueux et élo­quents télé­grammes ; mais Nous devons aus­si vous adres­ser à Notre tour des condo­léances pour ce que cha­cun de vous a souf­fert et en voyant sou­dain s’a­battre la tem­pête dévas­ta­trice sur les par­terres déjà riche­ment fleu­ris et pleins de pro­messes de vos jar­dins spi­ri­tuels que l’Esprit Saint a confiés à vos sol­li­ci­tudes et que vous culti­vez avec tant de zèle et un si grand bien pour les âmes. Votre cœur, Vénérables Frères, s’est tout de suite tour­né vers le Nôtre pour com­pa­tir à Notre peine dans laquelle vous sen­tiez conver­ger, comme en leur centre, se ren­con­trer et se mul­ti­plier toutes les vôtres : vous Nous en avez four­ni la plus claire et la plus affec­tueuse démons­tra­tion, et Nous vous en remer­cions de tout cœur. Nous vous sommes par­ti­cu­liè­re­ment recon­nais­sants de l’u­na­nime et vrai­ment impo­sant témoi­gnage que vous avez ren­du à l’Action catho­lique ita­lienne et spé­cia­le­ment aux asso­cia­tions de jeu­nesse, d’être res­tées dociles et fidèles à Nos direc­tives et aux vôtres qui excluent toute acti­vi­té poli­tique de par­ti. En même temps que vous, Nous remer­cions aus­si tous vos prêtres et fidèles, vos reli­gieux et reli­gieuses qui se sont unis à vous avec un si grand élan de foi et de pié­té filiale. Nous remer­cions spé­cia­le­ment vos Associations d’Action catho­lique et en tout pre­mier lieu, les asso­cia­tions de jeu­nesse, de toutes les caté­go­ries jus­qu’aux plus petites ben­ja­mines et aux plus petits enfants qui Nous sont d’au­tant plus chers qu’ils sont plus petits, dans les prières des­quels Nous avons sur­tout confiance et espoir.

Vous avez sen­ti, Vénérables Frères, que Notre cœur était et qu’il est avec vous, avec cha­cun de vous, souf­frant avec vous, priant pour vous et avec vous pour que Dieu, en son infi­nie misé­ri­corde, Nous vienne en aide et que, de ce grand mal même, déchaî­né par l’an­tique enne­mi du bien, il fasse sor­tir une nou­velle flo­rai­son de bien, et d’un grand bien.

II. Stigmatisation des faux reproches et des mesures injustes prises par le gouvernement italien ; lutte des fascistes contre l’Église et plus spécialement contre l’Action catholique ; état des faits ; l’Action catholique, organisation ecclésiale et non catholique.

Après avoir satis­fait à Notre dette de recon­nais­sance pour les conso­la­tions que Nous avons reçues en une si grande dou­leur, Nous devons satis­faire aux obli­ga­tions que le minis­tère apos­to­lique Nous impose vis-​à-​vis de la véri­té et de la justice.

Déjà, à plu­sieurs reprises, Vénérables Frères, de la façon la plus expli­cite, et en assu­mant toute la res­pon­sa­bi­li­té de ce que Nous disions, Nous Nous sommes expri­més et Nous avons pro­tes­té contre la cam­pagne de fausses et injustes accu­sa­tions qui pré­cé­da la dis­so­lu­tion des asso­cia­tions d’u­ni­ver­si­taires dépen­dant de l’Action catho­lique. Dissolution exé­cu­tée par des voies de fait et par des pro­cé­dés qui don­nèrent l’im­pres­sion que c’é­tait une vaste et périlleuse asso­cia­tion de cri­mi­nels que l’on pour­sui­vait ; ils s’a­gis­sait de jeunes gens et d’en­fants qui sont cer­tai­ne­ment les meilleurs par­mi les bons et aux­quels Nous sommes heu­reux et pater­nel­le­ment fier de pou­voir, une fois de plus, rendre ce témoi­gnage. Les exé­cu­teurs de ces pro­cé­dés (pas tous, tant s’en faut, mais nombre d’entre eux) eurent eux-​mêmes cette impres­sion et ils ne la cachèrent pas : ils cher­chaient à tem­pé­rer l’ac­com­plis­se­ment de leur consigne par des paroles et par des égards par les­quels ils sem­blaient pré­sen­ter des excuses et vou­loir obte­nir leur par­don pour ce qu’on les contrai­gnait à faire ; Nous en avons tenu compte en leur réser­vant de par­ti­cu­lières bénédictions.

Mais, par une dou­lou­reuse com­pen­sa­tion, que de bru­ta­li­tés et de vio­lences allant jus­qu’aux coups et jus­qu’au sang, que d’ir­ré­vé­rences de presse, de paroles et d’actes, contre les choses et contre les per­sonnes, y com­pris la Nôtre, ont pré­cé­dé, accom­pa­gné et sui­vi l’exé­cu­tion de l’i­no­pi­née mesure de police, et celle-​ci, sou­vent, a été éten­due par l’i­gno­rance ou un zèle mal­veillant à des asso­cia­tions et à des ins­ti­tu­tions qui n’é­taient pas même visées par les ordres supé­rieurs, jus­qu’aux patro­nages des tout petits et aux pieuses Congrégations des Enfants de Marie.

Et tout ce lamen­table accom­pa­gne­ment d’ir­ré­vé­rences et de vio­lences devait s’ac­com­plir avec une telle inter­ven­tion de membres du par­ti en uni­forme, avec une telle condes­cen­dance des auto­ri­tés et des forces de la Sûreté publique, qu’il fal­lait néces­sai­re­ment pen­ser à des déci­sions venues d’en haut. Il Nous est très facile d’ad­mettre et il n’é­tait pas moins facile de pré­voir, que ces déci­sions pour­raient, voire qu’elles devraient néces­sai­re­ment être dépas­sées. Nous avons dû rap­pe­ler ces choses anti­pa­thiques et pénibles, parce que la ten­ta­tive n’a pas man­qué de faire croire au grand public et au monde que la déplo­rable dis­so­lu­tion des Associations qui Nous sont si chères, s’é­tait accom­plie sans inci­dents et presque comme une chose normale.

Mais on a atten­té en une bien autre et plus vaste mesure à la véri­té et à la jus­tice. Quoi que toutes les inven­tions, tous les men­songes et toutes les véri­tables calom­nies répan­dus par la presse adverse de par­ti, la seule libre et habi­tuée qua­si par ordre à tout dire et à tout oser, n’aient pas été recueillis dans un mes­sage, non offi­ciel sans doute (pru­dent qua­li­fi­ca­tif), la plu­part l’y ont été, et livrés au public par les plus puis­sants moyens de dif­fu­sion que l’heure pré­sente connaisse. L’histoire des docu­ments rédi­gés non pour ser­vir la véri­té et la jus­tice, mais pour les offen­ser, est une longue et triste his­toire ; mais Nous devons dire, avec la plus pro­fonde amer­tume que, dans les nom­breuses années de Notre vie et de Notre acti­vi­té de biblio­thé­caire, Nous avons rare­ment trou­vé sur Notre che­min un docu­ment si ten­dan­cieux et si contraire à la véri­té et à la jus­tice, par rap­port au Saint Siège, à l’Action catho­lique ita­lienne et plus par­ti­cu­liè­re­ment aux Associations catho­liques si dure­ment frap­pées. Si Nous Nous tai­sions, si Nous lais­sions pas­ser, c’est-​à-​dire si Nous lais­sions croire, Nous en devien­drions plus indigne encore que Nous ne le sommes d’oc­cu­per cet auguste Siège apos­to­lique, indigne du filial et géné­reux dévoue­ment par lequel Nous ont tou­jours conso­lé, et Nous consolent aujourd’­hui plus que jamais Nos chers fils de l’Action catho­lique ; Nous pen­sons sur­tout à ceux de Nos fils et de Nos filles, si nom­breux grâce à Dieu, qui, pour leur reli­gieuse fidé­li­té à Nos appels et direc­tives, ont tant souf­fert et souffrent tant, hono­rant d’au­tant plus l’é­cole où ils ont été for­més, et le divin Maître et son indigne Vicaire, qu’ils démontrent plus lumi­neu­se­ment par leur chré­tienne atti­tude, même en face des menaces et des vio­lences, de quel côté se trouvent la vraie digni­té de carac­tère, la vraie force d’âme, le vrai cou­rage, la civi­li­sa­tion elle-même.

Nous Nous effor­ce­rons d’être très bref, en rec­ti­fiant les faciles affir­ma­tions du mes­sage dont Nous venons de par­ler, Nous disons « faciles », pour ne pas les appe­ler auda­cieuses, affir­ma­tions que le grand public, on le savait, se trou­ve­rait dans la qua­si impos­si­bi­li­té de contrô­ler d’au­cune façon. Nous serons bref, d’au­tant plus que plu­sieurs fois déjà, sur­tout en ces der­niers temps, Nous avons par­lé des sujets qui se repré­sentent aujourd’­hui, et que Notre parole, Vénérables Frères, a pu arri­ver jus­qu’à vous, et par vous, à Nos chers fils en Jésus Christ de la jeu­nesse catho­lique et Nous espé­rons qu’il en ira de même pour la pré­sente lettre.

Le mes­sage en ques­tion disait notam­ment que les révé­la­tions de la presse adverse de par­ti auraient été, dans leur presque tota­li­té confir­mées, dans leur sub­stance tout au moins et pré­ci­sé­ment par l’Osservatore Romano. La véri­té est que l’Osservatore Romano a, cas par cas, démon­tré que les pré­ten­dues révé­la­tions étaient autant d’in­ven­tions, ou en tout et pour tout, ou tout au moins dans l’in­ter­pré­ta­tion don­née aux faits. Il suf­fit de lire sans mau­vaise foi et avec la plus minime capa­ci­té de compréhension.

Le mes­sage disait encore que c’é­tait une ten­ta­tive ridi­cule que de faire pas­ser le Saint-​Siège comme une vic­time dans son pays où des mil­liers de voya­geurs peuvent rendre témoi­gnage du res­pect dont y sont l’ob­jet les prêtres, les pré­lats, l’Église et les céré­mo­nies reli­gieuses. Oui, Vénérables Frères, ce serait là, mal­heu­reu­se­ment, une ten­ta­tive ridi­cule, comme il serait ridi­cule de vou­loir enfon­cer une porte ouverte ; car les mil­liers de voya­geurs étran­gers qui ne font jamais défaut en Italie et à Rome ont pu consta­ter per­son­nel­le­ment les irré­vé­rences, sou­vent impies et blas­phé­ma­toires, les vio­lences, les outrages, les van­da­lismes com­mis contre des lieux, des choses et des per­sonnes, dans tout le pays, et en cette même ville, Notre Siège épis­co­pal, toutes choses déplo­rées par Nous à plu­sieurs reprises, à la suite d’in­for­ma­tions cer­taines et précises.

Le mes­sage dénonce la « noire ingra­ti­tude » des prêtres qui se mettent contre le par­ti qui a été (dit-​il), pour toute l’Italie, la garan­tie de la liber­té reli­gieuse. Le cler­gé, l’é­pis­co­pat et le Saint-​Siège même n’ont jamais mécon­nu l’im­por­tance de ce qui a été fait en toutes ces années au béné­fice et à l’a­van­tage de la reli­gion ; ils en ont même fré­quem­ment expri­mé une vive et sin­cère recon­nais­sance. Mais, avec Nous, l’é­pis­co­pat et le cler­gé et tous les fidèles, voire tous les citoyens sou­cieux de l’ordre et de la paix, se sont mis et se mettent en peine et en pré­oc­cu­pa­tion, en face d’at­ten­tats sys­té­ma­tiques, trop vite inau­gu­rés, contre les plus légi­times et les plus pré­cieuses liber­tés de la reli­gion et des consciences : savoir tous les atten­tats contre l’Action catho­lique et ses diverses asso­cia­tions, prin­ci­pa­le­ment de jeu­nesse, atten­tats et mesures qui font sérieu­se­ment se deman­der si les pre­mières atti­tudes bien­veillantes et bien­fai­santes pro­ve­naient uni­que­ment d’un sin­cère amour et d’un zèle sin­cère pour la religion.

Que si l’on veut par­ler d’in­gra­ti­tude, l’in­gra­ti­tude a été et reste, à l’é­gard du Saint-​Siège, le fait d’un par­ti et d’un régime qui, au juge­ment du monde entier, ont tiré de leurs rap­ports ami­caux avec le Saint-​Siège, dans le pays et au dehors, une aug­men­ta­tion de pres­tige et de cré­dit qui, à cer­tains en Italie et à l’é­tran­ger, parut exces­sive, comme leur parurent trop larges la faveur et la confiance de Notre part.

Lorsqu’eurent été consom­mées les mesures de police et consom­mées, avec cet accom­pa­gne­ment et cette suite de vio­lences, d’ir­ré­vé­rences et aus­si, hélas ! d’ac­quies­ce­ments et de conni­vence des auto­ri­tés de Sûreté publique, Nous avons sus­pen­du l’en­voi d’un car­di­nal légat aux fêtes cen­te­naires de Padoue, et, en même temps, les pro­ces­sions solen­nelles à Rome et en Italie. Nous avions évi­dem­ment qua­li­té pour prendre cette déci­sion ; Nous en voyions des motifs si graves et si urgents, qu’ils Nous en créaient le devoir ; tout en igno­rant point les graves sacri­fices que, par là, Nous impo­sions aux bons fidèles et mal­gré la cha­grin que Nous en res­sen­tions plus que per­sonne. Comment, en effet, ces joyeuses solen­ni­tés auraient-​elles pu gar­der leur cours habi­tuel par­mi le deuil et la peine où avaient été plon­gé le cœur du Père com­mun de tous les fidèles et le cœur mater­nel de Notre sainte Mère l’Église, à Rome, en Italie, voire dans tout le monde catho­lique, comme l’a tout de suite prou­vé la sym­pa­thie uni­ver­selle et vrai­ment mon­diale de tous Nos fils, et vous à leur tête, Vénérables Frères ? Comment pouvions-​Nous aus­si ne point craindre pour le res­pect et la sécu­ri­té même des per­sonnes et des choses les plus sacrées, étant don­né l’at­ti­tude des auto­ri­tés et des forces publiques, en face de tant d’ir­ré­vé­rences et de violences ?

Partout où Nos déci­sions ont pu être connues, les bons prêtres et les bons fidèles eurent les mêmes impres­sions et les mêmes sen­ti­ments ; et là où ils ne furent point inti­mi­dés, mena­cés ou pire encore, ils en don­nèrent des preuves magni­fiques et très conso­lantes pour Nous, en rem­pla­çant les célé­bra­tions solen­nelles par des heures de prières, d’a­do­ra­tion et de répa­ra­tion, en union de peine et d’in­ten­tion avec le Saint Père et avec un mer­veilleux concours de peuple.

Nous savons com­ment les choses se sont pas­sées là où Nos ins­truc­tions ne purent arri­ver à temps, et avec quelle inter­ven­tion des auto­ri­tés, que sou­ligne le mes­sage, de ces mêmes auto­ri­tés qui déjà avaient assis­té ou qui, peu après, auraient assis­té, muettes et pas­sives, à l’ac­com­plis­se­ment d’actes net­te­ment anti­ca­tho­liques et anti­re­li­gieux : chose que le mes­sage ne dit point. Il dit, au contraire, qu’il y eut des auto­ri­tés ecclé­sias­tiques locales qui se crurent en état « de ne point prendre acte » de Notre pro­hi­bi­tion. Nous ne connais­sons pas une seule auto­ri­té ecclé­sias­tique locale qui ait méri­té l’af­front et l’of­fense impli­qués en de pareilles paroles. Nous savons, au contraire, et Nous déplo­rons vive­ment les pres­crip­tions, sou­vent mena­çantes et vio­lentes, qui ont été infli­gées et qu’on a lais­sé infli­ger aux auto­ri­tés ecclé­sias­tiques locales ; Nous avons en connais­sance d’im­pies paro­dies de chants sacrés et de cor­tèges reli­gieux, tolé­rées au pro­fond cha­grin de tous les vrais fidèles et à la stu­peur de tous les citoyens amis de la paix et de l’ordre, qui voyaient la paix et l’ordre non défen­dus et, pire encore, jus­te­ment par ceux qui ont le très grave devoir de les défendre et qui ont, à rem­plir ce devoir, un inté­rêt vital.

Le mes­sage renou­velle la com­pa­rai­son, si sou­vent énon­cée, entre l’Italie et d’autres États, dans les­quels l’Église est réel­le­ment per­sé­cu­tée et contre les­quels on n’a pas enten­du pro­non­cer des paroles pareilles à celles qui l’ont été contre l’Italie, où (dit-​on) la reli­gion a été res­tau­rée. Nous avons déjà dit que Nous gar­dons et que Nous gar­de­rons une recon­nais­sance impé­ris­sable pour tout ce qui a été fait en Italie, au béné­fice de la reli­gion, encore que le béné­fice réci­proque n’en ait pas été moins grand, que même il ait été peut-​être plus consi­dé­rable pour le par­ti et le régime. Nous avons dit et répé­té qu’il n’est pas néces­saire (ce serait fort nui­sible au but pour­sui­vi) de faire entendre et de faire savoir à tout le monde ce que Nous et le Saint-​Siège, par le moyen de Nos repré­sen­tants, de Nos frères dans l’é­pis­co­pat, Nous devons dire et les remon­trances que Nous pré­sen­tons par­tout où les inté­rêts de la reli­gion le réclament, et dans la mesure que Nous jugeons qu’ils réclament, sur­tout là où l’Église est réel­le­ment persécutée.

C’est avec une dou­leur indi­cible que Nous voyons une vraie et réelle per­sé­cu­tion se déchaî­ner en Notre Italie et dans Notre Rome même contre ce que l’Église et son chef ont de plus pré­cieux et de plus cher en fait de liber­té et de droits, liber­té et droits qui sont aus­si ceux des âmes et plus par­ti­cu­liè­re­ment des âmes de jeunes gens plus spé­cia­le­ment confiées à l’Église par le divin Créateur et Rédempteur.

Comme il est notoire, Nous avons, à plu­sieurs reprises et solen­nel­le­ment, affir­mé et pro­tes­té que l’Action catho­lique tant par sa nature et par son essence même (par­ti­ci­pa­tion et col­la­bo­ra­tion du laï­cat à l’a­pos­to­lat hié­rar­chique) que par Nos pré­cises et caté­go­riques direc­tives et pres­crip­tions, est en dehors et au-​dessus de toute poli­tique de par­ti. Nous avons en même temps affir­mé et pro­tes­té que Nous savions de science cer­taine que Nos direc­tives et pres­crip­tions ont été en Italie fidè­le­ment obéis et suivies.

Le mes­sage pro­nonce : que l’af­fir­ma­tion que l’Action catho­lique n’a pas eu un vrai carac­tère poli­tique, est com­plè­te­ment fausse. Nous ne vou­lons pas rele­ver tout ce qu’il y a d’ir­res­pec­tueux en cette affir­ma­tion ; aus­si bien, les motifs que le mes­sage allègue en démontrent toute la faus­se­té et toute la légè­re­té, que Nous taxe­rions de ridi­cules si le cas n’é­tait si lamentable.

L’Action catho­lique avait, en réa­li­té, dit le mes­sage, des éten­dards, des insignes, des cartes d’adhé­rents et toutes les autres formes exté­rieures d’un par­ti poli­tique. Comme si des éten­dards, des insignes, des cartes d’adhé­rents et de pareilles formes exté­rieures n’é­taient pas aujourd’­hui com­muns, dans tous les pays du monde, aux asso­cia­tions les plus diverses et à des acti­vi­tés qui n’ont et ne veulent avoir rien de com­mun avec la poli­tique : spor­tives et pro­fes­sion­nelles, civiles et mili­taires, com­mer­ciales et indus­trielles, sco­laires de la pre­mière enfance, reli­gieuses, du carac­tère reli­gieux le plus pieux, le plus dévot, et presque enfan­tin, comme les petits Croisés du Saint Sacrement.

Le mes­sage a sen­ti toute la fai­blesse et toute la vani­té du motif allé­gué et comme pour sau­ver son argu­men­ta­tion, il pro­duit aus­si­tôt trois autres raisons.

La pre­mière serait que les chefs de l’Action catho­lique étaient presque tous membres ou chefs du par­ti popu­laire, lequel a été un des plus forts adver­saires de fas­cisme. Cette accu­sa­tion a été plus d’une fois lan­cée contre l’Action catho­lique, mais tou­jours d’une façon géné­rale et sans for­mu­ler aucun nom. Chaque fois, Nous avons récla­mé des pré­ci­sions et des noms, mais en vain. C’est seule­ment un peu avant les mesures de police infli­gées à l’Action catho­lique, et dans le but évident de les pré­pa­rer, que la presse adverse, uti­li­sant non moins évi­dem­ment des rap­ports de police, a publié quelques séries de faits et de noms : les pré­ten­dues révé­la­tions aux­quelles fait allu­sion le mes­sage dans son pré­am­bule et que l’Osservatore Romano a dûment démen­ties et rec­ti­fiées et non point confir­mées, comme l’af­firme le grand mes­sage, mys­ti­fiant ain­si et trom­pant le grand public.

Quant à Nous, Vénérables Frères, outre les infor­ma­tions déjà réunies depuis long­temps et les enquêtes per­son­nelles déjà faites aupa­ra­vant, Nous avons esti­mé qu’il était de Notre devoir de Nous pro­cu­rer de nou­velles infor­ma­tions et de pro­cé­der à de nou­velles enquêtes : en voi­ci, Vénérables Frères, les résul­tats posi­tifs. Tout d’a­bord, Nous avons consta­té que, au temps où le par­ti popu­laire sub­sis­tait encore et où le nou­veau par­ti ne s’é­tait pas encore affir­mé, des dis­po­si­tions publiées en 1919 inter­di­saient à qui­conque avait rem­pli des charges de direc­tion dans le par­ti popu­laire d’oc­cu­per en même temps des fonc­tions de direc­tion dans l’Action catholique.

Nous avons en outre consta­té, Vénérables Frères, que les cas d’ex diri­geants locaux laïcs du par­ti popu­laire deve­nus ensuite diri­geants locaux de l’Action catho­lique, par­mi ceux signa­lés comme Nous l’a­vons dit plus haut par la presse adverse, se réduisent à quatre. Nous disons quatre, et ce nombre infime porte sur 250 fédé­ra­tions dio­cé­saines, 4000 sec­tions d’hommes catho­liques et plus de 5000 cercles de Jeunesse catho­lique masculine.

Et Nous devons ajou­ter que dans les quatre cas en ques­tion, il s’a­git d’in­di­vi­dua­li­tés qui ne don­nèrent jamais lieu à aucune dif­fi­cul­té et dont quelques une sont même des sym­pa­thi­sants à l’é­gard du régime et du par­ti, où elles sont vues d’un bon œil.

Et Nous ne vou­lons pas omettre cette autre garan­tie de reli­gio­si­té apo­li­tique de l’Action catho­lique que vous connais­sez bien, Vénérables Frères, évêques d’Italie, qui a consis­té, qui consiste et qui consis­te­ra tou­jours dans le fait que l’Action catho­lique dépend de l’é­pis­co­pat, de vous-​mêmes, à qui a tou­jours appar­te­nu le choix des prêtres « assis­tants » et la nomi­na­tion des « pré­si­dents des fédé­ra­tions dio­cé­saines » ; par où il est clair qu’en remet­tant entre vos mains et en vous recom­man­dant, Vénérables Frères, les Associations frap­pées, Nous n’a­vons rien ordon­né et dis­po­sé de sub­stan­tiel­le­ment nou­veau. Après la dis­so­lu­tion et la dis­pa­ri­tion du par­ti popu­laire, ceux qui appar­te­naient déjà à l’Action catho­lique conti­nuèrent à y appar­te­nir, se sou­met­tant avec une par­faite dis­ci­pline à la loi fon­da­men­tale de l’Action catho­lique, c’est-​à-​dire en s’abs­te­nant de toute acti­vi­té poli­tique et c’est ce que firent aus­si ceux qui deman­dèrent alors d’y être admis.

Avec quelle jus­tice et quelle cha­ri­té d’ailleurs les aurait-​on exclus ou aurait-​on refu­sé de les rece­voir, lorsque, pré­sen­tant les qua­li­tés requises, ils se sou­met­taient à cette loi ! Le régime et le par­ti, qui semblent attri­buer une force si redou­table et si redou­tée aux membres du par­ti popu­laire, sur le ter­rain poli­tique devraient se mon­trer recon­nais­sants à l’Action catho­lique, qui, jus­te­ment, les a reti­rés de ce ter­rain et qui leur a fait prendre l’en­ga­ge­ment for­mel de n’exer­cer aucune action poli­tique, mais d’exer­cer seule­ment une action religieuse.

Mais Nous, au contraire, Nous, Église, reli­gion, catho­liques fidèles (et pas Nous seule­ment), Nous ne pou­vons être recon­nais­sants de ce qu’a­près avoir mis dehors le socia­lisme et la maçon­ne­rie, nos enne­mis décla­rés (et pas seule­ment nos enne­mis à nous), on les ait si lar­ge­ment réin­tro­duits, comme tout le monde le voit et le déplore ; ils sont même deve­nus d’au­tant plus forts et plus dan­ge­reux qu’ils sont plus dis­si­mu­lés et, en même temps, favo­ri­sés par le nou­vel uniforme.

Il a été sou­vent par­lé d’in­frac­tions à l’en­ga­ge­ment pris : Nous avons tou­jours récla­mé des noms et des faits concrets, tou­jours déci­dé à inter­ve­nir et à prendre des mesures ; jamais il n’a été fait de réponse à Notre demande.

Le mes­sage dénonce qu’une par­tie consi­dé­rable des actes por­tant sur l’or­ga­ni­sa­tion étaient par­ti­cu­liè­re­ment de nature poli­tique et qu’ils n’a­vaient rien à faire avec l” »édu­ca­tion reli­gieuse et la pro­pa­ga­tion de la foi ». Sans Nous attar­der autre­ment à la façon incom­pé­tente et confuse dont semblent indi­quées ici les objec­tions de l’Action catho­lique, notons sim­ple­ment avec tous ceux qui connaissent et qui vivent la vie d’au­jourd’­hui, qu’il n’est pas d’i­ni­tia­tive et d’ac­ti­vi­té, depuis les plus spi­ri­tuelles et les plus scien­ti­fiques jus­qu’aux plus maté­rielles et les plus méca­niques, qui n’aient besoin d’or­ga­ni­sa­tion et d’actes visant à l’or­ga­ni­sa­tion, et que, ni ceux-​ci, ni ceux-​là ne s’i­den­ti­fient avec les fina­li­tés des diverses ini­tia­tives et acti­vi­tés, mais ne sont que des moyens pour mieux atteindre les fins que cha­cun se propose.

Toutefois (conti­nue le mes­sage), l’ar­gu­ment le plus fort qui peut être employé pour jus­ti­fier la des­truc­tion des cercles catho­liques de jeu­nesse, est la défense de l’État, laquelle est plus qu’un simple devoir pour n’im­porte quel gou­ver­ne­ment. Aucun doute sur la solen­ni­té et sur l’im­por­tance vital d’un tel devoir et d’un tel droit, ajoutons-​Nous Nous-​même, puisque Nous esti­mons et vou­lons mettre en pra­tique cette convic­tion, d’ac­cord avec tous les gens hon­nêtes et sen­sés, que le pre­mier droit est celui de faire son devoir. Mais tous ceux qui auront reçu le mes­sage et qui l’au­ront lu, n’au­raient pu répri­mer un sou­rire d’in­cré­du­li­té ou se défendre d’une vraie stu­peur si le mes­sage avait ajou­té que sur les cercles catho­liques de jeunes frap­pés, 10 000 étaient et sont tou­jours des cercles de Jeunesse fémi­nine, avec un total de 500 000 jeunes femmes et jeunes filles ; qui peut y voir un péril sérieux ou une menace réelle pour la sécu­ri­té de l’Etat ?

Et il faut consi­dé­rer que 220000 seule­ment sont des membres effec­tifs, plus de 100000, de petites « aspi­rantes », plus de 150 000, des « ben­ja­mines » encore plus petites.

Restent les cercles de Jeunesse catho­lique mas­cu­line, cette même Jeunesse catho­lique qui, dans les publi­ca­tions de jeu­nesse du par­ti et dans les dis­cours, et dans les cir­cu­laires des diri­geants, sont repré­sen­tés et signa­lés au mépris et aux outrages (avec quel sens des res­pon­sa­bi­li­tés péda­go­giques, cha­cun peut en juger), comme un ramas­sis de pol­trons et d’in­di­vi­dus capables seule­ment de por­ter des cierges et de réci­ter des rosaires dans les pro­ces­sions ; peut-​être est-​ce pour ce motif qu’ils ont été en ces der­niers temps, si sou­vent et avec un si peu noble cou­rage, assaillis et mal­trai­tés jus­qu’au sang, aban­don­nés sans défense par ceux qui devaient et pou­vaient les pro­té­ger et les défendre, ne fût-​ce que parce que, désar­més et pai­sibles, ils étaient assaillis par des gens vio­lents et sou­vent armés.

Si c’est là qu’il faut trou­ver l’ar­gu­ment le plus fort pour jus­ti­fier la « des­truc­tion » (le mot ne laisse en véri­té aucun doute, sur les inten­tions) de Nos chères et héroïques Associations de jeunes de l’Action catho­lique, vous voyez, Vénérables Frères, que Nous pour­rions et que Nous devrions Nous réjouir, tant l’ar­gu­ment se montre, à l’é­vi­dence, incroyable et incon­sis­tant. Mais Nous devons, hélas ! répé­ter que « l’i­ni­qui­té s’est contre­dite elle-​même » (Ps 26, 12), et que l’ar­gu­ment le plus fort en faveur de la des­truc­tion que l’on a vou­lue doit se cher­cher sur un autre ter­rain : la bataille qui est en cours aujourd’­hui n’est pas poli­tique, elle est morale et reli­gieuse : spé­ci­fi­que­ment morale et religieuse.

Il faut fer­mer les yeux à cette véri­té, il faut aper­ce­voir ou, pour mieux dire, inven­ter de la poli­tique là où il n’y a que reli­gion et morale, pour conclure, comme fait le mes­sage, que s’é­tait créée la situa­tion absurde d’une forte orga­ni­sa­tion aux ordres d’un pou­voir « étran­ger », le « Vatican », chose qu’au­cun gou­ver­ne­ment de ce monde n’au­rait permise.

On a séques­tré en masse les docu­ments dans tous les sièges de l’Action catho­lique ita­lienne : on conti­nue (on en est arri­vé à ce point) à inter­cep­ter et à séques­trer toute cor­res­pon­dance que l »on peut sup­po­ser avoir quelque rap­port avec les asso­cia­tions frap­pées et même avec celles qui ne le sont pas : les patronages.

Qu’on Nous dise donc, à Nous, au pays, au monde, quels sont et com­bien sont les docu­ments rela­tifs à la poli­tique mise en branle et tra­mée par l’Action catho­lique au péril de l’État. Nous osons dire qu’on en trou­ve­ra point, à moins de lire et d’in­ter­pré­ter sui­vant des idées pré­con­çues, injustes et en pleine contra­dic­tion avec les faits et avec l’é­vi­dence de preuves et de témoi­gnages sans nombre. Que si l’on en décou­vrait d’au­then­tiques et dignes de consi­dé­ra­tion, Nous serions les pre­miers à les recon­naître et à en tenir compte. Mais qui vou­dra, par exemple, incri­mi­ner de poli­tique et de poli­tique périlleuse pour l’État, quelques indi­ca­tions et quelques désap­pro­ba­tions tou­chant les odieux trai­te­ments si sou­vent infli­gés déjà, et en tant de lieux, même avant les der­niers faits, à l’Action catho­lique ? Qui donc pour­rait se fier à des décla­ra­tions dic­tées ou extor­quées, comme cela s’est pro­duit à Notre connais­sance en quelques endroits ?

On trou­ve­ra, au contraire, par­mi les docu­ments séques­trés, les preuves et témoi­gnages sans nombre du pro­fond et constant esprit de reli­gion et de la reli­gieuse acti­vi­té de toute l’Action catho­lique et, tout par­ti­cu­liè­re­ment, des Associations de jeunes et d’u­ni­ver­si­taires. Il suf­fi­ra de savoir lire et appré­cier, comme Nous l’a­vons fait Nous-​même un nombre incal­cu­lable de fois, les pro­grammes, les comptes ren­dus, les procès-​verbaux de congrès, de semaines d’é­tudes reli­gieuses et de prières, de retraites spi­ri­tuelles, de fré­quen­ta­tions de sacre­ments, de confé­rences apo­lo­gé­tiques, d’é­tudes et d’ac­ti­vi­té caté­chis­tique, de coopé­ra­tion aux ini­tia­tives de vraie et Pure cha­ri­té chré­tienne dans les Conférences de Saint Vincent et en d’autres formes d’ac­ti­vi­té et de coopé­ra­tion missionnaire.

C” est en pré­sence de tels faits et d’une telle docu­men­ta­tion, donc avec l’œil et la main sur la réa­li­té, que Nous avons tou­jours dit et que Nous disons encore qu’ac­cu­ser l’Action catho­lique ita­lienne de faire de la poli­tique, c’é­tait et c’est une véri­table et pure calom­nie. Les faits ont démon­tré à quoi l’on visait de la sorte, et ce que l’on pré­pa­rait : rare­ment et en des pro­por­tions si grandes, s’est véri­fiée la fable du loup et de l’a­gneau, et l’his­toire ne pour­ra que s’en souvenir.

Pour Nous, cer­tain jus­qu’à l’é­vi­dence d’être et de Nous main­te­nir sur le ter­rain reli­gieux, Nous n’a­vons jamais cru que Nous puis­sions être consi­dé­ré comme un « pou­voir étran­ger », sur­tout par des catho­liques et par des catho­liques italiens.

C’est en rai­son du pou­voir apos­to­lique qui Nous est confié par Dieu en dépit de Notre indi­gni­té, que les bons catho­liques du monde entier (vous le savez fort bien, Vénérables Frères), consi­dèrent Rome comme la seconde patrie de tous et de cha­cun d’eux. Il n’y a pas si long­temps, un homme d’État qui res­te­ra cer­tai­ne­ment par­mi les plus célèbres, non catho­lique ni ami du catho­li­cisme, décla­rait en pleine assem­blée poli­tique, qu’il ne pou­vait consi­dé­rer comme un pou­voir étran­ger, celui auquel obéis­saient vingt mil­lions d’Allemands.

Pour dire ensuite qu’au­cun gou­ver­ne­ment du monde n’au­rait lais­sé sub­sis­ter la situa­tion créée en Italie par l’Action catho­lique, il faut abso­lu­ment igno­rer ou bien oublier que l’Action catho­lique sub­siste, vit et tra­vaille dans tous les États du monde et jus­qu’en Chine ; qu’elle y imite sou­vent dans les grandes lignes et jusque dans les détails, l’Action catho­lique ita­lienne et que, sou­vent aus­si, elle y pré­sente des formes d’or­ga­ni­sa­tion encore plus accen­tuées qu’en Italie. En aucun État du monde, l’Action catho­lique n’a jamais été consi­dé­rée comme un péril pour l’État ; en aucun État du monde, l’Action catho­lique n’a été aus­si odieu­se­ment per­sé­cu­tée (Nous ne voyons pas quel autre mot pour­rait répondre à la réa­li­té des faits) comme en Notre Italie et en Notre Siège épis­co­pal de Rome : et c’est là en véri­té, une situa­tion absurde qui n’a pas été créée par Nous mais contre Nous.

Nous Nous sommes impo­sé, Vénérables Frères, un grave et pénible devoir ; pour Nous, c’é­tait un devoir pré­cis de cha­ri­té et de jus­tice pater­nelle : et c’est dans cet esprit que Nous l’a­vons accom­pli afin de remettre dans la juste lumière les faits et la véri­té que cer­tains de Nos fils ont, peut-​être avec une cer­taine incons­cience, mis dans une fausse lumière, au détri­ment d’autres de Nos fils.

III. Origine de ces mesures : monopolisation de la vie spirituelle de la société et plus spécialement de la jeunesse.

Une pre­mière réflexion et conclu­sion : de tout ce que Nous avons expo­sé et plus encore, des évé­ne­ments mêmes, tels qu’ils se sont dérou­lés, il résulte que l’ac­ti­vi­té poli­tique de l’Action catho­lique, l’hos­ti­li­té ouverte ou sour­noise de cer­taines de ses sec­tions contre le régime et le par­ti, comme aus­si le refuge éven­tuel que l’Action catho­lique consti­tue­raient pour les adver­saires du par­ti jus­qu’i­ci épar­gnés (cf. Communiqué du Directoire du 4 juin 1931), tout cela n’est que pré­texte ou une accu­mu­la­tion de pré­textes ; l’Action catho­lique elle-​même, Nous osons le dire, est un pré­texte ; ce que l’on a vou­lu et ce que l’on a ten­té de faire, ce fut d’ar­ra­cher à l’Action catho­lique et par elle à l’Église, la jeu­nesse, toute la jeu­nesse. C’est si vrai, qu’a­près avoir tant par­lé de l’Action catho­lique, on s’est atta­qué aux Associations de jeu­nesse et l’on ne s’en est pas tenu aux Associations de Jeunesse d’Action catho­lique, mais on a por­té tumul­tuai­re­ment la main sur des Associations et des œuvres de pure pié­té et de pre­mière ins­truc­tion reli­gieuse comme les Congrégations d’Enfants de Marie et les patro­nages, si tumul­tuai­re­ment qu’il a fal­lu sou­vent recon­naître l’er­reur grossière.

Ce point essen­tiel est lar­ge­ment confir­mé par ailleurs. Il est confir­mé sur­tout par les nom­breuses affir­ma­tions anté­rieures d’élé­ments plus ou moins res­pon­sables, et aus­si par celles des élé­ments les plus repré­sen­ta­tifs du régime et du par­ti ; à ces affir­ma­tions, les der­niers évé­ne­ments ont appor­té le plus concluant et le plus signi­fi­ca­tif des commentaires.

La confir­ma­tion a été encore plus expli­cite et plus caté­go­rique, Nous allions dire plus solen­nelle tout ensemble et plus vio­lente de la part de quel­qu’un qui, non seule­ment repré­sente tout, mais qui peut tout, dans une publi­ca­tion offi­cielle ou peu s’en faut, dédiée à la jeu­nesse, et dans les entre­tiens des­ti­nés à être publiés à l’é­tran­ger avant de l’être dans le pays et aus­si, à la der­nière heure, dans des mes­sages et des com­mu­ni­ca­tions aux repré­sen­tants de la presse.

Une autre réflexion ou conclu­sion s’im­pose tout de suite et inévi­ta­ble­ment. On n’a donc tenu aucun compte de Nos assu­rances et de Nos pro­tes­ta­tions répé­tées, on n’a tenu aucun compte de vos pro­tes­ta­tions et de vos assu­rances, Vénérables Frères, évêques d’Italie, sur la nature et sur l’ac­ti­vi­té véri­table et réelle de l’Action catho­lique et sur les droits sacrés et invio­lables des âmes et de l’Église qui sont repré­sen­tés et incor­po­rés en elle.

Nous disons, Vénérables Frères, « les droits sacrés et invio­lables des âmes et de l’Église », et c’est cette réflexion et conclu­sion qui s’im­posent, comme elles sont d’ailleurs, de toutes, les plus graves. Déjà, à plu­sieurs reprises, comme il est notoire, Nous avons expri­mé Notre pen­sée ou mieux, la pen­sée de l’Église, sur des sujets aus­si impor­tants et aus­si essen­tiels et ce n’est pas à vous, Vénérables Frères, maîtres fidèles en Israël, qu’il convient de la déve­lop­per davan­tage ; mais Nous ne pou­vons Nous empê­cher d’a­jou­ter quelque chose pour ces chères popu­la­tions qui vous entourent, que vous pais­sez et gou­ver­nez par man­dat divin et qui, désor­mais, ne peuvent plus guère connaître que par vous la pen­sée du Père com­mun de leurs âmes.

Nous avons dit : « les droits sacrés et invio­lables des âmes et de l’Église ». Il s’a­git du droit qu’ont les âmes de se pro­cu­rer le plus grand bien spi­ri­tuel sous le magis­tère et l’œuvre édu­ca­tive de l’Église, divi­ne­ment consti­tuée unique man­da­taire de ce magis­tère et de cette œuvre, en cet ordre sur­na­tu­rel fon­dé dans le sang du Dieu Rédempteur, néces­saire et obli­ga­toire pour tous, afin de par­ti­ci­per à la divine Rédemption. Il s’a­git du droit des âmes ain­si for­mées à com­mu­ni­quer les tré­sors de la Rédemption à d’autres âmes, en col­la­bo­rant à l’ac­ti­vi­té de l’a­pos­to­lat hiérarchique.

C’est en consi­dé­ra­tion de ce double droit des âmes que Nous Nous disions récem­ment heu­reux et fier de com­battre le bon com­bat pour la liber­té des consciences, non pas (comme cer­tains, par inad­ver­tance peut-​être, Nous l’ont fait dire) pour la liber­té de conscience, manière de par­ler équi­voque et trop sou­vent uti­li­sée pour signi­fier l’ab­so­lue indé­pen­dance de la conscience, chose absurde en une âme créée et rache­tée par Dieu.

Il s’a­git, en outre, du droit non moins invio­lable pour l’Église, de rem­plir le divin man­dat impé­ra­tif que lui a assi­gné son divin Fondateur de por­ter aux âmes, à toutes les âmes, tous les tré­sors de véri­té et de bien, doc­tri­naux et pra­tiques, qu’il avait lui-​même ména­gés au monde. « Allez donc, de toutes les nations faites des dis­ciples… leur appre­nant à obser­ver tout ce que je vous ai pres­crit » (Mt 28,19–20). Mais quelle place devaient tenir le pre­mier âge et la jeu­nesse en cette abso­lue uni­ver­sa­li­té et tota­li­té du man­dat, le divin Maître, Créateur et Rédempteur des âmes, le montre lui-​même par son exemple et par ces paroles par­ti­cu­liè­re­ment mémo­rables et aus­si par­ti­cu­liè­re­ment for­mi­dables : « Laissez les petits venir à moi et gardez-​vous de les en empê­cher… Ces petits qui (comme par un ins­tinct divin) croient en moi ; aux­quels est réser­vé le Royaume des Cieux ; dont les anges gar­diens, leurs défen­seurs, voient tou­jours la face du Père céleste ; mal­heur à l’homme qui aura scan­da­li­sé un de ces petits ». « Laissez les petits enfants et ne les empê­chez pas de venir à moi ; car c’est à eux.., qui croient en moi.., et à leurs pareils qu’ap­par­tient le Royaume des Cieux ; leurs anges aux Cieux se tiennent constam­ment en pré­sence de mon Père qui est aux Cieux ; mal­heur à l’homme qui doit scan­da­li­ser l’un de ces petits » (Mt 19, 13–15 ; 18, 1–10). Or, Nous voi­ci en pré­sence de tout un ensemble d’au­then­tiques affir­ma­tions et de faits non moins authen­tiques, qui mettent hors de doute le pro­pos, déjà exé­cu­té en si grande par­tie, de mono­po­li­ser entiè­re­ment la jeu­nesse, depuis la toute pre­mière enfance jus­qu’à l’âge adulte, pour le plein et exclu­sif avan­tage d’un par­ti, d’un régime, sur la base d’une idéo­lo­gie qui, expli­ci­te­ment, se résout en une vraie et propre sta­to­lâ­trie païenne, en plein conflit tout autant avec les droits natu­rels de la famille qu’a­vec les droits sur­na­tu­rels de l’Église. Se pro­po­ser et pro­mou­voir un tel mono­pole ; per­sé­cu­ter avec une telle inten­tion, comme on est venu à le faire depuis quelque temps, plus ou moins dis­si­mu­lée, l’Action catho­lique ; frap­per dans ce but, comme on l’a fait récem­ment, ses Associations de Jeunesse, cela équi­vaut, au pied de la lettre, à empê­cher qu’elle n’aille à Jésus Christ, puisque c’est empê­cher qu’elle n’aille à l’Église, et que, là où est l’Église, là aus­si est Jésus Christ. Et l’on est arri­vé au point de l’ar­ra­cher d’un geste violent, cette jeu­nesse, du sein de l’une et de l’autre.

L’Église de Jésus Christ n’a jamais contes­té les droits et les devoirs de l’État tou­chant l’é­du­ca­tion des citoyens : Nous les avons pro­cla­més Nous-​même dans Notre récente Lettre ency­clique sur l’é­du­ca­tion chré­tienne de la jeu­nesse ; ces droits et ces devoirs sont incon­tes­tables aus­si long­temps qu’ils res­tent dans les limites de la com­pé­tence propre de l’État qui est, à son tour, fixée clai­re­ment par les fina­li­tés de l’État, les­quelles ne sont pas seule­ment, certes, cor­po­relles et maté­rielles, mais sont, en soi, néces­sai­re­ment conte­nues dans les fron­tières du natu­rel, du ter­restre, du tem­po­rel. Le divin man­dat uni­ver­sel dont l’Église de Jésus Christ a été, par Jésus Christ lui-​même, inves­tie, d’une façon incom­mu­ni­cable et exclu­sive, s’é­tend à l’é­ter­nel, au céleste, au sur­na­tu­rel, ordre de choses qui, d’une part, est étroi­te­ment obli­ga­toire pour toute créa­ture rai­son­nable, et qui, d’autre part, requiert que tout le reste lui soit subor­don­né et soit coor­don­né avec lui.

L’Église de Jésus Christ est cer­tai­ne­ment dans les limites de son man­dat, non seule­ment quand elle dépose dans les âmes les pre­miers prin­cipes indis­pen­sables de la vie sur­na­tu­relle, mais encore quand elle éveille cette vie, quand elle la déve­loppe sui­vant les oppor­tu­ni­tés et les capa­ci­tés, et avec les modes et moyens qu’elle juge appro­priés, même dans l’in­ten­tion de pré­pa­rer à l’a­pos­to­lat hié­rar­chique des coopé­ra­tions éclai­rées et vaillantes. Elle est de Jésus Christ, la solen­nelle décla­ra­tion qu’il est venu pré­ci­sé­ment afin que les âmes n’aient pas seule­ment un cer­tain com­men­ce­ment ou quelques élé­ments de vie sur­na­tu­relle, mais afin qu’elles les aient en plus grande abon­dance : « Moi je suis venu pour que les bre­bis aient la vie et l’aient en abon­dance » (Jn 10, 10). Et Jésus lui-​même a posé les bases de l’Action catho­lique en choi­sis­sant et for­mant, dans ses apôtres et dans ses dis­ciples, les col­la­bo­ra­teurs de son divin apos­to­lat, exemple immé­dia­te­ment imi­té par les pre­miers saints apôtres, comme le texte sacré en fait foi.

C’est, en consé­quence, une pré­ten­tion injus­ti­fiable et incon­ci­liable avec le nom et la pro­fes­sion de catho­liques, que celle de simples fidèles qui viennent ensei­gner à l’Église et à son Chef ce qui suf­fit et doit suf­fire pour l’é­du­ca­tion et la for­ma­tion chré­tienne des âmes, et pour sau­ver, pour faire fruc­ti­fier dans la socié­té, prin­ci­pa­le­ment dans la jeu­nesse, les prin­cipes de la foi et leur pleine effi­ca­ci­té dans la vie.

À l’in­jus­ti­fiable pré­ten­tion s’as­so­cie la très claire révé­la­tion de l’ab­so­lue incom­pé­tence et de la com­plète igno­rance des matières en question.

Les der­niers évé­ne­ments doivent, à tous, avoir ouvert les yeux : ils ont, en effet, démon­tré jus­qu’à l’é­vi­dence ce qu’on a réus­si en quelques années, non point à sau­ver, mais à défaire et à détruire, en fait de vraie reli­gio­si­té, d’é­du­ca­tion chré­tienne et civile. Vous savez, Vénérables Frères, évêques d’Italie, par votre expé­rience pas­to­rale, quelle grave, quelle funeste erreur c’est de croire et de faire croire que l’œuvre accom­plie par l’Église dans l’Action catho­lique et par le moyen de l’Action catho­lique a été rem­pla­cée et ren­due super­flue par l’ins­truc­tion reli­gieuse dans les écoles et par la pré­sence d’au­mô­niers dans les Associations de Jeunesse du par­ti et du régime. L’une et l’autre sont très cer­tai­ne­ment néces­saires ; sans elles, l’é­cole et les Associations en ques­tion devien­draient inévi­ta­ble­ment, et bien vite, par fatale néces­si­té logique et psy­cho­lo­gique, des choses païennes.

Nécessaires donc, mais non suf­fi­santes : en effet, par cette ins­truc­tion reli­gieuse et cette action des aumô­niers, l’Église ne peut réa­li­ser qu’un mini­mum de son effi­ca­ci­té spi­ri­tuelle et sur­na­tu­relle, et cela sur un ter­rain et dans un milieu qui ne dépendent pas d’elle, où l’on est pré­oc­cu­pé par nombre d’autres matières d’en­sei­gne­ment et par de tout autres exer­cices, où com­mandent immé­dia­te­ment des auto­ri­tés qui, sou­vent, sont peu ou point favo­rables et dont il n’est pas rare que l’in­fluence s’exerce en sens contraire par leur parole et par l’exemple de leur vie.

Nous disions que les der­niers évé­ne­ments ont ache­vé de démon­trer sans lais­ser de pos­si­bi­li­té de doute ce qu’en peu d’an­nées on a pu, non point sau­ver, mais perdre et détruire, en fait de véri­table reli­gio­si­té et d’é­du­ca­tion, Nous ne disons pas chré­tienne, mais sim­ple­ment morale et civique.

Nous avons, en effet, vu en action une reli­gio­si­té qui se rebelle contre les dis­po­si­tions des auto­ri­tés reli­gieuses supé­rieures et qui en impose ou en encou­rage l’i­nob­ser­va­tion ; une reli­gio­si­té qui devient per­sé­cu­tion et qui tente de détruire ce que le Chef suprême de la reli­gion appré­cie notoi­re­ment le plus et a le plus à cœur ; une reli­gio­si­té qui se per­met et qui laisse se pro­duire des insultes de paroles et d’ac­tion contre la per­sonne du Père de tous les fidèles, jus­qu’à lan­cer contre lui les cris de « À bas » et « À mort », véri­table appren­tis­sage du par­ri­cide. Pareille reli­gio­si­té ne peut en aucune façon se conci­lier avec la doc­trine et la pra­tique catho­liques, elle est plu­tôt ce qu’on peut conce­voir de plus contraire à l’une et à l’autre.

L’opposition est plus grave en elle-​même et plus funeste en ses effets quand elle ne se tra­duit pas seule­ment dans des faits exté­rieu­re­ment pré­pa­rés et consom­més, mais aus­si quand elle consiste en des prin­cipes et en des maximes pro­cla­més comme consti­tuant un pro­gramme et comme fondamentaux.

Une concep­tion qui fait appar­te­nir à l’État, les jeunes géné­ra­tions, entiè­re­ment et sans excep­tion, depuis le pre­mier âge jus­qu’à l’âge adulte, n’est pas conci­liable pour un catho­lique avec la doc­trine catho­lique ; elle n’est pas même conci­liable avec le droit natu­rel de la famille. Ce n’est pas, pour un catho­lique, chose conci­liable avec la doc­trine catho­lique, que de pré­tendre que l’Église, le Pape, doivent se limi­ter aux pra­tiques exté­rieures de la reli­gion (la messe et les sacre­ments) et que le reste de l’é­du­ca­tion appar­tient tota­le­ment à l’État.

Les doc­trines erro­nées et fausses que Nous venons de signa­ler et de déplo­rer, se sont déjà pré­sen­tées plus d’une fois durant les der­nières années et, comme il est notoire, Nous n’a­vons jamais, avec l’aide de Dieu, failli à Notre devoir apos­to­lique de les rele­ver et d’y oppo­ser les justes rap­pels aux vrais doc­trines catho­liques et aux invio­lables droits de l’Église de Jésus Christ et des âmes rache­tées par son Sang divin.

Mais non­obs­tant les juge­ments, les pré­vi­sions et les sug­ges­tions qui, de diverses par­ties, même très dignes de consi­dé­ra­tion, Nous par­ve­naient, Nous Nous sommes tou­jours abs­te­nu d’en venir à des condam­na­tions for­melles et expli­cites ; Nous avons même été jus­qu’à croire pos­sibles et à favo­ri­ser, de Notre part, des com­pa­ti­bi­li­tés et des coopé­ra­tions qui, à d’autres, sem­blèrent inad­mis­sibles. Ainsi avons-​Nous fait parce que Nous pen­sions, ou plu­tôt parce que Nous dési­rions que res­tât tou­jours la pos­si­bi­li­té de pou­voir au moins dou­ter que Nous avions à faire à des affir­ma­tions et à des actions exa­gé­rées, spo­ra­diques, d’élé­ments insuf­fi­sam­ment repré­sen­ta­tifs, en somme, à des affir­ma­tions et à des actions impu­tables, dans leurs par­ties cen­su­rables, plu­tôt aux per­sonnes et aux cir­cons­tances que vrai­ment et pro­pre­ment à un programme.

Les der­niers évé­ne­ments et les affir­ma­tions qui les ont pré­pa­rés, accom­pa­gnés et com­men­tés, Nous ôtent la pos­si­bi­li­té que Nous avions dési­rée, et Nous devons dire, Nous disons que l’on est catho­lique seule­ment par le bap­tême et par le nom, en contra­dic­tion avec les exi­gences du nom et les pro­messes même du bap­tême, quand on adopte et quand on déve­loppe un pro­gramme qui fait siennes des doc­trines et des maximes si contraires aux droits de l’Église de Jésus Christ et des âmes, qui mécon­naît, com­bat et per­sé­cute l’Action catho­lique, c’est-​à-​dire tout ce que l’Église et son Chef ont notoi­re­ment de plus cher et de plus pré­cieux. Vous Nous deman­dez, Vénérables Frères, ce qui reste à pen­ser, à la lumière de ce qui pré­cède, d’une for­mule de ser­ment qui impose aux enfants eux-​mêmes, l’o­bli­ga­tion d’exé­cu­ter sans dis­cu­ter des ordres qui, Nous l’a­vons vu, peuvent com­man­der, contre toute véri­té et contre toute jus­tice, la vio­la­tion des droits de l’Église et des âmes, déjà par eux-​mêmes sacrés et invio­lables, et de ser­vir avec toutes ses forces, jus­qu’au sang, la cause d’une révo­lu­tion qui arrache à l’Église et à Jésus Christ, la jeu­nesse, qui inculque à ses jeunes forces la haine, les vio­lences, les irré­vé­rences, sans en exclure la per­sonne même du Pape, comme les der­niers faits l’ont sur­abon­dam­ment démontrés.

Quand la demande doit se poser en ces termes, la réponse du point de vue catho­lique, et même pure­ment humain, est inévi­ta­ble­ment unique, et Nous ne fai­sons, Vénérables Frères, que confir­mer la réponse que, déjà, vous vous êtes don­née : un pareil ser­ment, tel qu’il est, n’est pas licite.

IV. Sombres perspectives d’avenir.

Et Nous voi­ci en face de pré­oc­cu­pa­tions, de très graves pré­oc­cu­pa­tions qui, Nous le sen­tons, sont les vôtres, Vénérables Frères, les vôtres spé­cia­le­ment évêques d’Italie. Nous Nous pré­oc­cu­pons tout de suite par des­sus tout, d’un si grand nombre de Nos fils, jeunes gens et jeunes filles ins­crits comme membres effec­tifs et qui ont prê­té ce ser­ment. Nous com­pa­tis­sons pro­fon­dé­ment à tant de consciences tour­men­tées par des doutes (tour­ments et doutes dont arrivent jus­qu’à Nous d’in­du­bi­tables témoi­gnages), pré­ci­sé­ment à rai­son de ce tour­ment, spé­cia­le­ment après les faits qui viennent de se produire.

Connaissant les mul­tiples dif­fi­cul­tés de l’heure pré­sente et sachant que l’ins­crip­tion au par­ti et le ser­ment sont, pour un très grand nombre, la condi­tion même de leur car­rière, de leur pain, de leur sub­sis­tance, Nous avons cher­ché un moyen qui ren­dît la paix aux consciences, en rédui­sant au mini­mum pos­sible les dif­fi­cul­tés exté­rieures. Et il Nous semble que ce moyen, pour ceux qui sont déjà ins­crits au par­ti, pour­rait être de faire devant Dieu et devant leur propre conscience la réserve : « sauf les lois de Dieu et de l’Église », ou encore : « sauf les devoirs de bon chré­tien », avec le ferme pro­pos de décla­rer exté­rieu­re­ment cette réserve si la néces­si­té s’en présentait.

Nous vou­drions ensuite faire arri­ver Notre prière là d’où partent les dis­po­si­tions et les ordres, la prière d’un Père qui veut pour­voir aux consciences d’un si grand nombre de ses fils en Jésus Christ, savoir que cette réserve soit intro­duite dans la for­mule du ser­ment, à moins que l’on ne veuille faire mieux, beau­coup mieux, c’est-​à-​dire omettre le ser­ment qui est tou­jours un acte de reli­gion et qui n’est cer­tai­ne­ment pas à sa place sur la carte d’adhé­rent à un parti.

Nous avons veillé à par­ler avec calme et séré­ni­té et, en même temps, avec une totale clar­té ; Nous ne pou­vons pas cepen­dant ne point Nous pré­oc­cu­per des incom­pré­hen­sions pos­sibles, Nous ne disons pas de votre part, Vénérables Frères, et aujourd’­hui plus que jamais, unis à Nous par les pen­sées et les sen­ti­ments, mais de la part du grand public. Et c’est pour­quoi Nous ajou­tons comme conclu­sion de tout ce que Nous venons de dire : Nous n’a­vons pas vou­lu condam­ner le par­ti et le régime comme tel.

Nous avons enten­du signa­ler et condam­ner tout ce que, dans le pro­gramme et l’ac­tion du par­ti, Nous avons vu et consta­té de contraire à la doc­trine et à la pra­tique catho­liques et, par suite, d’in­con­ci­liable avec le nom et la pro­fes­sion de catho­lique. Ce fai­sant, Nous avons accom­pli un devoir pré­cis du minis­tère apos­to­lique envers tous ceux de Nos fils qui appar­tiennent au par­ti, afin qu’ils puissent se mettre en règle avec leur conscience de catholiques.

Nous croyons d’ailleurs que Nous avons en même temps fait œuvre utile au par­ti lui-​même et au régime. Quel inté­rêt peuvent, en effet, avoir le par­ti et le régime, dans un pays catho­lique comme l’Italie, à gar­der dans leur pro­gramme des idées, des maximes et des pra­tiques incon­ci­liables avec la conscience catho­lique ? La conscience des peuples, comme celle des indi­vi­dus, finit tou­jours par reve­nir à elle-​même et à recher­cher les voies per­dues de vue un moment et aban­don­nées depuis un temps plus ou moins long.

Et que l’on ne dise pas que l’Italie est catho­lique, mais anti­clé­ri­cale. Nous l’en­ten­dons même seule­ment dans une mesure digne d’une par­ti­cu­lière atten­tion. Vous qui, Vénérables Frères, vivez dans les grands et les petits dio­cèses d’Italie en conti­nuel contact avec les bonnes popu­la­tions de tout le pays, vous savez et vous voyez chaque jour com­bien, si on ne les trompe pas et si on ne les égare pas, elles sont loin de tout anticléricalisme.

Quiconque connaît un peu inti­me­ment l’his­toire du pays sait que l’an­ti­clé­ri­ca­lisme a eu en Italie l’im­por­tance et la force que lui confé­rèrent la maçon­ne­rie et le libé­ra­lisme qui la gouvernaient.

De nos jours, du reste, l’en­thou­siasme una­nime qui unit et qui a trans­por­té de joie, à un point qui ne s’é­tait jamais véri­fié, tout le pays aux jours des Conventions de Latran, n’au­rait pas lais­sé à l’an­ti­clé­ri­ca­lisme le moyen de rele­ver la tête si, au len­de­main de ces mêmes Conventions, on ne l’a­vait pas évo­qué et encouragé.

Dans les der­niers évé­ne­ments, des dis­po­si­tions et des ordres l’ont fait entrer en action et l’ont fait ces­ser, comme tous ont pu le voir et le consta­ter. Et sans aucun doute, il aurait suf­fi et il suf­fi­ra tou­jours pour le main­te­nir à sa place de la cen­tième ou de la mil­lième par­tie des mesures lon­gue­ment infli­gées à l’Action catho­lique et cou­ron­nées récem­ment de la façon que tout le monde sait.

L’avenir pro­chain Nous ins­pire d’autres et de bien plus graves pré­oc­cu­pa­tions. Dans une assem­blée offi­cielle et solen­nelle au pre­mier chef, on a, aus­si­tôt après les der­niers faits très dou­lou­reux pour Nous et pour les catho­liques de toute l’Italie et du monde enfler, fait entendre cette pro­tes­ta­tion : « Respect inal­té­ré envers la reli­gion, son Chef suprême », etc. Respect « inal­té­ré », dans ce même res­pect, sans chan­ge­ment, que Nous avons expé­ri­men­té ; donc, ce res­pect qui s’ex­pri­mait par des mesures de police aus­si amples qu’o­dieuses, pré­pa­rées dans un silence pro­fond comme une sur­prise inami­cale et fou­droyante jus­te­ment à la veille de Notre anni­ver­saire de nais­sance, occa­sion de grandes mani­fes­ta­tions sym­pa­thiques de la part du monde catho­lique et aus­si du monde non catho­lique : donc ce même res­pect qui se tra­dui­sait par des vio­lences et des irré­vé­rences qu’on lais­sait se per­pé­trer sans encombre. Que pouvons-​Nous donc espé­rer, ou mieux, à quoi ne devons-​Nous pas Nous attendre ? Certains se sont deman­dés si cette étrange façon de par­ler, d’é­crire en de telles cir­cons­tances, dans le voi­si­nage si proche de pareils faits, a été tout à fait exempte d’i­ro­nie, d’une bien triste iro­nie, mais pour ce qui Nous regarde, Nous aimons exclure cette hypothèse.

Dans le même contexte et en immé­diate rela­tion avec le « res­pect inal­té­ré » (donc aux mêmes adresses), on fai­sait allu­sion à des « refuges et pro­tec­tions » accor­dés au reste des oppo­sants au par­ti, et on « ordon­nait aux diri­geants des neuf mille fais­ceaux d’Italie » de s’ins­pi­rer pour leur action de ces direc­tives. Plus d’un d’entre vous, Vénérables Frères et évêques d’Italie, a déjà expé­ri­men­té, en Nous en don­nant aus­si des nou­velles affli­gées, l’ef­fet de pareilles insi­nua­tions et de pareils ordres, dans une reprise d’o­dieuses sur­veillances, de déla­tions, d’in­ti­mi­da­tions et de vexa­tions. Que Nous pré­pare donc l’a­ve­nir ? À quoi ne devons-​Nous pas Nous attendre (Ne disons pas craindre, parce que la crainte de Dieu éli­mine la crainte des hommes) si, comme Nous avons des motifs de le croire, on a le des­sein de ne point per­mettre que Nos jeunes catho­liques se réunissent même silen­cieu­se­ment, sous peine de sanc­tions sévères pour les dirigeants ?

Que Nous pré­pare donc ou de quoi Nous menace l’a­ve­nir ? Nous demandons-​Nous de nouveau.

V. Motifs d’espérer.

Et c’est pré­ci­sé­ment à cette extré­mi­té de doutes et de pré­vi­sion à laquelle les hommes Nous ont réduit que toute pré­oc­cu­pa­tion, Vénérables Frères, s’é­va­nouit, dis­pa­raît, et que Notre esprit s’ouvre aux plus confiantes, aux plus conso­lantes espé­rances, parce que l’a­ve­nir est dans les mains de Dieu, et que Dieu est avec nous, et … « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous » ? (Rm 8, 31).

Un signe et une preuve sen­sible de l’as­sis­tance et de la faveur divines, Nous les voyons déjà et Nous les goû­tons dans votre assis­tance et votre coopé­ra­tion, Vénérables Frères. Si Nous sommes bien infor­mé, on a dit récem­ment que main­te­nant que l’Action catho­lique est aux mains des évêques, il n’y a plus rien à craindre. Et jus­qu’i­ci, tout va bien, très bien, sauf ce « plus rien », comme si aupa­ra­vant il y avait eu quelque chose à craindre, et sauf ce « main­te­nant » comme si, aupa­ra­vant et dès le prin­cipe, l’Action catho­lique n’a­vait pas tou­jours été essen­tiel­le­ment dio­cé­saine et dépen­dante des évêques (comme Nous l’a­vons aus­si indi­qué plus haut), et c’est aus­si pour cela, prin­ci­pa­le­ment pour cela, que Nous avons tou­jours nour­ri la plus entière confiance que Nos direc­tives étaient sui­vies et secon­dées. Pour ce motif, outre la pro­messe de l’im­man­quable secours divin, Nous demeu­rons et demeu­re­rons tou­jours dans la plus confiante tran­quilli­té, même si la tri­bu­la­tion, disons le vrai mot, la per­sé­cu­tion, doit conti­nuer et s’in­ten­si­fier. Nous savons que vous êtes, et que vous savez que vous êtes Nos Frères dans l’é­pis­co­pat et dans l’a­pos­to­lat, Nous savons et vous savez Vénérables Frères, que vous êtes les suc­ces­seurs des apôtres que saint Paul appe­lait en des termes d’une ver­ti­gi­neuse subli­mi­té, « la gloire du Christ » (2 Co, 8, 23), vous savez que ce n’est pas un homme mor­tel, fût-​il Chef d’État ou de gou­ver­ne­ment, mais l’Esprit Saint qui vous a pla­cés dans la por­tion du trou­peau que Pierre vous assigne pour régir l’Église de Dieu. Ces saintes et sublimes choses et tant d’autres qui vous regardent, Vénérables Frères, il les ignore évi­dem­ment ou les oublie celui qui vous croit et vous appelle vous, évêques d’Italie, « offi­ciers de l’État », car vous êtes clai­re­ment dis­tin­gués et sépa­rés des offi­ciers de l’État par la for­mule même du ser­ment qu’il vous faut prê­ter au monarque et qui pré­cise préa­la­ble­ment : « Comme il convient à un évêque catholique ».

C’est aus­si pour Nous un grand, un infi­ni motif d’es­pé­rance que l’im­mense chœur de prières que l’Église de Jésus Christ élève de tous les points du monde vers son divin Fondateur et vers sa très Sainte Mère, pour son Chef visible, le suc­ces­seur de Pierre exac­te­ment comme lorsque, voi­ci vingt siècles, la per­sé­cu­tion frap­pait la per­sonne même de Pierre, prières des pas­teurs et des peuples, du cler­gé et des fidèles, des reli­gieux et des reli­gieuses, des adultes et des jeunes gens, des jeunes gar­çons et des petites filles ; prières sous les formes les plus par­faites et les plus effi­caces, de saints sacri­fices et de com­mu­nions eucha­ris­tiques, de sup­pli­ca­tions, d’a­do­ra­tions et de répa­ra­tions, d’im­mo­la­tions spon­ta­nées et de souf­frances chré­tien­ne­ment sup­por­tées ; prières dont tous ces jours-​ci et aus­si­tôt après les tristes évé­ne­ments, Nous arri­vaient de toutes parts les échos très conso­lants, jamais aus­si conso­lants qu’en ce jour sacré et solen­nel dédié à la mémoire des princes des apôtres et où la divine bon­té a vou­lu que Nous puis­sions ache­ver cette Lettre Encyclique.

À la prière tout est divi­ne­ment pro­mis : si elle ne nous obtient pas la séré­ni­té et la tran­quilli­té de l’ordre réta­bli, elle obtien­dra pour tous la patience chré­tienne, le saint cou­rage, la joie inef­fable de souf­frir quelque chose avec Jésus et pour Jésus, avec la jeu­nesse et pour la jeu­nesse qui lui est si chère, jus­qu’à l’heure cachée dans le mys­tère du cœur divin infailli­ble­ment la plus oppor­tune pour la cause de la véri­té et du bien.

Et puisque de tant de prières Nous devons tout espé­rer et puisque tout est pos­sible à ce Dieu qui a tout pro­mis à la prière, Nous avons la confiante espé­rance qu’il vou­dra éclai­rer les esprits par la lumière de la véri­té et tour­ner les volon­tés vers le bien ; et ain­si, à l’Église de Dieu, qui ne dis­pute à l’État rien de ce qui revient à l’État, on ces­se­ra de contes­ter ce qui lui revient à elle, l’é­du­ca­tion et la for­ma­tion chré­tiennes de la jeu­nesse, ce qui lui revient non par un bon plai­sir humain, mais par man­dat divin, et qu’en consé­quence, elle doit tou­jours récla­mer et récla­me­ra tou­jours, avec une insis­tance et une intran­si­geance qui ne peuvent ces­ser ni flé­chir parce qu’elles ne pro­viennent pas du bon plai­sir, qu’elles ne pro­viennent pas d’une vue humaine ou d’un cal­cul humain ou d’hu­maines idéo­lo­gies chan­geantes d’a­près les temps et les lieux, mais s’ins­pirent d’un invio­lable vou­loir divin.

Ce qui Nous ins­pire aus­si confiance, c’est le bien qui, incon­tes­ta­ble­ment, pro­vien­drait de la recon­nais­sance de cette véri­té et de ce droit. Père de tous les hommes rache­tés, le Vicaire de ce Rédempteur qui, après avoir ensei­gné et com­man­dé à tous l’a­mour des enne­mis, mou­rait par­don­nant à ceux qui le cru­ci­fiaient, n’est pas et ne sera jamais enne­mi de per­sonne ; ain­si feront tous ses bons et véri­tables fils, les catho­liques qui veulent res­ter dignes d’un si grand nom : mais ils ne pour­ront jamais par­ta­ger, adop­ter ou favo­ri­ser des maximes et des règles de pen­sée et d’ac­tion contraires aux droits de l’Église et au bien des âmes et par le fait même contraires aux droits de Dieu.

Prière et bénédiction.

Combien serait pré­fé­rable à cette irré­duc­tible divi­sion des esprits et des volon­tés, la paci­fique et tran­quille union des pen­sées et des sen­ti­ments ! Elle ne pour­rait man­quer de se tra­duire en une féconde coopé­ra­tion de tous pour le vrai bien com­mun à tous ; elle serait accueillie par l’ap­plau­dis­se­ment sym­pa­thique des catho­liques du monde entier, au lieu de leur blâme et de leur mécon­ten­te­ment uni­ver­sel comme il arrive aujourd’­hui. Nous prions le Dieu de toutes les misé­ri­cordes par l’in­ter­ces­sion de sa sainte Mère qui, tout récem­ment, nous sou­riait par­mi les splen­deurs de ses com­mé­mo­ra­tions plu­sieurs fois cen­te­naires et par celle des saints apôtres Pierre et Paul, Nous le prions de nous accor­der à tous de voir ce qu’il convient de faire et de don­ner à tous la force de l’exécuter.

Que Notre béné­dic­tion apos­to­lique, aus­pice et gage de toutes les béné­dic­tions divines, des­cende sur vous, Vénérables Frères, sur vos cler­gés, sur vos peuples, et qu’elle y demeure toujours.

Rome, du Vatican, en la solen­ni­té des saints apôtres Pierre et Paul, 29 juin 1931.

Pie XI, Pape

12 novembre 1923
À l’occasion du IIIe centenaire de la mort de saint Josaphat, martyr, archevêque de Polotsk, pour le rite oriental.
  • Pie XI