Au sujet des interventions du cardinal Hoyos
A deux reprises maintenant, le cardinal Castrillón Hoyos, préfet de la Congrégation du Clergé et président de la Commission pontificale Ecclesia Dei, s’est publiquement exprimé pour récuser l’existence d’un schisme provoqué le 30 juin 1988 par le sacre des quatre évêques de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X.
Ces déclarations ont une importance véritable.
A nos yeux, elles ne changent rien car nous n’avons jamais cru aux épouvantails qui furent agités par tous les bien-pensants pour déclencher une hémorragie des fidèles d’Ecône.
Mais, pour ceux qui se laissèrent effrayer et pour beaucoup qui, au sein des structures ecclésiadéistes, ont été convaincus par l’évidence qui semblait leur être présentée, le discours du cardinal Hoyos vient brusquement ouvrir des portes que l’on croyait irrémédiablement condamnées.
Il est opportun que leur parviennent ces paroles du cardinal chargé de « la mouvance à sensibilité traditionnelle. »
Voici donc ces deux déclarations.
La première est extraite d’un entretien que le cardinal Hoyos a donné au journal italien Trente jours du mois de septembre 2005 [1]:
« – Eminence, quelle est la valeur de l’audience accordée par le pape au supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X ?
– L’audience fait partie d’un processus qui a commencé par une intervention très importante de celui qui était alors le cardinal Ratzinger, qui a signé avec Monseigneur Lefebvre un protocole d’entente avant que ce dernier ne décide de procéder aux consécrations épiscopales de 1988.- Monseigneur Lefevbre n’est pas revenu en arrière.
– Malheureusement, Monseigneur Lefebvre a maintenu sa décision de consacrer des évêques et cela a donc créé cette situation de détachement, même s’il ne s’agit pas formellement d’un schisme ».
Le cardinal Hoyos a repris la même idée le 13 nov. 2005 alors qu’il se trouvait interrogé par la télévision italienne TV Canal 5[2] :
« Nous ne sommes pas face à une hérésie. On ne peut pas dire en termes corrects, exacts, précis qu’il y ait un schisme. Il y a, dans le fait de consacrer des évêques sans le mandat pontifical, une attitude schismatique. Ils sont à l’intérieur de l’Eglise. Il y a seulement ce fait qu’il manque une pleine, une plus parfaite – comme cela a été dit durant la rencontre avec Monseigneur Fellay – une plus pleine communion, parce que la communion existe. »
Il nous semble pouvoir résumer ainsi le raisonnement du président de la Commission pontificale Ecclesia Dei : les sacres du 30 juin 1988 auraient pu être l’indicateur d’une volonté schismatique. Mais le temps qui s’est écoulé depuis cet événement montre que la Fraternité Saint-Pie X n’a jamais voulu s’ériger en Eglise parallèle et n’a jamais cessé de reconnaître les papes, jusqu’à Benoît XVI aujourd’hui, comme successeurs de Pierre.
Il faut donc savoir confesser désormais que ces sacres épiscopaux n’ont, en réalité, pas engendré de schisme.
En conséquence, les évêques, les prêtres et les fidèles de la Fraternité Saint-Pie X sont bien dans l’Eglise, même s’il reste des questions à régler avec eux.
Nous remercions le cardinal Hoyos de l’honnêteté intellectuelle manifestée sur ce point et nous nous tournons maintenant vers les responsables des structures ecclésiadéistes pour leur demander d’apporter leur soutien franc et enthousiaste aux propos du président de la Commission pontificale dont ils dépendent .
Loin de nous l’idée de leur demander des excuses pour avoir accusé Monseigneur Lefevbre d’avoir initié un schisme, et à ses successeurs de l’avoir perpétré ! Nous ne sommes même pas guidés par quelque amertume qui nous ferait désirer nous entendre donner raison. L’Eglise se prononcera à son heure. Nous pensons qu’il existe seulement un devoir de justice élémentaire à répercuter cette position sérieuse, officielle, publique prise par le Cardinal de l’Eglise le mieux habilité à traiter de cette question.
Nous refusons à l’avance une dialectique qui chercherait à opposer le cardinal Hoyos au pape Benoît XVI. Il est évident que, sur un sujet d’une telle importance, le cardinal Hoyos n’a pu se prononcer sans l’approbation de celui qui, lors de l’audience du 29 août, parlait déjà du « vénéré Monseigneur Lefebvre ».
Nous n’admettons pas non plus la formule offensante à l’adresse du cardinal Hoyos consistant à dire qu’il ne penserait pas ce qu’il a dit et répété, et n’aurait tenu de tels propos que par une gentillesse de surface ou par ruse diplomatique.
L’accueil que les responsables des structures ecclésiadéistes réserveront aux paroles du cardinal Hoyos ne révèlera-t-il pas le fond des cours ?
Si une erreur de jugement dans les circonstances difficiles de l’année 1988 est bien compréhensible, l’entêtement sur une telle position deviendrait odieux et constituerait la marque d’un esprit boutiquier.
Ceux qui ont connu Monseigneur Lefebvre, qui lui doivent tout et n’existeraient pas sans lui, doivent être aujourd’hui les premiers à se réjouir de la déclaration cardinalice, même si elle met sans doute un peu à mal leur légitimité toute fondée sur l’existence de ce schisme, qu’un cardinal a désormais relégué dans les oubliettes de l’Histoire de l’Eglise.
Abbé Régis de Cacqueray-Valménier †
Supérieur du district de France
Les divers entretiens dont il est fait mention supra
Interview de Monseigneur Bernard Fellay par Gianni Cardinale à 30 Giorni – Septembre 2005
Monseigneur Fellay, quelle est la signification de cette audience ?
Mgr Fellay : Il s’est agi d’une rencontre qui s’est insérée, j’oserais dire normalement, dans le cadre d’un dialogue entre nous et Rome qui a commencé en 2000 et qui a connu un développement peut-être lent, mais bien orienté vers ce que nous désirons et ce que désire le Saint-Siège : une relation normale de Rome avec sa Tradition et par conséquent de la Fraternité avec Rome, de manière telle que la Fraternité puisse continuer son apostolat sans les ombres qui existent aujourd’hui.
Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à demander cette audience ?
Mgr Fellay : Avant tout, l’amour de l’Église. Et ensuite, le fait qu’il y a un nouveau pontife, et qu’il a été naturel pour nous de demander une audience pour révérer le nouveau successeur de Pierre, notre pape, et lui rendre hommage. C’est la première raison. Et puis, dans le sillage du dialogue de ces cinq dernières années, nous désirions aussi essayer de comprendre ce qu’on peut attendre pour l’avenir, et présenter au pape ce qui est selon nous le status quæstionis… Le problème posé par la Fraternité se résoudra naturellement par la réconciliation de l’Église actuelle avec son passé. « J’ai la conviction », disait le pape Pie XII, « que l’Église de Pierre doit revendiquer son passé ; autrement elle creusera sa propre tombe ». [Cf. Georges Roche et Philippe Saint Germain : Pie XII devant l’histoire, Paris 1972, pp. 52–53, ndr].
Vous avez donc eu l’occasion de réaffirmer vos conditions pour accélérer les étapes d’une totale réconciliation ?
Mgr Fellay : Nous ne voulons pas poser de conditions préalables au Saint-Siège. Nous ne voulons imposer aucun diktat. Ce n’est pas notre position. Nous disons seulement que si on veut construire un pont, on doit penser avant tout aux piles qui doivent le soutenir.
La première serait la libéralisation de l’usage de ce qu’on appelle la messe tridentine.
Mgr Fellay : Ce qui nous intéresse, c’est que l’Église change ce climat d’hostilité généralisée, qui tourne parfois à la persécution, envers tout ce qui est considéré comme traditionnel, envers tout ce qui est lié à la Tradition. Ceci fait qu’il est impossible, pour les catholiques liés à la Tradition, de mener une vie normale. Pour changer ce climat, nous suggérons que soit formellement déclaré ce qui est déjà une situation existante de droit, à savoir que la messe de saint Pie V n’a jamais été abolie et que par conséquent, elle peut être célébrée librement par tous. Cette requête ne nous semble pas exorbitante, et cela serait très utile pour changer le climat hostile qui entoure tout le monde traditionaliste.
Et puis la deuxième pile du pont serait la révocation des excommunications prononcées par le Saint-Siège en 1988.
Mgr Fellay : Dans notre milieu, on ne se fie pas aux autorités ecclésiastiques, à cause des souffrances subies par le passé et jusqu’à aujourd’hui ; et pour surmonter cette défiance, la révocation de la soi-disant excommunication serait une solution très opportune, d’autant plus qu’elle se fonde sur un prétendu schisme qui, en réalité, n’existe pas.
Vous êtes satisfait de la façon dont s’est passée l’audience ?
Mgr Fellay : Elle s’est bien passée. Bien sûr, il reste un peu de désappointement parce qu’il n’y a pas eu assez de temps pour tout dire. C’était d’ailleurs impossible en trente minutes d’audience. On ne pouvait rien attendre de plus que ce qui a eu lieu. Il est important que le pape nous ait reçus et c’est bon signe qu’il nous ait donné tout ce temps avec bienveillance. L’atmosphère a été sereine, même si les problèmes existants n’ont pas été passés sous silence.
Lorsque le cardinal Joseph Ratzinger a été élu pape, vous n’avez pas caché votre satisfaction parce qu’au fond, il s’agissait de votre « candidat préféré » parmi les « papabili » du Sacré Collège.
Mgr Fellay : C’est vrai, et je le pense toujours après l’audience. Le pape actuel a de nombreux points en sa faveur. Il connaît très bien notre cas, plus que tout autre peut-être, et il le connaît depuis le début. Il connaît très bien aussi la curie romaine, et c’est très important pour le pontificat. Le caractère sacré de la liturgie lui tient à cour, et il est conscient de l’importance de la doctrine ; cela joue aussi en sa faveur. Et enfin, il semble vouloir gouverner la curie, et cela nous fait plaisir.
Quel pourra être, à votre avis, l’obstacle principal pour arriver à une réconciliation totale ?
Mgr Fellay : La compréhension du Concile Vatican II. Le simple fait qu’on dise qu’il faut lire Vatican II à la lumière de la Tradition signifie que les textes conciliaires en eux-mêmes ne sont pas clairs et qu’ils ont donc besoin d’une interprétation ; et cette ambiguïté de fond ne peut pas ne pas être considérée comme une des causes de la crise actuelle de l’Église.
Ne vous suffirait-il pas de rappeler que le Concile Vatican II a été un concile pastoral et non dogmatique ?
Mgr Fellay : C’est justement pour cela que nous nous permettons de faire des observations critiques sur certains documents conciliaires. Si le concile avait proclamé des dogmes, nous ne pourrions certainement pas nous le permettre. D’autre part, pour ce qui n’est pas déclaré de manière infaillible par le magistère, il devrait y avoir, dans des limites raisonnables, une liberté de critique, sans pour autant qu’on encoure des persécutions.
Vous voudriez donc en quelque sorte avoir la liberté d’exprimer des jugements différents sur la condition historique de l’Église…
Mgr Fellay : C’est d’ailleurs ce qui arrive habituellement dans l’Église d’aujourd’hui. Combien de prêtres, combien d’enseignants ou d’évêques le font sans pour autant être l’objet d’inquisitions ou de soupçons ? Le paradoxe, c’est que cette possibilité nous est déniée a priori.
Y a‑t-il des résistances au sein de la Fraternité par rapport à ces entrevues avec le Saint-Siège ?
Mgr Fellay : Il y en a, mais c’est seulement à cause de ce manque de confiance dans les autorités ecclésiastiques que j’ai expliqué tout à l’heure. C’est un phénomène que je ne peux pas nier, et cela explique la prudence avec laquelle nous avançons dans le dialogue. C’est d’ailleurs pour cette raison que je comprends parfaitement aussi la prudence du Saint-Père. Je comprends que si le Saint-Père fait quelque chose en notre faveur, il se heurtera sans aucun doute à des obstacles et à des résistances énormes.
Quelle pourrait être la prochaine étape de ce dialogue avec Rome ?
Mgr Fellay : Nous attendons quelque chose de Rome en faveur de la Tradition, pas envers nous en particulier, mais envers les fidèles liés à la Tradition. Un geste qui démontre que la Tradition est une chose normale dans l’Église, qu’elle n’est pas liée à des concessions ou à des indults. Ceci est déjà affirmé de manière nominale, mais dans les faits, il n’en est pas ainsi.
Même parmi les personnalités ecclésiastiques qui considèrent la Fraternité et ses liens avec la liturgie préconciliaire avec sympathie, on voit parfois se manifester des perplexités dues à certaines sorties qui semblent évoquer des nostalgies irrecevables pour un ancien régime, pour une alliance entre le trône et l’autel désormais dépassée par l’histoire…
Mgr Fellay : Le fait qu’il n’y ait plus d’états catholiques signifie qu’il n’y a plus de protection pour l’Église et que sont approuvées des lois contraires à la morale chrétienne, avec des conséquences désastreuses pour le salut des âmes. Nous ne pouvons pas nous taire à ce sujet.
Mais, comme vous le dites vous-même, il n’existe plus désormais d’états catholiques, étant donné aussi la crise de l’Église que vous dénoncez vigoureusement…
Mgr Fellay : C’est vrai du point de vue des faits, et il faut donc agir avec la prudence nécessaire dans ce domaine. Nous savons très bien que la foi se communique par la grâce de Dieu. On ne peut prétendre imposer la foi à personne par la violence. Et puis, qui pourrait le faire aujourd’hui ? Mais du point de vue des principes, on ne peut exclure la possibilité que la foi puisse se répandre de manière telle que puisse naître, pour le salut des âmes et pour une vie satisfaisante des hommes, une réalité politique qui uniformiserait sa propre législation et la loi divine.
Avez-vous constaté des réactions à votre égard de la part d’évêques catholiques après l’audience du 29 août ?
Mgr Fellay : Non, il n’y en a pas eu jusqu’ici. Ils attendent peut-être de voir ce qui va arriver.
Monseigneur Fellay, vos positions critiques à l’égard de l’ocuménisme encouragé par le Saint-Siège après le Concile Vatican II sont connues ; mais avez-vous des contacts avec d’autres Églises ou d’autres communautés ecclésiales ?
Mgr Fellay : Il y a des contacts avec des prêtres et des évêques orthodoxes. Il arrive parfois qu’ils s’adressent à nous avec sympathie parce qu’ils nous considèrent comme des schismatiques anti-romains, ce qui ne nous plaît pas du tout. Nous ne sommes pas schismatiques et nous tenons énormément aux liens avec Rome. Il est aussi arrivé que des évêques orthodoxes aient demandé d’adhérer à l’Église catholique à travers une adhésion à notre Fraternité. Je leur ai toujours répondu qu’ils doivent s’adresser à l’évêque de Rome, au pape. Nous ne sommes pas, et nous ne voulons pas être une Église parallèle, et je ne suis pas un anti-pape !
[1] L’entretien du Cardinal Hoyos par Gianni Cardinale à 30 Giorni – Septembre 2005
Éminence, quelle est la valeur de l’audience accordée par le pape au supérieur général de la Fraternité Saint Pie X ?
Cardinal Castrillon Hoyos : L’audience fait partie d’un processus qui a commencé par une intervention très importante de celui qui était alors le cardinal Ratzinger, qui a signé avec Monseigneur Lefèbvre un protocole d’entente avant que ce dernier ne décide de procéder aux consécrations épiscopales de 1988.
Monseigneur Lefèbvre n’est pas revenu en arrière…
Cardinal Castrillon Hoyos : Malheureusement, Mgr Lefèbvre a maintenu sa décision de consacrer des évêques et cela a donc créé cette situation de détachement, même s’il ne s’agit pas formellement d’un schisme.
Ensuite, il n’y a pas eu de contacts officiels jusqu’au grand Jubilé de l’an 2000.
Cardinal Castrillon Hoyos : Comme j’ai vu qu’ils étaient en pèlerinage à Rome et en ma qualité de président de la Commission Pontificale « Ecclesia Dei », j’ai invité à déjeuner les évêques ordonnés par Monseigneur Lefèbvre pour une rencontre informelle, pour nous connaître. Ensuite, j’ai eu de nombreuses rencontres avec Son Excellence Mgr Fellay et avec d’autres membres de la Fraternité, des rencontres qui se sont toujours déroulées dans un climat très positif, au point que j’ai cru un moment que nous étions vraiment proches d’une pleine réconciliation.
Le pape était-il au courant de ces contacts ?
Cardinal Castrillon Hoyos :: Non seulement Jean Paul II était toujours mis au courant de tout, et le Saint-Père en personne a même accordé une brève rencontre dans sa chapelle privée à Monseigneur Fellay et au père Michel Simoulin, supérieur à l’époque de la communauté de la Fraternité d’Albano Laziale. Il ne s’est pas agi d’un véritable dialogue, mais à cette occasion, le pape a souhaité que le dialogue puisse être repris et il leur a donné sa bénédiction.
Vous avez dit tout à l’heure que vous avez pensé que la réconciliation était imminente ; qu’est-il donc arrivé ?
Cardinal Castrillon Hoyos :: J’ai eu la sensation que Monseigneur Fellay et ses collaborateurs éprouvaient une sorte de peur, comme si Rome était en train de leur tendre un piège. Comme si le Saint-Siège avait l’intention de les absorber pour empêcher ensuite toute possibilité de célébrer la messe de saint Pie V et pour réduire au silence leurs critiques bien connues par rapport à certains développements et à certaines interprétations qui ont succédé au Concile Vatican II. Il n’y a donc pas eu de réconciliation, mais le dialogue a continué.
Et pourtant, dans ce contexte, il y a eu en 2001 la réconciliation avec le groupe brésilien proche de la Fraternité, actuellement dirigé par Monseigneur Fernando Arêas Rifan qui a été élu en 2002 par le Saint-Siège comme évêque et titulaire de l’administration apostolique personnelle de Saint Jean-Marie Vianney de Campos.
Cardinal Castrillon Hoyos : Dans ce cas-là, la situation était très différente. Tandis que la Fraternité saint Pie X est une association non reconnue, servie par des évêques qui se disent « auxiliaires », il n’en était pas ainsi pour l’évêque Castro Mayer. Lorsque celui-ci a renoncé au diocèse, il a été suivi par une cinquantaine de prêtres qui entretenaient de fait une organisation parallèle au diocèse. Et lorsque Monseigneur Castro Mayer est mort, un de ces prêtres a été consacré évêque par un des évêques qui suivaient Mgr Lefèbvre. Mais au moment de demander la réconciliation et grâce à Dieu, cet évêque, Monseigneur Rangel, et ses prêtres (parmi lesquels se trouve l’actuel évêque administrateur apostolique Monseigneur Rifan) ont reconnu que les conditions que Monseigneur Lefèbvre qualifiait « de nécessité » à l’époque pour justifier la consécration d’évêques sans mandat apostolique n’existaient plus. Ceci a été possible parce que le pape avait manifesté sa volonté de leur accorder l’usage du rite tridentin, en reconnaissant leur particularité. De leur côté, ils ont reconnu la validité du nouveau rite de la messe et la légitimité de Vatican II, tout en proposant de maintenir une discussion respectueuse et honnête sur certains textes conciliaires moins clairs, sur certaines interprétations de ces textes et sur certains développements survenus après Vatican II.
Pensez-vous que la solution adoptée par Campos a réussi ?
Cardinal Castrillon Hoyos :: Les faits le confirment. Grâce à Dieu les fidèles et les prêtres du diocèse et de l’administration coexistent fraternellement, les deux évêques se rencontrent fréquemment pour la coordination nécessaire et en plus, une dizaine d’évêques brésiliens ont déjà signé des conventions avec l’administration pour assister les fidèles de leurs diocèses qui aiment l’ancienne liturgie.
Mais il s’est agi d’une solution qui n’a pas plu aux dirigeants de la Fraternité…
Cardinal Castrillon Hoyos : Oui. La solution de Campos a représenté un moment délicat, parce que la Fraternité s’est montrée contrariée. Mais pour moi, il s’est agi d’un fait providentiel parce qu’il montrait une voie possible pour résoudre plus largement le problème. Éminence, revenons à l’audience du 29 août.
Comment a‑t-elle été organisée ?
Cardinal Castrillon Hoyos : L’audience a été demandée par Monseigneur Fellay par les voies normales, à travers ma personne en qualité de Préfet de la Congrégation pour le clergé et de président d”«Ecclesia Dei », étant donné que la Fraternité Saint Pie X est une réalité sacerdotale composée de prêtres ordonnés valablement, même si c’est de manière illégitime. Cette requête a été présentée au pape, et le pape a voulu accorder cette audience. Le théologien Ratzinger, le cardinal Ratzinger, avec sa grande compétence, avait toujours suivi la question. Il la connaissait bien, de même qu’il connaissait bien les personnes impliquées dans le dialogue. Le pape Benoît XVI a pu y ajouter l’assistance spéciale de l’Esprit Saint, garantie par le fait qu’il était devenu le successeur de Pierre.
Que pouvez-vous raconter de l’audience ?
Cardinal Castrillon Hoyos : Il s’est agi d’une rencontre sous le signe de la charité au sens théologique du terme, d’amour de Dieu et de son Église ; d’un entretien entre frères qui désirent, avec l’aide de Dieu, raccommoder le tissu de la pleine unité. Le pape a laissé parler les participants : Monseigneur Fellay, le père Schmidberger et moi-même. Ensuite le Saint-Père a parlé, en lançant un appel vigoureux en faveur de l’unité et en exprimant le vou que le rapprochement puisse advenir par étapes ni trop précipitées, ni trop lentes.
Quelles ont été les observations du supérieur de la Fraternité ?
Cardinal Castrillon Hoyos : Monseigneur Fellay – mais c’est une chose qu’on savait déjà – a eu la possibilité d’exposer ses craintes quant à l’état de l’Église catholique à la lumière des abus, pas seulement liturgiques, qui ont eu lieu après le Concile Vatican II. Je crois que les contributions critiques qui pourront venir en ce sens de la Fraternité pourront être une richesse pour l’Église, si elles s’expriment sous le charisme de Pierre et dans la charité pour nos frères. En effet, dans l’Église, nous sommes tous libres de formuler des observations critiques sur ce qui ne concerne pas les dogmes et la discipline essentielle de l’Église elle-même. Je peux témoigner à ce propos que le cardinal Ratzinger était déjà pleinement convaincu de la nécessité d’un dialogue théologique sur les points difficiles. On trouve plus de lumière dans la pleine unité pour étudier ces points sensibles.
Après l’audience, un cardinal qui fait autorité a enjoint à la Fraternité de reconnaître la légitimité de l’actuel pontife…
Cardinal Castrillon Hoyos : Ceci prouve malheureusement qu’à l’intérieur de l’Église, y compris à des niveaux élevés, on n’a pas toujours une connaissance complète de la réalité de la Fraternité. La Fraternité a toujours reconnu en Jean Paul II, et maintenant en Benoît XVI, le successeur légitime de saint Pierre. Ceci n’est pas un problème. Si par ailleurs il existe des réalités traditionalistes qui ne reconnaissent pas les derniers papes, ceux qu’on appelle des « sedevacantistes », c’est une autre question qui ne concerne pas la Fraternité Saint Pie X.
On sait que la Fraternité Saint Pie X demande au Saint-Siège une libéralisation de la messe tridentine et une déclaration attestant que cette liturgie n’a jamais été abolie.
Cardinal Castrillon Hoyos : La messe de saint Pie V n’a jamais été abolie. En ce qui concerne la libéralisation, je vous rappelle que s’est tenue, sous le pontificat de Jean Paul II, une réunion de tous les chefs de dicastères de la Curie et que très rares étaient ceux qui étaient hostiles à cette requête. Il serait dangereux de créer une opposition entre l’ancien rite et le nouveau. La liturgie ne peut pas être un champ de bataille. Comme prêtre, comme cardinal et comme Préfet de la Congrégation pour le clergé, j’éprouve une très grande douleur lorsque je vois le langage inacceptable avec lequel est traitée la volonté de Jésus de donner son corps et son sang et de les confier à l’Église. Et ceci ne vaut pas seulement pour certains représentants de la Fraternité Saint Pie X.
Y a‑t-il de nombreux évêques qui résistent à la libéralisation ?
Cardinal Castrillon Hoyos : Il arrive que le souci pastoral d’un évêque l’amène à penser qu’en accordant la permission de célébrer la messe tridentine dans son propre diocèse, il pourrait faire naître la confusion dans le peuple de Dieu. Et lorsque les fidèles qui demandent ce type de célébration sont en très petit nombre, on peut comprendre cette perplexité. En revanche, quand ceux qui demandent cette messe sont plus nombreux, il revient à la Commission « Ecclesia Dei » de rappeler à l’évêque, honnêtement et cordialement, que la volonté du successeur de Pierre est d’accorder généreusement la permission demandée par ces fidèles. Et je vois avec joie que, jour après jour, ceux qui l’accordent sont de plus en plus nombreux.
Vous connaissez bien le monde traditionaliste. Comment jugez-vous la piété personnelle des prêtres qui en font partie ?
Cardinal Castrillon Hoyos : Un grand nombre de prêtres traditionalistes que j’ai connus m’ont fait une excellente impression : ils ont un amour sincère du mystère. Malheureusement, il peut aussi y avoir quelques fanatiques qui sont lié
Pensez-vous qu’ils représentent l’héritage d’un passé qui serait de toute façon en voie de disparition ?
Cardinal Castrillon Hoyos : Il y avait, aux JMJ de Cologne, un groupe important de jeunes liés à la messe traditionnelle. Les échos ont été positifs, et cela montre à quel point ceux qui considèrent le phénomène traditionaliste comme une espèce en voie de disparition manquent de perspicacité, ne serait-ce que parce que proportionnellement, le nombre des vocations sacerdotales est nettement supérieur à celui de nombreux diocèses de l’Église. En septembre 2001, dans un discours à la réunion plénière de la Congrégation pour le culte divin, Jean-Paul II a fait l’éloge des « très belles prières » contenues dans le missel de saint Pie V. Cette allocution a été publiée avec un retard insolite par l’Osservatore romano et elle n’a jamais été publiée dans les Acta Apostolicæ Sedis, qui ont pourtant l’habitude d’imprimer les discours du pape aux réunions plénières des dicastères romains.
Et lorsque vous-même, le 24 mai 2003, vous avez célébré pour la première fois depuis la réforme liturgique postconciliaire une messe tridentine dans une basilique patriarcale romaine, Sainte-Marie-Majeure, l’Osservatore romano a totalement ignoré l’événement. Que pensez-vous de ces deux « censures » ?
Cardinal Castrillon Hoyos : Je préfère juger les faits plutôt que les intentions et j’ignore la cause de ces deux omissions, même si elles ont eu une grande répercussion.
Pensez-vous que le discours de Jean Paul II pourrait enfin être publié dans les Acta ?
Cardinal Castrillon Hoyos : Si le Pape n’a pas exprimé sa volonté explicite de ne pas faire publier ce discours qu’il avait pourtant prononcé lui-même, je crois qu’il est grave que cela n’ait pas été fait.
Lorsqu’il a annoncé, trois jours auparavant, l’audience que le pape allait accorder à la Fraternité, le Corriere della Sera du 26 août a écrit que la paix entre les disciples de Mgr Lefebvre et le Saint-Siège était une « paix impossible ».
Cardinal Castrillon Hoyos : Les journaux peuvent dire tant de choses… Heureusement, et je souligne heureusement, les journaux ne sont pas infaillibles.
Éminence, un dernier mot pour ceux qui reprochent à la Fraternité d’utiliser un langage parfois lourd, à la limite de l’irrévérence, envers le Saint-Siège.
Cardinal Castrillon Hoyos : Cela peut gêner, mais au fond je ne suis pas frappé par le fait que puissent apparaître des mots, des articles, des lettres, y compris certaines affirmations attribuées à Son Excellence Mgr Fellay, qui utilisent un langage plutôt cru. Tant qu’on n’est pas dans une pleine unité, et donc une pleine charité réciproque, on ne peut pas se scandaliser s’il y a encore certaines intempérances verbales. Il est toujours bon de rappeler les paroles de saint Augustin : « In necessariis unitas, in dubiis libertas, in omnibus caritas ».
[2] Entretien donnée par le Cardinal Hoyos à TV Canal5 le 13 novembre 2005
Version française
La messe antique en latin est suggestive mais aussi source de disputes. Aujourd’hui, pour la célébrer publiquement,il faut la permission de l’évêque du lieu, mais depuis des mois, le bruit court que Benoit XVI pourrait en décider la libéralisation. Cette rumeur persistante, toutefois, ne trouve pas d’écho dans les propos du Cal Castrillon, préfet de la Congrégation du clergé, et grand artisan du dialogue avec les groupes traditionalistes, à commencer par la Fraternité saint Pie X qui regroupe les fidèles de Mgr Lefebvre.
Cardinal Castrillon Hoyos :: « C’est la règle constante. L’évêque est le responsable. C’est à l’évêque de juger si pour son diocèse cela convient dans un moment précis ou si cela ne convient pas pour des raisons pastorales qu’il connaît, et dont il devra rendre compte à l’autorité du Pape, mais spécialement à Jésus, à Dieu. »
Donc, il s’agit de la réaffirmation de l’autorité des évêques, mais en même temps d’un appel à leur conscience pour éviter des rigidités inutiles et contribuer au long processus de rapprochement avec les lefébvriens, déjà entrepris sous le pontificat de Jean-paul II qui, en 1988, avait excommunié l’évêque français pour avoir effectué de façon illicite quatre ordinations épiscopales. Ce dialogue semble avoir reçu un nouvel élan avec la rencontre l’été dernier à Castel Gandolfo entre Benoit XVI et le supérieur de la Fraternité saint Pie X, Mgr Fellay.
Cardinal Castrillon Hoyos : « Nous ne sommes pas face à une hérésie. On ne peut pas dire en termes corrects, exacts, précis qu’il y ait un schisme. Il y a, dans le fait de consacrer des évêques sans le mandat pontifical, une attitude schismatique. Ils sont à l’intérieur de l’Eglise. Il y a seulement ce fait qu’il manque une pleine, une plus parfaite – comme cela a été dit durant la rencontre avec Mgr Fellay – une plus pleine communion, parce la communion existe. »
Version italienne originale
La messa antica in latino : suggestiva, ma anche fonte di dispute. Oggi per celebrarla pubblicamente occorre il permesso del vescovo locale, ma da mesi circola voce che Benedetto XVI possa deciderne la liberalizzazione. La voce insistente non trova però conferma nelle parole del cardinale Dario Castrillon Hoyos, prefetto della Congregazione per il clero, gran tessitore del dialogo con i gruppi tradizionalisti, a cominciare dalla Fraternità san Pio X che raccoglie i seguaci di monsignor Lefebvre.
Sonoro Castrillon : « E” sempre così. Il vescovo è il responsabile. Il vescovo pensa che per la sua diocesi questo è conveniente in un determinato momento o che non conviene per ragioni pastorali che lui conosce e delle quali dovrà dar conto all’autorità del Papa, ma specialmente a Gesù, a Dio. »
Dunque, insieme la riaffermazione dell’autorità dei vescovi, ma anche un richiamo alla loro coscienza per evitare rigidità inutili e contribuire alla lunga marcia di riavvicinamento con i lefebvriani, intrapresa già sotto il pontificato di Giovanni Paolo II che nel 1988 aveva scomunicato il vescovo francese per aver effettuato illecitamente quattro ordinazioni episcopali.Un dialogo che sembra aver trovato un nuovo slancio con l’incontro l’estate scorsa a Castel Gandolfo tra Bendetto XVI ed il superiore della s.Pio X Mons. Fellay.
Sonoro Castrillon : » Non siamo di fronte ad una eresia. Non si può dire in termini corretti, esatti, precisi che ci sia uno scisma. C’è una attitudine scismatica nel consacrare vescovi senza il mandato pontificio. Loro sono dentro la Chiesa, solo che manca una piena, una più perfetta ‑come è stato detto nell’incontro con monsignor Fellay- una più piena comunione, perchè c’è la comunione. »