Traduction partielle en français depuis l’original (1)
Les rumeurs ne cessent de ricocher entre elles dans toute la presse et à travers l’Internet au sujet des négociations en cours entre Rome et la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X. Certains individus publient, sur ces négociations, des déclarations censées faire autorité, alors qu’ils ne sont manifestement pas au courant de tous les faits. Mgr Bernard Fellay, Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X, a publiquement déclaré que contrairement à diverses allégations, aucune négociation n’était en chantier dans l’immédiat.
La plupart des partisans de la FSSPX ont poussé un soupir de soulagement en entendant cette nouvelle, de même que beaucoup de personnes qui, pour n’être pas de leurs rangs, n’en savent pas moins que la Fraternité fait contrepoids à tout le mouvement traditionaliste « approuvé ».
D’autres catholiques sont chagrinés que Mgr Fellay semble ignorer la branche d’olivier que lui tend le Vatican. Les auteurs du présent document, qui sont les rédacteurs en chef de deux journaux catholiques jouissant d’une large distribution, tiennent à faire part de leur soutien pour l’extrême prudence dont Mgr Fellay et la Fraternité Saint-Pie X doivent faire preuve dans toute négociation avec la Rome actuelle en cette passe très dangereuse de l’histoire. Dans la déclaration qui suit, nous avons l’intention d’exposer les raisons qui nous amènent à conclure que le moment n’est pas encore venu, hélas ! pour que la Fraternité conclue un accord.
« Garantir notre avenir »
Il y a trois ans, Mgr Fellay a avancé trois sages critères pour entamer des négociations avec l’actuel Vatican. Dans sa « Lettre aux amis et bienfaiteurs » du 3 juillet 2003, il mettait en garde :
« Pour garantir notre avenir, nous devons obtenir de la Rome d’aujourd’hui une preuve claire de son attachement à la Rome d’hier. Lorsque les autorités romaines auront réaffirmé avec des actions parlant plus fort que les mots qu’« Il ne doit pas y avoir d’innovations en dehors de la Tradition », alors « nous » [la Fraternité] ne serons plus un problème. »
Compte tenu de ces prudents critères, nous ne voyons pas comment des négociations actuelles garantiraient l’avenir de la Fraternité Saint-Pie X, car la Rome d’aujourd’hui ne fournit aucune preuve claire de son attachement à la Rome d’hier, aucun signe par des actions parlant plus fort que les mots qu’« il ne doit pas y avoir d’innovations en dehors de la Tradition ». En fait, on assiste même au contraire, d’autant plus que beaucoup de gens qui avaient commencé par saluer l’élection du cardinal Ratzinger à la papauté, y compris un certain nombre de catholiques conciliaires, considèrent maintenant d’un air déconfit les neuf premiers mois du nouveau pontificat.
Le pape Benoît XVI, dont la première allégeance est toujours allée à la nouvelle théologie moderniste, ne semble pas différent du cardinal Ratzinger, qui applaudissait Vatican II pour avoir été un anti-Syllabus et qui déclarait avec emphase : « Il ne doit pas y avoir de retour au Syllabus ». Cela devait apparaître à l’évidence dans le discours qu’il a prononcé le 22 décembre 2005 devant la Curie Romaine et au cours duquel il n’a cessé de louer la liberté religieuse de Vatican II comme constituant le nouvel étalon-or des relations entre l’Église et l’État. L’allégeance à la nouvelle vision mondiale de Vatican II ressort avec la même évidence d’autres discours dans lesquels le pape prône une « saine laïcité », alors que rien ne saurait répugner davantage à la Royauté sociale de Jésus-Christ préconisée par le Magistère papal d’avant Vatican II.
Le fait que ce discours du 22 décembre dénonce l’« herméneutique de la discontinuité et de la rupture » n’est pas ce sur quoi on peut placer beaucoup d’espoir. Pendant des années, le cardinal Ratzinger a déploré les mauvaises interprétations du Concile. Mais il n’a jamais dit que la solution de ce problème résidât dans un retour à la tradition d’avant Vatican II. Au contraire, il a maintes fois répété que pour résoudre le problème en question, il fallait découvrir le « véritable » enseignement de Vatican II. La solution du cardinal Ratzinger – et, aujourd’hui, celle du pape Benoît XVI – au chaos actuel consiste à renvoyer les catholiques aux documents libéraux et ambigus de Vatican II, ceux-là mêmes qui ont provoqué la crise.
Un retour à Quas Primas, au Serment anti-moderniste, au Syllabusdu bienheureux Pie IX n’occupe aucune place dans la « restauration » que le pape pourrait éventuellement préconiser. Le Benoît XVI d’aujourd’hui n’est autre que le cardinal Ratzinger d’hier. La nouvelle théologie de Vatican II est toujours le centre de son univers.
Aussi une question brûle-t-elle les lèvres des catholiques inquiets : comment une Fraternité Saint-Pie X « réconciliée » pourrait-elle opérer librement sous l’égide de la nouvelle théologie moderniste, alors que sa raison d’être même est de s’opposer publiquement à cette nouvelle théologie destructrice ?
En effet, c’est bien là le point crucial sur lequel il serait fatal pour la FSSPX d’accepter un compromis. Pourtant il semble probable que Rome attende de la Fraternité qu’elle « cède un peu » sur la question de l’acceptation du Concile.
Il est hors de question que la FSSPX (qui n’est pas formellement en état de schisme – ainsi qu’est allé jusqu’à l’admettre le cardinal Castrillón Hoyos, de la Commission pontificale Ecclesia Dei – et qui n’est pas sédévacantiste) puisse conserver indéfiniment son statut canonique « irrégulier ». En fin de compte, elle réintégrera entièrement le giron de Pierre, très probablement après que Rome aura abandonné la politique de l’échec de Vatican II, événement dont nous sommes convaincus qu’il doit se produire et qu’il se produira à l’heure voulue par Dieu.
Nous sommes pourtant d’avis que l’« état d’urgence », loin d’avoir disparu, s’est au contraire tellement enraciné dans l’élément humain de l’Église qu’il ne faudra rien de moins qu’une intervention divine pour restaurer notre Mère la Sainte Église. Comme le regretté Michael Davies le notait peu avant sa mort, nous sommes « au-delà de la crise », car l’Église n’est même plus capable d’engendrer les vocations sacerdotales nécessaires pour assurer l’administration des sacrements aux fidèles. L’augmentation du nombre des « paroisses sans prêtre » est là pour rappeler cette triste réalité.
Vatican II
Après la rencontre du 29 août dernier entre Mgr Fellay et le pape Benoît XVI, le cardinal Francesco Pompedda, ancien préfet de la Signature apostolique, a déclaré au quotidien italien La Stampa que la Fraternité Saint-Pie X ne pourrait se réconcilier avec le Saint-Siège que si elle reconnaissait la validité des décrets de Vatican II.
De même, John Allen, du National Catholic Reporter, a énuméré – d’une manière d’ailleurs assez inexacte – les « quatre conditions posées par la direction de la FSSPX pour un rapprochement :
1. plus large autorisation de célébrer la Messe d’avant Vatican II ;
2. levée des excommunications contre les quatre évêques consacrés par Mgr Lefebvre en 1988 ;
3. reconnaissance du droit de critiquer certains aspects de Vatican II, en particulier son enseignement sur la liberté religieuse ;
4. octroi d’une structure canonique – par exemple, une administration apostolique – pour donner aux traditionalistes une certaine autonomie. »
S’agissant des deux premier points, la Fraternité Saint-Pie X ne demande pas une plus large « autorisation » de célébrer la Messe tridentine, car une telle autorisation serait superflue. Elle veut simplement, comme tout vrai catholique, que le Vatican admette la vérité, qui est que la Messe tridentine n’a jamais été interdite et que tous les prêtres sont libres de la célébrer sans « indult » spécial de la part des évêques.
Dans le même esprit, la FSSPX ne demande pas au Vatican de « lever » les excommunications de 1988, car elle ne reconnaît pas leur existence. Là encore, la Fraternité veut seulement que Rome admette la vérité en déclarant ces excommunications nulles et non avenues.
En outre, la Fraternité présente ces deux premiers points non comme conditions d’une réconciliation, mais comme conditions pour engager des négociations pouvant déboucher sur sa régularisation. Cependant, elle demande que le Vatican commence par s’exprimer honnêtement sur ces deux points importants. Si le Vatican ne veut pas admettre la vérité – et si une institution est tenue d’admettre la vérité, c’est bien lui –, les négociations sont plutôt inutiles.
En ce qui concerne le troisième point, qui est capital et devrait faire figure de condition absolue pour la régularisation de la FSSPX, John Allen écrit :
« Un cardinal du Vatican, interrogé par NCR le 2 février, a déclaré qu’il doutait que le Saint-Siège puisse accepter les conditions posées par la Fraternité pour une réconciliation, en particulier la reconnaissance du droit d’être en désaccord avec des éléments de Vatican II. « Cela aurait de très graves conséquences pour l’unité de l’Église », a dit le cardinal. Le prélat, qui a gardé l’anonymat, a encore déclaré qu’il pensait que le pape « comprenait cela très bien » et n’avancerait donc qu’avec prudence. ».
(…)
L’ancien mépris du cardinal Ratzinger pour les catholiques de tradition
(…) Le pape Benoît XVI et la FSSPX sont d’accord, il convient de le noter, pour dire que l’Église est en crise. Leur désaccord tient à la cause de cette crise. Le pape soutient que Vatican II est bon en soi, mais mal interprété et appliqué. La Fraternité Saint-Pie X soutient (à juste titre, selon nous) que Vatican II se résume à une pile de documents entachés d’erreur qui ne peuvent que produire de mauvais fruits. Quiconque possède une connaissance ne serait-ce que rudimentaire de l’histoire du Concile sait que les documents en ont été rédigés par des théologiens radicaux et dans une intention révolutionnaire.
Malheureusement, l’abbé Joseph Ratzinger a été l’un de ces théologiens radicaux du Concile. Il ne reconnaît pas les dangers inhérents à ces textes ambigus. Pour lui, la résistance à Vatican II lui-même n’est pas une option admissible, ce qui le place en opposition frontale avec Mgr Lefebvre et les motifs de résistance exposés par ce dernier. Dans J’accuse le Concile, Mgr Lefebvre écrit :
« Il est néanmoins certain que le Concile a été détourné de ses buts par un groupe de conspirateurs et qu’il nous est impossible de prendre la moindre part à cette conspiration, malgré le fait qu’il puisse y avoir des déclarations satisfaisantes dans Vatican II. Les bons textes ont servi de couverture pour faire accepter et passer les textes qui sont des leurres, qui sont équivoques et dénués de sens. Il ne nous reste qu’une solution : abandonner ces dangereux exemples et nous accrocher à la tradition, c’est-à-dire à ce qui est le Magistère officiel de l’Église depuis 2000 ans. »
Pas du tout, dit le cardinal Ratzinger, à présent pape Benoît XVI : il faut sauver le Concile, dont la richesse reste à « découvrir » ; là encore, il y a une divergence irréconciliable avec la FSSPX. Dans ces conditions, qu’est-ce qui pourrait bien servir de base à des négociations à moins que le Vatican ne fasse un grand pas à droite, ou la Fraternité un tout aussi grand pas à gauche ?
Pour des catholiques de tradition, il n’est pas question de dépoussiérer les textes de Vatican II de ce qu’ils ont de révolutionnaire. Résister à Vatican II, débarrasser le monde de ce fléau et retourner à la Tradition catholique sont les seuls moyens de sortir du chaos actuel. Cette position catholique traditionnelle est représentée par la Fraternité Saint-Pie X, et ne trouvera aucun écho favorable dans la hiérarchie actuelle.
Notre Seigneur a averti Ses Apôtres que certains vous « mettront à mort… croyant rendre un culte à Dieu » (Jn 16 : 2). Il est donc probable que les dirigeants actuels du Vatican, malgré leurs sourires de circonstance, tenteront de tuer la résistance antimoderniste de la FSSPX « en croyant rendre un culte à Dieu ». Le Vatican actuel s’est persuadé, à coup sûr, que l’amalgame hégélien de la FSSPX dans la très moderniste « réalité ecclésiale d’aujourd’hui » constitue une mission à accomplir pour le bien de l’Église. Le cardinal Castrillón Hoyos a bien manifesté cette attitude dans ses relations avec la Fraternité Saint-Pierre.
Ostpolitik traditionaliste
Une partie de cette insertion dans la « réalité ecclésiale d’aujourd’hui » consiste, pour le Vatican, à accorder leur « régularisation » aux groupes traditionalistes pourvu qu’ils ne s’opposent pas publiquement à la nouvelle messe et à l’orientation oecuménique de Vatican II. Il s’agit d’une sorte de pacte Vatican-Moscou à l’usage des catholiques de tradition.
Au début des années soixante, le pape Jean XXIII a conclu avec Moscou un pacte aux termes duquel Moscou autoriserait des observateurs orthodoxes russes à assister au Concile, en échange de quoi celui-ci ne critiquerait ni ne condamnerait le communisme. Monseigneur Lefebvre pensait que ce pacte avec Moscou suffisait – en soi et de soi – à condamner le Concile :
« Le refus de ce concile pastoral d’émettre la moindre condamnation officielle du communisme suffit à elle seule à le disgracier à jamais, quand on pense aux dizaines de millions de martyrs, aux gens dont la personnalité a été scientifiquement détruite dans les hôpitaux psychiatriques, où ils servaient de cobayes à toutes sortes d’expériences. Et le Concile pastoral, qui rassemblait 2.350 évêques, n’a pas dit un mot, malgré les signatures de 450 Pères qui exigeaient une condamnation et que j’ai moi-même apportées à Mgr Felici, secrétaire du Concile, en compagnie de Mgr Sigaud, Archevêque de Diamantina. Faut-il poursuivre encore l’analyse pour parvenir à ses conclusions ? Ces lignes me semblent suffisantes pour justifier le refus de suivre ce concile, ces réformes, ces tendances dans tout leur libéralisme et tout leur néo-modernisme ».
Le silence du Vatican plut évidemment aux communistes, qui se moquent de savoir si vous êtes contre eux, pourvu que vous ne vous opposiez pas publiquement à eux. De même, le Vatican moderniste se moque que les catholiques de tradition n’aiment ni la nouvelle messe, ni le nouvel oecuménisme, pourvu qu’ils ne les critiquent pas. Jusqu’à présent, cela a été l’accord d’Ecclesia Dei Adflicta avec les « catholiques attachés à la Messe tridentine ».
C’est d’ailleurs ce que s’est entendu dire très exactement l’un d’entre nous, qui s’était rendu en visite à Rome en 1994 auprès de la Commission Ecclesia Dei. Un responsable de cette commission lui a expliqué qu’une condition essentielle de « régularisation » était que le groupe traditionnel concerné accepte de n’émettre aucune opposition publique à Vatican II ou à la nouvelle messe.
Nous pensons qu’il est immoral de conclure un tel accord, d’échanger le silence contre la reconnaissance. Les médecins ne doivent pas se contenter de promouvoir la bonne santé ; encore doivent-ils combattre les maladies qui tuent. De même, les prêtres catholiques sont tenus non seulement d’enseigner la vérité, mais aussi de combattre l’erreur. Or, jusqu’à présent, le compromis Ecclesia Dei dit aux prêtres qu’il y a des erreurs qu’ils n’ont pas le droit de combattre. Et ce sont ces erreurs qui tiennent aujourd’hui le haut du pavé.
Une telle démarche est absurde. C’est comme dire à saint Thomas d’Aquin qu’il est libre de célébrer l’ancienne Messe en latin pourvu qu’il ne dise rien contre les Albigeois. Ou comme de dire à saint Ignace de Loyola que lui-même et ses jésuites sont libres de célébrer la Messe tridentine pourvu qu’ils ne disent rien contre le protestantisme.
On ne peut qu’imaginer jusqu’où un saint Athanase aurait écouté ces modernes quiétistes, qui échangent le silence contre la « régularisation », s’ils lui avaient ne serait-ce que suggéré de se concentrer sur ce sur quoi les catholiques sont « pour » et de cesser de critiquer ce sur quoi ils sont contre, à savoir l’arianisme ! Il leur aurait ri au nez.
Accepter de se taire face aux erreurs du Concile pour être reconnu du Vatican actuel empêche beaucoup de bons prêtres Ecclesia Dei et Indult de critiquer les changements post-conciliaires, parce qu’ils sont terrifiés à l’idée de déplaire à l’évêque du lieu, qui peut leur retirer leur Messe hebdomadaire avec Indult. Trop souvent, ceux qui consentent à faire cet échange perdent le sens du combat catholique que requiert l’époque actuelle. Le rapide effondrement de Campos en offre un exemple particulièrement évident.
Les prêtres de Campos, au Brésil, qui constituaient naguère un bloc d’opposition à Vatican II, sont maintenant neutralisés. Mgr Rifan, évêque de Campos, prend part à la nouvelle messe, et la résistance publique du clergé au modernisme conciliaire a fait long feu. L’abbé Peter Scott, Recteur du séminaire de la FSSPX en Australie, a écrit à ce sujet, fin 2004 :
« Qu’est-ce qui peut bien expliquer le changement de ton de ces vingt-cinq prêtres de Campos, qui ont refusé trente-trois ans durant toute collaboration avec la nouvelle messe, qui ont exposé ces fameuses raisons de ne pas assister à la nouvelle messe et de ne pas y collaborer, qui ont si bien défendu le statut canonique des prêtres traditionnels, persécutés justement à cause de leur refus de célébrer la nouvelle messe ? Ce n’est pas la mort de Mgr De Castro Mayer, intervenue onze ans avant que ce compromis n’ait lieu, ni le besoin d’un évêque, puisque la Fraternité Saint-Pie X leur en avait fourni un. C’est tout simplement le fruit d’un troc politique, du compromis exigé d’eux en échange d’une reconnaissance de leur Administration apostolique. Et l’on y voit bien la queue du diable. Non seulement il leur a été interdit toute œuvre missionnaire hors du diocèse, non seulement ils ont été placés sous l’autorité de l’évêque diocésain dans tous leurs apostolats de Campos, mais voici à présent qu’on les oblige à collaborer à la nouvelle messe, de même qu’à la justifier.
Le père Cottier, O.P., théologien personnel du pape Jean-Paul II, avait prédit cette issue il y a plus de deux ans, lors de la consécration épiscopale de Mgr Rifan, en déclarant : « Nous devons attendre un peu avant de demander d’autres actes indiquant qu’ils en sont venus à notre manière de penser : par exemple, une participation aux concélébrations dans le rite réformé. Ici nous devons faire preuve de patience… L’unité redécouverte dans le sein de l’Église renferme en elle-même une dynamique qui portera ses fruits. » Déclaration prophétique, assurément. Il est triste d’avoir à noter que la Fraternité Saint-Pierre a mis onze ans à accepter le Protocole 1411, qui oblige ses membres à célébrer ou à concélébrer la nouvelle messe si l’évêque Novus Ordo le demande, mais qu’il n’a fallu que deux ans aux prêtres de Campos pour en arriver au même point. La politique de Rome est très claire : ramener ces prêtres à soi au moyen d’un statut canonique, puis exercer sur eux des pressions suffisantes pour qu’ils se soumettent, et même pour qu’ils justifient leur soumission. Ce n’est là rien d’autre qu’une victoire complète du modernisme ».
Il n’existe aucune raison de croire que la « politique de Rome » ait changé en ce qui concerne le projet de régularisation de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X.
Prudence et circonspection
Il y a eu des rumeurs selon lesquelles la FSSPX allait conclure un « accord » avec Rome d’ici Pâques ou avant la fin du mandat de Supérieur général de Mgr Fellay, l’été prochain. Nous n’avons jamais ajouté foi à ces rumeurs, tant il semblait peu probable que la hiérarchie de la Fraternité, après avoir si bien réussi à conserver l’unité de celle-ci durant les dix-huit ans écoulés depuis les consécrations épiscopales, commettrait tout à coup une imprudence confinant à la folie. On ne peut qu’imaginer le chaos qui se produirait si le Vatican actuel avait son mot à dire dans l’élection à venir d’un nouveau Supérieur général.
Cette rumeur s’est révélée fausse, comme bien d’autres.
À l’imitation de Mgr Lefebvre, son fondateur, la Fraternité Saint-Pie X gardera ouvertes certaines lignes de communication avec le Vatican actuel. Elle obéira aussi à l’exhortation émise par Notre Dame à Fatima de « prier beaucoup pour le Saint-Père ». Mais compte tenu des remarques formulées dans le présent document, il semble que le temps n’est pas encore venu de conduire des négociations sérieuses en vue d’une régularisation.
Pour reprendre les sages critères de Mgr Fellay, le Vatican n’a donné aucune « preuve claire de son attachement à la Rome d’hier », il n’a pas « réaffirmé avec des actions parlant plus fort que les mots qu’il ne doit pas ‘y avoir d’innovations en dehors de la Tradition’ ». Il nous semble peu probable qu’une régularisation orchestrée par le Vatican actuel garantisse l’avenir de la Fraternité Saint-Pie X ou profite le moins du monde au mouvement traditionaliste mondial.
De peur que la présente déclaration n’apparaisse pas aux yeux de certains comme une entreprise partisane émanant de certaines forces intérieures à la FSSPX, nous tenons à bien préciser que ni The Remnant, ni Catholic Family News ne sont des publications de la Fraternité Saint-Pie X. En outre, cette déclaration est co-rédigée par quelqu’un qui assiste régulièrement à la Messe avec Indult et qui est convaincu qu’en l’absence de l’important contrepoids constitué par la FSSPX, il n’y aurait ni Messe avec Indult, ni Fraternité Saint-Pierre, ni Institut du Christ-Roi, ni bourgeonnement du mouvement traditionaliste international. Si la Fraternité Saint-Pie X était retirée de cet édifice à l’équilibre précaire, quelles garanties aurions-nous que Rome continuerait à se montrer « généreuse » avec nous ?
Tous les traditionalistes, par conséquent, ont un intérêt dans cette affaire. La question que nous devons nous poser – où que nous assistions à la Messe – est la suivante : quel avantage le traditionalisme tirerait-il d’un rapprochement entre la Fraternité Saint-Pie X et le Vatican alors que le motu proprio Ecclesia Dei précise bien qu’il n’y aurait pas de Messe avec Indult s’il n’y avait pas de Fraternité Saint-Pie X ? Certains cardinaux éminents de la Curie romaine reconnaissent eux-mêmes ouvertement que la FSSPX n’a jamais été en situation de schisme formel. Il n’existe donc, à l’évidence, aucun danger pour les âmes, alors qu’il y en aurait manifestement un en cas de schisme formel. Ajoutons à cela que si les évêques libéraux accordent régulièrement des Messes avec Indult, c’est dans l’unique but de contrer la Fraternité Saint-Pie X. Celle-ci, en effet, connaît un développement exponentiel dans le monde entier, comme la Fraternité Saint-Pierre, comme L’Institut du Christ-Roi, etc. En fait, il semble évident qu’en l’état actuel des choses, le mouvement traditionaliste tout entier a intérêt à ce que la FSSPX reste sur ses positions. Quelle est, dans ces conditions, l’urgence d’un rapprochement ? À nos yeux, il n’y en a pas. Aux yeux de Rome, elle semble grande. Pourquoi ?
Comme nous achevions de rédiger cette déclaration, des nouvelles de Rome sont venues confirmer la nécessité de se montrer extrêmement prudent. Selon ces nouvelles, Benoît XVI souhaite « avancer progressivement et en temps raisonnable » vers la résolution de la « question Lefebvre ». En même temps, le cardinal Arinze, du Vatican, souligne que le pape « ne peut désavouer Vatican II pour faire plaisir aux lefebvristes. Le pape ne peut tout réinventer, ou faire comme si Vatican II n’avait pas eu lieu ». Voilà un commentaire bien curieux dans la mesure où, justement, les architectes de Vatican II ont tout réinventé et subverti l’enseignement traditionnel de l’Église pour faire plaisir aux modernistes.
Nous sommes manifestement arrivés à la croisée des chemins. Les dirigeants romains vieillissants croient de moins en moins à la survie de leur Révolution conciliaire. La Tradition reflue avec force dans les veines et les artères de l’Église universelle, alors que les églises du Novus Ordo se vident et se vendent au plus offrant. Il est évident que ce n’est pas le moment pour les traditionalistes de baisser pavillon, ni pour la Fraternité Saint-Pie X de mettre fin au combat solitaire qu’elle mène au nom de la sainte Tradition, ou d’accepter quoi que ce soit qui ne serait pas un accord fondé sur la promesse faite par Rome de révoquer Vatican II.
D’ici là, nous devons prier chaque jour pour le pape Benoît XVI, afin qu’il vienne à reconnaître l’urgente nécessité de restaurer l’Église, non pas selon une interprétation plus traditionnelle de Vatican II, mais bien plutôt à la lumière de la sainte Tradition elle-même, seule réponse possible au chaos cataclysmique déchaîné par la révolution post-conciliaire. Nous devons prier aussi pour que la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X continue d’employer toutes ses ressources à résister au Concile et à sa nouvelle messe. Pourquoi ? Monseigneur Marcel Lefebvre a répondu d’avance à cette question il y a bien des années :
« La conclusion est inéluctable, surtout à la lumière du bouleversement général que l’Église a connu depuis le deuxième Concile du Vatican : cet événement destructeur pour l’Église catholique et pour toute la civilisation chrétienne n’a été ni dirigé, ni conduit par le Saint-Esprit ».
Michael J. Matt, Rédacteur en chef de The Remnant (2) et John Vennari, Rédacteur en chef de Catholic Family News (3)
Notes de LPL
(1) Texte anglais original
(2) Les auteurs de cette déclaration tiennent à préciser que leurs journaux n’appartiennent pas à la Fraternité Saint-Pie X. L’un d’entre eux fait savoir qu’il assiste régulièrement à la messe avec indult. Il s’agit donc d’un point de vue indépendant sur les relations entre Rome et la Fraternité Saint Pie X.
(3) Ibidem