Chers fidèles,
La levée des excommunications et l’émoi provoqué par l’interview de Monseigneur Williamson à la Télévision Suédoise sont peut-être les deux sujets qui ont le plus rempli les pages des journaux durant ce dernier mois.
Historique des excommunications
Le 30 juin 1988, Monseigneur Lefebvre consacre quatre évêques pour la Fraternité St-Pie X. Le Pape Jean-Paul II juge que « cet acte a été une désobéissance au Souverain Pontife en une matière très grave et d’une importance capitale pour l’unité de l’Eglise…, une telle désobéissance, qui constitue en elle-même un véritable refus de la primauté de l’évêque de Rome, … un acte schismatique. » (Motu Proprio Ecclesia Dei) Monseigneur Lefebvre accomplit cet acte malgré la monition formelle qui lui a été envoyée, et le pape prononce l’excommunication contre Monseigneur Lefebvre, Monseigneur de Castro Mayer et les quatre évêques consacrés. Jusqu’au pèlerinage de la Tradition à Rome, en l’Année Sainte 2000, il n’y a que des développements insignifiants dans les relations entre Rome et la Fraternité. Mais ce pèlerinage démontre aux autorités romaines les fruits de la Tradition Catholique : de multiples jeunes vocations, les familles nombreuses, un peuple catholique, fervent, joyeux et fier de sa foi. Déjà pendant ce pèlerinage, une porte à de nouveaux contacts s’ouvre, grâce à la foi convaincante des pèlerins : le Cardinal Castrillon Hoyos invite les quatre évêques de la Fraternité au Vatican. Certes, ce n’est qu’une première prise de contact, mais elle montre la volonté romaine de s’occuper de la Fraternité. Comment va procéder cette faible petite Fraternité en face du géant puissant qu‘est Rome ?
En janvier 2001, le Conseil Général esquisse les contours du futur chemin de la Fraternité. Comme l’expérience de la Tradition avec Rome n’inspire pas confiance, la Fraternité doit logiquement s’attendre à se voir traitée comme tous ceux qui ont quitté le combat de Monseigneur Lefebvre. Pour se protéger, elle demande des actions concrètes qui indiquent sans équivoque les intentions romaines à son égard : que la célébration de la messe Tridentine soit libérée pour tous les prêtres, et que le décret d’excommunication soit retiré. Ces deux mesures ne sont pas réclamées pour obtenir directement un avantage pour la Fraternité elle-même, mais bien pour redonner un souffle traditionnel au Corps mystique et ainsi, indirectement, aider à un sain rapprochement entre la Fraternité et Rome. Une fois que Rome aura satisfait à la demande de ces deux préalables et que le climat ‘anti-traditionnel’ aura commencé à changer, la Fraternité acceptera de s’engager dans des discussions avec Rome. Á la fin, sa situation canonique se règlera.
Le 7 juillet 2007 – suite à la Croisade du Rosaire – le Motu Proprio ‘Summorum Pontificum’ est rendu publique. Quel bel acte – acte encourageant – pour la Tradition. Non seulement la messe est libérée et tous les prêtres peuvent dorénavant la dire, mais le Pape statue encore qu’elle n’a jamais été abrogée. Le combat de Monseigneur Lefebvre est réhabilité, son courage couronné de l’aval papal. En plus, le Motu Proprio donne aux prêtres le droit de dire le Bréviaire et d’utiliser, pour l’administration des sacrements et pour les bénédictions, le Rituel de 1962. Le premier obstacle est passé !
Au début de juin 2008, le Cardinal Castrillon Hoyos envoie un ultimatum à Monseigneur Fellay et menace la Fraternité de ‘re’-déclarer le schisme si elle ne montre pas publiquement sa volonté de collaborer avec Rome avant la fin du mois. La Fraternité est supposée s’engager :
- à donner une réponse proportionnée à la générosité du Pape
- à éviter toute intervention publique qui ne respecte pas la personne du Saint-Père et qui serait négative pour la charité ecclésiale
- à éviter la prétention d’un magistère supérieur au Saint-Père et à ne pas proposer la Fraternité en contraposition à l’Eglise
- à démontrer la volonté d’agir honnêtement en toute charité ecclésiale et dans le respect de l’autorité du Vicaire du Christ
- à respecter la date – fixée à la fin du mois de juin – pour répondre positivement. Cela sera une condition requise et nécessaire comme préparation immédiate à l’adhésion pour accomplir la pleine communion.
Au mois d’Octobre, Monseigneur Fellay répond à cette menace dans sa ‘Lettre aux Amis et Bienfaiteurs’ : « Nos prises de position sont interprétées comme des retards, des atermoiements voulus, on met en doute nos intentions et notre bonne volonté de discuter vraiment avec Rome. On ne comprend pas pourquoi nous ne voulons pas d’une solution canonique immédiate. Pour Rome, le problème de la Fraternité serait par là-même résolu, les discussions doctrinales seraient évitées ou reportées. Pour nous, chaque jour nous apporte des preuves supplémentaires de la nécessité de clarifier au maximum les questions sous-jacentes avant d’aller plus avant dans une situation canonique, qui n’est cependant pas pour nous déplaire. Mais c’est là un ordre de nature, et inverser les choses nous mettrait immanquablement dans une situation invivable ; nous en avons la preuve tous les jours. Il y va ni plus ni moins de notre existence future. Nous ne pouvons pas et nous ne voulons pas laisser d’ambiguïté sur la question de l’acceptation du Concile, des réformes, des nouvelles attitudes tolérées ou favorisées. » Notre Supérieur Général se montre ferme et décidé à ne pas abandonner le chemin esquissé en 2001 : tant qu’il n’aura pas été satisfait aux deux préalables, la Fraternité ne s’engagera pas dans des discussions, et une solution canonique n’est envisageable qu’après la fin de ces discussions. Dans la même lettre il relance les fidèles à une nouvelle Croisade du Rosaire.
En date du 15 décembre, Monseigneur Fellay envoie une lettre au Cardinal Hoyos réaffirmant notre volonté de rester catholiques : « Nous croyons fermement à la Primauté de Pierre … Nous sommes prêts à écrire avec notre sang le Credo…, nous faisons nôtres tous les conciles jusqu’à Vatican I. Mais nous ne pouvons qu’émettre des réserves au sujet du Concile Vatican II. » Dans la même lettre, Monseigneur exprime clairement les grandes souffrances causées par la situation actuelle, et demande de nouveau le retrait du document de l’excommunication de 1988.
Au mois de janvier, Monseigneur porte à Rome les résultats de la deuxième Croisade du Rosaire : 1.703.000 chapelets pour la levée des excommunications. Dans les jours qui suivent sa visite à Rome, le 21 janvier, le décret romain est signé et rendu public le 24 janvier.
Conséquences
Le Concile Vatican II était le détournement clair et net de la Tradition et l’ouverture vers les idées nouvelles ; le décret de la levée des excommunications sera le commencement d’un nouvel intérêt pour l’enseignement traditionnel et le retour des changements conciliaires. Le décret, après plus de quarante ans, rapproche Rome de la Tradition. Il est un grand pas vers la réunification de l’Autorité catholique avec la Vérité catholique. Trop longtemps autorité et vérité étaient divorcées. Depuis le Motu Proprio Summorum Pontificum, on ne peut plus affirmer que le véritable rite de la Messe est banni par Rome. Bien sûr, certains vont se comporter tout de même comme si ce rite était toujours interdit. Après le décret du 21 janvier, personne ne peut plus dire que les catholiques attachés à la Tradition sont ‘en dehors de l’Église’. Et là aussi, certains conciliaires vont continuer à agir comme si les traditionalistes étaient en dehors. Mais cette fois, ils n’auront plus le Pape de leur côté.
La multitude des articles publiés contre la levée des excommunications montre clairement que les adeptes du Concile Vatican II sont opposés à la démarche du Pape. Ils craignent les conséquences logiques de la levée des excommunications. Des articles titrés comme : « Tenir le cap du Concile Vatican II » montrent l’enjeu de la question. La pétition contre l’acte papal en Allemagne révèle ce que les théologiens modernes demandent de nous et ce qu’ils désirent défendre : « C’est la reconnaissance absolue des décisions arrêtées au Concile de Vatican II qui est réclamée ». Ces théologiens invitent tous les visiteurs de leur site à voter contre la décision parce qu’ils refusent d’accepter « dans l’Église un groupe qui refuse d’accepter le Concile » … Le Cardinal Kasper, Président du Conseil Pontifical pour l’Unité des Chrétiens déplore le décret qui est pour lui une ‘réhabilitation partiale de la Tradition’, et CWN-news marque dans un article : « Le Pape Benoît XVI a fait un pas audacieux visant à mettre fin à une division qui a commencé voici plus de 20 ans. Dans le même temps, il a ouvert la voie à un débat sur la question théologique la plus importante qui se pose au monde chrétien d’aujourd’hui. Le résultat de ce débat aura une importance qui s’étend bien au-delà des cercles du traditionalisme catholique.
Discussions
Si, dans un futur proche, la Fraternité s’engage dans des discussions avec Rome, cela ne veut pas dire qu’elle sera ramenée automatiquement sous l’égide de Vatican II. Le décret n’engage à rien d’autre qu’à entreprendre des discussions auxquelles la Fraternité s’était engagée elle-même dès l’année 2000, quand elle avait demandé comme préalables la libération de la Messe et la levée des ‘excommunications’. Comment la Fraternité pourrait-elle ne pas se réjouir de l’occasion qui lui est donnée de pouvoir exposer devant Rome les sérieux motifs doctrinaux qu’elle croit être à la base de la crise actuelle de l’Église ? Bien sûr, il y a des deux côtés – les sédévacantistes et les conciliaires – des voix qui prétendent savoir que Monseigneur Fellay aurait déjà signé des accords avec Rome. Les uns mobilisent les ‘durs’ en rangée de bataille contre ‘Bernie Fellay’ et font des pétitions pour enlever de son poste ‘le traître à la mission de Monseigneur Lefebvre’. Les autres veulent calmer les cercles modernistes et disent : « Nous savons que les délicates négociations entre le Vatican et la Fraternité Saint Pie X ont été menées au cours des dernières années. Mgr Fellay a rencontré le Pape en 2005 ; les excommunications sont restées en vigueur pendant plus de trois ans après cette réunion. On peut affirmer sans crainte que, pendant ce temps, le Vatican a cherché à obtenir l’assurance que la Fraternité serait ouverte à une véritable réconciliation. Les excommunications n’ont été levées que lorsque ces assurances ont été reçues. En d’autres termes, le geste public du Pape nous dit que des entretiens privés sont déjà bien avancés. »
Nouvelle Croisade
Le Pape a montré un courage et une bienveillance extraordinaires à l’égard de la Tradition en satisfaisant aux deux préalables posés en 2001. Ce que semblait, à l’époque, être une demande irréaliste et au-dessus des toutes les possibilités ‑et dont l’accomplissement est un miracle manifeste – est devenu maintenant la réalité.
Mais rendons-nous compte que tout jusqu’ici n’était qu’une modeste introduction dans le vrai combat, que jusqu’à maintenant on n’a rien fait d’autre que de placer les pièces sur l’échiquier et de se faire valoir comme un joueur respectable : rien de plus. Le grand jeu ne commence que maintenant. La discussion sera engagée et on verra finalement du mouvement sur les positions.
Qui sera le gagnant ? Personne n’en doute : la Sainte Vierge ! Par elle nous avons obtenu la libération de la Messe dans une première Croisade du Rosaire. Elle nous a comblés de nouvelles grâces dans notre Deuxième Croisade. Les 1.703.000 chapelets nous ont valu la levée des excommunications.
Une troisième Croisade ne peut qu’aboutir à la victoire finale !
Pendant ce temps du Carême, prions donc fidèlement notre chapelet. Rajoutons volontairement un deuxième ou même un troisième chapelet par jour. L’enjeu est d’une importance immense : l’Église peut, oui, elle doit sortir de sa crise.
La première intention dans la récitation de notre chapelet sera par conséquence l’action de grâce à l’égard de la Sainte Vierge.
La deuxième intention sera pour notre Saint Père le Pape. Il n’y a fort probablement aucun autre Cardinal – éligible en 2005 – qui aurait voulu, ou aurait osé faire les démarches qu’a entreprises le Pape Benoît XVI. Certainement il avait prévu le refus de la part de beaucoup des évêques et le ‘tollé’ de la part de la presse chaque fois qu’il entreprendrait une démarche en faveur de la Tradition. Et tout de même, il n’a pas hésité à libérer la Messe et à lever les excommunications. À cause de cela, son pontificat est critiqué comme jamais auparavant. Parmi les théologiens modernes, des voix se sont élevées qui demandent le Pape de renoncer à son poste et de se retirer. La pression faite sur lui augmente de jour en jour. Ce sera à lui de prendre la dernière décision dans les discussions à venir, à lui donc d’assumer la responsabilité, et de recevoir à son compte toutes les attaques des personnes et des organismes opposés. Il mérite notre soutien par la prière au maximum.
La troisième intention sera pour les Supérieurs de la Fraternité, spécialement pour Monseigneur Fellay, notre Supérieur Général. La nouvelle situation n’est pas sans danger, les discussions seront difficiles, probablement fort longues, et les adversaires sont nombreux. Monseigneur a sur le dos toute la responsabilité des 500 prêtres de la Fraternité, une certaine responsabilité des communautés amies, et la responsabilité des quelques centaines de milliers de fidèles de toutes parts.
Je vous confie ces intentions pendant ce temps du Carême et compte sur votre engagement ; je sais à qui je m’adresse : lors de la dernière Croisade du Rosaire, les fidèles du Canada se sont montrés extrêmement fervents.
Qu’ils augmentent encore leur engagement : pour Dieu, pour l’Église, pour la foi catholique !
Que ce saint temps du Carême soit, pour nous et pour notre chère Église un temps de renouvellement spirituel grâce à nos efforts sincères, persévérants et généreux.
Abbé Jürgen Wegner †, Supérieur du District du Canada