Levée de l’excommunication:un éclairage canonique, Abbé du Puy-Montbrun

Sauf avis contraire, les articles ou confé­rences qui n’é­manent pas des
membres de la FSSPX ne peuvent être consi­dé­rés comme reflétant
la posi­tion offi­cielle de la Fraternité Saint-​Pie X

Abbé Bernard du Puy-Montbrun,
Doyen de la faculté de droit canonique de l’Institut catholique de Toulouse

En la fête de saint François de Sales, le 24 jan­vier 2009, a été publié le décret de la Congrégation pour les évêques rédi­gé à la demande du pape Benoît XVI par le pré­fet de ladite congré­ga­tion romaine, Son Eminence le car­di­nal Re, décret signé par lui le 21 janvier.

Ce décret a pour objet de lever ou de sup­pri­mer l’excommunication, peine dite médi­ci­nale ou faite pour gué­rir, qui avait immé­dia­te­ment frap­pé les quatre évêques ordon­nés par Mgr Lefebvre à Ecône le 30 juin 1988 sans man­dat pon­ti­fi­cal, c’est-à-dire sans l’autorisation expresse du pon­tife romain (canon 1382). Cette sanc­tion pénale cano­nique dite latae sen­ten­tiae tou­cha au moment même de la consé­cra­tion illi­cite, Mgr Lefebvre, Mgr de Castro Mayer en tant que co-​consécrateur, tous deux décé­dés en 1991, et les prêtres ordon­nés : Mgr Fellay, Mgr de Gallareta, Mgr de Mallerais et Mgr Williamson.

À l’époque, cette excom­mu­ni­ca­tion inter­vînt dès cette consé­cra­tion publique de nature schis­ma­tique parce qu’elle avait cor­res­pon­du au désir de créer une propre hié­rar­chie réa­li­sée par Mgr Lefebvre (bien qu’en rigueur de terme une consé­cra­tion épis­co­pale illi­cite n’est pas en soi sanc­tion­née en tant que schisme mais parce qu’il n’y a pas eu man­dat pon­ti­fi­cal) et mal­gré la moni­tion, l’avertissement for­mel, qui lui furent aupa­ra­vant adres­sés (en par­ti­cu­lier le 17 juin 1988 par le pré­fet de la Congrégation pour la doc­trine de la foi qui était le car­di­nal Ratzinger) pour qu’il n’agisse pas ainsi.

Partant, l’excommunication fut ensuite décla­rée par le décret de la Congrégation des évêques le 1er juillet 1988. Mgr Gantin, pré­fet de cette Congrégation avait alors pré­ci­sé à ce sujet après avoir consta­té que les auteurs du délit ne regret­taient rien :


« Je déclare à tous que les effets juri­diques [cano­niques] en sont les sui­vants : d’une part Mgr Marcel Lefebvre, d’autre part Bernard Fellay, Bernard Tissier de Mallerais, Richard Williamson et Alfonso de Galaretta ont encou­ru ipso fac­to l’ex­com­mu­ni­ca­tion « latæ sen­ten­tiæ » [dont la levée est] réser­vée au Siège Apostolique. Je déclare en outre que Mgr Antonio de Castro Mayer, évêque émé­rite de Campos, ayant par­ti­ci­pé direc­te­ment à la célé­bra­tion litur­gique comme consé­cra­teur, et ayant publi­que­ment adhé­ré à l’acte schis­ma­tique, a encou­ru l’ex­com­mu­ni­ca­tion latæ sen­ten­tiæ pré­vue par la canon 1364, §1. Nous aver­tis­sons les prêtres et les fidèles de ne pas adhé­rer au schisme de Mgr lefebvre, car ils encour­raient ipso fac­to la peine très grave de l’ex­com­mu­ni­ca­tion » (Documentation catho­lique, n° 1966, 1988, p. 789).

La conjonc­ture chan­gea pro­gres­si­ve­ment et notam­ment lorsque Mgr Fellay, supé­rieur actuel de la Fraternité Saint Pie X, a deman­dé expres­sé­ment la levée de cette sanc­tion, le 15 décembre 2008, dans sa lettre remise à Son Éminence le car­di­nal Hoyos, pré­sident depuis l’an 2000 de la Commission pon­ti­fi­cal Ecclesiae Dei, et en écrivant :

« Nous sommes tou­jours fer­me­ment déter­mi­nés dans notre volon­té de res­ter catho­liques et de mettre toute nos forces au ser­vice de l’Église de Notre Seigneur Jésus-​Christ, qui est l’Église catho­lique romaine. Nous accep­tons son ensei­gne­ment dans un esprit filial. Nous croyons fer­me­ment à la Primauté de Pierre et à ses pré­ro­ga­tives, et c’est pour cela même que nous souf­frons tant de l’actuelle situation. »

Grâce à cette évo­lu­tion mise en acte, favo­rable à une sérieuse récon­ci­lia­tion, le pré­fet actuel de la Congrégation pour les évêques sou­ligne cette volon­té patente de res­tau­rer la com­mu­nion ecclé­siale qui ouvre le droit à la levée de l’excommunication.

Par le décret du 21 jan­vier 2009, il est déci­dé de « conso­li­der les rela­tions réci­proques de confiance » et d’aug­men­ter, de « sta­bi­li­ser les rap­ports de la Fraternité Saint Pie X avec le Siège Apostolique. Ce don de paix, au terme des célé­bra­tions de Noël, veut être aus­si un signe pour pro­mou­voir l’unité dans la cha­ri­té de l’Église uni­ver­selle et arri­ver à sup­pri­mer le scan­dale de la divi­sion ». Il est vrai que le pape Benoît XVI a pro­mul­gué le 7 juillet 2007 le motu pro­prio Summorum Pontificum redon­nant droit de cité à la litur­gie romaine anté­rieure à la réforme de 1970 mais au titre d’une forme extra­or­di­naire de célé­bra­tion (Documentation catho­lique n° 2385, 2007, p. 702).

Il reste, en consé­quence, à envi­sa­ger quel sera désor­mais le sta­tut à rete­nir de la Fraternité sacer­do­tale saint Pie X et des prêtres qui en sont membres, sachant que les docu­ments du concile Vatican II n’ont pas per­du de leur actualité :

« Leurs ensei­gne­ments [avait sou­li­gné Benoît XVI lors du 40e anni­ver­saire de la conclu­sion du concile le 8 décembre 2006] se révèlent même par­ti­cu­liè­re­ment per­ti­nents au regard des nou­velles exi­gences de l’Église et de la socié­té actuelle mondialisée. »

Il reste donc à conti­nuer le che­min vers la pleine com­mu­nion ecclé­siale, à conti­nuer de le mettre en œuvre en pro­cé­dant par étapes « en des temps rai­son­nables », ajoute le sou­ve­rain pon­tife, pour abor­der tous les pro­blèmes à résoudre dans un bon esprit de véri­té et de cohésion.

Dans cet espoir, il est clair que main­te­nant les évêques de la Fraternité sacer­do­tale saint Pie X, les prêtres de cette fra­ter­ni­té et les fidèles qui y sont atta­chés, ne sont plus sou­mis à une excom­mu­ni­ca­tion, au nom du canon 1382, dont les effets indi­vi­sibles consistent à une inter­dic­tion d’exercice de droits et de devoirs, en confor­mi­té avec les pres­crip­tions du Code de droit cano­nique de 1983 ; inter­dic­tion d’exercice de droits et de devoirs qui entraî­nait une exclu­sion presque totale (ce qui ne veut pas dire défi­ni­tive) des biens spi­ri­tuels de l’Église.

Abbé Bernard du Puy-Montbrun,
Doyen de la facul­té de droit cano­nique de l’Institut catho­lique de Toulouse in Liberté poli​tique​.com