Le prochain synode est déjà en chantier : il portera sur les prêtres mariés, par S. Magister

Note de la rédac­tion de La Porte Latine :
il est bien enten­du que les com­men­taires repris dans la presse exté­rieure à la FSSPX
ne sont en aucun cas une quel­conque adhé­sion à ce qui y est écrit par ailleurs.

À la mi-​février 2016, le pape François se ren­dra au Chiapas, où des cen­taines de diacres mariés demandent à être ordon­nés prêtres. En Amazonie aus­si, le chan­ge­ment semble proche. Tout cela figu­rait déjà dans le pro­gramme éla­bo­ré par le car­di­nal Martini.

ROME, le 9 décembre 2015 – Alors que l’on attend une déci­sion du pape François au sujet de l’accès des divor­cés rema­riés à la com­mu­nion, ques­tion à pro­pos de laquelle deux synodes ont débat­tu et se sont divi­sés, on entre­voit déjà quel sera le thème de la pro­chaine ses­sion syno­dale : les prêtres mariés.

C’est au pape que revien­dra le choix du thème, comme pour les synodes pré­cé­dents et pour celui qui vien­dra ensuite, indé­pen­dam­ment de ce que pour­ront pro­po­ser les quinze car­di­naux et évêques qui consti­tuent le conseil qui sert de pont entre une ses­sion et la suivante.

Et plu­sieurs indices donnent à pen­ser que le pro­chain sujet de dis­cus­sion syno­dale sera les prêtres mariés.

Le pre­mier indice est la volon­té évi­dente du pape François de mettre en œuvre le pro­gramme pré­sen­té en 1999 par le car­di­nal Carlo Maria Martini dans une inter­ven­tion mémo­rable au synode qui s’était tenu cette année-là

Le pré­lat jésuite, alors arche­vêque de Milan, était le lea­der incon­tes­té de l’aile « libé­rale » de la hié­rar­chie catho­lique. Il décla­ra qu’il avait « fait un rêve » : celui d’une Église capable de se mettre sans cesse en état de synode et de pro­cé­der à une « confron­ta­tion col­lé­giale, fai­sant auto­ri­té, de tous les évêques à pro­pos de quelques thèmes essentiels ».

Et voi­ci la liste de « thèmes essen­tiels » qu’il donna :

« Le manque de ministres ordon­nés, le rôle de la femme dans la socié­té et dans l’Église, la dis­ci­pline du mariage, la concep­tion catho­lique de la sexua­li­té, la pra­tique péni­ten­tielle, les rela­tions avec les Églises sœurs de l’or­tho­doxie et, plus géné­ra­le­ment, la néces­si­té de ravi­ver l’espérance œcu­mé­nique, le rap­port entre la démo­cra­tie et les valeurs mais aus­si entre les lois civiles et la loi morale ».

Parmi les élé­ments du pro­gramme de Martini, les deux synodes qui, jusqu’à pré­sent, ont été ordon­nés par le pape François ont dis­cu­té jus­te­ment de « la dis­ci­pline du mariage » et, en par­tie, de « la concep­tion catho­lique de la sexualité ».

Rien ne s’oppose, par consé­quent, à ce que le « thème essen­tiel » du pro­chain synode puisse être celui qui avait été pla­cé avant tous les autres par Martini : « le manque de ministres ordonnés ».

Le manque de prêtres – nor­ma­le­ment, dans l’Église catho­lique latine, ils doivent être céli­ba­taires – se fait par­ti­cu­liè­re­ment sen­tir dans cer­taines régions du monde. C’est sur­tout le cas en Amérique latine.

Il y a un an, l’évêque Erwin Kräutler, autri­chien de nais­sance et titu­laire de la pré­la­ture de Xingu, au Brésil – qui ne dis­pose que de 25 prêtres pour un ter­ri­toire plus vaste que l’Italie, ce qui ne per­met de célé­brer la messe et d’administrer les sacre­ments que deux ou trois fois par an dans les loca­li­tés les plus recu­lées – a trans­mis au pape François une demande for­mu­lée par beau­coup d’évêques ses confrères : celle de pou­voir pal­lier le manque de prêtres céli­ba­taires en confé­rant aus­si les ordres sacrés à des « viri pro­ba­ti », c’est-à-dire à des hommes d’une ver­tu éprou­vée, mariés.

Cette demande n’était pas nou­velle. Et les évêques bré­si­liens – mais ils ne sont pas les seuls – l’ont relan­cée à plu­sieurs reprises. Le car­di­nal Claudio Hummes, 81 ans, arche­vêque émé­rite de São Paulo, ami et grand élec­teur de Jorge Mario Bergoglio, l’a éga­le­ment for­mu­lée à l’époque où il était, au Vatican, pré­fet de la congré­ga­tion pour le cler­gé, entre 2006 et 2010.

Aujourd’hui Hummes est pré­sident non seule­ment de la com­mis­sion pour l’Amazonie de la confé­rence des évêques du Brésil, mais aus­si du Réseau Pan-​amazonien qui réunit 25 car­di­naux et évêques des pays de cette zone ain­si que des repré­sen­tants indi­gènes de diverses eth­nies locales. C’est en cette qua­li­té qu’il a décla­ré à Radio Vatican, le mois der­nier, qu’il « tra­vaille pour qu’il y ait une Église indi­gène, une Église immer­gée dans l’histoire, dans la culture et dans la reli­gion des indi­gènes, une Église qui ait comme guide un cler­gé indi­gène. Les indi­gènes y ont droit. Ils sont l’ultime péri­phé­rie que nous ayons, la plus éloignée ».

À cette occa­sion, Hummes n’en a pas dit davan­tage. Toutefois on sait bien que, dans ce contexte, lorsque l’on parle de « cler­gé indi­gène », cela signi­fie que l’on envi­sage même un cler­gé marié.

Le bruit a cou­ru, cette année, que le pape François aurait écrit au car­di­nal bré­si­lien Claudio Hummes une lettre dans laquelle il appor­tait son sou­tien à une réflexion sur le céli­bat ecclé­sias­tique et sur l’ordination de « viri pro­ba­ti ». Le père Federico Lombardi a nié l’existence de cette lettre. Mais il a ajou­té qu’« il est vrai, en revanche, que le pape a invi­té, en plus d’une occa­sion, les évêques bré­si­liens à recher­cher et à pro­po­ser avec cou­rage les solu­tions pas­to­rales qui per­met­traient, selon eux, de trai­ter les grands pro­blèmes pas­to­raux de leur pays ».

Dans une autre par­tie de l’Amérique latine, le Chiapas, situé au sud du Mexique, la pres­sion en faveur de l’ordination de prêtres mariés s’est concré­ti­sée, ces der­nières décen­nies, par l’ordination d’une quan­ti­té exor­bi­tante de diacres indi­gènes – plu­sieurs cen­taines – dans un dio­cèse très éten­du comme celui de San Cristobal de Las Casas, où l’on ne compte que quelques dizaines de prêtres, presque tous âgés.

L’ordination en masse de ces diacres, qui étaient tous mariés, a atteint son point culmi­nant pen­dant les qua­rante années – de 1959 à 2000 – de l’épiscopat de Samuel Ruiz Garcia, ren­du célèbre par ses contacts avec le sous-​commandant Marcos, lors de la longue lutte qui, au Chiapas, oppo­sa l’Ejercito Zapatista de Liberacion au gou­ver­ne­ment fédé­ral mexicain.

Cependant, en 2000, Ruiz Garcia ayant don­né sa démis­sion, Rome ordon­na de sus­pendre les ordi­na­tions d’autres diacres et inter­dit l’u­sage consis­tant à appe­ler « diacres indi­gènes » ceux qui avaient été ordon­nés, comme s’ils avaient consti­tué un type nou­veau et dif­fé­rent de ministres de l’Église. Rome ordon­na par ailleurs à leurs épouses de ne pas se faire appe­ler « dia­co­nesses » et, plus encore, de ne pas faire croire, en s’appuyant sur l’usage consis­tant à leur impo­ser les mains lors de l’ordination dia­co­nale de leur mari, qu’elles avaient reçu, elles aus­si, une ordi­na­tion sacra­men­telle. Enfin il fut deman­dé aux diacres déjà ordon­nés de décla­rer publi­que­ment que leur ordi­na­tion s’arrêtait là et qu’elle ne consti­tuait en aucune manière une étape vers une future ordi­na­tion sacer­do­tale, qui aurait fait d’eux des prêtres mariés [1] .

Mais, une fois Bergoglio élu pape, l’interdiction a été révo­quée. Au mois de mai 2014, Rome a auto­ri­sé le suc­ces­seur de Ruiz Garcia, l’évêque Felipe Arizmendi Esquivel, à pro­cé­der de nou­veau à des ordi­na­tions dia­co­nales. Et l’évêque a immé­dia­te­ment annon­cé qu’il en avait pro­gram­mé une centaine.

Mais ce n’est pas tout. Il est désor­mais cer­tain que François, lors de son pro­chain voyage inter­con­ti­nen­tal qui le condui­ra, à la mi-​février, au Mexique, fera étape pré­ci­sé­ment au Chiapas, à San Cristobal de Las Casas.

Le 10 février der­nier, François, qui rece­vait à la mai­son Sainte-​Marthe douze prêtres, dont cinq qui ont aban­don­né leur minis­tère parce qu’ils se sont mariés, a décla­ré, en réponse à une ques­tion : « Le pro­blème est pré­sent dans mon agenda ».

Et cer­tains obser­va­teurs entre­voient déjà une étape de plus : que François remette en dis­cus­sion non seule­ment le céli­bat du cler­gé, mais éga­le­ment l’interdiction de confé­rer les ordres sacrés aux femmes. Ce que sou­haite, par exemple, une reli­gieuse béné­dic­tine amé­ri­caine bien connue, Joan Chittister [2].

Sandro Magister

Source : Chiesa.espressonline