Trois « saints martyrs » du synode sur l’Amazonie

Durant le synode sur l’Amazonie on peut voir avec stu­pé­fac­tion à Rome les nou­veaux « saints » pla­cés sur les autels. Deux pèle­rins nous ont fait part ici de ceux « véné­rés » en l’é­glise de Santa Maria in Traspontina, à 500 mètres de la basi­lique Saint-​Pierre. Il est légi­time de se deman­der ce qu’ils font dans la mai­son de Dieu !

Chico Mendes, un marxiste rouge et vert

Francisco Alves Mendes Filho, né le 15 décembre 1944 à Xapuri, en Amazonie , s’est for­mé d’abord dans la théo­lo­gie de la libé­ra­tion bré­si­lienne ; c’est au cours des années 1960 qu’il découvre le mar­xisme, grâce à un vété­ran com­mu­niste, Euclides Fernandes Tavora ; Tavora a par­ti­ci­pé à la révo­lu­tion rouge de 1935, ce qui lui a valu des années de pri­son et, plus tard, d’exil en Bolivie ; reve­nu clan­des­ti­ne­ment au Brésil il s’était éta­bli dans la forêt ama­zo­nienne, à la fron­tière de l’Etat bré­si­lien de l’Acre avec la Bolivie. Cet appren­tis­sage mar­xiste a eu une influence déci­sive sur Chico Mendes.

Chico Mendes tra­vaille comme serin­guei­ro, ces pay­sans qui récoltent, arti­sa­na­le­ment, le latex de l’arbre à caou­tchouc ama­zo­nien. En 1975 il fonde, avec le syn­di­ca­liste Wilson Pinheiro, le syn­di­cat des tra­vailleurs ruraux de Basiléia et, deux ans après, le syn­di­cat des tra­vailleurs ruraux de Xapuri, sa ville natale. Cette même année, il est élu conseilleur muni­ci­pal par le Mouvement Démocratique Brésilien (MDB), l’opposition au régime mili­taire, mais il se rend compte, assez rapi­de­ment, que ce par­ti n’est pas soli­daire avec ses luttes. C’est à cette époque qu’il va inau­gu­rer, avec ses cama­rades du syn­di­cat des « blo­cages ». Ce sont des affron­te­ments avec les entre­prises de l’industrie du bois ou les éle­veurs. A plu­sieurs reprises, en 1980 et 1982, Chico Mendes sera empri­son­né et traî­né devant des tri­bu­naux pour inci­ta­tion à la violence.

Au cours de ses pre­mières années de son acti­vi­té syn­di­cale, Chico Mendes, socia­liste convain­cu, mili­tait dans les rangs du Parti Communiste du Brésil, une scis­sion maoïste du PCB pro­so­vié­tique. Déçu par ce par­ti, il va adhé­rer en 1979–80 au nou­veau Parti des Travailleurs, fon­dé par Lula, au sein duquel il se ral­lie­ra à l’aile gauche, socia­liste. Sa ten­ta­tive d’être élu dépu­té local par le PT en 1982 a échoué. En 1987, il se ren­dit aux États-​Unis, où il ren­con­tra des membres de la Banque mon­diale ; il pro­po­sa de créer des réserves natu­relles pro­té­geant les plantes de la forêt ama­zo­nienne ain­si que les tri­bus amé­rin­diennes. La même année, il reçut des Nations unies le prix Global 500, et obtint le prix de la Better World Society (Société pour un monde meilleur), créé par Ted Turner, de la chaîne de télé­vi­sion CNN.

Chico Mendes fut exé­cu­té le 22 décembre 1988 à Xapuri (Acre) par des pro­prié­taires terriens.

Peut-​on vrai­ment l’ap­pe­ler « Martyr mys­tique » comme l’ose l’af­fiche pla­cée sur l’au­tel ci-dessus ?

Xicao Xukuru et Doroty Stang

Les Xukuru sont une tri­bu de 8500 indi­gènes ama­zo­niens vivant dans l’Etat de Pernambuco, au Brésil. Ils sont régu­liè­re­ment en conflit avec les exploi­tants fores­tiers et les agriculteurs.

En 1998, l’un de leurs chefs, Chicao (Francisco Lacerda) est exé­cu­té. A quel titre est-​il pla­cé sur un autel ?

On remar­que­ra les idoles de la Terre-​Mère pla­cée au pied de l’au­tel … Le pre­mier com­man­de­ment condamne le poly­théisme. Il exige de l’homme de ne pas croire en d’autres dieux que Dieu, de ne pas véné­rer d’autres divi­ni­tés que l’Unique. L’Écriture rap­pelle constam­ment ce rejet des « idoles, d’or et d’argent, œuvres de mains d’hommes, elles qui ont une bouche et ne parlent pas, des yeux et ne voient pas… » « Comme elles, seront ceux qui les firent, qui­conque met en elles sa foi » (Ps 115, 4–5. 8 ; cf. Is 44, 9–20 ; Jr 10, 1–16 ; Dn 14, 1–30 ; Ba 6 ; Sg 13, 1 – 15, 19).

Dorothy Mac Stang, connue comme Irmã Dorothy. Née le 7 juin 1931 à Dayton, aux Etats-​Unis, elle entre chez les reli­gieuses de Notre-​Dame de Namur en 1948 et y pro­nonce ses vœux per­pé­tuels en 1956. De 1951 à 1966, elle enseigne dans des classes du pri­maire d’é­coles de sa congré­ga­tion dans l’Illinois puis dans l’Arizona.

En 1966, elle arrive au Brésil. En 1983, elle se fixe à Anapu, à 700 km au sud de Belém capi­tale du Pará. Elle s’inscrit dans l’i­déo­lo­gie la lutte des classes et de la théo­lo­gie de la libé­ra­tion, cli­vant pay­sans pauvres et grands pro­prié­taires, indiens et éle­veurs. Surnommée « l’Ange de la Transamazonienne », elle mili­tait à la Commission pas­to­rale de la Terre, par­ta­geant la vie des amazoniens.

En 1984, elle échappe à un atten­tat visant le camion dans lequel elle se trouve avec des syn­di­ca­listes. Le 12 février 2005, elle est exé­cu­tée par deux tueurs à gages. En 2008, Dorothy Stang a reçu le prix des Nations unies pour la cause des droits de l’homme.

Que fait son image sur un autel ?

Dorothy Stang, reli­gieuse de Notre-​Dame de Namur…

Source : La Porte Latine du 24 octobre 2019