Le pape a évoqué la question de la messe tridentine, dans la matinée du 12 septembre, lors de la conférence de presse à bord de l’avion pontifical, où il répondait à la question suivante :
- Que dites-vous à ceux qui, en France, craignent que le Motu Proprio Summorum pontificum marque un retour en arrière sur les grandes intuitions du Concile Vatican II ? Comment pouvez-vous les rassurer ?
Benoît XVI : « C’est une peur infondée parce que ce Motu Proprio est simplement un acte de tolérance, dans un but pastoral pour des personnes qui ont été formées dans cette liturgie, l’aiment, la connaissent, et veulent vivre avec cette liturgie. C’est un petit groupe parce que cela suppose une formation en latin, une formation dans une culture certaine. Mais avoir pour ces personnes l’amour et la tolérance de (leur) permettre de vivre avec cette liturgie, cela me semble une exigence normale de la foi et de la pastorale d’un évêque de notre Eglise. Il n’y a aucune opposition entre la liturgie renouvelée par le Concile Vatican II et cette liturgie.
« Chaque jour (du concile), les Pères conciliaires ont célébré la messe selon l’ancien rite et, en même temps, ils ont conçu un développement naturel pour la liturgie dans tout ce siècle car la liturgie est une réalité vivante qui se développe et conserve dans son développement son identité. Il y a donc certainement des accents différents, mais quand même une identité fondamentale qui exclue une contradiction, une opposition entre la liturgie renouvelée et la liturgie précédente. Je pense quand même qu’il y a une possibilité d’un enrichissement des deux parties. D’un côté, les amis de l’ancienne liturgie peuvent et doivent connaître les nouveaux saints, les nouvelles préfaces de la liturgie, etc… ; d’autre part, la liturgie nouvelle souligne plus la participation commune mais (elle) n’est pas simplement une assemblée d’une certaine communauté, mais toujours un acte de l’Eglise universelle, en communion avec tous les croyants de tous les temps, et un acte d’adoration. Dans ce sens, il me semble qu’il y a un enrichissement réciproque, et c’est clair que la liturgie renouvelée est la liturgie ordinaire de notre temps ».
On notera dans cette réponse que Benoît XVI présente le Motu Proprio comme un acte de tolérance à but pastoral pour une minorité cultivée, mais qu’il ne voit aucune opposition doctrinale entre la messe tridentine et la messe conciliaire, insistant bien sur l’enrichissement mutuel qu’elles peuvent et doivent s’apporter.
Lors de son discours aux évêques français, le dimanche 14 septembre, à Lourdes, le pape a parlé de la volonté d’« unité » et de « pacification des esprits » qui doit présider à l’application du Motu Proprio dans les diocèses : « Le culte liturgique est l’expression suprême de la vie sacerdotale et épiscopale, comme aussi de l’enseignement catéchétique. Votre charge de sanctification du peuple des fidèles, chers Frères, est indispensable à la croissance de l’Église. J’ai été amené à préciser, dans le Motu Proprio Summorum Pontificum, les conditions d’exercice de cette charge, en ce qui concerne la possibilité d’utiliser aussi bien le missel du bienheureux Jean XXIII (1962) que celui du Pape Paul VI (1970). Des fruits de ces nouvelles dispositions ont déjà vu le jour, et j’espère que l’indispensable pacification des esprits est, grâce à Dieu, en train de se faire. Je mesure les difficultés qui sont les vôtres, mais je ne doute pas que vous puissiez parvenir, en temps raisonnable, à des solutions satisfaisantes pour tous, afin que la tunique sans couture du Christ ne se déchire pas davantage. Nul n’est de trop dans l’Église. Chacun, sans exception, doit pouvoir s’y sentir chez lui, et jamais rejeté. Dieu qui aime tous les hommes et ne veut en perdre aucun nous confie cette mission de Pasteurs, en faisant de nous les Bergers de ses brebis. Nous ne pouvons que Lui rendre grâce de l’honneur et de la confiance qu’Il nous fait. Efforçons-nous donc toujours d’être des serviteurs de l’unité ! »
L’expression « nul n’est de trop dans l’Eglise » fait certainement allusion aux nombreux diocèses exsangues qui n’ont plus de vocations et dont le clergé vieillissant se raréfie de façon inexorable.
L’AFP note cependant que le discours du pape à Lourdes, a été « assez tièdement applaudi » par les évêques français. Dans une rapide conférence de presse, à l’issue de la rencontre avec Benoît XVI, le cardinal André Vingt-Trois, président de la Conférence épiscopale de France, a déclaré que les relations entre le pape et les évêques « ne sont pas des rapports de subordination servile ». « Les rapports du pape avec les évêques ne sont pas des rapports de patron à employés. Il n’est pas un PDG d’une multinationale qui vient visiter une succursale. Nous l’avons accueilli et écouté comme un frère qui vient conforter la foi de ceux avec qui il travaille et il est en communion. Nous sommes dans un rapport de communion, d’affection, de collaboration, et quand nous avons des choses à lui dire, nous les lui disons ».
Lors des vêpres à Notre-Dame de Paris, dans la soirée du vendredi 12, le Saint Père avait déclaré : « La beauté des rites ne sera, certes, jamais assez recherchée, assez soignée, assez travaillée, puisque rien n’est trop beau pour Dieu, qui est la Beauté infinie. Nos liturgies de la terre ne pourront jamais être qu’un pâle reflet de la liturgie céleste, qui se célèbre dans la Jérusalem d’en haut, objet du terme de notre pèlerinage sur terre. Puissent, pourtant, nos célébrations s’en approcher le plus possible et la faire pressentir ! ». Le lendemain, comme à son habitude depuis plusieurs mois, le pape a distribué la communion à genoux et sur les lèvres à une quarantaine de fidèles choisis, pendant que l’assistance recevait – soit dans la bouche, soit dans la main – les hosties contenues dans des coupelles en inox et distribuées par des prêtres, des diacres et des religieuses – certaines portant un voile, d’autres non.
Sources : Zenit, Apic, I.Media, AFP, KTO, FR2