Pie XI

259ᵉ pape ; de 1922 à 1939

20 décembre 1929

Lettre encyclique Mens Nostra

Sur l'incitation des fidèles à suivre les exercices spirituels

Table des matières

Donné à Rome, près de Saint-​Pierre, le 20 décembre de l’an 1929,
de Notre Pontificat le huitième.

Aux Patriarches, Primats, Archevêques et Evêques, en grâce et com­mu­nion avec le Siège Apostolique.

Vénérables Frères,
Salut et Bénédiction Apostolique.

Une pen­sée Nous ani­mait, au début de l’année pré­sente, quand Nous avons annon­cé à l’univers catho­lique, un Jubilé extra­or­di­naire pour célé­brer l’anniversaire du jour où, il y a cin­quante ans, après avoir été ordon­né prêtre, Nous sommes mon­té à l’autel célé­brer pour la pre­mière fois le Divin Mystère. Cette pen­sée, Nous en sommes sûr, Vénérables Frères, n’a échap­pé à aucun d’entre vous.

Notre Constitution Apostolique Auspicantibus Nobis, publiée le 6 jan­vier 1929, le décla­rait en effet, solen­nel­le­ment ; Nous avions, d’abord, le désir d’appeler Nos fils très chers, les membres de cette grande famille chré­tienne que le très doux Cœur Divin a confiée à Notre cœur, à par­ta­ger la joie de leur Père com­mun et à rendre grâces avec Nous, d’une seule voix, au Souverain Dispensateur de tous les biens. Mais, sur­tout, Nous en avions la douce espé­rance en ouvrant, avec la libé­ra­li­té d’un père, ce tré­sor des dons célestes, dont l’administration Nous a été confiée, le peuple chré­tien pro­fi­te­rait de cette heu­reuse occa­sion pour rendre sa foi plus vigou­reuse, accroître sa pié­té, pro­gres­ser dans la per­fec­tion, et réfor­mer les mœurs pri­vés et publiques par l’exacte obser­va­tion de l’Évangile. De cette paix des âmes, de ces par­dons divins, Nous atten­dions un heu­reux fruit ; avec la paix pour les indi­vi­dus, la paix pour la société.

Notre espé­rance n’a pas été vaine ; l’élan de pié­té ardente avec lequel le peuple chré­tien a accueilli la pro­mul­ga­tion du Jubilé, loin de s’affaiblir avec le temps, va chaque jour gran­dis­sant sous nos yeux. Surtout l’aide du Seigneur est visible : n’a‑t-il pas sus­ci­té des évé­ne­ments, en cette année vrai­ment salu­taire qui en ren­dront le sou­ve­nir à jamais mémo­rable ? Pour nous, que de motifs de joie ! N’avons-Nous pas vu très sou­vent de Nos yeux ce magni­fique accrois­se­ment de foi et de pié­té ? N’avons-nous pas joui de la pré­sence de Nos fils très chers accou­rant en foule vers Notre palais où il Nous a été si doux de les rece­voir, où Nous avons pu, pour ain­si dire, les pres­ser avec amour sur Notre cœur ?

Aussi, tout en expri­mant avec ardeur les sen­ti­ments de Notre cœur recon­nais­sant au Père des misé­ri­cordes, qui a bien vou­lu, au cours de cette année jubi­laire, faire ger­mer, faire mûrir et récol­ter dans sa vigne tant de fruits pré­cieux, Nous Nous sen­tons for­te­ment pres­sé, dans Notre sol­li­ci­tude pas­to­rale, de tout faire pour que des débuts si favo­rables soient sui­vis de résul­tats tou­jours meilleurs et durables, dans l’intérêt du bon­heur et du salut de chaque fidèle et, par là, de la Société tout entière.

Les Exercices Spirituels, instrument incomparable pour le salut éternel

Or, en réflé­chis­sant aux divers moyens d’obtenir de tels résul­tats, Nous Nous sommes sou­ve­nu de Notre pré­dé­ces­seur Léon XIII, d’heureuse mémoire. Ce pon­tife annon­çait dans une autre occa­sion, l’année sainte et, en de graves paroles, que nous avons faites nôtres dans la Constitution Auspicantibus Nobis déjà citée, il exhor­tait les fidèles « à se recueillir un peu et à éle­ver plus haut leurs pen­sées trop atta­chées à la terre ». Nous Nous sommes aus­si sou­ve­nu de Notre pré­dé­ces­seur Pie X, de Sainte Mémoire. Ce Pontife, qui n’avait ces­sé, par sa parole et par ses exemples, de pro­mou­voir la sain­te­té sacer­do­tale, adres­sa au cler­gé catho­lique, à l’occasion du cin­quan­tième anni­ver­saire de son ordi­na­tion, une pieuse « Exhortation » qui contient un choix très abon­dant des docu­ments les plus capables de nous aider à éle­ver très haut l’édifice de la vie spirituelle.

Marchant sur les traces de ces Pontifes, Nous avons cru bon de faire, Nous aus­si, quelque chose, et Nous vous recom­man­dons une pra­tique dont Nous atten­dons des avan­tages pré­cieux et sans nombre pour le peuple chré­tien. Nous vou­lons par­ler de l’usage des Exercices Spirituels. Qu’il se répande dans l’un et l’autre cler­gé ! Qu’il se pro­page aus­si chaque jour, davan­tage dans la foule des laïques : tel est Notre vœu le plus ardent ; tel est le sou­ve­nir que Nous vou­lons lais­ser de l’année sainte et à Nos fils bien-​aimés. Dans cette exhor­ta­tion, Nous met­tons tout Notre cœur, à la fin de cette cin­quan­tième année de Notre minis­tère sacer­do­tal. Où trou­ver, en effet, plus de dou­ceur que dans le sou­ve­nir des grâces célestes et des conso­la­tions inef­fables que la pra­tique des Exercices Nous a fait goû­ter : les saintes retraites, que Nous avons sui­vies assi­dû­ment, n’ont elles pas mar­qué en quelque sorte les étapes de Notre car­rière ? N’est-ce pas là que Nous avons trou­vé la lumière pour connaître la volon­té divine et le sti­mu­lant pour l’accomplir ? Enfin, le soin que Nous avons don­né, durant tout le cours de Notre minis­tère sacer­do­tal, à la for­ma­tion spi­ri­tuelle du pro­chain, a pro­duit, grâce aux Exercices, des fruits si beaux, un pro­grès si éton­nant que, Nous voyons dans les Exercices un ins­tru­ment incom­pa­rable pour le salut éter­nel des âmes.

Le mal à guérir

Et, en véri­té, Vénérables Frères, l’importance, l’utilité et l’opportunité des saintes retraites appa­raissent de bien des manières, pour peu que Nous consi­dé­rions le temps où Nous vivons. Le mal le plus grave dont il souffre, source en misères fécondes, que déplore tout cœur bien né, c’est cette légè­re­té, cette absence de réflexion, cause des éga­re­ments des hommes. De là le besoin sans répit ni mesure de se répandre au dehors, de là cette faim insa­tiable de richesses et de plai­sirs qui atté­nue peu à peu dans le cœur humain le désir des biens supé­rieurs, au point de l’éteindre, et qui l’engage tel­le­ment dans les biens exté­rieurs et pas­sa­gers que les véri­tés éter­nelles, les lois divines, Dieu lui-​même, unique prin­cipe et fin unique de toute créa­ture, sortent néces­sai­re­ment de sa pen­sée. Heureusement, ce Dieu infi­ni­ment bon et misé­ri­cor­dieux ne cesse pas, même en nos jours, d’attirer à lui les hommes, à mesure que se pro­page par­tout le dérè­gle­ment des mœurs ; et puisqu’il faut gué­rir le mal qui tra­vaille si dou­lou­reu­se­ment la famille humaine, quel remède plus effi­cace et plus for­ti­fiant pour ces pauvres âmes ané­miées et oublieuses des biens éter­nels, que la pieuse pra­tique des Exercices Spirituels, à laquelle Nous les invi­tons ! En véri­té, ces Exercices ne seraient-​ils qu’une brève retraite de quelques jours, où, loin du com­merce ordi­naire des hommes et du flot des sou­cis quo­ti­diens, nous puis­sions, non certes prendre des vacances oisives, mais exa­mi­ner sérieu­se­ment ces ques­tions capi­tales et trou­blantes de notre ori­gine et de notre fin, ces ques­tions qui ont tou­jours agi­té le cœur humain dans ses pro­fon­deurs : « D’où venons-​nous ? Où allons-​nous ? », qui ose­rait dire que les Exercices ne sont pas d’une haute uti­li­té ? Nous leur devons des bien­faits plus grands encore : en obli­geant notre esprit à l’effort, à un exa­men atten­tif de nos pen­sées, de nos paroles et de nos actes, à une intros­pec­tion dili­gente, ils font faire aux facul­tés humaines un mer­veilleux exer­cice : dans cette remar­quable gym­nas­tique spi­ri­tuelle, l’esprit s’habitue à résoudre les pro­blèmes à loi­sir, à peser avec jus­tesse ; la volon­té devient ferme et vigou­reuse ; les pas­sions se sou­mettent à la rai­son ; l’activité humaine reçoit de la pen­sée une règle sûre et effi­cace ; enfin, l’âme tout entière atteint les hau­teurs de sa noblesse originelle.

Efficacité hors pair des Exercices pour la réforme et le progrès des âmes

Le Pape saint Grégoire, dans son « Pastoral », nous le montre par une élé­gante com­pa­rai­son : « L’esprit humain res­semble à l’eau : endiguez-​le, il se ramasse, s’élève et gagne les hau­teurs d’où il est des­cen­du ; ouvrez les digues : il se dis­perse et se répand inuti­le­ment dans les bas-​fonds ». Bien plus, grâce à la pra­tique atten­tive des Exercices spi­ri­tuels, « non seule­ment l’esprit se réjouit dans le Seigneur, et trou­vant dans le silence des aiguillons qui excitent sa faim, se nour­rit d’ineffables ravis­se­ments », – c’est une sage remarque de saint Eucher, évêque de Lyon, – mais encore, la libé­ra­li­té divine l’invite à prendre cette nour­ri­ture céleste dont Lactance nous dit : « Il n’est pour l’âme ali­ment plus suave que la connais­sance de la véri­té ». Suivant la pen­sée d’un auteur ancien qu’on a cru long­temps être saint Basile le Grand, « il entre à l’école de la doc­trine céleste pour s’y for­mer aux sciences divines », dans cette école où l’on n’enseigne que Dieu, Voie unique qui conduit sûre­ment à la connais­sance de la véri­té suprême.

On le voit clai­re­ment, qu’il s’agisse de per­fec­tion­ner les puis­sances natu­relles de l’homme, ou sur­tout de for­mer le chré­tien sur­na­tu­rel, les Exercices ont une effi­ca­ci­té hors pair. Et, assu­ré­ment, à une époque où le véri­table sens chré­tien et l’esprit sur­na­tu­rel, en dehors des­quels notre sainte reli­gion n’est plus rien, se heurtent à tant d’empêchements et d’obstacles, quand le natu­ra­lisme étend par­tout son domaine, ruine la fer­me­té de la foi et éteint les feux de la cha­ri­té chré­tienne, rien de plus impor­tant pour l’homme que d’échapper à cette fas­ci­na­tion des baga­telles qui « obs­cur­cit » le bien et de se cacher dans cette bien­heu­reuse soli­tude. Là, for­mé par le Maître céleste, il appré­cie­ra à sa vraie valeur la vie humaine qui tire tout son prix du ser­vice divin ; il pren­dra en hor­reur les hontes du péché ; il conce­vra une sainte crainte de Dieu ; le voile qui cache la vani­té des biens ter­restres tom­be­ra et elle lui appa­raî­tra dans tout son jour ; pous­sé par les leçons et les exemples de celui qui est « la voie, la véri­té, la vie », il dépouille­ra le vieil homme, se réno­ve­ra lui-​même, et, dans l’exercice de l’humilité, de l’obéissance, de la mor­ti­fi­ca­tion volon­taire, il revê­ti­ra le Christ et ten­dra à deve­nir « l’homme par­fait », à réa­li­ser « la mesure de la sta­ture par­faite du Christ » dont parle l’Apôtre : enfin, il fera tous ses efforts pour pou­voir répé­ter lui aus­si avec le même apôtre : « Je vis, mais ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ». Par ces degrés, sans aucun doute, l’âme s’élève à la plus haute per­fec­tion et s’unit sua­ve­ment à Dieu, sous l’action de la grâce divine qu’appellent avec plus d’abondance, en ces jours de prières plus nom­breuses et plus fer­ventes et la par­ti­ci­pa­tion plus fré­quente des Saints Mystères.

Ce sont là, certes, Vénérables Frères, des bien­faits extra­or­di­naires et d’une extrême impor­tance ; ils dépassent de beau­coup la nature ; leur pos­ses­sion seule donne le repos, le bon­heur, la véri­table paix, suprêmes aspi­ra­tions de l’esprit humain, que la Société contem­po­raine, empor­tée par l’ardeur des volup­tés dans une vaine pour­suite, cherche avi­de­ment dans les biens incer­tains et fra­giles d’une trouble et tumul­tueuse exis­tence. C’est loin de là que les hommes trou­ve­ront une mer­veilleuse ver­tu pour les paci­fier et les éle­ver à la sain­te­té ; c’est, Nous l’enseignons sans crainte, dans les Exercices Spirituels. Les siècles pas­sés, et le nôtre, peut-​être, mieux encore, en ont fait la preuve dans une longue expé­rience. Ils sont innom­brables vrai­ment ceux qui sont sor­tis des Saints Exercices « enra­ci­nés et affer­mis » dans le Christ, rem­plis de lumière et de joie et péné­trés de cette paix qui sur­passe toute intelligence.

Les Exercices Spirituels école d’Action Catholique

Cette plé­ni­tude de vie chré­tienne que nous donnent, Nous l’avons vu, les Exercices, n’a pas pour unique fruit la paix inté­rieure de l’âme. Un autre fruit en découle tout natu­rel­le­ment, fruit pré­cieux et d’un pro­fit peu com­mun pour la Société : c’est le zèle pour le salut des âmes, l’esprit d’apostolat. L’effet propre de la cha­ri­té, dans une âme juste que Dieu rem­plit de sa grâce, n’est-il pas, en effet, de l’enflammer d’un zèle mer­veilleux pour appe­ler les autres âmes à venir par­ta­ger cette connais­sance et cet amour du Bien infi­ni dont ses efforts lui ont assu­ré la pos­ses­sion ? Or, voyez : dans notre siècle de misères spi­ri­tuelle pour la famille humaine, le terres loin­taines des Missions, « déjà toutes blanches pour la mois­son », réclament chaque jour plus haut un nombre d’ouvriers égal à leurs besoins ; et nos propres pays réclament des troupes d’élite de l’un et de l’autre cler­gé pour accom­plir digne­ment le minis­tère divin, et des bataillons ser­rés de pieux laïcs qui, étroi­te­ment unis à la hié­rar­chie, l’aideront dans son apos­to­lat et se consa­cre­ront, avec une indus­trieuse acti­vi­té, aux tâches labo­rieuses et mul­tiples de l’Action catho­lique. Et bien ! Vénérables Frères, fort des leçons de l’histoire, Nous saluons les mai­sons des saints Exercices comme autant de Cénacles dus à la divine Bonté, où les cœurs géné­reux, for­ti­fiés par la grâce, éclai­rés par le flam­beau des véri­tés éter­nelles, et tou­chés par les exemples du Christ, voient clai­re­ment le prix des âmes, sentent s’allumer en eux la flamme du zèle, brûlent de ser­vir dans l’état où une sage élec­tion leur montre que leur Créateur les appelle, et où ils apprennent, en même temps, l’idéal, les indus­tries, les hauts faits de l’apostolat chrétien.

Les Premiers Exercices, au Cénacle

Cette méthode, du reste, n’est-elle pas celle que Notre-​Seigneur a employée pour for­mer les pré­di­ca­teurs de son Évangile ? Le Divin Maître lui-​même ne s’est pas conten­té des longues années d’obscurité dans la mai­son de retraite de Nazareth ; avant de se mon­trer en pleine lumière aux nations et de prê­cher ses leçons célestes, il a vou­lu pas­ser qua­rante jours sui­vis dans le désert le plus soli­taire. Bien plus, au milieu des fatigues de la pré­di­ca­tion évan­gé­lique, il avait aus­si cou­tume d’inviter ses apôtres à goû­ter les dou­ceurs du silence de la retraite : « Venez à l’écart dans un lieu désert et reposez-​vous un peu ». Et, quand il quit­ta pour le ciel notre séjour de misère, il vou­lut voir ses Apôtres et ses dis­ciples tra­vailler à leur per­fec­tion, dans le Cénacle de Jérusalem : là dix jours durant, « ils per­sé­vé­rèrent dans une prière una­nime » et se ren­dirent dignes de rece­voir l’Esprit Saint. Mémorable retraite assu­ré­ment Premiers Exercices spi­ri­tuels ! L’Église en est sor­tie ; elle y a pui­sé sa vigueur et son inépui­sable jeu­nesse ; c’est là, sous le regard et le patro­nage de la Vierge Marie, mère de Dieu, que se for­mèrent, avec les Apôtres, ces pre­miers dis­ciples que nous pou­vons appe­ler jus­te­ment les pré­cur­seurs de l’Action Catholique.

Chez les premiers chrétiens

C’est de ce jour que date l’usage des Exercices Spirituels. Le nom, la méthode n’étaient pas ceux d’aujourd’hui ; mais la pra­tique en était « fami­lière aux pre­miers chré­tiens », Saint François de Sales nous l’enseigne et les Saints Pères nous en donnent, dans leurs œuvres, des preuves évidentes.

Écoutez saint Jérôme exhor­tant la noble Celantia : « Choisissez-​vous un lieu favo­rable, loin des bruits de la famille, où vous puis­siez vous réfu­gier comme dans un port. Là, pas d’autres soins que les saintes lec­tures ; reve­nez si fré­quem­ment à la prière, entre­te­nez si for­te­ment votre esprit de la vie future que vous puis­siez, dans ce repos, répa­rer tant de jour­nées absor­bées par les occu­pa­tions ter­restres. Nous ne disons pas cela pour vous sépa­rer des vôtres ; Notre pen­sée, au contraire, c’est que vous appre­niez là, dans la médi­ta­tion, ce que vous devez être pour eux ».

Écoutez un contem­po­rain de saint Jérôme, saint Pierre Chrysologue, évêque de Ravenne, adres­ser aux fidèles cette élo­quente et célèbre invi­ta­tion :» Nous avons don­né au corps une année ; don­nons à l’âme quelques jours… Vivons un peu pour Dieu, après avoir tant vécu pour le monde…. Ouvrons nos oreilles à la voix de Dieu : que les bruits fami­liers ne nous empêchent pas de l’entendre… Ainsi équi­pés, mes frères, ain­si for­més, nous décla­re­rons la guerre au péché… Nous sommes sûrs de la victoire ».

Dans la suite des temps, les hommes ont tou­jours éprou­vé cette nos­tal­gie d’une soli­tude pai­sible, où leur âme pour­rait, loin des regards des autres hommes, s’adonner inten­sé­ment aux choses divines. Mieux que cela, On l’a remar­qué, plus les époques étaient ora­geuses et la socié­té trou­blée, et plus se fai­sait pres­sant l’appel divin pour pous­ser à la retraite les âmes avides de jus­tice et de véri­té, « afin que, libé­rées ordi­nai­re­ment des convoi­tises cor­po­relles, elles puissent se livrer à la divine sagesse, et, dans le secret de leur cœur, où tous les sou­cis humains font silence, s’abandonner aux saintes médi­ta­tions et aux délices éternels ».

Les Exercices Spirituels de saint Ignace

Plus tard, la Providence de Dieu a sus­ci­té dans son Église nombre d’hommes spi­ri­tuels, enri­chis de l’abondance des faveurs célestes, remar­quables par leur science de la vie spi­ri­tuelle. Ils nous ont don­né les règles et les méthodes d’une ascèse sage et auto­ri­sée qu’ils devaient soit à une révé­la­tion divine, soit à leur pra­tique per­son­nelle, soit à l’expérience des siècles pas­sés. C’est ain­si que parut, par une volon­té de cette Providence Divine, l’œuvre de cet insigne ser­vi­teur de Dieu, Ignace de Loyola, celle à qui appar­tient en propre le nom d’Exercices Spirituels, un tré­sor, comme l’appelait le Vénérable Louis de Blois, ce fils insigne de saint Benoît, dont saint Alphonse-​Marie de Liguori cite le texte dans une lettre magni­fique sur la pra­tique des Exercices dans la soli­tude, « un tré­sor que Dieu a ouvert à son Église en ces der­niers temps et pour lequel nous Lui rede­vons de spé­ciales actions de grâces ». La renom­mée de ces Exercices Spirituels se répan­dit rapi­de­ment dans l’Église. Entre beau­coup d’autres, saint Charles Borromée, qui est pour Nous, à tant de titres, l’objet d’une véné­ra­tion et d’un amour par­ti­cu­liers, leur deman­da un sti­mu­lant pour cou­rir avec plus d’ardeur dans la car­rière de la sain­te­té, et, comme Nous l’avons rap­pe­lé en une autre occa­sion, « il en répan­dit l’usage dans le cler­gé et dans le peuple ». Avec son zèle et son auto­ri­té, il les enri­chit de règles très sûres et de « direc­toires » et il alla jusqu’à fon­der une mai­son exclu­si­ve­ment consa­crée aux Exercices sui­vant la méthode de saint Ignace. Cette mai­son, qu’il appe­la Ascetenum, nous devons, semble-​t-​il, la saluer comme la pre­mière de toutes celles qu’une heu­reuse imi­ta­tion a, dans la suite, fait fleu­rir par­tout. Et, de fait, à mesure que l’estime des Exercices aug­men­tait dans l’Église, ces mai­sons se mul­ti­pliaient d’une façon mer­veilleuse ; oasis pro­vi­den­tielles, on peut le dire, où les fidèles des deux sexes, dans les ari­di­tés de leur pèle­ri­nage ter­restres, trouvent le repos et une nour­ri­ture spi­ri­tuelle, qui leur rend des forces. En pré­sence des ruines effrayantes accu­mu­lées par une guerre qui a jeté le trouble au plus pro­fond de la socié­té, après tant de coups por­tés à la vie spi­ri­tuelle et à la vie civique des peuples, hier pros­pères aujourd’hui muti­lés, on ne compte pas ceux qui, après avoir vu s’effacer et s’évanouir les vaines espé­rances qu’ils cares­saient jadis, ont com­pris clai­re­ment qu’il faut pré­fé­rer aux biens de la terre les biens du ciel, et sont allés, sous l’impulsion tou­jours agis­sante du Saint-​Esprit, cher­cher la véri­table paix de l’âme dans les Saints Exercices. Quel témoi­gnage lumi­neux, dans cette affluence : âmes atti­rées par la beau­té d’une vie plus par­faite et plus sainte, âmes bat­tues par de furieuses tem­pêtes ou tour­men­tées par les sou­cis de la vie, âmes assié­gées par les ruses d’un monde trom­peur, âmes atteintes par le fléau d’un natio­na­lisme odieux ou char­mées par les volup­tés char­nelles, toutes ont cher­ché un refuge dans ces mai­sons ; dans le calme de ces saintes soli­tudes, d’autant plus péné­trant que les assauts sou­te­nus avaient été plus vio­lents ; elles ont repris la médi­ta­tion des véri­tés sur­na­tu­relles et en ont fait leur règle dans la réforme de leur vie.

Cet élan magni­fique de pié­té Nous rem­plit d’une très vive et d’une très douce recon­nais­sance. Qu’il se pro­page, et ce sera, nous en sommes sûrs, la pro­tec­tion la plus sûre, le plus effi­cace secours contre les maux qui nous menacent. Aussi. sommes-​Nous réso­lus, autant qu’il est en Nous, de secon­der les aimables des­seins de la Divine Bonté. Il ne faut pas que ce pres­sant appel du Saint-​Esprit au plus infi­nie des cœurs reste vain, ni cette semence des dons célestes les plus pré­cieux, inféconde.

Devoir des chrétiens

L’exemple du Vatican Nous le fai­sons d’autant plus volon­tiers que Nous avons sous les yeux l’exemple de Nos pré­dé­ces­seurs. Depuis long­temps, en effet, le Siège Apostolique ne s’est pas conten­té de recom­man­der sou­vent aux fidèles les Exercices Spirituels. Il a vou­lu y joindre l’enseignement et l’autorité de son exemple : plu­sieurs fois, l’auguste palais du Vatican s’est trou­vé conver­ti pen­dant quelques jours, en un Cénacle de médi­ta­tions et de prière. Cette cou­tume, Nous l’avons trou­vée éta­blie ; mais elle Nous a cau­sé une telle joie, une Si vive conso­la­tion, que Nous avons vou­lu en conser­ver le béné­fice pour Nous et pour ceux qui vivent prés de Nous. Aussi, sui­vant en cela leurs dési­rs, Nous avons ordon­né les mesures néces­saires et, à l’avenir, les Exercices seront don­nés chaque année dans Notre palais.

Les Évêques

Vous aus­si, Vénérables Frères, vous esti­mez gran­de­ment les Exercices Spirituels ; per­sonne ne l’ignore. Vous les avez pra­ti­qués avant d’enter dans les ordres sacrés et avant de rece­voir la plé­ni­tude du Sacerdoce ; sou­vent encore, dans des réunions où vous avez convo­qué vos prêtres et que vous pré­si­diez vous-​mêmes, vous avez eu recours aux Exercices pour refaire vos âmes dans la médi­ta­tion des véri­tés éter­nelles. Bel exemple, certes, et que Nous jugeons digne de louer ouver­te­ment. Mais Nous croyons devoir une louange encore plus grande à ces évêques de l’Église Orientale ou Occidentale, qui se sont réunis plus d’une fois, Nous le savons, sous la pré­si­dence de leur Patriarche ou de leur Métropolitain pour faire une retraite plus adap­tée à leur charge et à leurs devoirs. Ils ont don­né là un magni­fique exemple, et Nous espé­rons que cet exemple sera, dans la mesure du pos­sible, sui­vi et pro­pa­gé avec empres­se­ment. Notre vœu se réa­li­se­ra faci­le­ment, si on orga­nise ces retraites à l’occasion des réunions, que les évêques d’une pro­vince doivent tenir, soit pour le bien com­mun des âmes, soit pour déli­bé­rer sur les dis­po­si­tions qu’exigent les cir­cons­tances. C’est ce que nous avions déci­dé de faire Nous-​même avec tous les évêques de la Lombardie dans les jours si courts où Nous avons gou­ver­né l’Église de Milan ; et nous aurions cer­tai­ne­ment réa­li­sé Notre pro­jet dès la pre­mière année de Notre épis­co­pat, si Dieu, dans sa mys­té­rieuse Providence, n’avait eu des vues tout autres sur Notre humble personne.

Les prêtres du clergé séculier

Nous pou­vons donc y comp­ter : les prêtres et les reli­gieux qui ont pré­ve­nu sur ce point la légis­la­tion de l’Église et pra­ti­qué fré­quem­ment dans le pas­sé les Exercices Spirituels, auront recours à l’avenir à ce moyen de sanc­ti­fi­ca­tion avec un zèle d’autant plus grand que les Saints Canons le leur pres­crivent main­te­nant avec tout le poids de leur auto­ri­té. Aussi exhortons-​Nous ardem­ment les prêtres du cler­gé sécu­lier à se mon­trer fidèles à pra­ti­quer les Exercices Spirituels, au moins dans la mesure Si modique des pres­crip­tions cano­niques ; qu’un désir ardent de leur propre per­fec­tion les anime au début et dans le cours de la retraite : ain­si ils obtien­dront avec abon­dance l’es­prit sur­na­tu­rel qui est indis­pen­sable aux suc­cès de leur minis­tère auprès du trou­peau confié à leurs soins et pour gagner à Jésus-​Christ, dans la bataille des âmes, un riche butin. N’est-ce pas la voie où ont mar­ché tous les prêtres consu­més du zèle des âmes, qui se sont dis­tin­gués soit en gui­dant le pro­chain dans le sen­tier de la sain­te­té, soit dans la for­ma­tion du cler­gé ? Tel fut, pour citer une exemple récent, le Bienheureux Joseph Cafasso, que Nous avons éle­vé Nous-​même aux hon­neurs des autels : pour ce saint per­son­nage, la pra­tique régu­lière des Exercices fut tou­jours un devoir sacré : c’est là qu’il avi­vait dans son cœur et chez les autres ministres du Christ, la flamme d’un zèle ardent pour la sain­te­té et la connais­sance des pen­sées divines : et c’est au sor­tir d’une de ces retraites que, dans la lumière d’une révé­la­tion céleste, il mon­tra clai­re­ment à un jeune prêtre, son péni­tent, la route qui devait le conduire sur les plus hauts som­mets de la sain­te­té : Nous vou­lons par­ler du Bienheureux Don Bosco : ce nom rend tout éloge inutile.

Les religieux de tous Ordres

Quand à ceux qui, quel que soit leur nom, servent dans le cloître et dans la vie reli­gieuse, une loi leur ordonne les Exercices annuels. Sans aucun doute, ils rap­por­te­ront de ces pieuses retraites une grande abon­dance de biens célestes ; ils y trou­ve­ront, sui­vant leurs besoins par­ti­cu­liers, une source où pui­ser le désir d’une per­fec­tion plus haute et tous les secours pour mar­cher plus allè­gre­ment dans la voie des conseils évan­gé­liques. Les Exercices annuels, en effet, sont « l’arbre de vie » mys­tique qui per­met­tra aux com­mu­nau­tés et à leurs membres de gar­der toute sa force à cette sain­te­té dont le renom est la gloire néces­saire de toute famille religieuse.

Et que les prêtres de l’un et l’autre cler­gé ne s’imaginent pas que le temps pas­sé dans les Exercices nui­ra au minis­tère apos­to­lique. Qu’ils écoutent saint Bernard : il n’hésitait pas à écrire au Bienheureux Pontife Eugène lui dont il avait été le maître : Si vous vou­lez vous don­ner tout entier à tous, à l’exemple de celui qui s’est fait tout à tous, je loue votre cha­ri­té ; mais qu’elle s’étende vrai­ment à tous ! Et com­ment s’étendrait-elle à tous, si vous vous excluez ? Vous aus­si, vous êtes homme ! Pour que cette cha­ri­té s’étende à tous sans excep­tion, qu’il y ait place aus­si pour vous dans ce cœur ouvert à tous ; sans quoi, que vous ser­vi­ra de gagner l’univers, en vous per­dant vous-​même ? Concluez : vous êtes tout à tous ; soyez aus­si par­fois tout à vous-​même ! Souvenez-​vous, je ne dis pas tou­jours, je ne dis pas sou­vent, mais de temps en temps, de reprendre pos­ses­sion de vous-même !

Les laïcs de l’Action Catholique

Et main­te­nant, Vénérables Frères, Notre désir n’est pas moins grand de voir se per­fec­tion­ner dans les Exercices Spirituels les bataillons nom­breux de cette Action Catholique que Nous ne ces­sons et ne ces­se­rons jamais de pro­mou­voir et de recom­man­der de toutes Nos forces, et dans laquelle il faut voir la par­ti­ci­pa­tion très utile pour ne pas dire néces­saire des laïques à l’apostolat de la hié­rar­chie. En véri­té, les mots Nous manquent pour dire de quelle joie Nous avons été rem­pli en appre­nant que presque par­tout, on a orga­ni­sé des retraites spé­ciales où ces sol­dats du Christ, paci­fiques et forts, et sur­tout les bataillons des jeunes recrues, reçoivent une for­ma­tion par­ti­cu­lière. Ils y courent, nom­breux, et ils en reviennent vaillants et agiles pour sou­te­nir la cause de Dieu ; ils y trouvent des secours pour impri­mer dans leur âme les traits de la per­fec­tion chré­tienne ; enfin, il n’est pas rare que la voix de Dieu, réson­nant mys­té­rieu­se­ment dans leur cœur, les appelle au minis­tère saint, à la conquête des âmes, à l’apostolat dans la pleine accep­ta­tion du mot.

Splendide aurore, illu­mi­née des feux de la grâce, qui sera bien­tôt sui­vie d’un midi écla­tant, pour­vu que la pra­tique des Exercices Spirituels devienne uni­ver­selle et se pro­page avec sagesse et intel­li­gence par­mi les asso­cia­tions diverses de catho­liques, sur­tout par­mi les plus jeunes.

Congés payés

En un temps spé­cia­le­ment où les biens tem­po­rels et les mul­tiples com­mo­di­tés de la vie qui en découlent se sont répan­dus avec une cer­taine abon­dance chez les ouvriers et chez les autres sala­riés, et leur ont fait une vie plus heu­reuse et plus large, il faut regar­der comme un bien­fait de la misé­ri­corde et de la bon­té pré­voyantes de Dieu que les fidèles des classes popu­laires voient s’ouvrir pour eux le tré­sor des Exercices. Heureux contre­poids ! Il les empê­che­ra de se lais­ser empor­ter par les biens pas­sa­gers, de se plon­ger jusqu’au cou dans les plai­sirs faciles et de tom­ber dans le maté­ria­lisme théo­rique et pra­tique le plus lamentable.

Les ligues d’anciens retraitants

Aussi les œuvres des retraites fer­mées qui sur­gissent déjà en plus d’un pays et plus encore, les retraites d’ouvriers, si fécondes, si oppor­tunes, avec les Associations dîtes de per­sé­vé­rance qui en pro­longent le fruit, sont-​elles, à juste titre, l’objet de Nos ardents dési­rs et de Nos spé­ciales faveurs. Toutes ces œuvres, véné­rables Frères Nous les recom­man­dons ins­tam­ment à la saga­ci­té de votre zèle pastoral.

Conditions d’une bonne retraite

Mais pour que les Exercices pro­duisent les fruits que Nous avons décrits, il faut les faire avec l’application conve­nable ; si 16 PIE XI, PAPE on ne les fait que par habi­tude, ou avec paresse et non­cha­lance, le pro­fit sera mince ou inexis­tant.
1. La soli­tude et le silence. Quel est donc le pre­mier devoir ? C’est de se reti­rer dans une soli­tude pro­pice, et de s’appliquer avec inten­si­té à la médi­ta­tion, en écar­tant tous les sou­cis et toutes les pré­oc­cu­pa­tions ordi­naires de la vie. Ce livre d’or qu’est l’« Imitation de Jésus-​Christ » nous le dit clai­re­ment : « C’est dans le silence et dans la paix que l’âme dévote pro­gresse ». Aussi, s’il faut louer assu­ré­ment et pro­mou­voir avec tout le zèle pas­to­ral pos­sible, puisque Dieu les honore de mul­tiples faveurs, les Exercices prê­chés en public au peuple chré­tien, Nous insis­tons avec toute Notre éner­gie pour qu’on fasse les Exercices dans la soli­tude c’est-à-dire des retraites fer­mées, parce qu’il est plus facile de s’y tenir à l’écart des créa­tures, de recueillir les puis­sances de notre esprit dis­si­pé et, dans la contem­pla­tion des véri­tés éter­nelles, de ne plus pen­ser qu’à soi et à Dieu.
2. Un mini­mum de durée. En outre, pour que les Exercices Spirituels méritent leur nom, il faut y consa­crer un cer­tain temps. Ce temps peut varier sui­vant les cir­cons­tances et les per­sonnes, se réduire à quelques jours ou se pro­lon­ger un mois entier. Mais qu’on ne les réduise pas trop Si l’on veut que les Exercices donnent les avan­tages pro­mis. Une cure dons un lieu salubre ne pro­fite à la san­té que si on y séjourne suf­fi­sam­ment : ce trai­te­ment salu­taire des Exercices, ne refait vrai­ment l’âme que si on le pro­longe assez long­temps.
3. Une bonne méthode. Enfin, il est d’une extrême impor­tance, pour bien faire les Exercices Spirituels et en pro­fi­ter, de suivre une méthode sage et appropriée.

La méthode de saint Ignace tient le premier rang entre toutes

Or, la preuve en est faite, par­mi toutes les méthodes, louables assu­ré­ment, puisqu’elles sont fon­dées sur les prin­cipes d’une saine ascèse catho­lique, il en est une qui a tou­jours tenu le pre­mier rang, hono­rée de l’approbation entière et maintes fois répé­tée du Saint-​Siège, illus­trée par les éloges de per­son­nages aus­si illustres par leur science des choses divines que par leur sain­te­té, qui a pro­duit, enfin, des fruits innom­brables de ver­tu pen­dant près de quatre siècles : c’est la méthode de saint Ignace de Loyola, celui qu’il Nous plait d’appeler le Maître prin­ci­pal et le spé­cia­liste des Exercices Spirituels.

Son admi­rable livre des Exercices, si mince de volume, mais si lourd de sagesse céleste, depuis qu’il a été solen­nel­le­ment approu­vé, loué et recom­man­dé par Notre pré­dé­ces­seur Paul III, d’heureuse mémoire pour reprendre ici les paroles employées par Nous autre­fois, avant d’être appe­lé à la Chaire de Pierre s’est impo­sé avec éclat comme le Code le plus sage et le plus uni­ver­sel des lois du salut et de la per­fec­tion des âmes, comme la source inta­ris­sable de la pié­té la plus éle­vée et la plus solide, comme un aiguillon irré­sis­tible et un guide très aver­ti pour aider les âmes à se réfor­mer et atteindre les som­mets de la vie spi­ri­tuelle. Au début de Notre Pontificat, « répon­dant aux dési­rs et aux vœux ardents de l’épiscopat de presque tout l’univers catho­lique et des deux rites », dans la Constitution Apostolique Summorum Pontificum du 25 août 1922, Nous avons décla­ré solen­nel­le­ment Saint Ignace de Loyola, Patron céleste de tous les Exercices Spirituels et, par consé­quent, des ins­ti­tuts, confré­ries et asso­cia­tions de tout genre qui consacrent leur zèle ô ceux qui font les Exercices. Nous ne fai­sons, pour ain­si dire, que consa­crer de Notre auto­ri­té suprême le sen­ti­ment com­mun des Pasteurs et des fidèles, ce qu’avait dit impli­ci­te­ment, outre Paul III, déjà cité, Nos insignes pré­dé­ces­seurs Alexandre VII, Benoît XIV et Léon XIII dans leurs éloges répé­tés de la dis­ci­pline Ignatienne ; ce qu’avaient décla­ré en le por­tant aux nues, et, mieux encore, par l’exemple des ver­tus pui­sées ou déve­lop­pées à cette école, tous ceux qui se sont illus­trés par leur science ascé­tique et la sain­te­té de leur vie, pen­dant les quatre der­niers siècles.

Universalisme et Garantie contre tout faux mysticisme

Voyez en effet : une doc­trine spi­ri­tuelle excel­lente, aus­si éloi­gnée que pos­sible des périls et des illu­sions d’un mys­ti­cisme faux ; une admi­rable faci­li­té d’adaptation à toutes les classes et à toutes les condi­tions, que l’on vaque dans le cloître à la contem­pla­tion ou que l’on mène, dans les affaires, une vie agi­tée ; un mer­veilleux accord entre les diverses par­ties ; l’ordre admi­rable et lumi­neux dans lequel se suc­cèdent les véri­tés médi­tées ; une spi­ri­tua­li­té, enfin, qui enseigne à l’homme à secouer le joug du péché, à gué­rir ses mala­dies morales, et qui, par la voie sûre de l’abnégation et du renon­ce­ment aux habi­tudes mau­vaises, le fait par­ve­nir à l’oraison la plus éle­vée sur les som­mets de l’amour divin. Tant de qua­li­tés, sans aucun doute, prouvent avec évi­dence l’efficacité vigou­reuse de la méthode d’Ignace et sont pour les Exercices la plus élo­quente recommandation.

La récollection mensuelle

Il Nous reste, Vénérables Frères, à indi­quer le moyen de sau­ve­gar­der soi­gneu­se­ment les fruits de ces Exercices Spirituels, que Nous venons de com­bler de Nos louanges et d’en renou­ve­ler la salu­taire impres­sion. Ce moyen, que Nous vous recom­man­dons ins­tam­ment, c’est la pieuse cou­tume de la récol­lec­tion men­suelle ou tout au moins tri­mes­trielle, qui est comme une brève répé­ti­tion des Exercices. Cet usage il Nous plaît d’employer les mêmes paroles que Notre pré­dé­ces­seur Pie X, de sainte mémoire : « Nous le voyons avec grande joie intro­duit en plu­sieurs endroits » et par­ti­cu­liè­re­ment en hon­neur dans les com­mu­nau­tés reli­gieuses et chez les prêtres pieux du cler­gé sécu­lier. Mais Nous sou­hai­tons de tout Notre cœur qu’il soit intro­duit par­mi les laïques eux-​mêmes : là encore il serait, sans aucun doute, d’une uti­li­té peu ordi­naire, sur­tout pour ceux qui, rete­nus par leurs charges de famille ou trop enga­gés dans les affaires, ne peuvent suivre les Exercices Spirituels : ces récol­lec­tions com­pen­se­raient, en par­tie du moins, les avan­tages des Exercices eux-mêmes.

Conclusion

Et ain­si, Vénérables Frères, si par­tout, dans tous les rangs de la Société chré­tienne, on pro­page sui­vant Nos conseils et on pra­tique avec soin les Exercices, ils pro­dui­ront un renou­veau spi­ri­tuel : la pié­té sera réchauf­fée, la reli­gion sera vigou­reu­se­ment pra­ti­quée, le minis­tère apos­to­lique sera plus ample et plus fruc­tueux, la paix enfin éta­bli­ra son règne dans les âmes et dans la Société.

Dans la séré­ni­té du ciel et le silence de la terre, tan­dis que la nuit attei­gnait le milieu de sa course, en secret, loin des foules humaines, le Verbe Éternel du Père, prit la nature humaine et se mon­tra aux mor­tels, et, dans les hau­teurs du Ciel reten­tit l’hymne céleste : « Gloire à Dieu au plus haut des Cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volon­té ». Cette annonce de la paix chré­tienne – la Paix du Christ dans le règne du Christ – tra­duit le désir le plus pro­fond de Notre cœur, le désir de cette paix, objet de tous Nos vœux et de tous Nos efforts ! Elle reten­ti­ra pro­fon­dé­ment dans les âmes des fidèles s’ils s’éloignent du tumulte et des vani­tés de la vie moderne pour médi­ter à loi­sir dans le secret d’une retraite silen­cieuse les véri­tés de la foi et les exemples de Celui qui a por­té la paix au monde et la lui a lais­sée comme son héri­tage : « Je vous donne ma paix ».

Cette paix, cette paix véri­table, en ce jour où par une faveur divine, Nous ter­mi­nons la cin­quan­tième année de Notre sacer­doce, Nous vous la sou­hai­tons, Vénérables Frères, de tout Notre cœur, et à la veille de célé­brer la très douce fête de la Nativité de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, qui est vrai­ment le mys­tère de la paix, Nous la deman­dons à Celui que Nous saluons du titre de Prince de la Paix, dans une fer­vente prière. Dans ces sen­ti­ments, le cœur plein d’une douce joie et ani­mé d’une ferme espé­rance, comme gage des faveurs divines, comme témoi­gnage de Notre bien­veillance, Nous vous accor­dons, affec­tueu­se­ment, Vénérables Frères, à vous, à votre cler­gé et à votre peuple, c’est-à-dire à Notre grande et chère famille catho­lique, la Bénédiction Apostolique.

Donné à Rome, près de Saint-​Pierre, le 20 décembre de l’an 1929, de Notre Pontificat le hui­tième.

Pie XI, Pape

31 décembre 1930
Sur le mariage Chrétien considéré au point de vue de la condition présente, des nécessités, des erreurs et des vices de la famille et de la société
  • Pie XI