Pie XII

260ᵉ pape ; de 1939 à 1958

18 avril 1952

Discours au Congrès de la Fédération Mondiale des Jeunesses Féminines Catholiques

Sur les dangers de la morale de situation

Table des matières

Rome, Salle des Bénédictions – Vendredi 18 avril 1952

Une nou­velle concep­tion de la morale

Le thème du congrès

Soyez les bien­ve­nues, chères filles de la Fédération Mondiale des Jeunesses Féminines Catholiques. Nous vous saluons avec le même plai­sir, la même joie et la même affec­tion, avec les­quelles il y a cinq ans Nous vous avons reçues à Castel-​Gandolfo à l’oc­ca­sion de la grande ren­contre inter­na­tio­nale des Femmes Catholiques.

Les impul­sions et les conseils de sagesse que vous a don­nés ce Congrès, comme les paroles que Nous vous avons alors adres­sées (Discorsi e Radiomessaggi, IX, p. 221–233), ne sont vrai­ment pas res­tés sans fruit. Nous savons com­bien dans cet inter­valle votre effort s’est ten­du, pour réa­li­ser les buts pré­cis, dont vous aviez la claire vision. C’est ce que Nous prouve aus­si le mémoire impri­mé que vous Nous avez remis lors de la pré­pa­ra­tion du Congrès d’au­jourd’­hui : « La Foi des Jeunes – Problème de notre temps ». Ses 32 pages ont le poids d’un gros volume, et Nous en avons pris connais­sance avec grande atten­tion, car il résume et syn­thé­tise les ensei­gne­ments d’en­quêtes nom­breuses et variées sur l’é­tat de la Foi dans la jeu­nesse catho­lique d’Europe, et le résul­tat en est extrê­me­ment instructif.

Toute une série de ques­tions qui y sont tou­chées, Nous les avons Nous-​même trai­tées dans notre allo­cu­tion du 12 sep­tembre 1947, à laquelle vous assis­tiez, et dans beau­coup d’autres allo­cu­tions aupa­ra­vant et depuis. Aujourd’hui Nous vou­drions prendre occa­sion de cette réunion avec vous, pour dire ce que Nous pen­sons de cer­tain phé­no­mène qui se mani­feste un peu par­tout, dans la vie de foi des catho­liques, qui atteint un peu tout le monde, mais par­ti­cu­liè­re­ment la jeu­nesse et ses édu­ca­teurs, et dont votre mémoire aus­si rap­porte en divers endroits les traces, ain­si quand vous dites (p. 10) : « Confondant le chris­tia­nisme avec un code de pré­ceptes et d’in­ter­dic­tions, les jeunes ont le sen­ti­ment d’é­touf­fer dans ce cli­mat de « morale impé­ra­tive » et ce n’est pas une infime mino­ri­té, qui jette par des­sus bord « le bagage gênant » ».

Une nouvelle conception de la loi morale

Nous pour­rions nom­mer ce phé­no­mène « une nou­velle concep­tion de la vie morale », puis­qu’il s’a­git d’une ten­dance qui se mani­feste dans le domaine de la mora­li­té. Or c’est sur les véri­tés de foi, que se basent les prin­cipes de la mora­li­té ; et vous savez bien de quelle impor­tance fon­da­men­tale il est pour la conser­va­tion et le déve­lop­pe­ment de la foi, que la conscience du jeune homme et de la jeune fille soit très tôt for­mée et se déve­loppe selon des normes morales justes et saines. Ainsi la « nou­velle concep­tion de la mora­li­té chré­tienne » touche-​t-​elle très direc­te­ment au pro­blème de la foi des jeunes. Nous avons déjà par­lé de la « nou­velle morale » dans Notre mes­sage radio­dif­fu­sé du 23 mars der­nier aux édu­ca­teurs chré­tiens. Ce que Nous disons aujourd’­hui n’est pas seule­ment une conti­nua­tion de ce que Nous avons trai­té alors ; Nous vou­lons dévoi­ler les sources pro­fondes de cette concep­tion. On pour­rait qua­li­fier celle-​ci d”« exis­ten­tia­lisme éthique », d”« actua­lisme éthique », d”« indi­vi­dua­lisme éthique » enten­dus au sens res­tric­tif que Nous allons dire, et tels qu’on les trouve dans ce qu’on a appe­lé ailleurs « Situationsethik – morale de situation ».

La « morale de situation » – son signe distinctif

Le signe dis­tinc­tif de cette morale est qu’elle ne se base point en effet sur les lois morales uni­ver­selles comme par exemple les Dix Commandements, mais sur les condi­tions ou cir­cons­tances réelles et concrètes dans les­quelles on doit agir, et selon les­quelles la conscience indi­vi­duelle a à juger et à choi­sir. Cet état de choses est unique et vaut une seule fois pour toute action humaine. C’est pour­quoi la déci­sion de la conscience, affirment les tenants de cette éthique, ne peut être com­man­dée par les idées, les prin­cipes et les lois universelles.

La foi chré­tienne base ses exi­gences morales sur la connais­sance des véri­tés essen­tielles et de leurs rela­tions ; ain­si fait saint Paul dans l’Épître aux Romains (1, 19–21) pour la reli­gion comme telle, soit chré­tienne, soit anté­rieure au chris­tia­nisme : à par­tir de la créa­tion, dit l’Apôtre, l’homme entre­voit et sai­sit en quelque sorte le Créateur, sa puis­sance éter­nelle et sa divi­ni­té, et cela avec une telle évi­dence qu’il se sait et se sent obli­gé à recon­naître Dieu et à lui rendre un culte, de sorte que négli­ger ce culte ou le per­ver­tir dans l’i­do­lâ­trie est gra­ve­ment cou­pable, pour tous et dans tous les temps.

Ce n’est point ce que dit l’é­thique dont Nous par­lons. Elle ne nie pas, sans plus, les concepts et les prin­cipes moraux géné­raux (bien que par­fois elle s’ap­proche fort d’une sem­blable néga­tion), mais elle les déplace du centre vers l’ex­trême péri­phé­rie. Il peut arri­ver que sou­vent la déci­sion de la conscience leur cor­res­ponde. Mais ils ne sont pas, pour ain­si dire, une col­lec­tion de pré­misses, des­quelles la conscience tire les consé­quences logiques dans le cas par­ti­cu­lier, le cas d”« une fois ». Non pas ! Au centre se trouve le bien, qu’il faut actuer ou conser­ver, en sa valeur réelle et indi­vi­duelle ; par exemple, dans le domaine de la foi, le rap­port per­son­nel qui nous lie à Dieu. Si la conscience sérieu­se­ment for­mée déci­dait que l’a­ban­don de la foi catho­lique et l’adhé­sion à une autre confes­sion mène plus près de Dieu, cette démarche se trou­ve­rait « jus­ti­fiée », même si géné­ra­le­ment elle est qua­li­fiée de « défec­tion dans la foi ». – Ou encore, dans le domaine de la mora­li­té, le don de soi cor­po­rel et spi­ri­tuel entre jeunes gens. Ici la conscience sérieu­se­ment for­mée déci­de­rait qu’à rai­son de la sin­cère incli­na­tion mutuelle conviennent les pri­vau­tés du corps et des sens, et celles-​ci, bien qu’ad­mis­sibles seule­ment entre époux, devien­draient mani­fes­ta­tions per­mises. – La conscience ouverte d’au­jourd’­hui déci­de­rait ain­si, parce que de la hié­rar­chie des valeurs elle tire ce prin­cipe que les valeurs de per­son­na­li­té, étant les plus hautes, pour­raient se ser­vir des valeurs infé­rieures du corps et des sens ou bien les écar­ter, selon que le sug­gère chaque situa­tion. – On a bien avec insis­tance pré­ten­du que, jus­te­ment d’a­près ce prin­cipe, en matière de droit des époux, il fau­drait, en cas de conflit, lais­ser à la conscience sérieuse et droite des conjoints, selon les exi­gences des situa­tions concrètes, la facul­té de rendre direc­te­ment impos­sible la réa­li­sa­tion des valeurs bio­lo­giques, au pro­fit des valeurs de personnalité.

Des juge­ments de conscience de cette nature, si contraires qu’ils semblent au pre­mier abord aux pré­ceptes divins, vau­draient cepen­dant devant Dieu, parce que, dit-​on, la conscience sin­cère sérieu­se­ment for­mée prime devant Dieu-​même le « pré­cepte » et la « loi ».

Une telle déci­sion est donc « active » et « pro­duc­trice », non « pas­sive » et « récep­trice » de la déci­sion de la loi, que Dieu a écrite dans le cœur de cha­cun, et moins encore de celle du Décalogue, que le doigt de Dieu a écrite sur des tables de pierre, à charge pour l’au­to­ri­té humaine de le pro­mul­guer et de le conserver.

La « morale nouvelle » éminemment individuelle

L’éthique nou­velle (adap­tée aux cir­cons­tances), disent ses auteurs, est émi­nem­ment « indi­vi­duelle ». Dans la déter­mi­na­tion de conscience l’homme sin­gu­lier se ren­contre immé­dia­te­ment avec Dieu et se décide devant Lui, sans l’in­ter­ven­tion d’au­cune loi, d’au­cune auto­ri­té, d’au­cune com­mu­nau­té, d’au­cun culte ou confes­sion, en rien et en aucune manière. Ici il y a seule­ment le je de l’homme et le Je du Dieu per­son­nel ; non du Dieu de la loi, mais du Dieu Père, avec qui l’homme doit s’u­nir dans l’a­mour filial. Vue ain­si, la déci­sion de conscience est donc un « risque » per­son­nel, selon la connais­sance et l’é­va­lua­tion propres, en toute sin­cé­ri­té devant Dieu. Ces deux choses, l’in­ten­tion droite et la réponse sin­cère, sont ce que Dieu consi­dère ; l’ac­tion ne Lui importe pas. De sorte que la réponse peut être d’é­chan­ger la foi catho­lique contre d’autres prin­cipes, de divor­cer, d’in­ter­rompre la ges­ta­tion, de refu­ser obéis­sance à l’au­to­ri­té com­pé­tente dans la famille, dans l’Église, dans l’État, et ain­si de suite.

Tout cela convien­drait par­fai­te­ment à la condi­tion de « majo­ri­té » de l’homme et, dans l’ordre chré­tien, à la rela­tion de filia­tion, qui, selon l’en­sei­gne­ment du Christ, nous fait prier « notre Père ». Cette vue per­son­nelle épargne à l’homme de devoir à chaque ins­tant mesu­rer si la déci­sion à prendre cor­res­pond aux para­graphes de la loi ou aux canons des normes et règles abs­traites ; elle le pré­serve de l’hy­po­cri­sie d’une fidé­li­té pha­ri­saïque aux lois ; elle le pré­serve tant du scru­pule patho­lo­gique, que de la légè­re­té ou du manque de conscience, parce qu’elle fait repo­ser sur le chré­tien per­son­nel­le­ment l’en­tière res­pon­sa­bi­li­té devant Dieu. Ainsi parlent ceux qui prônent la « nou­velle morale ».

Elle est en dehors de la foi et des principes catholiques

Sous cette forme expresse l’é­thique nou­velle est tel­le­ment en dehors de la foi et des prin­cipes catho­liques, que même un enfant, s’il sait son caté­chisme, s’en ren­dra compte et le sen­ti­ra. Il n’est pas dif­fi­cile de recon­naître com­ment le nou­veau sys­tème moral dérive de l’exis­ten­tia­lisme, qui ou fait abs­trac­tion de Dieu, ou sim­ple­ment le nie, et en tout cas remet l’homme à soi-​même. Il peut se faire que les condi­tions pré­sentes aient induit à ten­ter de trans­plan­ter cette « morale nou­velle » sur le ter­rain catho­lique, pour rendre plus sup­por­tables aux fidèles les dif­fi­cul­tés de la vie chré­tienne. De fait, à des mil­lions d’entre eux sont deman­dés aujourd’­hui, en un degré extra­or­di­naire, fer­me­té, patience, constance et esprit de sacri­fice, s’ils veulent demeu­rer intègres dans leur foi, soit sous les coups de la for­tune, soit dans un milieu qui met à leur por­tée tout ce à quoi le cœur pas­sion­né aspire, tout ce qu’il désire. Or une telle ten­ta­tive ne pour­ra jamais réussir.

Les obligations fondamentales de la loi morale

On deman­de­ra com­ment la loi morale, qui est uni­ver­selle, peut suf­fire, et même être contrai­gnante dans un cas sin­gu­lier, lequel en sa situa­tion concrète est tou­jours unique et d”« une fois ». Elle le peut et elle le fait, parce que jus­te­ment à cause de son uni­ver­sa­li­té la loi morale com­prend néces­sai­re­ment et « inten­tion­nel­le­ment » tous les cas par­ti­cu­liers, dans les­quels ses concepts se véri­fient. Et dans des cas très nom­breux elle le fait avec une logique si concluante, que même la conscience du simple fidèle voit immé­dia­te­ment et avec pleine cer­ti­tude la déci­sion à prendre.

Ceci vaut spé­cia­le­ment des obli­ga­tions néga­tives de la loi morale, de celles qui exigent un ne-​pas-​faire, un laisser-​de-​côté. Mais nul­le­ment de celles-​là seules. Les obli­ga­tions fon­da­men­tales de la loi chré­tienne, pour autant qu’elles excèdent celles de la loi natu­relle, se basent sur l’es­sence de l’ordre sur­na­tu­rel consti­tué par le divin Rédempteur. Des rap­ports essen­tiels entre l’homme et Dieu, entre l’homme et l’homme, entre les conjoints, entre les parents et les enfants, des rap­ports essen­tiels de com­mu­nau­té dans la famille, dans l’Église, dans l’État, il résulte, entre autres choses, que la haine de Dieu, le blas­phème, l’i­do­lâ­trie, la défec­tion de la vraie foi, la néga­tion de la foi, le par­jure, l’ho­mi­cide, le faux témoi­gnage, la calom­nie, l’a­dul­tère et la for­ni­ca­tion, l’a­bus du mariage, le péché soli­taire, le vol et la rapine, la sous­trac­tion de ce qui est néces­saire à la vie, la frus­tra­tion du juste salaire (cf. lac. 5, 4), l’ac­ca­pa­re­ment des vivres de pre­mière néces­si­té et l’aug­men­ta­tion injus­ti­fiée des prix, la ban­que­route frau­du­leuse, les manœuvres de spé­cu­la­tion injustes – tout cela est gra­ve­ment inter­dit par le Législateur divin. Il n’y a pas à exa­mi­ner. Quelle que soit la situa­tion indi­vi­duelle, il n’y a d’autre issue que d’obéir.

Du reste Nous oppo­sons à l”« éthique de situa­tion » trois consi­dé­ra­tions ou maximes. La pre­mière : Nous concé­dons que Dieu veut pre­miè­re­ment et tou­jours l’in­ten­tion droite ; mais celle-​ci ne suf­fit pas. Une autre : il n’est pas per­mis de faire le mal afin qu’il en résulte un bien (cf. Rom. 3, 8). Mais cette éthique agit – peut-​être sans s’en rendre compte – d’a­près le prin­cipe que la fin sanc­ti­fie les moyens. La troi­sième : il peut y avoir des situa­tions, dans les­quelles l’homme, et spé­cia­le­ment le chré­tien, ne sau­rait igno­rer qu’il doit sacri­fier tout, même sa vie, pour sau­ver son âme. Tous les mar­tyrs nous le rap­pellent. Et ceux-​ci sont fort nom­breux en notre temps même. Mais la mère des Macchabées et ses fils, les saintes Perpétue et Félicité mal­gré leurs nouveau-​nés, Maria Goretti et des mil­liers d’autres, hommes et femmes, que l’Église vénère, auraient-​ils donc, contre la « situa­tion », inuti­le­ment ou même à tort encou­ru la mort san­glante ? Non certes, et ils sont, dans leur sang, les témoins les plus exprès de la véri­té, contre la « nou­velle morale ».

Le problème de la formation de la conscience

Là où il n’y a pas de normes abso­lu­ment obli­ga­toires, indé­pen­dantes de toute cir­cons­tance ou éven­tua­li­té, la situa­tion « d’une fois » en son uni­ci­té requiert, il est vrai, un exa­men atten­tif pour déci­der quelles sont les normes à appli­quer et en quelle manière. La morale catho­lique a tou­jours et abon­dam­ment trai­té ce pro­blème de la for­ma­tion de la propre conscience avec exa­men préa­lable des cir­cons­tances du cas à déci­der. Tout ce qu’elle enseigne offre une aide pré­cieuse aux déter­mi­na­tions de conscience, tant théo­riques que pra­tiques. Qu’il suf­fise de citer les expo­sés, non dépas­sés, de saint Thomas sur la ver­tu car­di­nale de pru­dence et les ver­tus qui s’y rat­tachent (S. Th. II II p q. 47–57). Son trai­té montre un sens de l’ac­ti­vi­té per­son­nelle et de l’ac­tua­li­té, qui contient tout ce qu’il y a de juste et de posi­tif dans l” « éthique selon la situa­tion », tout en évi­tant ses confu­sions et dévia­tions. Il suf­fi­ra donc au mora­liste moderne de conti­nuer dans la même ligne, s’il veut appro­fon­dir de nou­veaux problèmes.

L’éducation chré­tienne de la conscience est bien loin de négli­ger la per­son­na­li­té, même celle de la jeune fille et de l’en­fant, et de jugu­ler son ini­tia­tive. Car toute saine édu­ca­tion vise à rendre l’é­du­ca­teur peu à peu inutile et l’é­du­qué indé­pen­dant entre les justes limites. Et cela vaut aus­si dans l’é­du­ca­tion de la conscience par Dieu et l’Église : son but est, comme le dit l’Apôtre (Eph. 4, 13, cf. 4, 14), l” « homme par­fait, à la mesure de la plé­ni­tude d’âge du Christ », donc l’homme majeur, qui a aus­si le cou­rage de la responsabilité.

Il faut seule­ment que cette matu­ri­té se situe au juste plan ! Jésus-​Christ reste le Seigneur, le Chef et le Maître de chaque homme indi­vi­duel, de tout âge et de tout état, par le moyen de son Église en laquelle il conti­nue d’a­gir. Le chré­tien, pour sa part, doit assu­mer la grave et grande fonc­tion de faire valoir dans sa vie per­son­nelle, dans sa vie pro­fes­sion­nelle, et dans la vie sociale et publique, autant qu’il dépend de lui, la véri­té, l’es­prit et la loi du Christ. C’est cela la morale catho­lique, et elle laisse un vaste champ libre à l’i­ni­tia­tive et à la res­pon­sa­bi­li­té per­son­nelle du chrétien.

Les dangers pour la foi de la jeunesse

Voilà ce que Nous vou­lions vous dire. Les dan­gers pour la foi de notre jeu­nesse sont aujourd’­hui extra­or­di­nai­re­ment nom­breux. Chacun le savait et le sait, mais votre mémoire est par­ti­cu­liè­re­ment ins­truc­tif à ce sujet. Toutefois Nous pen­sons que peu de ces dan­gers sont aus­si grands et mis­si lourds de consé­quences que ceux que la « nou­velle morale » fait cou­rir à la foi. Les éga­re­ments où conduisent de telles défor­ma­tions et de tels amol­lis­se­ments des devoirs moraux, les­quels découlent tout natu­rel­le­ment de la foi, mène­raient avec le temps à la cor­rup­tion de la source même. Ainsi meurt la foi.

Deux conclusions

De tout ce que Nous avons dit sur la foi, Nous tire­rons donc deux conclu­sions, deux direc­tives que Nous vou­lons vous lais­ser en ter­mi­nant, pour qu’elles orientent et animent toute votre action et toute votre vie de chré­tiennes vaillantes :

La pre­mière – la foi de la jeu­nesse doit être une foi priante. La jeu­nesse doit apprendre à prier. Que ce soit tou­jours dans la mesure et en la forme qui répondent à son âge. Mais tou­jours en ayant conscience que sans la prière il n’est pas pos­sible de demeu­rer fidèle à la foi.

La seconde – la jeu­nesse doit être fière de sa foi et accep­ter qu’il lui en coûte quelque chose ; elle doit dès la pre­mière enfance s’ac­cou­tu­mer à faire des sacri­fices pour sa foi, à mar­cher devant Dieu en droi­ture de conscience, à révé­rer ce qu’Il ordonne. Alors elle croî­tra comme d’elle-​même dans l’a­mour de Dieu.

Que la cha­ri­té de Dieu, la grâce de Jésus-​Christ et la par­ti­ci­pa­tion du Saint-​Esprit (cf. 2 Co 13, 13) soient avec vous toutes, Nous vous le sou­hai­tons avec la plus pater­nelle affec­tion. Et pour vous la témoi­gner, de tout Notre cœur Nous vous don­nons, à cha­cune de vous et à vos familles, à votre mou­ve­ment, à tous ses rameaux dans le monde entier, à toutes vos com­pagnes qui y adhèrent, la Bénédiction apostolique.

PIE XII, Pape.