Bulletin du Tiers-Ordre séculier pour les pays de langue française
Editorial du n° 37 d’octobre 2014 – Aux Sources du Carmel :
« Je ne meurs pas, j’entre dans la vie… » , abbé Dubroeucq
Cher frère, Chère sœur,
« Je ne meurs pas, j’entre dans la vie… » [Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, L. 244, in Thérèse de Lisieux. Œuvres complètes, Paris, Cerf-DDB, 2009, p.601]. Nous connaissons ces paroles de la sainte de Lisieux à Monsieur l’abbé Bellière, écrites le 9 juin 1897, moins de quatre mois avant son entrée dans l’éternité. Elles expriment bien la vision chrétienne de la mort qui est une nouvelle naissance. La foi profonde qui animait les premiers chrétiens leur faisait voir ainsi la mort ; c’est le jour de la naissance à la vie sans fin, dies natalis. Aussi, pour la plupart des saints, le jour de leur fête correspond-il au jour de leur entrée dans la vie éternelle.
« Vita mutatur, non tollitur, la vie est changée, elle n’est pas ôtée », nous dit la préface des défunts. En sommes-nous assez persuadés ? Que représente pour nous cette mutation, un gain ou une perte ? Saint Paul déclarait que pour lui « mourir [était] un gain. » [Phil.1, 21]. « Le pécheur, au contraire, redoute toujours la mort, note saint Jean de la Croix, car il prévoit qu’elle le privera de tous les biens et lui apportera tous les maux. David nous le déclare, poursuit-il, « la mort des pécheurs est affreuse ». [Ps.33, v.22]. Aussi, comme le remarque le Sage, « la pensée de la mort leur est amère ». [Si 41, 1]. Ils aiment passionnément la vie présente et fort peu la vie future : de là cette vive frayeur que la mort leur inspire. L’âme qui aime Dieu, au contraire, vit plus en l’autre vie qu’en celle-ci, parce que l’âme de l’homme vit plus là où elle aime que là où elle anime. » [Commentaire du Cantique Spirituel B, str.11, 11, in Jean de la Croix. Œuvres complètes, Paris, Cerf, 2004, p.1269].
« La mort ne saurait donc être amère à l’âme qui aime, puisqu’elle la comble de toutes les délices et de toutes les suavités de l’amour. Sa pensée ne peut l’attrister, puisqu’elle lui annonce la plénitude de la joie. La mort ne saurait lui paraître ennuyeuse et pénible, puisqu’elle est le terme de toutes ses peines, le commencement de son bonheur. Elle regarde la mort comme une amie et une épouse. Son approche la réjouit comme l’approche d’un jour de noces et d’épousailles. Elle en appelle le jour et l’heure avec plus d’ardeur que les rois de la terre n’appellent les sceptres et les empires.
C’est de la mort ainsi envisagée que le Sage a dit : « O mort, ton jugement est bon pour l’homme en proie à l’indigence » ! [Si 41,3[2]]. Si la mort est avantageuse à l’homme qui souffre de l’indigence, bien que, loin de soulager sa misère, elle le dépouille du peu qu’il possède, combien plus le sera-t-elle à l’âme altérée d’amour, à celle qui appelle à grands cris les accroissement de l’amour, puisque, loin de la dépouiller de ce qu’elle possède, elle lui apportera la plénitude d’amour qu’elle demande, avec le rassasiement de tous ses désirs ! […]
Elle sait qu’à l’instant où elle contemplera la beauté même, elle sera ravie en cette beauté, transformée en cette beauté, belle de cette beauté, riche des trésors de cette beauté.
Voilà pourquoi David nous déclare que « la mort des saints est précieuse devant le Seigneur » [Ps 115,15], ce qui ne serait pas si les saints n’entraient en participation des attributs de Dieu, car devant Dieu rien n’est précieux que ce qu’il est lui-même.
Ainsi donc, loin de craindre la mort, l’âme qui aime l’appelle de tous ses vœux. » [Saint Jean de la Croix, Commentaire du Cantique Spirituel B, str.11, 10, in Œuvres complètes, op. cit., p.1268–1269].
« Aussi pour de telles âmes la mort est-elle pleine de douceur et de suavité, et cette douceur surpasse toutes celles que la vie leur a jamais fait goûter. […] Tel le cygne, qui chante avec plus de douceur lorsqu’il va mourir.» [Saint Jean de la Croix, Vive Flamme d’Amour A, Commentaire str.1, 24, in Œuvres complètes, op. cit., p.1106–1107]. On voit ainsi sainte Thérèse de l’Enfant Jésus aller vers la mort avec une étonnante allégresse. Elle s’en explique à Monsieur l’abbé Bellière : « Que je suis heureuse de mourir !… oui je suis heureuse, non pas parce que je serai délivrée des souffrances d’ici-bas (la souffrance, au contraire, est la seule chose qui me paraît désirable en la vallée des larmes), mais parce que je sens bienque telle est la volonté du Bon Dieu. » [L. 244, in Œuvres complètes, op. cit., p.600].
« Un chrétien doit toujours être prêt à communier et à mourir », disait le général de Sonis, tertiaire du carmel. [Cité in abbé Gaston Courtois, Le sens chrétien de la mort, Paris, Éd. Fleurus, coll. « Feuillets de vie spirituelle », 1948, p. 32]. Le « soyez prêts » [Lc, XII, 40] sera d’autant plus observé que nous serons fidèles au « Je meurs chaque jour » [1 Cor., XV, 31], c’est-à-dire au renoncement quotidien, grâce auquel nous nous mettons à la suite de Jésus-Christ. « Oh ! si nous étions détachés de tout, si nous ne mettions notre satisfaction en rien de ce qui est ici-bas, comme la crainte de la mort serait tempérée par la douleur de vivre loin de Dieu, par le désir de jouir de la vie véritable ! » [Sainte Thérèse de Jésus, Livre de la vie, ch.21, 6, in Thérèse d’Avila. Œuvres complètes, Paris, Cerf, 1995, p. 155].
Puissions-nous, chers tertiaires, entrer dans les dispositions de ces saints de l’Ordre, regardant la mort comme un gain, sans la craindre, et en nous y préparant chaque jour par notre fidélité à accomplir avec joie et amour la sainte volonté de Dieu sous le regard de la Reine du Carmel.
† Je vous bénis.
Abbé L.-P. Dubrœucq †
Retraites carmélitaines
Retraites carmélitaines Retraites mixtes (hommes et dames),ouvertes principalement aux tertiaires du carmel mais aussi aux personnes intéressées par la spiritualité du carmel. Inscriptions auprès de M. l’abbé Dubroeucq au prieuré de Gastines tél : 02 41 74 12 78 Tél : au prieuré Saint Louis-Marie Grignon de Montfort, 49380 Faye d’Anjou ou au 06 16 80 63 17 |