Bulletin du Tiers-Ordre séculier pour les pays de langue française
Editorial du n° 40 d’octobre 2015 – Aux Sources du Carmel :
5° centenaire de la naissance de notre sainte Mère Thérèse, abbé Dubroeucq
Cher frère, Chère sœur,
En cette année jubilaire en l’honneur du cinquième centenaire de la naissance de sainte Thérèse de Jésus, nous sommes heureux de vous offrir ce numéro spécial.
Ce sont des problèmes d’Église qui ont eu un rôle déterminant dans l’œuvre accomplie par la grande réformatrice du Carmel. Sans doute, dès sa jeunesse religieuse, la rencontre émouvante du prêtre de Becedas lui avait-elle ouvert les yeux sur l’importance de prier pour la sanctification des prêtres.
Mais ce sont deux faits d’Église qui eurent sur elle une influence décisive.
Elle raconte au chapitre premier du Livre des Fondations ce que fut la rencontre du Père Maldonado, franciscain, missionnaire qui rentrait des « Indes ». « Il se mit à me parler des millions d’âmes qui se perdaient dans ces contrées, faute d’instruction religieuse. » [Thérèse d’Avila. Œuvres complètes, Paris, Cerf, 2010, p. 445–446, 7]. Le besoin de l’Église est clair. L’appel vient de tout un continent en perdition. De plus, l’expérience faite à l’Incarnation d’Avila ne montre-t-elle pas à sainte Thérèse que bien des âmes pourraient servir plus généreusement le Seigneur et qu’en fait elles suivent la routine de leur milieu relâché ? [Vie, ch. 32, 7, in Œuvres complètes, op. cit., p.250–251].
Le chapitre premier du Chemin de Perfection est plus expressif encore : « J’appris les calamités qui désolaient la France, les ravages qu’y avaient faits les malheureux luthériens, les accroissements rapides que prenait cette secte désastreuse. J’en éprouvai une douleur profonde. » [Œuvres complètes , op. cit., p.699, 2].
D’un côté les appels de l’Église missionnaire, de l’autre les dangers qui, du dedans, menacent l’Église. Des deux côtés ce sont des besoins d’Église qui deviennent les « affaires » mêmes des Carmélites, sous peine d’infidélité à leur vocation.
Ces besoins et ces appels de l’Église, comment ne les ressentirait-elle pas à l’heure où nous sommes ? Ne nous demande-t-elle pas de l’écouter et de l’imiter afin d’y répondre avec une grande générosité ?
Au moment où vivait sainte Thérèse, le danger qui, de l’intérieur, menaçait l’Église était le protestantisme. Le monde dans lequel nous vivons n’en est plus au point de s’arrêter à une hérésie particulière, c’est-à-dire à un choix parmi les vérités de la foi ; il nie purement et simplement toutes les vérités de la foi. Nous vivons dans un monde menacé par un paganisme universel, plus ou moins étayé par le progrès technique. L’homme, désormais capable de résoudre lui-même tous ses problèmes, est devenu Dieu à ses propres yeux. Et ce n’est plus seulement une partie de l’Europe qui est menacée dans l’intégrité de sa foi, c’est le monde entier, qui semble étranger à la foi.
Il est précieux d’évoquer la manière dont sainte Thérèse, ayant pris conscience du danger intérieur qui menaçait l’Église, et des besoins de son expansion missionnaire, y a répondu de la seule façon qui puisse avoir une efficacité universelle.
Et pourtant ses moyens d’intervenir en faveur de l’Église étaient bien plus limités qu’ils ne le seraient aujourd’hui. Car au XVIème siècle l’apostolat par la plume était une chose à peu près irréalisable d’une façon ordinaire par une moniale. Que pouvait-elle donc faire, elle, simple religieuse, dans son couvent, au fond de la Castille, parmi cent cinquante religieuses ?
C’est ici que se situe l’intuition essentielle de sa Réforme. Elle est née de la perspective des besoins de l’Église et en même temps de ce qui est l’âme de la spiritualité carmélitaine, depuis la Règle de saint Albert de Jérusalem en 1210 : non pas d’abord agir, ni même écrire, mais rechercher l’intimité avec le Seigneur aussi bien au sein de la prière liturgique que dans le silence de l’oraison. Elle a senti que le danger le plus immédiat de l’Église n’était pas la seule Réforme protestante. Les pages du début du Chemin montrent qu’elle a mesuré combien les abus réels qui ternissaient la beauté de l’Église constituaient un danger plus profond, au point qu’ils servaient d’aliment à la Réforme protestante.
Elle a pris conscience de l’exigence de la spiritualité carmélitaine, réalisée comme au rabais autour d’elle, et, par une réforme faite dans l’obéissance, elle a remédié aux désordres réels de l’Église dans la mesure où il dépendait d’elle d’y remédier, et elle a répondu ainsi aux fausses solutions de la Réforme faite sans l’Église et contre Elle.
L’histoire de l’Église montre combien la Réforme de sainte Thérèse a été à l’origine d’un puissant mouvement missionnaire et combien elle a réalisé dans la fidélité de l’Église, l’appel à une authentique religion intérieure qui était incluse dans la Réforme protestante.
Cette intuition centrale de la sainte demeure valable en face des appels de l’Église actuelle et des besoins du monde moderne. La tâche de l’Église est immense, elle a des proportions écrasantes et les conditions dans lesquelles elle doit y faire face la rendent particulièrement difficile et parfois impossible.
C’est pourtant au milieu de difficultés analogues que sainte Thérèse réalisa son œuvre, positive et féconde. C’est en imitant son attitude que nous pourrons apporter à l’Église les ressources qu’elle attend de nous, soit en face du problème missionnaire, soit en face du paganisme matérialiste qui nous entoure.
Car c’est au fond un même problème qui se pose, celui de transmettre la foi catholique dans son intégrité aux âmes éloignées de l’Église. Et c’est le monde moderne tel qu’il est qu’il nous faut assumer. C’est lui qu’il nous faut sauver. Saint Augustin reprochait déjà aux chrétiens d’Hippone leur manque d’ambition apostolique.
Mais cela suppose qu’il y ait dans l’Église des réserves de chrétiens possédant une foi vivante, capables d’assumer ce monde moderne à l’exemple de sainte Thérèse qui posa, sur le monde qui l’entourait, un regard de foi lucide. Elle invite les âmes à se nourrir de Jésus-Christ : « Celui qui croit en moi, dit Jésus, des fleuves d’eau vive couleront de son sein. Il dit cela de l’esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en Lui. » [Jn 4, 38] et encore : « L’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source jaillissant pour la Vie Éternelle. » [Jn 4, 14].
Rien ne peut mieux définir le rôle de l’idéal du Carmel dans l’Église, l’idéal de ceux et de celles qui sont consacrés à vivre exclusivement le mystère de l’intimité avec le Seigneur.
Nous retrouvons ici l’intuition essentielle de sainte Thérèse qui est rapportée dans le chapitre premier du Chemin de Perfection. Ceux et celles qui sont dépositaires de l’héritage de la sainte Mère, doivent fournir aux apôtres ces réserves d’intériorité, ce sens de Dieu, cette intelligence du mystère du Christ.
Pour qui croit aux richesses insondables de la sagesse de Dieu et aux trésors inépuisables du mystère du Christ, il y a quelque chose d’exaltant à vivre une époque comme la nôtre. Quel bel idéal que celui qui consiste à consacrer toutes ses forces, à aider les prêtres à bien vivre cette vocation missionnaire auprès des âmes de bonne volonté.
Forts de l’exemple que nous donne sainte Thérèse de Jésus dans l’œuvre de la Réforme du Carmel, prions-la d’intercéder auprès de saint Joseph en faveur de l’Épouse du Christ et de tous ceux qui poursuivent l’œuvre missionnaire à travers le monde, pour la plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes.
†Je vous bénis.
Abbé L.-P. Dubrœucq
Retraites carmélitaines
Retraites carmélitaines Retraites mixtes (hommes et dames),ouvertes principalement aux tertiaires du carmel mais aussi aux personnes intéressées par la spiritualité du carmel. Inscriptions auprès de M. l’abbé Dubroeucq au prieuré de Gastines tél : 02 41 74 12 78 Tél : au prieuré Saint Louis-Marie Grignon de Montfort, 49380 Faye d’Anjou ou au 06 16 80 63 17 |