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Par un décret du 21 janvier 2009, la Congrégation pour les Evêques, en vertu de facultés expressément accordées par le Saint-Père, a levé l’excommunication qui pesait sur les quatre évêques ordonnés sans mandat pontifical, par Monseigneur Marcel Lefebvre, le 30 juin 1988.
Cette décision suscite un certain émoi, non seulement dans la communauté catholique, mais aussi parmi les membres d’autres confessions religieuses et jusque dans la société civile.
Que signifie ce décret ? Qu’est-ce qui justifie cette décision ? A quoi cela nous engage-t-il ?
1) Faisons d’abord un peu d’histoire. L’établissement d’une excommunication « latae sententiae », c’est-à-dire « automatique », à l’encontre des évêques qui transmettraient l’épiscopat sans mandat pontifical et de ceux qui bénéficieraient de cette transmission, a été décidée par Pie XII dans le cadre de la crise suscitée par l’Eglise Patriotique de Chine. Etendue à toute l’Eglise, elle visait à l’origine les évêques nommés par le gouvernement chinois sans l’accord du Siège Apostolique. Elle concerne l’évêque consécrateur et les évêques ordonnés par lui.
Le 30 juin 1988, Monseigneur Lefebvre ayant conféré l’épiscopat à Bernard Fellay, Bernard Tissier de Mallerais, Richard Williamson et Alfonso de Galarreta, contre l’avis de Jean-Paul II et à « fortiori » sans mandat pontifical, il a encouru cette peine avec les évêques qu’il a consacrés. Cela leur a été notifié par un décret de la Congrégation pour les Evêques dès le 1er juillet 1988. Cette excommunication n’est pas le résultat d’un procès canonique instruit contre les enseignements de la Fraternités Saint Pie X ou contre les opinions de ses membres, elle est la sanction de l’acte accompli par Monseigneur Lefebvre le 30 juin 1988.
Vingt ans plus tard, le Pape décide de « lever » cette excommunication.
En agissant ainsi, Benoît XVI ne désavoue pas Jean Paul II. Il répond à une situation nouvelle. Il n’ « annule » pas l’excommunication, il ne dit pas qu’elle n’a jamais existé ou qu’elle était infondée, il lève ses effets pour l’avenir. Bien plus, il continue à travailler à la réduction de la fracture, mission dont Jean-Paul II l’avait chargé quand il était Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.
La levée de l’excommunication ne résout ni les problèmes de fond relatifs à la réception du Concile Vatican II, ni la situation canonique de la Fraternité Saint Pie X. Elle n’est pas une approbation des pratiques ou des idées véhiculées par cette Fraternité ou tel ou tel de ses membres. Elle est un acte de miséricorde évangélique destiné à favoriser un climat de dialogue pour avancer vers l’unité. Elle ne nie pas les problèmes, elle invite à travailler à les résoudre. Elle ne constitue pas un désaveu du Concile Vatican II, elle est une incitation à approfondir ses enseignements.
2) Le Pape a été amené à prendre cette mesure de clémence à la suite des demandes réitérées de Monseigneur Fellay, supérieur de la Fraternité Saint Pie X. Dans la dernière en date qui remonte au 15 décembre 2008, il affirme entre autre « nous sommes toujours fermement déterminés dans notre volonté de rester catholiques et de mettre toutes nos forces au service de l’Eglise… Nous acceptons son enseignement dans un esprit filial. Nous croyons fermement à la Primauté de Pierre et à ses prérogatives et c’est pour cela même que nous souffrons tant de l’actuelle situation ».
Le Pape a été touché par cette attitude et par la volonté exprimée dans la lettre citée, de ne ménager aucun effort pour approfondir dans le dialogue les questions qui restent en suspens.
Plus largement, le ministère du Pape dans l’Eglise est celui de l’unité, et nous savons, depuis le début de son Pontificat, combien Benoît XVI est habité par ce souci.
Dans le cadre des avancées remarquables du dialogue œcuménique avec les Eglises Orthodoxes, et les recherches d’une normalisation des relations avec l’Eglise de Chine, le cas de la Fraternité Saint Pie X reste une plaie béante au côté de l’Eglise.
Quand on analyse à posteriori les causes des divisions historiques qui défigurent l’Eglise du Christ, on a souvent l’impression, que, dès le départ, chacun s’étant enfermé dans ses propres certitudes ou son bon droit, tout n’a pas été fait pour préserver le bien précieux de l’unité. Après, on entre dans la logique de la dérive des continents : les années qui passent accentuent l’éloignement et rendent le retour à l’unité de plus en plus improbable. C’est cette logique que Benoît XVI cherche à contrer. Quelle que soit la distance qui reste à parcourir sur le chemin de la rencontre, le Pape a voulu faire le premier pas en donnant un signe fort qui ne relève que de son autorité.
3) La volonté de servir l’unité au niveau de l’Eglise universelle manifestée par le Saint Père nous invite à cultiver la communion au sein de nos communautés respectives, dans nos paroisses, nos groupes, nos mouvements, à surmonter les causes de discordes , à éviter les paroles blessantes et les classifications sommaires. Elle nous appelle à avoir une posture d’accueil et à manifester une aptitude au dialogue. Le dialogue suppose, en tout état de cause, le désir sincère de rechercher la vérité pour elle-même dans un souci constant de formation et de conversion. Les évêques de la Fraternité Saint Pie X ne pourront pas échapper à cette exigence s’ils souhaitent véritablement retrouver la pleine communion de l’Eglise : l’unité ne peut se construire que dans la vérité et la charité. Le dialogue suppose le sérieux des interlocuteurs et de leurs arguments. Il n’est compatible ni avec les outrances, ni avec les mensonges, ni avec les déformations de l’histoire, ni avec les réductions idéologiques. Il est bien évident que nous ne pouvons que condamner les propos négationnistes de Monseigneur Williamson, ils ne sont pas de bon augure pour la sérénité des débats, on se demande d’ailleurs, comment de tels propos peuvent être tenus par des disciples de Monseigneur Lefebvre, alors même que le père de ce dernier, résistant de la première heure, est mort en déportation, au camp de Sonnenburg en Pologne, victime de la barbarie nazie.
Certes, nous pouvons supposer que le chemin vers la rencontre et la pleine unité sera long et parsemé d’embûches, mais nous ne pouvons pas désespérer par principe de l’œuvre de l’Esprit Saint dans les cœurs des croyants. N’essayons pas de ressembler au frère aîné de l’enfant prodigue, mais guettons son retour et veillons dans la prière en communion avec le Père qui l’attend.
+ Raymond CENTENE , Evêque de VANNES