Le quotidien « Présent » parle des ordinations du lundi 29 juin 2009 à Ecône

Jeanne SMITS

Présent du samedi 4 juillet 2009

Un obser­va­teur exté­rieur ne s’y serait sans doute pas atten­du : à la céré­mo­nie des ordi­na­tions dia­co­nales et sacer­do­tales qui s’est dérou­lée le lun­di 29 juin à Ecône, en la fête des saints Pierre et Paul, les pre­miers mots de l’homélie de Mgr Fellay furent pour citer une ini­tia­tive de Benoît XVI. Le Saint-​Père vient d’ouvrir une « année sacer­do­tale » pla­cée sous le signe du saint Curé d’Ars et du saint Padre Pio : le jour même de l’annonce, sou­li­gna Mgr Fellay, se réjouis­sant de cette déli­ca­tesse de la Providence, plu­sieurs prêtres étaient ordon­nés aux Etats-​Unis au sein de la Fraternité Saint-​Pie X. Avec les huit nou­veaux ordi­nands d’Ecône, le total des nou­veaux prêtres « pour l’Eglise » dans cette Fraternité et par­mi ses socié­tés amies dépasse la trentaine[NDLR : voir aus­si les ordi­na­tions à Zaitzkofen]. Pour l’Eglise, oui, car c’est elle, l’Eglise une et sainte, qui a besoin de prêtres pour répandre et com­mu­ni­quer Jésus.

On s’attendait – la rumeur cou­rait ! – de la part de Mgr Fellay à une annonce fra­cas­sante, à une nou­veau­té pro­cla­mée pour l’occasion. Il n’en fut rien. La ten­sion, s’il y en avait une, était celle d’une concen­tra­tion très inté­rieure sur ce moment ter­rible et gran­diose qu’est la créa­tion de nou­veaux prêtres pour l’éternité, et l’engagement sans retour des nou­veaux jeunes diacres désor­mais ten­dus vers ce but. L’évêque, affable et sou­riant d’ordinaire, était inten­sé­ment sérieux. Malgré la lon­gueur de la céré­mo­nie – plus de quatre heures dans la cha­leur méri­dio­nale du Valais ; mal­gré le cadre aus­si soi­gné que pos­sible, mais tout de même pas dans une cathé­drale… Dans la sobrié­té et l’inconfort d’une tente absor­bant le soleil cani­cu­laire de ce début d’été.

Le prêtre est fait pour accep­ter d’aimer et de souf­frir avec le Christ. Pour accep­ter chaque jour à nou­veau la Croix de Notre-​Seigneur, cette Croix sans laquelle il n’y aurait ni Rédemption, ni Résurrection. Ce fut là le mes­sage cen­tral adres­sé par Mgr Fellay à la dizaine de nou­veaux diacres, aux huit nou­veaux prêtres qu’il s’apprêtait à ordon­ner « pour l’Eglise ». « Je vous en sup­plie, dit-​il aux ordi­nands, si vous n’êtes pas prêts à cela, par­tez main­te­nant ; ne res­tez pas là. » Cette exi­gence du don, cette dis­po­ni­bi­li­té à ne plus rien recher­cher de per­son­nel mais à vou­loir être en toute chose l’instrument de Notre-​Seigneur, à la manière de la plume sans laquelle l’artiste ne peut écrire son poème, doit por­ter le prêtre à accueillir chaque âme, sans excep­tion, afin de la conduire à Jésus.

On cher­che­ra là en vain la « petite phrase » à sen­sa­tion, la nou­veau­té jour­na­lis­tique, la polé­mique en un mot. Mais il n’y a rien de plus neuf ni de plus effi­cace dans notre pauvre vieux monde. Et peut-​être ces paroles-​là sont-​elles aujourd’hui mieux enten­dues dans l’Eglise que naguère. La grâce du Motu pro­prio et la levée des excom­mu­ni­ca­tions des quatre évêques ordon­nés par Mgr Lefebvre en 1988 aidant, il n’y avait, lun­di à Ecône, pas seule­ment des fami­liers de la « mou­vance » mais aus­si quelques jeunes prêtres ou reli­gieux venus d’ailleurs, qui se sen­taient par­fai­te­ment en phase avec ce discours.

Qui dira l’émotion intense que pro­voquent ces moments litur­giques si char­gés de sens et de signi­fi­ca­tion, fruit d’une sagesse qui dépasse les vues humaines, solen­nelle dans sa langue et son décor, mais si concrète dans ses sym­boles et ses rites ? La puis­sance de la forme « extra­or­di­naire » des sacre­ments s’y révèle plei­ne­ment : jamais on n’est heur­té par une insi­gni­fiance, une hyper­bole mal­en­con­treuse, une pau­vre­té d’expression, un chant niais ou un manque de dignité.

Ce qui frap­pait, lun­di à Ecône, c’était la sobrié­té, la séré­ni­té, la sim­pli­ci­té, le carac­tère pai­sible d’une céré­mo­nie qui se vou­lait à l’évidence plei­ne­ment ins­crite dans l’Eglise et qui par cette séré­ni­té même, sem­blait appe­ler de nou­veaux « ponts ». Les très nom­breux fidèles, familles, amis venus par­fois de bien loin pour assis­ter, dans un recueille­ment impres­sion­nant, aux ordi­na­tions, ne la démen­taient d’ailleurs pas. Devant Notre Seigneur, tout s’efface. La vie est remise en pers­pec­tive. Comme l’illustrait le regard de ces deux nou­veaux diacres qui, à peine ordon­nés, se virent confier la charge et sur­tout l’inconcevable hon­neur de por­ter Jésus Lui-​même, les Hosties consa­crées pour la pre­mière fois confiées à leurs mains, depuis la prai­rie des ordi­na­tions jusqu’à l’église du sémi­naire. A jamais non plus les ser­vi­teurs du Christ, mais ses amis…

JEANNE SMITS

Article extrait du n° 6875 du Samedi 4 juillet 2009