Jésus parle en religieux : tout est miroir des perfections divines, tout est à Dieu, tout dans l’homme doit être reconnaissance de la grandeur, de la bonté et de la providence bienveillante de Dieu.
Quand Jésus monte à Jérusalem pour la première Pâque de son ministère, Il va tout de suite au Temple, la Maison de son Père. Il y va pour prier… Si la prière consiste à passer sa vie dans la Vie de Dieu, la naissance humaine de Jésus ne l’a pas éloignée de cette prière qu’Il connait depuis toute éternité en la Très Sainte Trinité. Pour Notre-Seigneur, le Père est tout et sa vie humaine est la manifestation et l’exemple de l’acte religieux.
Au contraire des pharisiens de son temps et de nos prophètes modernes, l’enseignement de Notre Seigneur n’est ni habile, ni truqué. Il n’est ni dans la représentation, ni dans le théâtral. S’Il monte à Jérusalem, c’est d’abord pour se rendre au Temple, pour son Père.
Si la spontanéité religieuse du divin Maître impressionne saint Jean, notre évangéliste remarque la simplicité : Jésus monte au Temple aussi simplement qu’Il parle aux hommes des lis des champs. Il ne donne pas de leçon, Il prêche par son exemple, un exemple, sans démonstration pompeuse, sans mise en scène : le Fils du Très Haut monte au Temple, dans la Maison de son Père.
Il en sera ainsi tout au long de sa vie publique. La religion qu’Il prêche de tout son être n’est ni compliquée, ni moralisatrice. Le résultat est immédiat : les hommes Le suivent et Le comprennent… jamais Il ne mettra un désert désespérant de lois et de préceptes entre Lui et son Père.
La plupart du temps, Il fera entendre sa voix en plein air, sur le versant d’une colline, au bord d’un lac, sur une montagne en faisant assoir la foule sur un vert tapis d’herbe. Son enseignement est aussi doux aux auditeurs individuels qu’aux foules ravies.
Mais attention, Jésus ne cherche pas à plaire. On le lui reprochera cependant. Mais ceux qui l’accusent d’être un séducteur n’ont vu que ces foules qui désertaient leurs synagogues, ils ne L’ont pas écouté.
Notre-Seigneur prêche la Royauté de son Père, et par redondance la sienne propre. Ce n’est pas un libéral qui cherche à contenter l’homme par un humanisme complaisant : Il n’a pas le culte de l’homme, Il n’a que le culte du Père. Ce n’est pas la liberté de l’homme qu’Il est venu servir.
Un jour, à l’entrée du Temple, illuminé de ses chandeliers et de ses torches des pinacles, Il dit à ses disciples, « je suis la lumière du monde ». Aucune composition possible : Il est la Lumière. Il faut donc à l’homme cesser d’entrevoir la religion en fonction de lui-même, de ses aspirations naturelles, aussi légitimes qu’elles pourraient être. Notre-Seigneur, Lumière du monde, est venu illuminer nos ténèbres.
« Regardez l’oiseau du ciel… » Qui oubliera jamais le jour où le regard de Jésus s’arrêta sur le vol d’un oiseau au dessus de sa tête, puis sur un lis à ses pieds ? Voici qu’Il cueille cette fleur. Cette fleur, nous dit-Il, pousse sans travailler et sans tisser. Et soudain, Il élève l’esprit de ses auditeurs de cette plante insignifiante aux héros et aux couleurs éclatantes de leurs palais : « Salomon lui-même dans toute sa gloire n’était pas vêtu comme l’un de ces lis ». Finalement, et c’est le troisième acte de sa leçon de religion, Il froisse la fleur, Il la réduit en poussière sous le regard de son auditoire… « Si l’herbe des champs qui fleurit aujourd’hui pour être jetée au feu demain est ainsi vêtue par mon Père… combien plus le serez-vous, homme de peu de foi ! ».
Il n’est pas dans l’Évangile de pensée jusqu’aux leçons tirées de la nature et des petits incidents de la vie, qui ne soit imprégné de cette pensée religieuse. La religion, c’est un acte intransigeant de justice qui rend à Dieu ce qui Lui est dû. Et Jésus est Le Religieux par excellence… mieux, Il en est l’unique Prêtre. Alors, lorsqu’Il parle aux hommes, Il parle en religieux : tout est miroir des perfections divines, tout est à Dieu, tout dans l’homme doit être reconnaissance de la grandeur, de la bonté et de la providence bienveillante de Dieu.
Nous baignons dans un humanisme libéral depuis tellement longtemps, que nous avons pris l’habitude de limiter la vie religieuse à un contentement et à un épanouissement personnel, que nous en avons oublié que l’acte religieux était de rendre à Dieu ce qui lui est dû. La tentation est forte pour l’homme de toujours tout rapporter à lui, mais cette tentation est ténèbres. C’est l’inversion du catholicisme libéral, du personnalisme chrétien. Même le culte le plus vénérable peut-être corrompu par cet humanisme païen.
Ce n’est pas en humaniste libéral que Jésus parle aux hommes. Non, quand Il monte à Jérusalem, Il va directement au Temple. Dieu premier servi.